1 Pour la fin. Pour les secrets du fils. Psaume de David.
2 Je te confesserai, Seigneur, de tout mon coeur ; je raconterai toutes tes merveilles.
3 Je me réjouirai et j'exulterai en toi ; je psalmodierai en l'honneur de ton nom, ô Très-Haut.
4 En renversant mon ennemi en arrière, ils seront affaiblis, et ils périront de devant ta face.
5 Parce que tu as fait tourner à mon avantage mon jugement et ma cause ; tu t'es assis sur ton trône, toi qui juges selon la justice.
6 Tu as châtié les nations et l'impie a péri ; tu as effacé leur nom pour l'éternité, et pour les siècles des siècles.
7a Les épées de l'ennemi ont perdu leur force pour toujours, et tu as détruit leurs cités.
7b Leur mémoire a péri avec bruit ; 8 mais le Seigneur demeure éternellement. Il a préparé son trône pour le jugement ; 9 et lui-même jugera le globe de la terre avec équité, il jugera les peuples avec justice. 10 Et le Seigneur s'est fait le refuge du pauvre, son aide dans les nécessités, dans la tribulation.
11 Et qu'ils espèrent en toi ceux qui connaissent ton nom, puisque tu n'as pas délaissé ceux qui te cherchent, Seigneur. 12 Psalmodiez un psaume au Seigneur, qui habite dans Sion ; annoncez parmi les nations ses desseins ; 13 parce que demandant compte du sang, il s'est souvenu d'eux ; il n'a pas oublié le cri des pauvres.
14 Aie pitié de moi, Seigneur, vois mon humiliation venant de mes ennemis. 15a Toi qui me relèves des portes de la mort,
15b afin que j'annonce toutes tes louanges aux portes de la fille de Sion.
16 J'exulterai dans ton salut ; les nations se sont enfoncées dans la ruine qu'elles ont forgée ; dans ce piège qu'elles ont caché, leur pied a été pris. 17 Le Seigneur sera connu comme rendant la justice ; le pécheur a été pris dans les oeuvres de ses mains.
18 Que les pécheurs soient précipités dans l'enfer, et toutes les nations qui oublient Dieu. 19 Car le pauvre ne sera pas oublié pour toujours ; la patience des pauvres ne périra pas à jamais.
20 Lève-toi, Seigneur, que l'homme ne se fortifie point ; que les nations soient jugées en ta présence. 21 Établis, Seigneur, un législateur sur eux, afin que les peuples sachent qu'ils sont des hommes.
22 Pourquoi, Seigneur, t'es-tu retiré au loin ? Pourquoi nous dédaignes-tu dans les nécessités, dans la tribulation ? 23 Tandis que s'enorgueillit l'impie, le pauvre est consumé ; ils sont pris dans les desseins qu'ils méditent.
24 Parce que le pécheur est loué dans les désirs de son âme, et l'injuste est béni. 25 Le pécheur a irrité le Seigneur, dans l'excès de sa colère il ne se souciera de rien.
26a Dieu n'est point devant ses yeux ; ses voies sont souillées en tout temps.
26b Tes jugements sont ôtés de devant sa face ; il dominera sur tous ses ennemis. 27 Car il a dit en son coeur : Je ne serai point ébranlé de génération en génération, je serai à l'abri du mal.
28 Sa bouche est pleine de malédiction, et d'amertume et de fraude ; sous sa langue labeur et douleur.
29 Il est assis en embuscade avec les riches, dans des lieux cachés, afin de tuer l'innocent. 30a Ses yeux regardent le pauvre ; il lui dresse des embûches dans le secret, comme un lion dans sa caverne.
30b Il dresse des embûches pour prendre le pauvre ; pour prendre le pauvre, tandis qu'il l'attire.
31 Dans son piège il l'humiliera ; il s'inclinera et tombera, lorsqu'il se sera rendu maître des pauvres. 32 Car il a dit en son coeur : Dieu a oublié, il a détourné sa face pour ne rien voir jusqu'à la fin.
33 Lève-toi, Seigneur Dieu, que ta main s'élève : n'oublie pas les pauvres. 34 Pourquoi l'impie a-t-il irrité Dieu ? C'est qu'il a dit dans son coeur : « Il ne demandera pas de comptes. »
35a Tu vois, car toi tu considères le labeur et la douleur pour les prendre en tes mains.
35b À toi le pauvre est abandonné ; c'est toi qui viendras en aide à l'orphelin. 36 Brise le bras du pécheur et du méchant ; on cherchera son péché, et on ne le trouvera pas. 37 Le Seigneur régnera éternellement et pour les siècles des siècles ; nations, vous disparaîtrez de sa terre.
38 Le Seigneur a exaucé le désir des pauvres ; ton oreille a entendu la disposition de leur coeur, 39 pour rendre justice à l'orphelin et à l'humble ; que l'homme cesse enfin de se glorifier sur la terre.
1 Pour la fin. Pour les secrets du fils. Psaume de David.
Dans le psaume précédent, le psalmiste a rendu grâce pour les bienfaits accordés au genre humain tout entier, tandis que dans ce psaume il rend grâce spécialement pour le bienfait qui lui a été prodigué dans la destruction de ses ennemis ; et cela se voit manifestement dans le contenu du titre que lui donne Jérôme et qui est intitulé : « Victori pro morte filii canticum David, etc. (À David vainqueur, cantique pour la mort de son fils). » Et ce titre fait allusion à l'histoire de David qui, après la mort d'Absalom, rentra en possession de son royaume. Et c'est pour ce bienfait qu'il a composé ce psaume. Mais dans notre version le titre est plus obscur : Pour la fin. Pour les secrets du fils. Psaume de David. Les secrets du fils, c'est-à-dire la mort du fils, car à cause de cette mort il est caché aux yeux de tous.
