1 Pour la fin. Psaume-cantique de David.
2 Lorsque j'invoquais, le Dieu de ma justice m'a exaucé. Dans la tribulation tu m'as mis au large. Aie pitié de moi, et exauce ma prière.
3 Fils des hommes, jusques à quand aurez-vous le coeur appesanti ? Pourquoi aimez-vous la vanité, et cherchez-vous le mensonge ?
4 Et sachez que le Seigneur a fait merveille pour son saint : le Seigneur m'exaucera, lorsque je crierai vers lui.
5 Irritez-vous et ne péchez pas ; ce que vous dites dans vos coeurs, repassez-le avec componction sur vos couches.
6 Offrez un sacrifice de justice, et espérez dans le Seigneur.
Beaucoup disent : Qui nous montrera les biens ? 7a La lumière de ton visage a été gravée sur nous, Seigneur.
7b Tu as mis la joie dans mon coeur. 8 Ils se sont multipliés par la récolte de leur froment, de leur vin et de leur huile.
9 En paix tout à la fois je m'endormirai et je reposerai. 10 Parce que toi, Seigneur, tu m'as établi tout particulièrement dans l'espérance.
1 Pour la fin. Psaume-cantique de David.
Dans le psaume précédent David implorait dans sa prière le secours de Dieu ; se voyant exaucé, il exhorte maintenant les autres à mettre leur confiance en Dieu. Ce psaume exprime le sentiment de l'homme qui, ayant fait l'expérience de la miséricorde divine, de ses bienfaits et de sa justice, exhorte les autres à ne point désespérer. Son titre est : Pour la fin. Psaume-cantique de David. Dans ce titre, il convient d'examiner deux termes qui se retrouveront tout au long du psautier, à savoir l'expression psaume-cantique. Puis le terme Pour la fin. Au sujet de la première expression on notera donc que David, selon ce qui est écrit au deuxième livre des Rois, composait un psaume et le chantait devant l'arche en s'accompagnant du psaltérion. On emploie donc le mot psaume, parce qu'il est chanté avec le psaltérion, et non sans le psaltérion. Pour certains psaumes cependant il sera intitulé psaume de David, pour signifier qu'il doit être accompagné du psaltérion. Pour d'autres psaumes on l'intitulera cantique de David, parce qu'il était chanté sans instrument. Pour d'autres encore, il sera intitulé psaume-cantique de David, ou vice versa, parce que ce psaume était en même temps chanté et en même temps joué sur le psaltérion. Cependant pour certains psaumes, un ou plusieurs chantres débutaient en chantant, et un autre répondait avec le psaltérion ; et ces psaumes sont intitulés cantiques-psaumes. Mais pour d'autres un seul chantait le psaume avec le psaltérion, et les autres répondaient sans l'accompagnement du psaltérion : et ces psaumes sont intitulés psaume-cantique. Et telle est la différence qu'il y a entre ces termes au sens littéral ; mais au sens mystique et selon la Glose, le mot psaume signifie une bonne action, mais le mot cantique l'exultation de l'âme possédée par les réalités éternelles. Cependant lorsqu'on rencontre ces deux mots à la fois dans le même psaume, cela signifie qu'il traite de l'une et de l'autre. Mais quand il dit : Pour la fin, si l'on considère cette expression en la rapportant à la réalité figurée par le psaume, il s'agit évidemment du sens ultime, c'est-à-dire du Christ : « La fin de la loi est le Christ, pour justifier tout croyant. » Mais si l'on considère l'expression Pour la fin selon le sens figuré, on peut comprendre qu'on chantait pour célébrer la fin de la libération de David qui fut persécuté par Absalom, autrement dit sa victoire. D'autres intitulent le psaume : « Au vainqueur », c'est-à-dire à David vainqueur en psaumes, car il l'emportait sur tous dans l'art de composer des psaumes. Mais il n'est pas évident que ce soit vrai.
Ce psaume se divise en deux parties.
I) En effet le psalmiste commence d'abord par une action de grâces pour les bienfaits reçus ; aussi dit-il : Lorsque j'invoquais, etc.
