Pour la fin.
1 Psaume de David, avant qu'il fût oint. Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrai-je ? Le Seigneur est le protecteur de ma vie ; par qui serai-je intimidé ?
2 Tandis que des méchants s'apprêtent à fondre sur moi, pour manger mes chairs, mes ennemis qui me tourmentent ont été eux-mêmes affaiblis et sont tombés.
3 Si des camps s'établissent contre moi, mon coeur ne craindra pas. Si un combat est livré contre moi, j'y mettrai mon espérance.
4 J'ai demandé une seule chose au Seigneur, je la rechercherai : c'est d'habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie ; c'est de voir les délices du Seigneur et de visiter son temple.
5 Car il m'a caché dans son tabernacle ; au jour des malheurs il m'a protégé dans le secret de son tabernacle.
6a Il m'a élevé sur un rocher ; et maintenant il a élevé ma tête au-dessus de mes ennemis.
6b J'ai tourné autour [de son autel], et j'ai immolé dans son tabernacle une hostie [avec] des cris de joie ; je chanterai, et dirai un psaume au Seigneur.
7 Exauce, Seigneur, ma voix par laquelle j'ai crié vers toi : aie pitié de moi, et exauce-moi.
8 Mon coeur t'a parlé, ma face t'a recherché ; ta face, Seigneur, je la rechercherai.
9a Ne détourne pas ta face de moi : ne te retire point, dans ta colère, de ton serviteur.
9b Sois mon aide ; ne m'abandonne pas, ne me méprise pas, ô Dieu, mon sauveur. 10 Parce que mon père et ma mère m'ont abandonné ; mais le Seigneur m'a recueilli.
11 Prescris-moi, Seigneur, une loi [à suivre] dans ta voie ; et dirige-moi dans une voie droite à cause de mes ennemis.
12 Ne me livre pas aux âmes de ceux qui m'affligent ; parce que se sont élevés contre moi des témoins iniques, et que l'iniquité a menti contre elle-même.
13 Je crois que je verrai les biens du Seigneur dans la terre des vivants.
14 Attends le Seigneur, agis virilement ; et que ton coeur se fortifie, et patiente avec le Seigneur.
1Psaume de David, avant qu'il fût oint. Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrai-je ? Le Seigneur est le protecteur de ma vie ; par qui serai-je intimidé ? 2 Tandis que des méchants s'apprêtent a fondre sur moi, pour manger mes chairs, mes ennemis qui me tourmentent ont été eux-mêmes affaiblis et sont tombés.
Après avoir d'abord parlé de sa prière, le psalmiste poursuit en exprimant ici la confiance qu'il en a conçue ; et à cet égard il fait deux choses.
Il expose d'abord la confiance conçue.
Puis il prie de nouveau, afin de ne pas faillir dans sa confiance : « Vers toi, Seigneur, je crierai. »
Le titre de ce psaume est : Pour la fin. Psaume de David, avant qu`il fût oint. Il faut noter, comme la Glose le rapporte au sens large, que David fut oint comme roi à trois reprises.
D'abord, par Samuel. Et à ce moment-là il ne fut pas roi, mais reçut l'insigne de la royauté : « Samuel prit la corne d'huile, et l'oignit au milieu de ses frères : et l'Esprit du Seigneur descendit sur David en ce jour-là et dans la suite » car depuis ce moment-là il fut prophète, selon Jérôme et Flavius Josèphe.
Puis, à Hébron : « Vinrent les hommes de Juda, et ils oignirent David comme roi sur la maison de Juda. »
Enfin, lorsque Isboseth, fils de Saül, fut tué, David régna sur tout Israël. Ces deux onctions étaient regardées comme une seule, car l'une et l'autre durent être acquises en vue de la dignité actuelle du royaume. A l'occasion de la première onction, David souffrit la persécution de la part de Saül, mais après la deuxième et la troisième onction il régna en paix.
Mais on peut faire une objection à propos d'Absalom.
On répondra en disant qu'il n'a pas souffert la persécution de la part des étrangers, mais d'Absalom et de Séba, et c'est pourquoi il composa ce psaume avant la deuxième onction. Mais il semble préférable de référer les deux onctions au Christ dans le Nouveau Testament, c'est-à-dire comme roi et prêtre. Et le Christ fut oint de l'huile de l'Esprit-Saint : « Ton Dieu t'a plus excellemment oint d'une huile de joie que ceux qui participent à l'onction avec toi », comme roi et comme prêtre. Et cette onction descend jusqu'à nous : « Comme le parfum répandu sur la tête, qui descend sur la barbe d'Aaron. » - « Nous avons tous reçu de sa plénitude. » Nous sommes donc d'abord oints de l'onction sacerdotale en préfiguration du royaume futur : car nous sommes rois et libres. Et parce que nous souffrons encore de nos ennemis, nous serons ensuite oints d'une double gloire actuelle : avec la parure de gloire de l'âme et du corps. Le Christ, lui, fut d'abord oint de l'onction de la grâce, ensuite de la gloire.
Ce psaume se divise en trois parties.
I) Dans la première partie, le psalmiste expose la confiance qui lui vient de Dieu.
II) Dans la deuxième il montre le désir né de la confiance : 4 J'ai demandé une seule chose au Seigneur
III) Enfin il expose l'accomplissement du désir : 7 Exauce, Seigneur, etc.
I. En exposant sa confiance conçue de Dieu, le psalmiste fait trois choses :
A) Il rappelle d'abord les bienfaits qui lui ont été accordés par Dieu, voilà pourquoi il ne craint pas, mais est en sécurité.
B) Ensuite il rappelle les obstacles disposés par Dieu contre les ennemis : Tandis que des méchants s'apprêtent à fondre sur moi.