Au sens mystique, cela s'applique au Christ qui est appelé fils par antonomase, lui qui est le Fils de Dieu le Père par nature : « Si le Fils vous libère, vous serez vraiment libres. » Il est aussi le fils de David selon la promesse : « Aie pitié de moi, fils de David. » Pour les secrets du fils, c'est-à-dire du Christ. Quels sont ces secrets ? Il y a deux avènements du Fils de Dieu. Le premier fut caché quant à sa divinité et à sa gloire qui étaient voilées sous la faiblesse de la chair : « Vraiment tu es un Dieu caché. » Le second avènement sera manifeste : « Ils verront le Fils de l'homme venant dans une nuée, avec une grande puissance et une grande majesté. » Il y a aussi deux jugements du Christ. Le premier est caché ; et ce jugement se trouve dans l'ordonnance du monde, en tant que Dieu permet aux bons de souffrir persécution de la part des méchants : « Tes jugements sont un abîme profond. » L'autre jugement sera manifesté au jugement dernier : « Jusqu'à ce que vienne le Seigneur, qui éclairera ce qui est caché dans les ténèbres, et manifestera les pensées secrètes des coeurs. » Il est en effet question d'un jugement caché dans le fait que les bons subissent l'affliction de la part des méchants : « J'attendais des biens, et voici des maux ; j'espérais la lumière, et des ténèbres se sont répandues. » Tout cela est rappelé implicitement, car le psalmiste rend grâce pour la libération de ses ennemis.
Ce psaume se divise er deux parties.
I) Dans la première partie, le psalmiste expose l'action de grâce proprement dite.
II) Dans la seconde, il expose la matière de l'action de grâce : 4 En [renversant] mon ennemi en arrière, etc.
2 Je te confesserai, Seigneur, de tout mon coeur ; je raconterai toutes tes merveilles.
I. Le psalmiste rend grâce de trois manières : par le coeur, par la bouche et par l'action.
A. Par la bouche, de deux manières : en louant et en prêchant, car il dit : Je te confesserai. Or il y a trois sortes de confessions :
1. De la foi : « On confesse de bouche pour le salut. » - « J'ai dit : "Je confesserai contre moi mon injustice au Seigneur", et tu m'as remis l'impiété de mon péché. »
2. Des péchés : « Confessez vos péchés les uns aux autres. »
3. De louange : « Devant tous les vivants confessez-le, parce qu'il a exercé envers vous sa miséricorde. » Et c'est de cette confession dont il s'agit ici : Ô Seigneur, Je te confesserai, c'est-à-dire je te rendrai grâce, je te louerai : « Je louerai le nom de mon Dieu par un cantique, et je le magnifierai par ma louange. » Cette action de grâce est dans le coeur, car « les hommes voient ce qui paraît, mais le Seigneur regarde le coeur ». C'est contre ce jugement extérieur que s'élèvent Isaïe et Marc : « Ce peuple m'honore des lèvres, mais leur coeur est loin de moi. » Mais il dit : de tout mon coeur, car « Dieu est plus grand que notre coeur ». Et c'est pourquoi même Si nous le louons de tout notre pouvoir, notre louange n'est pas à la mesure de ce qu'il est : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur. » Donc celui qui ne donne pas totalement son coeur à Dieu, mais veut quelque chose d'autre en même temps que lui, le perd : « La couche a été resserrée, de manière que l'un tombera ; et la couverture est étroite, et ne peut couvrir l'un et l'autre » Par conséquent, celui-là le loue de tout son coeur, qui n'accepte rien qui s'oppose à Dieu, mais rapporte tout à lui dans ses actes ou dans sa conduite : « Révéler et publier les oeuvres de Dieu », c'est-à-dire en les annonçant, « c'est une chose honorable ».
je raconterai, en prêchant et en annonçant aux autres, car Dieu accorde des bienfaits qui doivent être communiqués aux autres ; et cela se réalise bien en les faisant connaître aux autres : « Va et annonce tout ce que Dieu a fait pour toi » ; et c'est pourquoi il dit : je raconterai tes merveilles. Mais il a raison de dire : merveilles, car les oeuvres de Dieu sont dès qu'il raconte, toutes ces choses-là sont merveilleuses ; ou bien : toutes, parce que l'intention de celui qui raconte ne doit pas s'arrêter sur une considération, mais progresser dans sa narration autant qu'il peut. Selon Hilaire, dans son ouvrage Sur la Trinité, « celui qui poursuit l'infini de sa foi aimante, même s'il n'y parvient jamais, profitera de sa recherche ». Et dans l'Écriture : « Glorifiez Dieu autant que vous le pouvez, sa gloire l'emportera encore, et admirable est sa majesté. » Et : « Le Seigneur n'a-t-il pas donné à ses saints de raconter toutes ses merveilles ? »
3 Je me réjouirai et j'exulterai en toi ; je psalmodierai en l'honneur de ton nom, ô Très-Haut.
B. Je me réjouirai. Ici le psalmiste rend grâce par le coeur. Certains racontent leurs propres biens aux autres, et trouvent leur joie en eux-mêmes, comme les pécheurs. C'est l'attitude du Pharisien dans l'évangile selon Luc, qui disait : « Ô Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont voleurs, injustes, adultères ; ni même comme ce publicain. » Tandis que celui-ci met toujours sa joie dans le Seigneur : « Dans tout don montre un visage joyeux, et dans l'exultation sanctifie tes dîmes. » Je me réjouirai, intérieurement dans le coeur, et j'exulterai en toi, faisant éclater ma joie à l'extérieur : « Mais moi, je me réjouirai dans le Seigneur, et j'exulterai en Dieu mon Jésus. »
C. Je psalmodierai. Enfin il rend grâce par l'action ; car psalmodier est une oeuvre manuelle, et à travers cette oeuvre est signifiée une bonne oeuvre ; car toutes nos oeuvres doivent aboutir à la gloire de Dieu : « Qu'ainsi donc luise votre lumière devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. » - « Je psalmodierai en l'honneur de mon Dieu tant que je vivrai. » Mais il ajoute : en l'honneur de ton nom, ô Très-Haut, autrement dit : Ô Dieu, tu ne tires aucun avantage dans le fait que je te confesserai et que je psalmodierai pour toi, car ton nom est souverain, mais cela nous est profitable : « Ma prière revenait dans mon sein. » - « Si tu as agi justement, que lui donneras-tu, ou que recevra-t-il de ta main ? » - « Que sert à Dieu que tu sois juste ? ou quel bien lui fais-tu si ta voie est sans tache ? »
4 En renversant mon ennemi en arrière, ils seront affaiblis, et ils périront de devant ta face.
II. En renversant. Ici est exposée la matière de l'action de grâce.
A) D'abord en particulier pour le psalmiste.