Il) Ensuite il conclut en exhortant les autres à se tourner vers Dieu : Fils des hommes, etc.
2 Lorsque j'invoquais, le Dieu de ma justice m'a exaucé. Dans la tribulation tu m'as mis au large. Aie pitié de moi, et exauce ma prière.
I. Son action de grâces porte sur deux sortes de bienfaits.
A) En effet, il rend grâces d'abord pour les bienfaits passes.
B) Ensuite il prie pour les bienfaits futurs : Aie pitié de moi, etc.
A. À l'égard des biens passés, il rend grâces d'abord parce qu'il a été exaucé ; puis il montre comment il a été exaucé :
Dans la tribulation, etc.
Il faut noter que ce verset a une double version. L'une lit : « Il m'a exaucé » ; l'autre porte : « Tu m'as exaucé » ; et une version de Jérôme concorde avec cette dernière. Telle n'est pas cependant la portée du mot. Ainsi le psalmiste dit-il : Lorsque j'invoquais, [tu] m'as exaucé, etc. À cet égard quatre choses sont à prendre en considération.
Le psalmiste expose d'abord la prière et son exaucement ; aussi dit-il : [Tu] m'as exaucé. Mais il ne l'a pas exaucé sans qu'il ne crie ; c'est pourquoi il dit : Lorsque j'invoquais, ce qui signifie implorer le secours dans la nécessité : « Lorsque j'étais dans la tribulation, vers le Seigneur, j'ai crié et il m'a exaucé. » Il est aussi requis qu'il soit juste : car s'il exauce les pécheurs, c'est en vertu de sa miséricorde, non de sa justice ; et c'est pourquoi il dit : de ma justice. Selon la Glose : de ma justice, c'est-à-dire l'auteur de ma justice ou de ma justification. - « Les yeux du Seigneur sont sur les justes. » Autrement dit : ce qui est premier, c'est que l'homme attribue sa propre justice à Dieu et non à lui ; et c'est pourquoi il dit : Dieu. C'est contre cette attitude que Paul s'élève dans son épître aux Romains : « Ignorant la justice de Dieu, et cherchant à établir la leur, ils ne sont pas soumis à la justice de Dieu. » L'homme doit donc d'abord attribuer son propre bien à Dieu, ensuite avoir la justice, puis crier, enfin être exaucé.
B. La manière dont il est exaucé sera décrite lorsqu'il dit : Dans la tribulation. Il dit : m'a exaucé, et : m'as mis au large, soit parce que ce psaume a peut-être été composé en vers, ce qui nécessite un changement dans l'ordre de la construction à cause du mètre, soit parce que suivant le mode de prière, l'homme change sa manière de s'exprimer selon ses diverses affections. Mais il dit : Dans la tribulation tu m'as mis au large, car tu m'as davantage mis au large que libéré, autrement dit : non seulement tu m'as libéré, mais dans la tribulation elle-même tu m'as accordé la dilatation du coeur : « Tu as élargi mes pas sous moi, et mes pieds n'ont point défailli. » Ou bien la dilatation de l'âme pour souffrir avec patience, ou bien l'étendue du pouvoir à propos de laquelle il est écrit dans la Genèse : « Que Dieu donne de l'espace à Japhet. » Ensuite il dit : Aie pitié de moi, c'est-à-dire en écartant tout ce qui subsiste de l'épreuve passée, et exauce[-moi], moi qui prie pour les biens futurs.
3 Fils des hommes, jusques à quand aurez-vous le coeur appesanti ? Pourquoi aimez-vous la vanité, et cherchez-vous le mensonge ?
II. Ensuite lorsqu'il dit : Fils des hommes, etc., il se tourne vers les autres pour les exhorter ; et à cet égard il accomplit deux choses.
A) Il commence par blâmer les pécheurs.
B) Ensuite il les exhorte à se corriger :
Et sachez, etc.
A. En blâmant les pécheurs il rappelle
1) D'abord leur condition.
2) Ensuite il reprend leur faute : Pourquoi aimez-vous, etc. ?