C) Enfin il montre la confiance qui lui vient de Dieu : Si des camps s'établissent contre moi.
A. Il faut noter qu'on est parfois provoqué à la crainte par une cause intérieure, parfois par une cause extérieure. Aussi le psalmiste commence-t-il par exposer le secours contre la première cause. Puis contre la seconde : Le Seigneur est le protecteur
1. Il y a en effet une double cause intrinsèque à la crainte : l'ignorance et la faiblesse ; c'est pourquoi on craint davantage dans les ténèbres. La seconde cause de la crainte est la faiblesse ; et contre ces causes il y a un remède donné par Dieu. Contre la première il y a la lumière, aussi dit-il : Le Seigneur est ma lumière. - « Lorsque je serai assise dans les ténèbres, le Seigneur est ma lumière. » Contre la seconde il y a le salut, d'où ce qui suit. et mon salut. - « En Dieu est mon salut et ma gloire, il est le Dieu de mon secours, et mon espérance est en Dieu. » Et c'est pourquoi il montre sa confiance : qui craindrai-je, ainsi éclairé ? - « Qui es-tu pour craindre un homme mortel, et le fils d'un homme, qui comme l'herbe séchera ? » - « C'est Dieu qui justifie, quel est celui qui condamnerait ? » Et : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? »
2. La cause extrinsèque est l'homme qui s'oppose ; mais il ne faut pas davantage le craindre, car le Seigneur s'oppose à lui comme un bouclier ; aussi dit-il : Le Seigneur est le protecteur de ma vie. - « Moi je suis ton protecteur et ta récompense sera grande à l'infini. » Et c'est pourquoi il dit : par qui serais-je intimidé ? Par qui, si on le prend au masculin, en voici le sens : par qui, c'est-à-dire par quel homme. Si on le prend au neutre, le sens est : par quelle chose. Et ainsi il ne faut rien craindre, ni l'homme, ni aucune chose.
2 Tandis que des méchants s'apprêtent à fondre sur moi, pour manger mes chairs, mes ennemis qui me tourmentent ont été eux-mêmes affaiblis et sont tombés.
B. Tandis que des méchants s'apprêtent à fondre sur moi. Et parce qu'on pourrait dire que Dieu est aussi celui qui éclaire les ennemis, il écarte cela en disant que Dieu leur résiste.
1) Et le psalmiste mentionne d'abord leur tentative.
2) Puis il expose l'empêchement qui leur survient : ils ont été eux-mêmes affaiblis, etc.
1. En mentionnant d'abord leur tentative il fait trois choses : a) Il fait d'abord mention de leur outrage présomptueux.
b) Puis de leur action perverse.
c) Enfin de la conséquence mauvaise de leur dessein.
a. A propos de leur outrage présomptueux il dit : Tandis que des méchants s'apprêtent à fondre sur moi, c'est-à-dire ayant une volonté de nuire. sur moi, c'est-à-dire voulant me surpasser : « Ses ennemis sont devenus maîtres, ses adversaires se sont enrichis, parce que le Seigneur a parlé contre elle à cause de la multitude de ses iniquités : ses petits enfants ont été emmenés en captivité devant la face de l'oppresseur. »
b. A propos de leur action perverse, leur but est d'opprimer gravement : pour manger mes chairs, c'est-à-dire ma vie corporelle : « Comme l'enfer, engloutissons-le vivant et entier. » - « Ils ont mangé la chair de mon peuple, et ont arraché leur peau. » Ou bien si ce ut (pour) est pris comme conséquence, alors en voici le sens : pour manger mes chairs, c'est-à-dire mes désirs charnels : car lorsque des méchants persécutent les bons, ces méchants, ou ces persécuteurs eux-mêmes, n'ont d'autre intention que l'oppression corporelle ; et ceci correspond à la première explication ; Dieu a une autre intention en permettant cela, celle de la purification de tout désir charnel ; et ceci correspond à la seconde explication. C'est en ce sens que l'Apôtre dit : « Ceux qui sont au Christ ont crucifié leur chair avec ses vices et ses convoitises. »
c. A propos de la conséquence mauvaise de leur dessein il dit : mes ennemis qui me tourmentent. - « Ceux qui me tourmentent tressailliront de joie, si je suis ébranlé. » - ont été eux-mêmes affaiblis, parce qu'ils n'ont pas pu accomplir leur dessein, et sont tombés, parce qu'ils se sont élevés et ont été engloutis : « Le Seigneur est avec moi comme un guerrier vaillant ; c'est pour cela que ceux qui me persécutent tomberont et seront sans force. »
3 Si des camps s'établissent contre moi, mon coeur ne craindra pas. Si un combat est livré contre moi, j'y mettrai mon espérance.
C. L'homme doit trouver sa sécurité en ces deux circonstances :
1) D'abord au milieu de la machination de ses ennemis.
2) Ensuite au milieu de leurs coups endurés : Si un combat est livré contre moi.
1. Il dit : Le Seigneur est ainsi ma lumière, parce que mes ennemis tombent devant moi. Donc si des camps s'établissent contre moi, les camps sont là où sont établis les soldats, mon coeur ne craindra pas. Aussi longtemps que l'homme est dans le camp, il ne combat pas, mais se dispose et projette de combattre. Par camps on entend les desseins et les conjurations des méchants contre quelqu'un : « Un ange du Seigneur frappa le camp des Assyriens. » - « La veille du matin étant venue, et voici que le Seigneur, jetant un regard sur le camp "des Assyriens", vit tous les corps des morts et, se retirant, il s'en alla. » - mon coeur ne craindra pas, car le Seigneur est avec moi : « Place-moi auprès de toi, et que la main de qui que ce soit combatte contre moi. »
2. Mais si un combat est livré contre moi, c'est-à-dire s'ils m'attaquent, et combattent contre moi, bien qu'ils soient nombreux, j'y mettrai mon espérance, car selon ces paroles : « La victoire à la guerre ne dépend pas d'une armée nombreuse, mais c'est du Ciel que la force vient. » En effet, il est habituel à des amis de s'entraider lorsqu'ils sont combattus par des ennemis : « Tes consolations ont réjoui mon âme. »
4 J'ai demandé une seule chose au Seigneur, je la rechercherai : c'est d'habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie ; c `est de voir les délices du Seigneur et de visiter son temple.