B) Puis en général : 18 Que les pécheurs soient précipités dans l'enfer, etc.
A. Concernant la matière de l'action de grâce qui le regarde plus particulièrement, le psalmiste expose trois choses :
1) Il expose en premier lieu un fait.
2) Puis il loue l'autorité de celui qui agit : 8 le Seigneur demeure éternellement.
3) Enfin il y subordonne un fruit : 11 qu'ils espèrent en toi.
1. Il expose deux choses : un fait, et la justice liée à ce fait. La justice liée à ce fait en disant : Parce que tu as fait tourner a mon avantage, etc.
a. Le fait est la destruction de l'ennemi à propos de laquelle il mentionne trois choses :
- Car si quelqu'un est détruit, il commence par être détourné de son dessein, et à ce propos le psalmiste dit : En renversant mon ennemi en arrière ; ajoutez à cela : Je confesserai, c'est-à-dire je rendrai grâce à Dieu. L'ennemi est alors renversé en arrière, lorsqu'il se détourne de ce qu'il se propose : « Qu'ils retournent en arrière et qu'ils rougissent, ceux qui songent à des maux pour moi. »
- Ensuite sa force faiblit, et à ce propos il dit : ils seront affaiblis, c'est-à-dire dans sa puissance : « Le Seigneur est avec moi comme un guerrier vaillant ; c'est pour cela que ceux qui me persécutent tomberont et seront sans force. »
- Enfin eux-mêmes périssent, c'est pourquoi il dit : ils périront, ou bien en cessant leur impiété ; et cela de devant ta face, c'est-à-dire privés de ta connaissance, ou bien par ta condamnation. Ou bien : ils périront sous ta vengeance et le jugement de leur malice. Ou bien : ils périront de devant ta face, parce qu'ils ne pourront pas te voir. On lit dans une version d'Isaïe : « Que l'impie soit supprimé de crainte qu'il ne voie la gloire de Dieu. »
5 Parce que tu as fait tourner à mon avantage mon jugement et ma cause, toi tu t'es assis sur ton trône, toi qui juges selon la justice.
b. Le psalmiste expose ici la justice liée au fait.
- Il l'expose d'abord de son côté quand il dit : Parce que tu as fait. Parfois une personne est dans son droit, mais sans avoir de juge qui lui fasse justice. Parfois une personne a un juge, mais pas de témoin ou d'avocat ; mais celui qui est dans son droit trouve un juge, et c'est pourquoi il dit : Parce que tu as fait tourner à mon avantage mon jugement, c'est-à-dire tu me l'as donné, et ma cause, c'est-à-dire mon témoin : « C'est moi qui suis témoin et juge, dit le Seigneur. » Car Dieu est à la fois juge et témoin : en tant que juge, il rend un jugement ; en tant que témoin, il défend les causes.
- Ensuite le psalmiste expose la justice liée au fait du côté du juge. Et il dit à propos de Dieu l'autorité qu'il détient pour juger : toi tu t'es assis sur ton trône, toi qui es le siège du juge, c'est-à-dire toi qui as le pouvoir royal pour détruire le mal : « Le roi qui est assis sur le trône, dissipe tout le mal par son regard. » De même, tu as l'amour de la justice, aussi dit-il : toi qui juges selon la justice. - « Mais toi, Seigneur Sabaoth, toi qui juges justement. »Autrement dit : c'est ton attribut particulier. - « Le Seigneur est juste et il a aimé la justice. » - « C'est moi qui professe la justice, et qui combats pour sauver. »
Ou bien si on applique cela au Christ : Parce que tu as fait tourner à mon avantage mon jugement, etc. Le Christ fut jugé, et il eut un procès : « Ta cause a été jugée comme celle d'un impie. » Mais sa cause fut à son avantage, puisqu'elle aboutit à sa propre glorification. Toi tu t'es assis, à savoir Dieu le Père, sur ton trône, c'est-à-dire l'âme du Christ. Ou bien il s'agit du Christ qui est assis à la droite de Dieu le Père. Pour la dernière partie de ce verset, commentez-le en l'adaptant comme vous le voulez.
6 Tu as châtié les nations et l'impie a péri ; tu as effacé leur nom pour l'éternité, et pour les siècles des siècles.
- Tu as châtié. Plus haut le psalmiste a montré le jugement exercé de son côté, car ce jugement a été rendu en sa faveur, et il l'a montré du côté du juge ; ici il fait connaître le jugement ou la justice qui lui a été rendue du côté de ceux qui sont vengés.
· Et il expose en premier lieu la justice proprement dite.
· Puis il l'explicite : 7 Les épées de l'ennemi ont perdu leur force, etc.
· En punissant les méchants, le Seigneur accomplit successivement trois choses à leur égard. Car il ne leur inflige pas aussitôt l'ultime châtiment, mais il commence par les reprendre ; puis, s'ils ne se corrigent pas, il les punit ; enfin il les extermine.
Concernant la correction il dit : Tu as châtié, par les prédicateurs : « Annonce à mon peuple ses crimes, et à la maison de Jacob ses péchés. » - « Reprends, corrige, exhorte en toute patience et doctrine. » Également par les tribulations : « Il le corrige aussi sur son grabat par la douleur, et il fait sécher ses os. »
Et à propos de la punition il dit : l'impie a péri, c'est-à-dire ou bien Absalom, ou bien le diable : « Parce que nul n'a l'intelligence, ils périront éternellement. »Tu as châtié les nations, c'est-à-dire les nations trompées, et l'impie qui excite a péri, parce que toute la multitude s'est rebellée ; mais elle n'a pas été détruite puisqu'elle fut séduite.
Quant à l'exter>
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leur nom, car les impies cherchent à se conserver, mais ceux-ci ne seront pas trouvés dignes de l'éternité.
On objectera que le nom de Judas s'est conservé dans la mémoire.