1. Il rappelle leur condition en disant :
Fils des hommes. Ce qui peut se comprendre de deux manières :
a. D'abord en mal. Ainsi dit-il : Fils des hommes, en tant qu'ils sont corruptibles et enclins à pécher selon leur nature inférieure : « Mon esprit ne demeurera pas toujours dans l'homme puisqu'il est chair. » Et encore : « Le sentiment et la pensée de l'homme sont inclinés au mal dès sa jeunesse. » Donc Fils des hommes pour dire : vous vous montrez fils des hommes, c'est-à-dire pécheurs, à savoir fils d'Ève et d'Adam : jusques à quand aurez-vous le coeur appesanti ? - « Malheur à la nation pécheresse, au peuple accablé par l'iniquité, à la race perverse, aux enfants scélérats ; ils ont abandonné le Seigneur, ils ont blasphémé le Saint d'Israël, ils sont retournés en arrière. »
b. Ensuite en bien. Parce que l'homme en tant qu'homme est l'image de Dieu ; aussi dit-il : Fils des hommes, non des bêtes : « L'homme, lorsqu'il était en honneur, n'a pas compris : il a été comparé aux animaux sans raison, et il est devenu semblable à eux. » Et : le coeur appesanti, c'est-à-dire parce que vous devez avoir un coeur grand et ferme ; jusques à quand vous ne vous convertirez pas à Dieu ? Et c'est bien ce que lit la version iuxta Hebraeos de Jérôme : « Filii viri, usquequo inclyti mei ignominiose diligitis vanitatem, quaerentes mendacium (Fils d'homme, jusques a quand, mes enfants illustres, aimerez-vous honteusement la vanité, en cherchant le mensonge ?). »
2. Et ainsi, comme il sied, le psalmiste blâme leur faute : Pourquoi aimez-vous, etc. ? Or dans le péché deux choses sont à prendre en considération : la volonté s'attachant à l'objet, et l'intention déterminée.
Il traite d'abord de l'amour désordonné quand il dit : Pourquoi aimez-vous la vanité ?, c'est-à-dire ce qui est vain, sans consistance ; c'est qu'en effet les réalités temporelles sont vaines, car elles n'ont pas de fondement, tandis que le bien se perpétue : « Vanité des vanités, et tout est vanité. » Pourquoi donc aimez-vous la vanité ?, autrement dit : pourquoi aimez-vous les réalités temporelles ?
Puis il traite de la mauvaise intention lorsqu'il dit : et cherchez-vous le mensonge ?, c'est-à-dire pourquoi aimez-vous les richesses, afin d'y trouver votre contentement ? Car « l'avare ne sera pas rassasié par l'argent ». - « J'ai regardé la terre, et voici qu'elle était vide. » Ou bien le mensonge, c'est-à-dire l'idole « qui n'est rien ». Jusques à quand donc aimerez-vous et chercherez-vous cela, sans vous convertir à Dieu ?
4 Et sachez que le Seigneur a fait merveille pour son saint : le Seigneur m'exaucera, lorsque je crierai vers lui.
B. Ensuite lorsqu'il dit : Et sachez, il exhorte les pécheurs à se corriger. Et à cet égard il exprime trois choses.
1) Il rappelle d'abord les bienfaits prodigués envers lui.
2) Puis il les exhorte à revenir vers Dieu : Irritez-vous, etc.
3) Enfin il montre qu'il l'emporte sur eux par les biens : Tu as mis la joie, etc.
1. Ainsi dit-il : Et sachez, etc. Mais il faut noter que le grec met ici diápsalma, tandis que l'hébreu lit sela, ce que Jérôme traduit parfeliciter (heureusement), ou semper (toujours). Diápsalma désigne donc une division d'un psaume ; car lorsque les Hébreux chantaient, ils faisaient quelques pauses dans un psaume, afin de montrer, selon Augustin, que la suite traite d'un autre sujet. Mais on objecte que selon cette interprétation diápsalma ne se trouve jamais à la fin d'un psaume ; tandis que dans le Psautier de Jérôme il arrive que sela se trouve à la fin d'un psaume. Et c'est pourquoi sela tire son nom de shalom, qui veut dire « pacifiquement ». Et cela concorde avec la version de Jérôme qui le traduit par feliciter (heureusement). Ainsi donc mieux vaut la version pacifice (pacifiquement), que semper (toujours), et c'est dans ce sens que s'emploie sela.