II. Plus haut le psalmiste a exposé la confiance conçue de sa prière ; mais ici il expose son désir, qui naît de cette confiance ; et à ce propos il fait deux choses.
A) Il explicite d'abord son désir.
B) Ensuite il attribue une cause à son désir : Car il m'a caché.
A. En explicitant d'abord son désir il fait trois choses :
1) décrit d'abord la qualité du désir.
2) Puis l'objet même de son désir : c'est d'habiter.
3) Enfin son intention ultime : c'est de voir les délices.
1. La qualité du désir consiste en deux choses : en l'unité et en la sollicitude ; et l'une et l'autre relèvent de la perfection du désir. Car la perfection du désir dépend de la perfection de sa cause, c'est-à-dire de l'amour qui, lorsqu'il est parfait, rassemble toutes les forces dans l'unité, et les meut vers l'objet aimé. Car il y a, selon Augustin, le poids de celui qui aime. Or une chose pesante tend sans vaciller vers son lieu, mais il n'en est pas ainsi pour une chose qui ne pèse pas ; ainsi l'amour divin fait tendre l'homme tout entier vers Dieu sans vaciller : « Car qu'y a-t-il pour moi dans le ciel, et hors de toi qu'ai-je voulu sur la terre ? » Selon Grégoire, la force de l'amour augmente l'ardeur de la recherche. Anne, la prophétesse, fit cela, elle qui ne s'éloignait pas du temple, servant Dieu nuit et jour dans les jeûnes et dans la prière. Et c'est pourquoi il est écrit : « Une seule chose est nécessaire » ; aussi le psalmiste dit-il : J'ai demandé une seule chose, c'est-à-dire une chose unique, ou une unique requête : « Moi je n'ai qu'une petite prière à te faire ; ne couvre pas ma face de confusion. » Puis il sollicite, puisque l'amour est comme un aiguillon et un feu : « Ses lampes sont des lampes de feu. » - « La charité de Dieu nous presse. » Voilà pourquoi il dit : je la rechercherai. - « Si vous cherchez, cherchez. » - « Cherchez et vous trouverez. »
2. Ensuite il expose la chose demandée, aussi dit-il : c'est d'habiter dans la maison du Seigneur. On distingue deux sortes de maisons spirituelles du Seigneur, et la troisième est matérielle, c'est l'Église, demeure qui apporte le salut : « Ce n'est autre chose que la maison de Dieu et la porte du ciel », car en elle l'âme de l'homme est incitée à la piété. La maison spirituelle de Dieu, c'est l'Église militante : « Afin que tu saches comment te conduire dans la maison de Dieu, qui est l'Église du Dieu vivant, la colonne et le fondement de la vérité. » L'autre, c'est l'Église triomphante : « Si cette maison de terre que nous habitons se détruit, nous avons une maison construite par Dieu, non par la main des hommes, et éternelle dans les cieux. » Or cela peut s'entendre de l'une comme de l'autre, car cette maison est la voie qui y mène ainsi que sa porte : « Voici la porte du Seigneur, les justes y entreront. » Et c'est pourquoi il faut désirer habiter dans cette maison, c'est-à-dire l'Église. Et cela tous les jours de ma vie, c'est-à-dire jusqu'à la fin : « C'est pour toujours le lieu de mon repos, j'y habiterai, puisque je l'ai choisie. » Et on habite dans la maison de Dieu par la foi et la charité, et par la conformité des bonnes oeuvres : « Lui qui fait habiter dans sa maison ceux qui sont d'un même esprit. » On est digne de louange parce qu'on habite toujours en elle et qu'on ne s'en sépare pas. Mais l'homme se sépare de l'Église par le péché, par l'excommunication, et par le schisme ou par l'hérésie. Donc celui qui habite en elle jusqu'à la fin, c'est-à-dire dans cette Église, habite en celle-ci pour toujours : « Bienheureux ceux qui habitent dans ta maison, Seigneur. »
3. Le psalmiste poursuit en exposant enfin son intention, qui est de voir, etc. Et il expose deux choses : voir les délices du Seigneur, et visiter son temple. Une autre version lit : « Ut contempler habitationem (C'est de contempler l'habitation). » Une version de Jérôme lit : « Ut videam pulchritudinem Domini (De voir la beauté du Seigneur). » « Ut est tota merces (C'est toute [notre] récompense) », selon Augustin. Dans cette vision sont à désirer trois choses que l'homme désire voir naturellement.