Il faut répondre en disant que les hommes n'ont pas l'intention d'exalter leur nom dans le mal, mais dans le bien ; cependant le nom de Judas demeure lié au mal : « Le nom des impies pourrira. »Jérôme rapporte qu'un inconnu brûla un temple dans le dessein de perpétuer son souvenir ; et c'est ainsi que le nom des méchants peut demeurer lié au mal.
7a Les épées de l'ennemi ont perdu leur force pour toujours, et tu as détruit leurs cités.
· Le psalmiste explique ici comment il périt ; et il mentionne deux choses :
Il donne en premier lieu la raison pour laquelle il périt.
Ensuite il en explicite la manière : Leur mémoire a péri.
La raison pour laquelle il périt vient du fait que sa volonté déterminée de se faire un nom a été rendue vaine. Parfois, certains se font un nom par la puissance militaire ou dans l'exploit des guerres, c'est pourquoi il est écrit dans la Genèse : « Ces hommes sont puissants, fameux dès le temps ancien. » Parfois, en bâtissant une cité : « La fondation d'une cité assurera un nom, et au-dessus de ces biens, sera estimée une femme sans tache », comme le nom de Romulus pour Rome ; mais le Seigneur a détruit l'une et l'autre. Les épées, c'est-à-dire les glaives de l'en nemi, c'est-à-dire de l'homme, ont perdu leur force pour toujours, - « Là il a brisé la puissance des arcs. » Et tu as détruit leurs cités. - « Votre terre est déserte, vos cités brûlées par le feu. » Cet ennemi, c'est notamment le diable : « C'est un homme ennemi qui a fait cela. » Son épée, ce sont les tentations. Les cités, ce sont les mauvais desseins dont il se sert pour pervertir les bons.
7b Leur mémoire a péri avec bruit ; 8 mais le Seigneur demeure éternellement. Il a préparé son trône pour le jugement ; 9 et lui-même jugera le globe de la terre avec équité, il jugera les peuples avec justice. 10 Et le Seigneur s'est fait le refuge du pauvre, son aide dans les nécessités, dans la tribulation.
a péri. Le psalmiste expose ici la manière dont leur mémoire a péri. Cela s'explique de deux façons. À péri, c'est-à-dire leur mémoire et leur bruit ont péri en même temps. Les méchants font du bruit en renversant des royaumes, ils détruisent des cités : « Tous ont été livrés à la mort au fond de la terre, au milieu des fils des hommes, avec ceux qui descendent dans la fosse. » Ou bien : de l'impie, lorsqu'un homme méchant est détruit. Ce n'est pas sans un grand vacarme, car il faut qu'il endure une tribulation comme on le voit dans Marc, lorsque le diable sortit de l'homme possédé en criant et en le déchirant beaucoup. Une version de Jérôme lit : « Periit memoria cum impiis (Leur mémoire a péri avec les impies) », car ils n'ont rien fait de bien, aussi leur mémoire ne s'est pas perpétuée avec leur bien : « En vain il vient, il s'en va dans les ténèbres, et par l'oubli sera effacé son nom. »
2. mais le Seigneur demeure éternellement. Le psalmiste expose ici l'autorité de celui qui agit, et il traite de six qualités touchant le jugement de Dieu.
a. Il dit d'abord que ce jugement n'est pas momentané, mais éternel. L'autorité des autres a une brève existence, c'est pourquoi il dit : le Seigneur demeure éternellement. Une version de Jérôme lit : « Sedet quasi ad judicium Dominus (Le Seigneur est assis comme pour juger). »
b. Il affirme aussi qu'il est toujours prompt, celui des autres n'est pas ainsi, aussi dit-il : Il a préparé son trône pour le jugement, c'est-à-dire il le tient prêt : « Le Seigneur est debout pour juger, il est debout pour juger les peuples. »
c. Il affirme également qu'il est universel ; c'est pourquoi il dit : lui-même jugera le globe de la terre, et pas seulement les Juifs : « Loin de toi, Seigneur, de perdre le juste avec l'impie. »
d. Il affirme de même qu'il est juste ; c'est pourquoi il dît : avec équité, il jugera les peuples avec justice. Il mentionne deux choses, à savoir l'équité et la justice. Car la justice implique l'exécution des choses qui sont objectivement justes en soi, et qui peuvent ne pas l'être dans une circonstance particulière. Car les règles et le nombre s'appliquent aux réalités contingentes, et ne peuvent être appliqués à toutes les réalités particulières, mais on n'en tient pas compte dans certains cas ; par exemple il y a certaines règles, nombres et conclusions, qui dans certains cas et pour une raison précise ne sont pas observés. Or l'application de ces principes universels aux faits particuliers relève de l'équité. Urie version de Jérôme lit : « Judicabit populos in aequitate (Il jugera les peuples avec équité) », parce que les réalités particulières relèvent de l'équité, qui restreint en quelque sorte et règle la justice.
e. Il affirme encore qu'il est plein de miséricorde. Cette qualité est appréciée à partir de la personne à qui l'on fait miséricorde ; par exemple si on fait miséricorde à un pauvre : « Lorsque tu donnes un déjeuner ou un dîner, n'appelle ni tes amis, ni tes parents, ni de riches voisins, de peur qu'ils ne t'invitent à leur tour, et qu'ils ne te rendent ce qu'ils ont reçu de toi. » - « Je pleurais autrefois sur celui qui était affligé, et mon âme était compatissante pour le pauvre. » Aussi le psalmiste dit-il : le Seigneur s'est fait le refuge du pauvre, c'est-à-dire de l'opprimé : « Venez au secours de l'opprimé, jugez l'orphelin, défendez la veuve. » - « Jugez l'indigent et l'orphelin, faites justice à l'humble et au pauvre » ; et cela est vrai dans la mesure où ils détiennent la justice : « Tu ne jugeras point injustement. Ne considère point la personne du pauvre, et n'honore point le visage de l'homme puissant. »
f. Il affirme de même que ce jugement se fonde sur le temps, car c'est lorsqu'ils sont privés du temps favorable que sa miséricorde est accueillie : « Belle est la miséricorde de Dieu au temps de la tribulation, comme la nuée de la pluie au temps de la sécheresse. » Et c'est pourquoi il dit : son aide dans les nécessités, et il ajoute : dans la tribulation, car c'est au temps de la tribulation que les hommes se convertissent à Dieu, et c'est alors qu'il faut leur prêcher. Et ces qualités peuvent être appliquées au Christ. Le Seigneur demeure éternellement, car « Jésus-Christ était hier, il est aujourd'hui ». Il a préparé pour le jugement, car il s'est assis sur son trône pour juger, et lui-même jugera le globe de la terre avec équité. - « Il s'est revêtu de la justice comme d'une cuirasse, et a mis sur sa tête le casque du salut. »
11 Et qu'ils espèrent en toi ceux qui connaissent ton nom, puisque tu n'as pas délaissé ceux qui te cherchent, Seigneur 12 Psalmodiez pour le Seigneur, qui habite dans Sion ; annoncez parmi les nations ses desseins ; 13 parce que demandant compte du sang, il s'est souvenu d'eux ; il n'a pas oublié le cri des pauvres.