Quant au bienfait qu'il rappelle, il est doublé, l'un se rapportant au passé et l'autre au futur : le Seigneur m'exaucera.
a. Concernant le premier bienfait il dit : Et sachez, etc. ; puisque cette conjonction et est le début de la pensée, elle est rattachée au coeur du prophète, comme au début du livre d'Ezéchiel : « Et il arriva en la trentième année, etc. » Donc sela, qui se traduit par diapsalma, est mis ici parce qu'il marque une pause. Ou bien il fait la liaison avec ce qui précède, autrement dit : n'aimez pas la vanité, Et sachez - Quoi ? - que le Seigneur a fait merveille. Voici tout le bien qu'il m'a fait : car il a fait merveille, c'est-à-dire m'a rendu admirable. On peut aussi le rattacher autrement selon la Glose, comme s'il disait : sachez que ces choses sont vaines, et sachez aussi ce que vous poursuivez ; que le Seigneur a fait merveille pour son saint, c'est-à-dire le Christ signifié principalement par une image, le Christ qui est le Saint des Saints, dont parle Daniel. Dieu l'a rendu admirable en le ressuscitant, et en le plaçant à sa droite. N'importe quel juste est aussi admirable, car les oeuvres de la justice sont plus grandes que les miracles extérieurs : « Dieu est admirable dans ses saints. » Mais le Christ est souverainement admirable : « Et son nom sera appelé Admirable. »
b. Concernant le second bienfait il dit : le Seigneur m'exaucera. - « Avant qu'ils crient, moi je les exaucerai ; eux parlant encore, j'écouterai. »
5 Irritez-vous et ne péchez pas ; ce que vous dites dans vos coeurs, repassez-le avec componction sur vos couches.
2. Puis lorsqu'il dit : Irritez-vous, il les exhorte à corriger leur vie ; et à ce propos il effectue trois choses.
a) Il commence par les exhorter à s'éloigner du mal.
b) Ensuite à tendre au bien : Offrez un sacrifice.
c) Enfin il soulève une question : Beaucoup disent : Qui nous montrera les biens ?
a. Concernant l'exhortation à s'éloigner du mal, il faut considérer que le péché naît en nous principalement en vertu de trois causes : par la corruption de l'irascible, de la raison et du concupiscible.
- Il écarte donc d'abord le péché qui naît de la corruption de l'irascible ; aussi dit-il : Irritez-vous, etc. Et cela s'entend de trois manières ; d'abord de la colère désordonnée, autrement dit : il est permis qu'un mouvement de colère naisse en nous, mais non de le poursuivre jusqu'à commettre un péché : « Irritez-vous et ne péchez point ; que le soleil ne se couche point sur votre colère. » Ensuite ainsi : Irritez-vous, c'est-à-dire contre vos péchés : « Mon indignation elle-même m'a secouru. » et ne péchez pas, c'est-à-dire de nouveau, autrement dit : irritez-vous contre les péchés passés pour que vous n'en commettiez point d'autres. Enfin cela s'entend de la colère due au zèle, ainsi : Irritez-vous contre les vices d'autrui, mais cependant ne péchez pas en les corrigeant de manière désordonnée, car la colère doit être mesurée par la raison.
- Ensuite il écarte le péché qui naît de la corruption de la raison, c'est-à-dire la simulation, en disant : ce que vous dites dans vos coeurs ; ajoutez : les pensées qui sont en vous, autrement dit : n'ayez pas dans le coeur une pensée autre que celle que vous proférez.