a. D'abord, les choses qui sont belles. La beauté suprême est en Dieu lui-même, car la beauté est faite d'une forme harmonieuse ; or Dieu est la forme elle-même informant toutes choses ; c'est pourquoi il est écrit dans une version : « Ut videam delectationes Domini (De voir les délectations du Seigneur). » - « Si, en se délectant de leur beauté, il les ont cru des dieux, qu'ils sachent combien est plus beau leur dominateur ; car c'est l'auteur de la beauté qui a établi toutes ces choses. »
b. Puis désirer les choses délectables et fuir la tristesse ; et c'est pourquoi une autre version lit : « Ut contemplem delectationes Domini (De contempler les délectations du Seigneur) », c'est-à-dire la bonté de Dieu dans laquelle se trouve la délectation suprême : « Des délectations sont à ta droite pour toujours. »
c. Enfin désirer l'ordonnance des choses. D'où il est très délectable d'avoir la connaissance de toutes les choses qui sont en ce monde ; et c'est pourquoi voir l'ordonnance de la providence divine est souverainement délectable. Et voilà pourquoi il dit : « De voir la volonté du Seigneur », c'est-à-dire le dessein voulu par Dieu et son ordonnance : « Afin que vous connaissiez combien la volonté de Dieu est bonne, agréable et parfaite. » Or nous possédons ces choses en cette vie de manière imparfaite et par la foi ; mais nous en aurons une parfaite possession dans la maison future, là où les saints contemplent Dieu face à face : « Pour nous tous, contemplant à face découverte la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image de clarté en clarté, comme par l'Esprit du Seigneur. » Donc les saints qui sont dans la Patrie dirigent leur contemplation vers Dieu lui-même ; et c'est pourquoi le psalmiste dit : de visiter son temple, c'est-à-dire de voir souvent son temple, à savoir l'humanité du Christ : « Mais il parlait du temple de son corps. » Ou bien, de visiter, ou de voir l'ordonnance elle-même de l'Église : « Le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple. » Ou aussi de voir l'ordonnance du monde entier ; c'est pourquoi on lit dans la version hébraïque de ce psaume : « Et au point du jour », c'est-à-dire que j'y demeure au point du jour : « Dès le matin je me présenterai devant toi. »
5 Car il m'a caché dans son tabernacle ; au jour des malheurs il m'a protégé dans le secret de son tabernacle.
B. Il donne ici la raison de son désir d'habiter dans la maison de Dieu, autrement dit : Pourquoi demandes-tu à habiter uniquement dans la maison de Dieu ? La raison est due aux bienfaits reçus ; et à ce propos il fait deux choses.
1) Car il commence par exposer les bienfaits eux-mêmes.
2) Puis il ajoute la compensation : J'ai tourné autour [de son autel].
1. En parlant des bienfaits eux-mêmes
il fait deux choses : a) Il expose d'abord le bienfait de la protection contre le mal.
b) Puis le bienfait du progrès dans le bien : Il m'a élevé sur un rocher.
a. Au sujet de la protection contre le mal il fait deux choses :
- Il mentionne d'abord ce bienfait.
- Puis il en montre sa nécessité : au jour des malheurs.
- Ainsi dit-il : Pourquoi demandes-tu d'habiter dans la maison du Seigneur ? C'est parce qu'il m'a caché dans son tabernacle. Et selon le sens littéral, c'est lorsque David s'enfuit vers les lieux plus sûrs d'Engaddi et s'y cache. Voilà pourquoi le psalmiste parle dans la personne de celui qui fuit et qui se cache en un lieu. Au sens littéral, le tabernacle était le lieu dans lequel ceux qui priaient étaient protégés par le secours divin, et surtout dans le Saint des Saints où était le propitiatoire, et ainsi appelaient-ils tabernacle la défense proprement dite de Dieu, selon qu'il est écrit dans un psaume : « Il te mettra à l'ombre sous ses épaules, et sous ses ailes tu espéreras. Sa vérité t'environnera de son bouclier. Tu n'auras pas à craindre d'une terreur nocturne, d'une flèche volant dans le jour, d'une affaire qui marche dans des ténèbres, et de l'attaque d'un démon du midi », et dans le Deutéronome : « Il a étendu ses ailes, et l'a pris, et l'a porté sur ses épaules. » Mais au sens mystique, le tabernacle peut être appelé l'humanité assumée, ou la chair du Christ dans laquelle il nous cache par la foi et l'espérance : « Votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. » Ou bien autrement, le tabernacle est appelé l'ordonnance de l'Église ; et dans l'un comme dans l'autre se cache l'homme juste, car dans ce tabernacle certaines réalités sont cachées sous des apparences visibles : les réalités cachées sont invisibles et spirituelles, c'est là que demeurent les bons. Les méchants, eux, demeurent dans les choses extérieures : « Il y aura une tente pour ombrage dans le jour contre la chaleur. »
- Mais qu'apporta cette retraite ? Au contraire elle m'était nécessaire au jour des malheurs, ou de tous ces malheurs qui étaient alors imminents. Et semblablement, car lorsque les ennemis ou la tribulation approchent, ceux-là seuls seront sauvés, qui seront trouvés dans la cité : ainsi dans la tribulation périssent ceux qui mettent leur affection dans les choses extérieures ; car la tribulation survenant ils s'agitent pour ces choses-là. Donc Dieu lui-même se cache, ou le Christ, ou l'âme du juste : « Ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. »
6a Il m'a élevé sur un rocher ; et maintenant il a élevé ma tête au-dessus de mes ennemis.
b. Il expose ici l'autre bienfait du progrès dans le bien ; et il est double.
- Le premier est celui de son propre élèvement.
- Le second est celui de son élèvement par rapport à ses ennemis : maintenant il a élevé ma tête.