Et qu'ils espèrent Plus haut le psalmiste a exposé le fait pour lequel il a rendu grâce, et l'autorité de celui qui agit ; ici il expose le fruit de ce fait.
a) Et d'abord chez les autres.
b) Puis chez lui : Aie pitié de moi.
a. Il commence par indiquer un triple fruit chez les autres :
- Le premier est la connaissance, ou la confiance dans le nom de Dieu.
- Le deuxième est spirituel, c'est la joie de ceux qui l'aiment.
- Le troisième est la manifestation de son nom.
Le deuxième fruit est explicité par ces mots : Psalmodiez. Le troisième par ce mot : annoncez.
Il introduit ces fruits sous forme d'exhortation, et à cet égard il fait trois choses : il commence par susciter l'espérance ; puis il montre pour qui il convient d'espérer ; et enfin pourquoi.
- Ainsi dit-il : Et qu'ils espèrent en toi. - « Vous qui craignez le Seigneur, espérez en lui. » Mais d'où vient cette espérance ? C'est parce qu'ils connaissent ton nom. Or cette espérance est suscitée par deux choses : par le fait qu'il est puissant ; et cela est manifeste, puisque « son nom est le Seigneur » ; et par le fait qu'il est favorable, car il est souverainement bon : « Personne n'est bon si ce n'est Dieu seul. » Et ce nom est principalement Jésus : « C'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » - « Qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse. » Et pourquoi ? Parce que tu n'as pas délaissé ceux qui te cherchent. - « Il se laisse trouver par ceux qui ne le tentent pas, et il apparaît à ceux qui ont foi en lui », c'est-à-dire à ceux qui le cherchent avec une bonne intention, car les méchants ne le trouvent pas : « Vous me chercherez, et vous ne trouverez pas. » Le psalmiste dit aussi où il est, car « il n'est ni parmi les proches et les connaissances ». - « Il ne se trouve pas sur la terre de ceux qui vivent dans les délices. »
- Puis il introduit le deuxième fruit, à savoir la joie. Psalmodiez pour le Seigneur, qui habite dans Sion. On dit du Seigneur qu'il habite dans un lieu non point de manière corporelle : « David a établi l'arche dans Sion », mais en vérité il habite dans l'Église. Sion veut dire lieu, et dans l'Église nous scrutons les réalités éternelles ; donc nous devons psalmodier à cette fin, c'est-à-dire nous réjouir par le coeur et par la bouche, et par les oeuvres, à cause des bienfaits reçus.
- Enfin il introduit le troisième fruit : annoncez. - « Chacun de vous mettant au service des autres la grâce qu'il a reçue. »Et c'est pourquoi il expose d'abord ce qu'ils doivent annoncer. « Celui-là, dit Grégoire, recueille des fruits abondants de sa prédication, qui auparavant a jeté les semences d'une bonne oeuvre. » parmi les nations, c'est-à-dire parmi ceux qui vivent comme les Gentils, c'est-à-dire parmi les pécheurs : « Venant au-devant de celui qui a soif, portez de l'eau. » ses desseins, c'est-à-dire son souci ou sa sollicitude pour le salut du genre humain : « Moi je pense des pensées de paix. » Ensuite il explicite ces desseins : parce que demandant compte du sang, etc. Ce que quelqu'un accomplit avec zèle et empressement, il ne peut l'oublier qu'il ne l'ait accompli ; or Dieu recherche avec ardeur le salut des hommes, et c'est pourquoi il n'oublie pas. Deux choses contribuent à l'oubli : la mort : « J'ai été mis en oubli comme un mort effacé du coeur. » De même la pauvreté : « Les frères d'un homme pauvre le haïssent. » - « Pourquoi ne venges-tu point notre sang de ceux qui habitent la terre ? » Mais Dieu n'oublie-t-il pas les morts ? parce que demandant compte du sang, c'est-à-dire de ceux qui te cherchent ; même s'il arrive qu'ils soient tués, et cela par le jugement. Ou bien [il demande] compte du sang des saints, en les restaurant dans la résurrection : « Voilà qu'ils sont comptés parmi les fils de Dieu. » Mais il écrit : s'est souvenu, non point parce qu'il a oublié, mais parce qu'il semble avoir oublié à cause de son délai. De même Dieu n'oublie pas les pauvres et les petits ; d'où ces paroles du psalmiste : il n'a pas oublié le cri des pauvres. - « Ce pauvre a crié », ou bien dans les dangers, ou bien dans la prière : « Leur clameur a pénétré jusqu'au Seigneur Sabaoth. » - « Il n'a pas méprisé, ni dédaigné la supplication du pauvre. » - « En regardant j'ai vu l'affliction de mon peuple qui est en Égypte, et je suis descendu le libérer. »
14 Aie pitié de moi, Seigneur, vois mon humiliation venant de mes ennemis. 15a Toi qui me relèves des portes de la mort.
b. Aie pitié. Il expose ici son propre fruit.
- Et il rappelle en premier lieu un bienfait.
- Puis il expose ce fruit : afin que j'annonce, etc.
- Il y a deux sortes de bienfaits : le premier est futur, l'autre est acquis : Toi qui me relèves, etc. Il fait d'abord deux choses : il commence par faire mention de la miséricorde. Puis il en expose le motif.