- Enfin il écarte le péché qui naît de la corruption du concupiscible. Soyez touchés de componction, c'est-à-dire à cause dés péchés que vous avez commis sur vos couches, au sens où Paul le dit : « Comme durant le jour, marchons honnêtement, non dans les excès de table et les ivrogneries, non dans les coucheries et les impudicités, etc. » Ou bien il faut dire qu'il traite de deux péchés : de la colère, comme on l'a dit, c'est-à-dire Irritez-vous par une colère due au zèle. Puis de la concupiscence : repassez avec componction ce que vous dites dans vos coeurs, c'est-à-dire ce que vous pensez de mal, sur vos couches, soit à propos de choses secrètes, soit en secret. Et cela concorde avec la version iuxta Hebraeos de Jérôme qui lit : « Loquimini et tacete (Parlez et taisez-vous) », c'est-à-dire ne dévoilez pas de manière désordonnée en punissant. Ou bien il s'agit du vice de la colère que le psalmiste empêche d'aboutir à l'acte, ce qui est pire. Ou bien il s'agit de la colère contre les péchés.
6 Offrez un sacrifice de justice, et espérez dans le Seigneur. Beaucoup disent : Qui nous montrera les biens ? 7a La lumière de ton visage a été gravée sur nous, Seigneur.
b. Ensuite le psalmiste les exhorte à accomplir le bien. Et d'abord il les amène vers le principe du bien, en disant : Offrez un sacrifice de justice, comme s'il voulait dire : Soyez touchés de componction. Dans le livre du Lévitique il est prescrit d'offrir un sacrifice pour les péchés. Mais le Seigneur ne se soucie pas beaucoup des sacrifices de ce genre : « Tu n'as pas voulu de sacrifice et d'offrande ; mais tu m'as parfaitement disposé les oreilles » ; c'est pourquoi vous aussi, Offrez un sacrifice de justice, et espérez dans le Seigneur Beaucoup disent : Qui nous montrera, etc., c'est-à-dire un sacrifice de satisfaction et de pénitence : Offrez vos corps en hostie vivante, sainte, agréable à Dieu. Puis il les amène vers la finalité du bien, en disant : et espérez dans le Seigneur, etc., autrement dit : soyez remplis d'espérance dans le Seigneur, qui vous a donné d'accomplir ces sacrifices.
c. Enfin lorsqu'il dit : Beaucoup, il soulève la question qu'ils posent : Beaucoup, c'est-à-dire beaucoup d'insensés, disent : Qui nous montrera les biens ? autrement dit : comment pouvons-nous savoir quels sont ces sacrifices agréables à Dieu ? Et le psalmiste résout cette question lorsqu'il dit : La lumière de ton visage a été gravée sur nous, Seigneur, etc., autrement dit : la raison naturelle innée nous enseigne à discerner le bien du mal ; et c'est pourquoi il dit : La lumière de ton visage a été gravée sur nous, Seigneur, etc. Le visage de Dieu est ce par quoi Dieu est connu, comme l'homme se connaît par son visage : telle est la vérité de Dieu. À partir de cette vérité divine la ressemblance de sa lumière brille dans nos âmes. Et c'est comme une lumière participée, et elle est gravée sur nous, parce qu'elle est supérieure en nous, et elle est comme un signe sur nos visages, aussi pouvons-nous grâce à cette lumière connaître le bien : « Ils marcheront à la lumière de ton visage, et en ton nom « ils tressailliront de joie tout le jour, etc. » En plus de cela nous sommes aussi marqués du sceau de l'Esprit : « Ne contristez point l'Esprit-Saint en qui vous avez été marqués d'un sceau. » Et en outre par le signe de la croix, dont le sceau a été gravé en nous au baptême, et que chaque jour nous devons appliquer : « Pose-moi comme un sceau sur ton coeur. »
7b Tu as mis la joie dans mon coeur. 8 Ils se sont multipliés par la récolte de leur froment, de leur vin et de leur huile.