- Ainsi dit-il : Il m'a élevé sur un rocher. Au sens littéral il fait allusion à des faits qui le concernent ; car lorsqu'il endurait la persécution, il parcourait des lieux écartés. Mais lorsqu'il s'échappa, alors le Seigneur exalta son coeur sur ses ennemis. Mais au sens mystique, Il m'a élevé sur un rocher veut dire sur le Christ : « Or ce rocher était le Christ. » Ou bien : sur un rocher, c'est-à-dire sur Dieu : « Le Seigneur est mon rocher. » - « Tandis que mon coeur était dans l'anxiété, tu m'as élevé sur un rocher. »
- Et à présent il m'a élevé, autrement dit : J'ai fait cela dans l'espérance, mais maintenant en réalité : il a élevé ma tête, c'est-à-dire mon esprit, au-dessus de mes ennemis, c'est-à-dire au-dessus de toutes mes convoitises : « La concupiscence qui t'entraîne vers lui sera sur toi. »
6b J'ai tourné autour [de son autel], et j'ai immolé dans son tabernacle une hostie [avec] des cris de joie ; je chanterai, et dirai un psaume au Seigneur.
2. Le psalmiste expose ici la compensation du bienfait, et il mentionne deux choses.
a) D'abord le sacrifice : et j'ai immolé.
b) Puis le chant.
a. Selon Jérôme, immolavi (j'ai immolé) est relié à ce qui précède : « Super inimicos qui sunt in circuitu meo (Au-dessus de mes ennemis qui sont autour de moi). » J'ai tourné [autour de son autel], c'est-à-dire je me suis tenu autour en offrant des prières ferventes pour eux : « Au lieu de m'aimer » (comme ils devraient), « ils disaient du mal de moi. »
- « Il se tenait lui-même debout à l'autel. » De même il appartient au soldat vaillant d'entourer et de protéger le camp, comme on le rapporte à propos de Judas Maccabée : « Il protégeait le camp de son glaive », d'où l'expression : J'ai tourné, c'est-à-dire j'ai protégé. Ou bien, ce mouvement circulaire s'applique à la contemplation. Le cercle a parmi les autres figures deux propriétés. La première est celle d'être plus vaste que les autres. L'autre est celle d'être un tout uniforme sans angle, et elle convient à la contemplation. D'abord quant à la capacité, car l'on dit alors tourner autour en contemplant, lorsqu'on contemple toutes les choses qui doivent être considérées ; c'est pourquoi il dit : J'ai tourné autour, c'est-à-dire j'ai considéré tous tes dons, et les bienfaits de ton Église. Le Bienheureux Denys a exposé un triple mouvement : circulaire, rectiligne et oblique. Par le mouvement rectiligne une chose se meut toujours imparfaitement, parce qu'elle a toujours une distance diverse ; et c'est pourquoi dans l'acte de contempler, le mouvement est rectiligne, lorsqu'on est mû de l'un à l'autre en considérant la progression des choses. Par le mouvement circulaire on est mû en contemplant, lorsque la conception de l'âme est uniforme : et on le dit circulaire, quand il détourne l'âme des choses. Et elle commence par se ramasser en elle-même, puis s'unit aux réalités spirituelles, et enfin s'élève vers la contemplation du Dieu unique. Le mouvement oblique est composé de l'un et de l'autre : lorsqu'on procède à partir de la considération des créatures, mais qu'on ordonne celle-ci à la considération de Dieu. Et c'est pourquoi il dit : J'ai tourné autour, quant à l'uniformité : « Tel était l'aspect de la splendeur tout autour. »
Et il y a deux sortes de sacrifices : le sacrifice intérieur par lequel l'homme donne son âme à Dieu : « Le sacrifice à Dieu » (c'est-à-dire accepté par Dieu) « c'est un esprit brisé ». Et tout sacrifice extérieur est ordonné à la représentation de ce sacrifice intérieur ; c'est pourquoi Augustin dit que lorsque tu offres ce sacrifice extérieur, c'est afin de rendre présente ton âme à Dieu.
b. Mais parce que toute représentation se fait à travers des signes, parmi lesquels les paroles tiennent la première place, c'est pourquoi parmi les sacrifices, celui de la louange semble avoir la prééminence : « C'est un sacrifice de louange qui m'honorera » ; aussi dit-il : j'ai immolé dans son tabernacle une hostie, non du bétail mais plutôt une hostie [avec] des cris de joie, c'est-à-dire de la louange divine. Et avec ces cris de joie, je [te] chanterai, à savoir un chant exprimant et la joie de mon âme et la rectitude de ma conduite : « Servez le Seigneur avec joie. »
7 Exauce, Seigneur, ma voix par laquelle j'ai crié vers toi : aie pitié de moi, et exauce-moi.
III. Plus haut le psalmiste a exposé son désir ; ici il s'exprime avec vivacité pour demander la chose désirée ; et à ce propos il fait trois choses :
A) Il demande d'abord d'être exaucé.
B) Ensuite il fait connaître sa demande : mon coeur t'a parlé.
C) Enfin il montre la confiance qu'il a dans son exaucement : Je crois que je verrai les biens du Seigneur.
A. Pour qu'il soit exaucé il avance deux raisons : 1) La première se fonde sur sa dévotion personnelle.
2) L'autre sur sa propre détresse.
1. La dévotion est la cause qui suscite l'écoute de Dieu. La dévotion est le cri du coeur qui incite Dieu à écouter. Et c'est pourquoi il dit : Exauce, parce que j'ai crié non extérieurement, mais intérieurement : « Leur clameur a pénétré jusqu'aux oreilles du Seigneur Sabaoth. »
2. De même notre détresse provoque l'exaucement : « J'ai vu l'affliction de mon peuple en Égypte, et j'ai entendu sa clameur à cause de la dureté de ceux qui président aux travaux. Et sachant sa douleur, je suis descendu pour le délivrer » ; voilà pourquoi il dit : aie pitié de moi, et exauce-moi, autrement dit : je me reconnais pauvre et je reconnais ma détresse, aussi t'appartient-il d'avoir pitié : « Exauce-moi pauvre suppliante. »
8 Mon coeur t'a parlé, ma face t'a recherché ; ta face, Seigneur, je la rechercherai.
B. Ici il expose ses demandes.
1) Et il commence par demander la recherche de la face divine.