Le bienfait futur est la miséricorde : Aie pitié de moi. » La terre est remplie de la miséricorde du Seigneur. »
Son motif est la considération de Dieu. vois, c'est-à-dire considère, mon humiliation. Cette humiliation n'implique pas la vertu, comme dans ce verset d'un autre psaume : « Si je n'entretiens pas d'humbles sentiments », mais elle souligne l'abjection. C'est pourquoi une version de Jérôme lit : « Afflictionem de inimicis meis (L'affliction venant de mes ennemis) », car ils affligent. Ou bien autrement : vois mon humiliation, car « aux humbles Dieu donne la grâce ». Mais cette considération ne peut être faite qu'en regardant les ennemis qui sont orgueilleux et méchants.
Il fait ensuite connaître le bienfait acquis : Toi qui me relèves, etc., autrement dit : tu m'as arraché à un péril tel qu'il ne me restait plus qu'à mourir : « La mort est montée par nos fenêtres ; elle est entrée dans nos maisons, pour exterminer nos petits enfants au dehors. » Mais, au sens spirituel, les portes de la mort ce sont les hérétiques : « Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. » Ce sont aussi les sens de l'homme : « La mort s'est introduite par les fenêtres. » La haine de la parole de Dieu : « Leur âme avait eu horreur de toute nourriture, aussi ils approchèrent jusqu'aux portes de la mort. » Les tentations et les vices : « Tu mènes jusqu'aux portes de l'enfer et en ramènes. » Donc celui qui est libéré de ces choses, qu'il dise : Toi qui me relèves, c'est-à-dire toi qui m'as libéré des portes de la mort.
15b afin que j'annonce toutes tes louanges aux portes de la fille de Sion.
- Ensuite lorsqu'il dit : afin que, il expose le fruit, mais dans un ordre inverse.
· D'abord sous forme d'annonce.
· Puis d'exultation : J'exulterai.
· Enfin de connaissance : Sera connu.
· Je dis que tu es compatissant, aussi je demande que tu aies pitié ; et cela afin que j'annonce tes louanges. Dans l'Antiquité les jugements se déroulaient aux portes des cités ; et c'est pourquoi il dit : aux portes de la fille de Sion, c'est-à-dire de Jérusalem, parce que cette dernière était sise sous la forteresse qui était appelée Sion, autrement dit : que dans la multitude du peuple de Jérusalem j'annonce toutes tes louanges, non point toutes au sens universel, mais toutes sortes de louanges. Les portes de la fille de Sion signifient aussi les docteurs de l'Église : « Je ferai ses portes en pierres ciselées, et tous tes contours en pierres précieuses ; et tous tes fils seront instruits par le Seigneur, et une abondance de paix est réservée à tes fils. »Ce sont aussi les portes de la justice : « Voici la porte du Seigneur, les justes y entreront », comme on le dit dans un psaume. Ce sont également les bonnes pensées : « puisqu'il a affermi les serrures de tes portes ». Ainsi donc à ces portes j'annoncerai tes louanges.
16 J'exulterai dans ton salut ; les nations se sont enfoncées dans la ruine qu'elles ont forgée ; dans ce piège qu'elles ont caché, leur pied a été pris. 17 Le Seigneur sera connu comme rendant la justice ; le pécheur a été pris dans les oeuvres de ses mains.
· J'exulterai. Le premier fruit ayant été mentionné, à savoir l'annonce de la louange divine, il mentionne ici le second, à savoir la joie spirituelle qui vient de Dieu.
Et il commence par mentionner son exultation.
Puis il indique la circonstance de cette exultation : les nations se sont enfoncées.
Ainsi dit-il : afin que j'annonce toutes tes louanges. Mais ces louanges seraient vaines, si elles étaient dans la bouche sans que l'allégresse n'habite le coeur : « Que la louange soit agréable à notre Dieu » ; et c'est pourquoi il ajoute : J'exulterai dans ton salut. Non point dans le monde ou dans la chair, mais dans ton salut par lequel tu me relèves. Ou bien dans le Christ sauveur : « J'exulterai en Dieu mon Jésus. » - « Je me réjouis dans ton salut. »
La circonstance de cette exultation est la destruction des ennemis, qui persécutent les saints. Et ils persécutent les saints de deux manières : d'abord par la violence. Puis par la fourberie.
Ainsi dit-il concernant la violence : les nations se sont enfoncées. Parce que les pécheurs ont préparé un meurtre pour les autres, eux-mêmes en sont morts ; et c'est pourquoi il a dit : se sont enfoncées. Ou bien selon une version de Jérôme : « submersae (ont été englouties) », car ce qui est enfoncé, est ruiné avec violence. Et ceux qui semblaient tuer les autres avec violence, sont violemment opprimés : « Leurs sentiers sont devenus tortueux pour eux. » - « Que leur glaive entre dans leur propre coeur, et que leur arc soit brisé. » Ou bien, au sens spirituel, on est précipité dans la ruine, lorsqu'on commet un péché ; car dès cet instant il conduit au châtiment éternel et l'on se damne. Et on s'enfonce dans ces oeuvres par l'habitude : « Il a engagé son pied dans un rets, et il marche dans ses mailles. »
Concernant la fourberie il dit : dans ce piège. Les chasseurs d'oiseaux et d'animaux posent des pièges ; ainsi les pécheurs procèdent-ils de manière insidieuse : « Ils ont préparé un lacs pour mes pieds. » Et il dit : ont caché, car au sens littéral les chasseurs d'oiseaux cacheraient leurs pièges ; ainsi les pécheurs procédent-ils avec fourberie par des paroles de paix qui donnent et préparent le venin de la séduction : « Sur cette voie dans laquelle je marchais [les superbes] m'ont caché un lacs. »
· Le troisième fruit est la connaissance de la majesté divine : leur pied a été pris, c'est-à-dire leur mauvais sentiment : « L'iniquité d'Éphraïm est liée, son péché est caché » ; car ils sont uniquement enclins au mal. Et ceux-ci cachent un piège, mais en vain, car le Seigneur sera connu. Et par quels moyens ? Car le pécheur a été pris dans [ses] oeuvres. Parfois certains ne connaissent pas Dieu dans la prospérité, comme Pharaon, mais bien dans le malheur : « Remplis leurs faces d'ignominie » ; et c'est pourquoi il dit : rendant la justice. Et pour indiquer quels sont les jugements de Dieu, il ajoute : dans les oeuvres. Le propre de la sagesse divine est de disposer « toutes choses avec douceur ». Et il exerce ce jugement à travers les choses qui selon leurs propres formes tendent vers leur fin propre ; ainsi les pécheurs encourent des châtiments à travers les actes qu'ils méditent : « Qui surprend les sages dans leur finesse. » Aussi le psalmiste dit-il : le pécheur a été pris dans les oeuvres de ses mains. Il est écrit : « Ses iniquités saisissent l'impie, et par les liens de ses propres péchés il est enchaîné. » Et encore : « Son conseil le jettera dans un précipice. » Pareillement : Le Seigneur sera connu, ici-bas par les saints. En fuyant aussi le piège : « En vain on jette le filet devant les yeux des oiseaux. » La Glose dit à ce propos : « Il évite facilement les pièges de la terre celui qui garde sans cesse les yeux tournés vers le ciel. » Et Jérôme écrit : « Chacun porte avec lui des cordes, des liens et des tourments, c'est pourquoi il endure des maux ; et par le jugement secret de Dieu les pécheurs sont saisis dans les pièges qu'ils cachent, tandis que les justes y échappent. »
18 Que les pécheurs soient précipités dans l'enfer, toutes les nations qui oublient Dieu. 19 Car le pauvre ne sera pas oublié pour toujours ; la patience des pauvres ne périra pas à jamais.
