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COMMENTAIRE DU PSAUME 11

1 Pour la fin. Pour l'octave. Psaume de David.

2 Sauve-moi, Seigneur, parce qu'il n'y a plus de saint, parce que les vérités sont diminuées par les enfants des hommes. 3 Chacun dit à son prochain des paroles vaines ; lèvres trompeuses, avec un coeur et un coeur ils parlent.

4 Que le Seigneur détruise toutes les lèvres trompeuses, et la langue orgueilleuse. 5 Ceux qui ont dit : Nous exalterons notre langue ; nos lèvres nous appartiennent, qui est notre maître ?

6 À cause de la misère des indigents et des gémissements des pauvres, maintenant je me lèverai, dit le Seigneur. Je les mettrai dans le salut, avec toute confiance j'agirai en cela.

7 Les paroles du Seigneur sont des paroles pures, [comme] l'argent éprouvé par le feu, s'épurant à la terre, purifié sept fois.

8 Toi, Seigneur, tu nous préserveras, et nous garderas de cette génération pour l'éternité. 9 Les impies marchent dans un cercle ; selon ta grandeur tu as multiplié les enfants des hommes.

1 Pour la fin. Pour l'octave. Psaume de David.

Dans la décade précédente, le psalmiste a traité de la persécution que lui-même avait soufferte de la part de son fils Absalom, persécution qui préfigurait celle que le Christ souffrirait de la part de Judas ; mais dans cette seconde décade, comme le montrent certains titres de psaumes, il est question de la persécution qu'il a soufferte de la part de Saül, persécution qui préfigurait celle que le Christ souffrirait de la part des princes des prêtres. Cette décade se divise en deux parties.

Dans la première partie, le psalmiste demande d'être libéré de ses ennemis.

Dans la seconde, maintenant libéré, il prie pour son relèvement : « Que le Seigneur t'exauce au jour de la tribulation » ; psaume qui fait allusion à l'histoire de David devenu roi à la mort de Saül ; et au mystère du Christ dont le royaume a été affermi à sa mort : « C'est pourquoi », c'est-à-dire parce qu'il s'est fait obéissant à son Père jusqu'à la mort, « Dieu l'a exalté ».

En demandant d'être libéré de ses ennemis, le psalmiste fait deux choses :

Il demande d'abord sa libération.

Ensuite il rend grâces pour sa libération, et cela au psaume 17 : « Je t'aimerai. »

Touchant la demande de sa libération il fait trois choses :

Il souligne d'abord la gravité de la malice de ses persécuteurs.

Ensuite il rappelle sa propre justice : « Seigneur, qui habitera ? »

Enfin en raison de sa justice il demande la réalisation de l'exaucement : « Exauce, Seigneur, ma justice. »

En soulignant la gravité de la malice de ses persécuteurs, il fait deux choses :

Il commence par blâmer la fourberie de ses adversaires.

Ensuite il réfute leur iniquité : « L'insensé a dit en son coeur. »

En blâmant la fourberie de ses adversaires, il fait deux choses :

Il rappelle d'abord leur fourberie.

Puis il sollicite la lumière divine afin de ne pas être séduit par eux : « Jusques à quand, Seigneur, etc. » Cela coïncide assez bien avec l'histoire de David contre lequel Saül marchait avec fourberie.

Le psalmiste a placé en tête de ce psaume le titre suivant : Pour la fin. Pour l'octave. Psaume de David. Titre qui a été commenté plus haut.

2 Sauve-moi, Seigneur, parce qu'il n'y a plus de saint, parce que les vérités sont diminuées par les enfants des hommes.

En rappelant la fourberie de ses adversaires, le psalmiste fait trois choses :

A) Il commence par décrire le rappel de leur fourberie.

B) Ensuite il réclame leur perte : 4 Que le Seigneur détruise.

C) Enfin il expose l'exaucement de la prière : 6 À cause de la misère, etc.

A. Dans sa description du rappel de leur fourberie il fait deux choses :

1) Il décrit en premier lieu leur défaut.

2) Puis il en ajoute le signe : 3 Chacun dit à son prochain des paroles vaines.

1. Concernant leur défaut, il faut savoir que David considérant la malice de son adversaire s'affermissant contre lui, comme stupéfait, recourt d'abord au secours divin en disant : Sauve-moi, Seigneur Et à bon droit, car en dehors de lui il n'y a pas de sauveur, comme le rapporte Isaïe. Puis il énumère leurs défauts.