2) Puis le secours divin : 9b Sois mon aide.
3) Enfin la direction de sa voie : 11 Prescris-moi, Seigneur, une loi.
1. En commençant par demander la recherche de la face divine, il montre qu'à propos de la chose demandée il en a un grand désir, un désir très profond, inquiet et persévérant.
a. Très profond, car Mon coeur t'a parlé. Parfois l'homme formule une demande de sa bouche, mais son coeur se tourne vers d'autres choses : « Ce ne sont pas tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le royaume des cieux ; mais celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là entrera dans le royaume des cieux. » - « Ce peuple me glorifie par ses lèvres, mais son coeur est loin de moi. » Mais lorsque la demande procède d'un très profond désir du coeur, alors elle est acceptée par Dieu, et dans ce cas, ce n'est pas seulement la bouche qui demande, mais bien plutôt le coeur : « Ton serviteur a trouvé son coeur pour t'adresser cette prière. » - « J'ai crié de tout mon coeur. »
b. Il dit avoir un désir inquiet et juste quand il déclare : ma face t'a recherché, etc. Il arrive parfois qu'un désir soit profond et tranquille, mais que la recherche soit faible ; mais lorsqu'il est anxieux, alors il recherche vraiment ; c'est pourquoi il dit : t'a recherché, c'est-à-dire a cherché souvent et avec empressement. Il montre aussi que ce désir est juste, car il n'y a d'image parfaite que dans la mesure où elle se conforme à son modèle ; aussi dit-il : ma face t'a recherché. La face intérieure de l'homme, c'est sa vision intérieure, c'est-à-dire son âme, ou son intelligence rationnelle, et cette dernière, c'est-à-dire ma face qui a été créée à ton image, t'a recherché. C'est pourquoi elle ne peut être transformée et rendue parfaite sans être unie à toi, Seigneur. Aussi, de même que toute chose recherche sa perfection, notre intelligence recherche Dieu.
c. Et il montre que ce désir est persévérant, car il dît : je rechercherai, c'est-à-dire je rechercherai encore et encore : « Si vous cherchez, cherchez. » - « Cherchez, et vous trouverez. » Le propre de celui qui aime est de rechercher souvent la chose aimée. Et ce qu'il cherche, il le montre lorsqu'il dit : « Je te montrerai toute sorte de biens. » - « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez. » Et c'est pourquoi David n'était pas en dehors de l'espérance, mais il cherchait encore ; aussi dit-il en un autre endroit : « Montre ta face, et nous serons sauvés. » - « Il priera Dieu, et Dieu se laissera apaiser en sa faveur ; et il verra sa face avec jubilation. »
9a Ne détourne pas ta face de moi : ne te retire point, dans ta colère, de ton serviteur.
Le psalmiste expose ici une triple demande.
1') Il commence par demander de ne pas être trompé à propos de la chose désirée.
2') Puis que la cause par laquelle il pourrait être trompé lui soit ôtée.
3') Enfin il demande d'être dirigé dans la voie : Prescris-moi, Seigneur, une loi.
1'. Ainsi dit-il : ta face, Seigneur, je la rechercherai. Et je demande : Ne détourne pas ta face de moi, autrement dit : ainsi l'homme détourne sa face de son prochain lorsqu'il ne veut pas écouter. Mais cela se passe autrement en Dieu que dans l'homme. Car Dieu, lui, est immobile ; et on dit qu'il détourne sa face, en tant que nous, nous nous détournons et changeons, et par le fait que dans notre coeur il y a un voile qui nous rend inaptes à voir sa face. Et c'est pourquoi une version de Jérôme lit : Ne abscondas (Ne me cache pas). » - « J'attendrai le Seigneur qui cache sa face à la maison de Jacob. »
2'. Mais la cause de l'aversion est la colère de Dieu dans le châtiment du péché. Et cette aversion est le plus grand des châtiments ; et tel est ce qu'il dit : et ne te retire point, dans ta colère, de ton serviteur, ne t'irrite pas contre moi en détournant ta face de moi. Et il dit : dans ta colère, car parfois il se détourne dans sa miséricorde, c'est-à-dire quand il ne regarde pas les péchés : « Détourne ta face de mes péchés. » Parfois il se détourne dans sa providence, c'est-à-dire lorsqu'il permet que quelqu'un tombe en vue de le relever plus fort, car » tout coopère au bien pour ceux qui aiment Dieu ».
9b Sois mon aide ; ne m'abandonne pas, ne me méprise pas, ô Dieu, mon sauveur. Parce que mon père et ma mère m'ont abandonné ; mais le Seigneur m'a recueilli.
2. Ici le psalmiste demande le secours divin pour ce qu'il doit accomplir avant de parvenir devant sa face, c'est-à-dire de crainte d'être empêché d'accéder à la vision de sa face.
a) Et il commence par exposer sa demande.
b) Puis il expose la raison de ses paroles : Parce que mon père.