B. Plus haut, le psalmiste a traité du jugement de Dieu à l'égard de ses propres adversaires ; ici il parle du jugement de Dieu concernant le genre humain tout entier, et touchant les maux qui sont perpétrés partout par les pécheurs ; et à ce propos il fait deux choses :
1) Il annonce d'abord le jugement de Dieu contre les méchants sous forme de prière.
2) Ensuite il expose le progrès des méchants : 22 Pourquoi, Seigneur, t'es-tu retiré au loin ?
1. Concernant le jugement divin contre les méchants, le psalmiste accomplit deux choses.
a) Il annonce d'abord le châtiment des pécheurs.
b) Ensuite il réclame le jugement divin qui punit : 20 Lève-toi, Seigneur.
a. En annonçant le châtiment des pécheurs il fait trois choses :
- Il annonce d'abord le châtiment à souhaiter.
- Puis il expose la cause de ce châtiment du côté des pécheurs : toutes les nations.
- Enfin du côté des justes : Car le pauvre ne sera pas oublié pour toujours.
- Ainsi dit-il : soient précipités. Cette demande peut être comprise de deux manières.
Ou bien elle concerne la punition des méchants dans le présent par la mort. Ou bien dans le futur par le châtiment éternel.
Et il dit : Que les pécheurs soient précipités, c'est-à-dire soient punis. Mais a-t-on le droit de demander cela ? On répondra que le prophète dit cela sous forme d'annonce et non de demande, ou bien en se conformant à la volonté divine : « Ils entreront dans les parties inférieures de la terre. » - « Mais cependant tu seras traîné en enfer », c'est-à-dire dans l'abîme de l'étang : Ou bien par enfer on entend l'obstination de l'esprit dans le péché, etc. Aussi le pécheur est-il précipité vivant en enfer, lorsqu'il s'entête dans son obstination : « Dieu les a livrés à leur sens réprouve », autrement dit : ils sont abattus en cette vie. Ainsi donc le châtiment est la précipitation en enfer, comme on l'a dit.
- La cause du châtiment est l'oubli de Dieu ; car celui qui s'éloigne d'une fin, se dispose à tendre vers une autre fin. Or il y a deux fins pour l'homme : la fruition de Dieu ou la géhenne. Et tel est ce qu'il dit : qu'ils soient précipités, etc., c'est-à-dire ces pécheurs qui oublient les commandements de Dieu ainsi que ses bienfaits : « Ils ont oublié ses bienfaits et les merveilles qu'il leur a montrées. » - « Le Dieu qui t'a engendré, tu l'as abandonné, et tu ne te souviens plus du Seigneur ton Créateur. »
- Du côté des justes il y a une autre cause qui requiert la vengeance des pécheurs. En effet chez les justes il y a deux choses qui exigent un châtiment : le mépris des choses temporelles et la vertu spirituelle.
· Concernant le mépris des choses temporelles le psalmiste dit : car le pauvre ne sera pas oublié pour toujours. Les choses viles sont tenues pour méprisables, la parole est livrée à l'oubli, mais les justes ne sont pas livrés ainsi à l'oubli auprès de Dieu : « Dieu a choisi les pauvres en ce monde pour être riches dans la foi, et héritiers du royaume que Dieu a promis à ceux qui l'aiment. » - « Bienheureux les pauvres en esprit, parce que le royaume des cieux est a eux. » Donc bien qu'ils paraissent être livrés à l'oubli en cette vie, cependant cela ne sera pas pour toujours, c'est-à-dire au jugement dernier : « Pour un instant je t'ai un peu délaissé, mais dans mes grandes miséricordes je te rassemblerai. » Et ce qui suit : « Dans une miséricorde éternelle, j'ai eu compassion de toi. » Car lorsqu'il se souviendra, alors il punira les oppresseurs : « Dieu n'oubliera-t-il pas d'avoir pitié, ne retirera-t-il pas, dans sa colère, ses miséricordes ? »
· Concernant la vertu spirituelle, il dit : la patience des pauvres, etc.. Ou bien expectatio (l'attente) selon une version de Jérôme. Car lorsqu'ils souffrent avec patience l'oppression et la pauvreté en cette vie, ils méritent que vengeance leur soit faite grâce à leur patience : « Leur attente ne périra pas à jamais », car ils obtiendront le bien qu'ils attendent. Ou bien autrement : pour toujours, car c'est la vie éternelle. Mais la patience existe-t-elle dans la Patrie ? Il faut dire qu'elle n'existe pas selon sa nature mais en tant que fruit ; différemment de la charité et de la justice qui demeureront aussi selon leur nature.