Or deux choses préservent l'homme du mal, à savoir la crainte de Dieu : « Celui qui craint le Seigneur garde ses commandements », et l'amour de la vérité : car des oeuvres justes sont dites vraies dans la mesure où elles sont conformes à la loi ; que si elles ne sont pas justes, elles mènent à l'infamie. Car certains malgré la crainte de Dieu n'évitent pas les maux, mais ils s'en détournent à cause de l'infamie. Mais il arrive que quelqu'un ne craigne pas l'infamie, aussi est-il écrit dans Luc à son endroit : « Il ne craint pas Dieu, et ne se soucie pas des hommes. » Et le psalmiste exclut ces deux qualités chez ses adversaires.

D'abord précisément la crainte de Dieu, lorsqu'il dit : parce qu'il n'y a plus de saint, car la sainteté repose sur la crainte et le culte de Dieu. parce qu'il n'y a plus de saint, autrement dit : il ne se trouve pas en ce monde d'homme qui craigne Dieu  : « L'homme saint a disparu de la terre, et il n'y a plus de juste parmi les hommes. »

Ensuite il exclut l'amour de la vérité lorsqu'il dit : Parce que sont diminuées.

Mais on doit se demander pourquoi il dit vérités au pluriel. Il est écrit dans Osée : « Il n'y a pas de vérité de Dieu dans le pays. »

Il faut répondre à cela en disant que la vérité primordiale est une, c'est la vérité qui est dans l'intelligence divine : « Moi je suis le chemin, la vérité, et la vie. » De même que diverses ressemblances d'un même visage d'homme s'obtiennent à partir de miroirs différents, et pareillement à partir d'un miroir brisé, ainsi des vérités diverses dérivent dans les différentes âmes de l'unique vérité divine. Et semblablement dans une seule âme, parce qu'elle n'atteint pas la simplicité divine, mais est composée de ce par quoi elle est et de ce qu'elle est, des vérités diverses apparaissent à partir de cette unique vérité dont l'âme sainte est illuminée ; vérités qui sont diminuées lorsque l'âme s'éloigne de Dieu à cause de ses fautes. Ou bien il faut répondre qu'il dit vérités en raison de la triple vérité créée qui est dans les saints : la vérité de la vie dont parle Isaïe : « Souviens-toi que j'ai marché devant toi dans la vérité. » La vérité de la doctrine : « Nous savons que tu es vrai, et que tu enseignes la voie de Dieu dans la vérité. » Et la vérité de la justice à propos de laquelle il est écrit dans l'Exode : « Choisis d'entre tout le peuple des hommes capables et craignant Dieu, en qui soit la vérité et qui haïssent l'avarice. » C'est de cette vérité que ce psaume semble parler, à savoir de la vérité de la justice dont Saül s'est assurément éloigné lorsqu'il persécuta David lui-même injustement. Il faut donc dire que ces vérités-là sont diminuées non par elles-mêmes, mais par les enfants des hommes que leurs fautes ont corrompues. Et précisément la vérité de la vie est diminuée, quand le bien est regardé comme un mal. La vérité de l'enseignement, lorsque la lumière est appelée ténèbres. Mais la vérité de la justice l'est quand ce qui est amer est jugé doux, et inversement : « Malheur à ceux qui appellent le mal bien et le bien mal, qui changent les ténèbres en lumière et la lumière en ténèbres, qui changent l'amer en doux et le doux en amer. » Mais il dit que la sainteté disparaît, parce qu'étant donné que la grâce vient de Dieu, un seul péché mortel la détruit aussitôt. Tandis que la vérité diminue comme progressivement. Une version de Jérôme lit : « Quoniam defecit misericors (Parce qu'il n'y a plus de miséricordieux). » Et parce que les fidèles diminuent, car la miséricorde et la justice sont exigées vis-à-vis du prochain : « Beaucoup d'hommes sont appelés miséricordieux, mais l'homme fidèle, qui le trouvera ? »

3 Chacun dit à son prochain des paroles vaines ; lèvres trompeuses, avec un coeur et un coeur, ils parlent.

2. Ensuite lorsqu'il dit : vaines, il expose le signe de la disparition de la sainteté : et il est double, à savoir la vanité et la tromperie.