a. Il demande le secours divin en disant : Je demande de voir ta face, mais je ne puis pas y parvenir par moi-même ; donc, toi sois mon aide, pour que j'y parvienne : « Mon secours vient du Seigneur. » Mais du point de vue de la forme il ne semble pas que cette version soit juste, car il semble qu'il vaille mieux dire : « Adjutor meus es tu (Toi tu es mon aide) », et ainsi lit-on dans le texte hébraïque : « Tu fus mon secours. » Et selon cette version il rappelle un bienfait, autrement dit : Tu fus une aide. Donc, à l'avenir, ne m'abandonne pas. Et il demande que soient écartées de lui deux choses, à savoir l'abandon de sa personne et le mépris intérieur : car si l'homme est abandonné à lui-même il périt : « Ta perte vient de toi, Israël. » Or on abandonne quelqu'un parce qu'on le méprise. Et Dieu nous méprise, parce que nous sommés faibles par nature, et corrompus par le péché, et c'est pourquoi il dit : ne me méprise pas, ô Dieu. Et pourquoi cela ? Parce que toi tu m'as créé, et tu es mon sauveur, c'est-à-dire toi tu m'as sauvé. Or nul ne méprise ses oeuvres : « Ne méprise pas les ouvrages de tes mains. »
b. Puis il expose la raison de ses paroles ; d'où ce qui suit : Parce que mon père et ma mère m'ont abandonné ; mais le Seigneur m'a recueilli, autrement dit parce que j'ai trouvé en toi une aide dans tout ce qui m'a fait défaut, ne me méprise pas. Et ainsi, il expose d'abord le manque de secours humain. Puis il expose le secours divin. Ce passage se lit de deux manières. Ou bien on l'applique littéralement à David, comme on le rapporte dans l'histoire du premier livre des Rois : lorsque David fut oint, Isai présenta ses fils aînés, mais le Seigneur choisit David, car Samuel le lui demanda. Ou bien on peut le lire dans la personne de l'homme juste, car au sens littéral, pour celui qui espère dans le Seigneur, tout secours humain fait défaut : « Mes proches m'ont abandonné, et ceux qui me connaissaient m'ont oublié. » - « Je tournais mes regards vers le secours des hommes, et il n'en était point. » Mais le Seigneur l'a pris sur lui et se charge de sa préoccupation, ce qui est préférable : « Bienheureux celui que tu as choisi et pris [à ton service]. » Mais au sens mystique, mon père, c'est-à-dire le diable, car mon père fut en état de péché, [m'a] abandonné, car il n'a pas de pouvoir sur moi ; ma mère, Babylone, [m'a] abandonné, c'est-à-dire m'a méprisé. Et cela parce que le Seigneur m'a recueilli.
11 Prescris-moi, Seigneur, une loi [à suivre] dans ta voie ; et dirige-moi dans une voie droite à cause de mes ennemis.
3/3'. Plus haut le psalmiste a exposé deux demandes : la première fut à propos de la vision de la face divine, la seconde fut à propos de la protection divine ; mais ici il expose une autre demande à propos de la direction de sa voie ; et à cet égard il fait deux choses :
a) Il commence par exposer sa demande.
b) Puis il en montre la nécessité : à cause de mes ennemis.
a. En exposant sa demande il fait deux choses :
- Il expose d'abord la demande d'une loi.
- Puis il demande d'être dirigé dans ce qui relève de la loi : dirige-moi.
- Il avait dit plus haut : J'ai demandé une seule chose au Seigneur, etc., et il a expliqué en quoi consiste cette demande, c'est-à-dire de voir ta face. Et parce qu'on parvient à cette vision, difficile à atteindre, par une voie ardue que nul ne parcourt sans le secours de Dieu, il demande que cela lui soit accordé : « Bienheureux l'homme dont le secours vient de toi ; il a disposé dans son coeur des degrés pour s'élever, dans la vallée de larmes, dans le lieu qu'il a fixé. Car le législateur donnera sa bénédiction ; ils iront de vertu en vertu ; il sera vu le Dieu des dieux dans Sion. » Puisqu'en vérité celui qui parcourt une voie inconnue a besoin d'un guide, il le demande en disant. Prescris-moi, Seigneur, une loi [à suivre] dans ta voie, autrement dit : Je dois gravir une voie, pour laquelle je te demande de me prescrire une loi. La loi est une règle d'action. Dans cette voie on progresse par des actes vertueux ; et c'est pourquoi une loi, qui est la règle des actes humains, est nécessaire, autrement dit : donne-moi une règle pour m'indiquer comment marcher. Une version de Jérôme lit comme suit : illuxit mihi Dominus viam (Le Seigneur m'a éclairé sur la voie [à suivre]). » - « Le commandement est un flambeau, et la loi, une lumière. » Donner une loi, c'est donner la lumière. Mais parfois on sait en général ce qu'on doit faire, mais on ne le sait pas en particulier, surtout à cause des séducteurs.
- Et pour se prémunir contre cela il demande en disant : dirige-moi dans une voie droite. - « Le sentier du juste est droit, droit est le chemin où le juste doit marcher. »
b. Et cela, à cause de mes ennemis. C'est la raison pour laquelle je demande d'être dirigé sur un chemin droit. Car celui qui connaît la voie, et la voie est droite, s'avance en sécurité s'il ne rencontre pas d'adversaire ; mais lorsqu'il rencontre un ennemi ou son adversaire, il a besoin de direction et de protection : « Dans cette voie dans laquelle je marchais, ils m'ont caché un piège. » Nos ennemis, ce sont les convoitises de la chair, les mauvais désirs, les démons, les hommes dépravés, ou les pécheurs, qui font obstacle sur la voie de celui qui doit aller à Dieu.
12 Ne me livre pas aux âmes de ceux qui m'affligent ; parce que se sont élevés contre moi des témoins iniques, et que l'iniquité a menti contre elle-même.
Le psalmiste explique ici ce qu'il vient de dire ; et il dit deux choses.
- Il commence par demander d'être libéré du danger des ennemis.
- Puis il montre qu'il a des ennemis : parce que se sont élevés contre moi.