3. Enfin lorsqu'il dit : Tu as mis, le psalmiste expose la supériorité qu'il a sur ces pécheurs par les biens, comme s'ils lui disaient : Toi, tu nous exhortes à désirer tes biens, mais nous, nous avons les nôtres ; et c'est pourquoi il compare les biens temporels aux biens spirituels.
a) Et il expose en premier lieu les biens spirituels.
b) Ensuite les temporels : par la récolte, etc.
c) Enfin la supériorité des biens spirituels : En paix, etc.
a. Ainsi dit-il : il est vrai que tous ont la lumière de ton visage qui rayonne sur eux ; mais, ô Seigneur, à tes saints ainsi qu'à moi, Tu as mitsla joie, c'est-à-dire la joie spirituelle, dans mon coeur, c'est-à-dire pour que je me réjouisse de toi : « Le royaume de Dieu n'est pas affaire de nourriture ou de boisson ; mais il est justice, paix et joie dans l'Esprit-Saint. » Et tel est le bien spirituel.
b. Les mauvais, eux, ont les biens temporels en abondance ; et c'est pourquoi il dit : Ils se sont multipliés par la récolte de leur froment, de leur vin et de leur huile, c'est-à-dire se sont enrichis. Et dans tous ces biens temporels sont compris tous les autres ; car tous se rapportent à la nécessité vitale. Et ainsi le mot froment est employé pour désigner la nourriture, le vin la boisson, et l'huile le condiment. Une autre version lit : « À tempore frumenti (Au temps du froment) » ; elle indique que ces biens manquent doublement, car le terme temporalia (biens temporels) tire son nom de tempus (le temps). Il est écrit dans la Sagesse : « Ce n'est que le passage d'une ombre, notre temps. » Et parce qu'un seul bien ne leur suffit pas, il faut qu'ils soient nombreux ; aussi dit-il : Ils se sont multipliés.
9 En paix tout à la fois je m'endormirai et je reposerai. 10 Parce que toi, Seigneur, tu m'as établi tout particulièrement dans l'espérance.
c. Enfin lorsqu'il dit : En paix, il expose la supériorité des biens spirituels, comme s'il disait : parmi ces biens y en a-t-il qui l'emportent ? Assurément la joie du coeur. Et cela manifestement pour deux raisons.
D'abord, parce que ce bien sera éternel, tandis que celui-là est temporel ; ensuite parce qu'il est unique et simple, tandis que celui-là est multiple.
Il continue en disant : Parce que toi, Seigneur, tout particulièrement, etc. Ainsi déclare-t-i1 : En paix tout à la fois [je me couche et m'endors], autrement dit : les autres dans le temps, mais moi non, au contraire tout à la fois.
Remarquez donc que même au cours de la vie présente on peut dire du juste qu'il se maintient dans le bien pour quatre raisons.
- D'abord parce qu'il n'est pas entravé de l'extérieur ; et c'est pourquoi il dit : En paix. - « Mon peuple se reposera dans la beauté de la paix, dans des tentes de confiance, et dans un repos opulent. »
- Ensuite par la stabilité des biens acquis, car ce bien demeure toujours le même ; aussi dit-il : tout à la fois. - « Jérusalem qui est bâtie comme une cité, dont les parties sont unies tout à la fois. »
- Puis, parce qu'il est sans inquiétude, d'où : je m'endormirai. - « Moi je dors, mais mon coeur veille. »
- Enfin par le repos acquis par le travail ; c'est pourquoi il dit : et je reposerai. Et cela peut même commencer à se réaliser ici dans la vie présente ; car les saints ont ici-bas quasiment tous ces biens en Dieu, mais parfaitement dans la Patrie. Et c'est pourquoi je possède cela, dit David, car je possède le bien unique qui comprend tous les autres ; et c'est ce qu'il dit : Parce que toi, Seigneur, etc., autrement dit : tout ensemble, en une seule espérance, tu m'as établi, c'est-à-dire dans la vie éternelle, à propos de laquelle il est écrit au psaume 26 : « J'ai demandé une seule chose au Seigneur, je la rechercherai : c'est d'habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie. » Et cette réponse s'oppose à ce qu'il a dit : Ils se sont multipliés. Parce que toi, Seigneur, tu m'as établi tout particulièrement dans l'espérance, autrement dit : en toi seul j'espère. Et cela concorde davantage avec la version iuxta Hebraeos de Jérôme qui lit : « Quia tu Domine specialiter securum habitare me fecisti (Parce que toi, Seigneur, tu m'as fait d'une manière spéciale habiter en sécurité). » - « Mieux vaut se confier », ou espérer, « dans le Seigneur que dans un homme. »