Le premier signe de la disparition est la vanité, et à cet égard il dit : Chacun dit des paroles vaines, etc. Est vain ce qui n'a pas de substance. Donc vraies sont les choses qui ne cachent rien de vaniteux, d'où ces paroles de l'apôtre Paul : « La fin du précepte c'est la charité qui procède d'un coeur pur, d'une bonne conscience, et d'une foi sans feinte ; c'est pourquoi certains dans leur égarement se sont tournés vers de vaines paroles. » Et il est écrit dans le livre de Jérémie : « Que chacun se tienne en garde contre son prochain. » Selon Grégoire : « Une parole vaine témoigne d'un esprit vaniteux. » De même est vain ce qu'on possède sans avoir recours à l'intelligence, aussi les paroles superflues sont-elles vaines : « Là où il y a bavardage, là se rencontre fréquemment la disette. » De même est vain ce qui n'est pas stable ; et ainsi les paroles relatives aux choses temporelles sont vaines : « Celui qui est de la terre, parle de la terre. » - « Ta parole murmurera comme venant de la terre. » Mais à qui s'adressent ces paroles vaines ? Au prochain, à qui chacun doit dire la vérité : « Dites la vérité chacun à son prochain. »

Le second signe de la disparition de la sainteté est la tromperie, et à cet égard il dit : lèvres trompeuses, avec un coeur et un coeur, ils parlent. La répétition signifie la duplicité du coeur. Ils montrent en effet qu'ils tiennent un langage dans leur bouche, mais ils en ont un autre dans leur coeur. Ils montrent qu'ils souffrent, et ils se réjouissent ; qu'ils aiment et ils haïssent ; qu'ils compatissent, et ils sont dans la joie : « L'homme double d'esprit est inconstant dans toutes ses voies. » - « Malheur au coeur double et aux lèvres criminelles. »

4 Que le Seigneur détruise toutes les lèvres trompeuses, et la langue qui se glorifie. 5 Ceux qui ont dit : Nous exalterons notre langue ; nos lèvres nous appartiennent, qui est notre maître ?

B. Ici le psalmiste réclame leur destruction.

1) Et il commence par la réclamer.

2) Ensuite il en fait connaître la cause : toutes les lèvres trompeuses et la langue orgueilleuse.

1. Disperdat (Qu'il détruise), comme s'il détruisait deux fois, à savoir dans l'âme et dans le corps : « Amène sur eux le jour de l'affliction, et brise-les doublement », Seigneur Dieu.

2. Ensuite il rapporte la cause de leur malice ; et il en expose trois, c'est-à-dire :

a. La fraude, car il dit : lèvres trompeuses ; or il y a fraude quand quelqu'un agit d'une façon et feint d'une autre façon. La tromperie se conçoit dans le coeur, mais elle est cachée par les paroles ou par les faits : « La tromperie est dans le coeur de ceux qui méditent le mal. » Dieu les disperse, car il met à découvert ; alors en effet il n'y a plus de prétexte de tromperie, car la tromperie est une malice occulte. C'est pourquoi il ne réclame pas leur destruction mais le dévoilement de leur malice. Ou bien il réclame leur perdition par la grâce : « L'homme pernicieux ayant été frappé, le sot deviendra plus sage  » ; c'est pourquoi il dit : lèvres trompeuses. Selon la Glose : « La tromperie est comme un prétexte de demande. » Ou bien : il les détruira, comme en les punissant par leur propre malice, Si bien qu'eux-mêmes y tombent par un juste jugement de Dieu, comme on le rapporte dans le livre d'Esther à propos d'Aman qui était contre Mardochée : « L'on pendit Aman au bois qu'il avait préparé pour Mardochée. » Et il est écrit dans Ézéchiel : « J'attacherai ta langue à ton palais ; et tu deviendras muet », comme n'osant plus désormais commettre de fraudes. Et dans les Proverbes : « L'homme pernicieux ayant été puni, le simple devient plus sage. » Et de même : « La folie est attachée au coeur de l'enfant ; la verge de la discipline l'éloignera de lui. »

b. Ensuite il expose la jactance : et la langue qui se glorifie de soi auprès de ceux que l'on considère comme grands : « Ils ont posé leur bouche contre le ciel, et leur langue a passé sur la terre. » Or nous avons coutume de révérer ce qu'il y a de plus grand chez autrui et de ne pas considérer ce qui est plus petit. Donc, afin de paraître grands et égaux à Dieu, ils méprisent Dieu, c'est-à-dire les honneurs divins. Ainsi est-il écrit à propos de l'Antéchrist qui parle contre le Dieu des dieux : « le fils de la perdition, qui se pose en ennemi et s'élève au-dessus de tout ce qui est appelé Dieu, ou qui est adoré, jusqu'à s'asseoir dans le temple de Dieu, se faisant passer lui-même pour Dieu ». Et à propos d'Antiochus il est écrit : « Il est juste de se soumettre à Dieu, et simple mortel de ne pas penser s'égaler à Dieu. » Et au sujet d'Hérode, que « le peuple l'acclamait : "C'est la voix d'un Dieu et non d'un homme". » Et afin qu'ils ne puissent pas alléguer l'excuse d'agir sans dessein, il ajoute : Ceux qui ont dit (c'est-à-dire avec dessein) : Nous exalterons notre langue.