- Ainsi dit-il : Ne me livre pas aux âmes de ceux qui m'affligent, autrement dit : ainsi je demande d'être dirigé dans la voie, parce qu'alors je ne tomberai pas au pouvoir des ennemis. Et il ne dit pas aux mains, mais aux âmes, c'est-à-dire à leurs volontés. Mais il arrive que les saints soient livrés aux mains des ennemis, car « la terre a été livrée aux mains de l'impie », comme on le dit au livre de Job, mais non aux âmes, car leur volonté est d'entraîner au mal, et Dieu ne permet pas cela : « Si tu accordes à ton âme ses désirs, elle te rendra la joie de tes ennemis. »
- parce que se sont élevés. Ici il montre qu'il a des ennemis.
· Et il montre d'abord leur tentative.
· Puis leur défaut.
· Je dis : à cause [des] ennemis, et cela, parce que des témoins iniques se sont élevés contre moi. Ces paroles peuvent être expliquées de trois manières : au sens historique, allégorique et moral.
Historique, parce qu'au sens littéral des témoins méchants parlèrent faussement contre David, c'est-à-dire Doeg l'Iduméen qui accusa le prêtre, et David, ainsi que d'autres.
Allégorique, en l'appliquant au Christ, contre qui des témoins iniques s'élevèrent en l'accusant : « En dernier lieu, vinrent deux faux témoins, et ils dirent : "Celui-ci a dit : je puis détruire le temple de Dieu, et, après trois jours, le rebâtir". »
Moral, car contre n'importe quel juste, de faux témoins sont parfois de faux docteurs essayant par leur doctrine de faire dévier les autres de la voie droite : « Malheur à vous qui appelez le mal bien, et le bien mal. » De même les adulateurs sont appelés de faux témoins : « Mon peuple, ceux qui te disent heureux, ceux-là mêmes te trompent. » - « Un faux témoin ne sera pas impuni. »
· et que l'iniquité a menti contre elle-même. Il expose ici leur défaut. Ces paroles telles qu'elles sont exposées ici peuvent être interprétées de trois manières.
Selon une première manière comme suit : On dit de quelqu'un qu'il se parle à lui-même, lorsqu'il est seul à comprendre ses propres paroles ; mais quand il s'adresse aux autres, ils ne comprennent pas : « Celui qui parle en langues ne parle pas aux hommes, mais à Dieu ; personne en effet ne comprend » ; et tel est le sens de ces paroles : Il y a de faux témoins, et ils profèrent le mensonge et persuadent, mais leur iniquité a menti contre elle-même, autrement dit : non pas contre moi, car je ne leur donne pas mon consentement. Ou bien : l'iniquité a menti contre elle-même, c'est-à-dire pour sa perte ; en effet à cause du mensonge qu'ils se proposaient de proférer, eux-mêmes ont encouru le mal : « Qui tend un piège aux autres y périra. » Ou bien : l'iniquité a menti contre elle-même, car ils ne sont pas parvenus à accomplir ce qu'ils se sont proposé de me faire ainsi qu'aux autres hommes justes : « Il dissipe le conseil des pervers. » Une version de Jérôme lit : « Apertum mendacium (Leur mensonge est manifeste) », c'est-à-dire qu'ils parlent ouvertement contre moi.
13 Je crois que je verrai les biens du Seigneur dans la terre des vivants.
C. Le psalmiste expose ici son espérance concernant son exaucement.
1) Et il expose d'abord l'espérance qu'il a lui-même.
2) Puis il exhorte les autres à cette même espérance : Attends le Seigneur
1. Sa demande était de voir Dieu, et c'est pourquoi il dit : Je crois, c'est-à-dire j'ai la ferme confiance, que je verrai les biens du Seigneur, c'est-à-dire que je verrai Dieu face à face : « Je sais que mon Rédempteur est vivant, et qu'au dernier jour je ressusciterai de la terre ; et que de nouveau je serai environné de ma peau, et que dans ma chair je verrai mon Dieu » ; aussi ne dit-il pas : voir le Seigneur, mais les biens du Seigneur ; ce qui peut s'entendre de deux manières. Soit : les biens du Seigneur, c'est-à-dire qui sont donnés par le Seigneur, mais ce n'est pas dans ce sens que ces mots sont pris ici. Soit : les biens, c'est-à-dire ceux qui sont dans le Seigneur ; et c'est dans ce sens que ces mots sont pris ici : car tous ces biens sont en lui comme en leur source première, et ils sont identiques à lui-même : « Or tous ces biens me sont venus ensemble avec la sagesse, et des richesses innombrables par ses mains, et je me suis réjoui en toutes choses, parce que marchait devant moi cette sagesse, et j'ignorais qu'elle était la mère de tous ces biens. » Et où ? dans la terre des vivants. La vision de Dieu est la vie éternelle, comme le rapporte Jean. Cette terre est celle des vivants : car de même que la terre souffre dans l'attente d'être fécondée par le ciel, ainsi la vie des bienheureux reçoit-elle immédiatement sa perfection de Dieu.
14 Attends le Seigneur, agis virilement ; et que ton coeur se fortifie, et patiente avec le Seigneur
2. Le psalmiste amène les autres à attendre, lorsqu'il dit : Attends le Seigneur. - « Bienheureux tous ceux qui l'attendent. » Et tandis que tu l'attends, tu auras confiance dans ton action ; c'est pourquoi il dit : agis virilement, c'est-à-dire intérieurement et extérieurement : « Fortifiez les mains languissantes. » Et il dit cela d'abord, parce que « celui qui aura persévéré jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé. » D'où, patiente avec le Seigneur, c'est-à-dire en accomplissant tout le bien possible, même s'il y a de l'adversité : « Malheur à ceux qui ont perdu la patience, et qui ont abandonné les voies droites, et se sont détournés dans des voies mauvaises. » Ou bien, patiente avec le Seigneur, c'est-à-dire attends le Seigneur. Et il répète alors pour exprimer une plus grande certitude.