c. Enfin il expose leur blasphème ou leur orgueil : nos lèvres nous appartiennent. En effet le premier signe distinctif de l'orgueil, c'est lorsque quelqu'un estime pouvoir vivre par lui-même : « Ne multipliez pas les paroles hautaines, en vous glorifiant. » - « Nous ne sommes pas capables de penser quelque chose venant de nous-mêmes ; mais notre aptitude vient de Dieu. » Le second signe distinctif de l'orgueil, c'est lorsque quelqu'un veut se glorifier en quelque chose de préférence aux autres ; c'est pourquoi il dit : qui est notre maître ? Il est écrit dans le livre de Job : « Qui est le Tout-Puissant pour que nous le servions ? » Et dans Osée : « Ils se tournent afin d'être sans joug, et ils sont comme un arc trompeur. » Et encore dans Job : « L'homme vaniteux s'est élevé dans l'orgueil, et comme le petit de l'onagre il se croit né indépendant. »

6 À cause de la misère des indigents et des gémissements des pauvres, maintenant je me lèverai, dit le Seigneur Je les mettrai dans le salut, avec toute confiance j'agirai en cela.

7 Les paroles du Seigneur sont des paroles pures, [comme] l'argent éprouvé par le feu, s'épurant à la terre, purifié sept fois.

8 Toi, Seigneur, tu nous préserveras, et nous garderas de cette génération pour l'éternité. 9 Les impies marchent dans un cercle ; selon ta grandeur tu as multiplié les enfants des hommes.

C. Le psalmiste expose ici l'exaucement de sa prière.

1) Et il le signifie d'abord à l'avance.

2) Ensuite il expose sa certitude : Les paroles du Seigneur sont des paroles pures, etc.

3) Enfin il expose sa foi : Toi, Seigneur.

1. Ainsi dit-il : À cause de la misère, c'est-à-dire à cause du manque considérable, des indigents, c'est-à-dire de ceux qui sont privés de ressources, et des gémissements, c'est-à-dire du sanglot des pauvres, c'est-à-dire de ceux qui ont peu de possessions : « À toi s'abandonne le pauvre. » - « il entendit leurs gémissements, et se souvint de son alliance. »

maintenant je me lèverai, dit le Seigneur. maintenant, en temps opportun : « Le Seigneur est devenu son aide dans les moments opportuns et dans la tribulation. » - « Au temps favorable je t'ai exaucé, et au jour du salut je t'ai secouru. » Je les mettrai dans [ton] salut, c'est-à-dire je les y adjoindrai, avec toute confiance j'agirai en cela, c'est-à-dire moi je serai en cela : « Sois sans crainte devant leur visage, car moi je suis avec toi. » - « Le Seigneur l'a décidé, et qui pourrait l'empêcher ? Sa main est étendue, et qui la détournerait ? » - « Ils feront la guerre contre toi, mais ils ne te vaincront pas, car je suis avec toi pour te libérer. » Et encore : « Ton âme te sera préservée, car tu as eu confiance en moi, dit le Seigneur. »

2. Ensuite le psalmiste expose la certitude de la promesse : Les paroles du Seigneur sont des paroles pures, non altérées par le mélange d'une intervention étrangère, ou épurées de superfluité, ou incorruptibles, car on dit de quelqu'un qu'il est chaste avant une relation charnelle, mais qu'il est continent lorsqu'il s'en abstient par la suite. Elles ne sont pas vaines, mais fermes : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point. » Puis elles sont pleines de vérité, aussi dit-il : [Comme] l'argent éprouvé par le feu. L'argent est blanc sans souillure, sonore, sans artifice, odoriférant sans corruption, à la terre, c'est-à-dire par la terre ; les Grecs n'ont pas l'ablatif. Or il s'agit d'une traduction du grec. purifié sept fois, c'est-à-dire parfaitement.

3. Et le prophète répond : Toi donc, Seigneur, tu nous préserveras du mal. Et tu nous garderas dans le bien de cette génération pour l'éternité. Ainsi donc les impies marchent dans un cercle, de sorte qu'ils n'arrivent jamais au bout de leur démarche, qui consiste à affliger les autres comme ils le veulent : « Leurs sentiers sont tortueux. » Et pourquoi ? Parce que selon ta grandeur tu as multiplié les enfants des hommes, car « dans [ma] maison il n'y a pas seulement des vases d'or et d'argent, mais il y en a aussi de bois et de terre ; les uns pour des usages honorables [...], sanctifiés, propres à toute oeuvre bonne ». Ou bien : dans [le] cercle des vices marchent les impies, n'atteignant pas le juste milieu de la vertu, etc.


Éditions du Cerf

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