20 Lève-toi, Seigneur, que l'homme ne se fortifie point ; que les nations soient jugées en ta présence. 21 Établis, Seigneur, un législateur sur eux, afin que les nations sachent qu'ils sont des hommes.
b. Ensuite lorsqu'il dit : Lève-toi, il réclame le jugement divin ; et à ce propos il fait trois choses :
- Il fait d'abord appel au juge.
- Puis il implore le jugement.
- Enfin il montre le fruit du jugement.
- Il dit que Dieu n'oublie pas pour toujours les pauvres ; aussi lui-même, comme l'un de ces pauvres, dit : je te demande de ne pas reporter jusqu'à la fin le moment de les récompenser, mais lève-toi. Et à ce propos il fait trois choses :
Il commence par rejeter le jugement mauvais, ou humain. En effet, l'homme selon sa nature humaine opprimant sans raison ne se fortifie point, c'est-à-dire ne peut pas faire ce qu'il veut : « Lorsque les impies prendront le gouvernement, le peuple gémira. »
- Ensuite il réclame le jugement d'autrui : que les nations soient jugées, non selon la volonté humaine, mais en ta présence, c'est-à-dire sous ta justice, comme Si j'en appelais à toi : « Je suis devant le tribunal de César, c'est là qu'il faut que je sois jugé. » - « Juge-moi, Seigneur, parce que moi j'ai marché dans mon innocence. »
Enfin il demande un soutien : Établis un législateur, c'est-à-dire ton Fils : « Le Seigneur est notre législateur. » Ou bien autrement : Établis un législateur, c'est-à-dire quelqu'un qui punit selon la loi, car c'est d'après la loi qu'un châtiment est infligé. Une version de Jérôme lit : « Pone eis terrorem (Établis sur eux la terreur). »Une autre traduction a : « Mitte eis amaritudinem Jette sur eux l'amertume). »Selon la Glose : que l'homme ne se fortifie point, c'est-à-dire l'Antéchrist. Qu'ils soient jugés, c'est-à-dire punis.
- Le fruit du jugement, c'est qu'ils se reconnaissent être des hommes : Que les nations sachent qu'ils sont des hommes, fragiles, pécheurs et mortels : « Le tourment donnera l'intelligence à l'ouïe. » Ainsi Alexandre, quand il fut frappé, reconnut qu'il n'était pas le fils de Jupiter, mais un mortel, comme il le dit lui-même à ses soldats.
22 Pourquoi, Seigneur, t'es-tu retiré au loin ? Pourquoi nous dédaignes-tu dans les nécessités, dans la tribulation ? 23 Tandis que s'enorgueillit l'impie, le pauvre est consumé ; ils sont pris dans les desseins qu'ils méditent.
2. Le psalmiste expose ici le progrès des impies.
a) Et il expose d'abord la cause de leur malice.
b) Ensuite il décrit leur malice : 28 Sa bouche est pleine de malédiction.
c) Enfin il implore le secours divin contre celle-ci : 33 Lève-toi, Seigneur Dieu.
a. La cause de leur malice est double : une cause relative à la permission et une autre relative à l'incitation au péché : Parce que le pécheur est loué.
- Concernant la cause relative à la permission, il fait deux choses.
· Il expose d'abord la dissimulation divine qui semble être pour les méchants un prétexte à mal agir : « Parce que la sentence n'est pas portée promptement contre les méchants, les fils des hommes, sans aucune crainte, commettent le mal » ; c'est pourquoi il ajoute : Pourquoi, Seigneur, t'es-tu retiré loin de nous ? Étant donné que tu ne punis pas ceux qui nous affligent, et que par cette attitude tu sembles nous dédaigner dans les nécessités, c'est-à-dire au moment où tu devrais nous porter secours. Ou bien : dans les nécessités, c'est-à-dire tu agis de manière opportune, car les saints usent de cette situation pour mériter la vie éternelle.
· Ensuite il expose l'effet de la dissimulation : Tandis que l'impie s'enorgueillit. Il mentionne un double effet de cette dissimulation chez les méchants.
L'orgueil, du fait qu'ils ne sont pas punis aussitôt par Dieu, aussi dit-il : l'impie s'enorgueillit, dans ses pouvoirs, le pauvre est consumé, c'est-à-dire affligé. Ou bien : consume au sens spirituel à la vue de l'orgueil des impies et de leurs péchés : « Le zèle de ta maison m'a dévoré. »
Le second effet - et c'est la troisième chose concernant la cause relative à la permission - est qu'ils sont pris dans les desseins qu'ils méditent, car leurs desseins finissent par les détruire : « Ses iniquités saisissent l'impie, et par les liens de ses propres péchés il est enchaîné. »
24 Parce que le pécheur est loué dans les désirs de son âme, et l'injuste est béni. 25 Le pécheur a irrité le Seigneur, dans l'excès de sa colère il ne se souciera de rien.
- Ici sont mentionnées trois causes relatives à l'incitation au péché. La première est la flatterie. La deuxième est le mépris de Dieu : 32 Car il a dit en son coeur. La troisième est la présomption : Dieu n'est point.
· À propos de la flatterie il fait trois choses. Il expose d'abord sa flatterie. Ensuite son effet. Enfin la clémence divine.
Or les pécheurs sont loués, selon la Glose, au sujet d'un double péché : a propos du péché de la concupiscence charnelle, pour ce qui les regarde eux-mêmes. et à propos du péché d'injustice à l'égard du prochain ; c'est pourquoi ils s'enorgueillissent. Mais selon Jérôme, « c'est "parce que [le pécheur] est loué, qu'il l'a irrité" dans ses désirs touchant la concupiscence, "et l'injuste" quant à l'injustice commise contre le prochain. » Une version de Jérôme lit : vir avarus (l'homme avare). » Une autre version lit : raptor (celui qui ravit). - « Malheur à vous qui appelez le mal bien, et le bien mal », car il en est ainsi. Le pécheur a irrité le Seigneur, c'est-à-dire l'a provoqué à la colère. Jérôme expose tout ceci en un seul verset : « Parce que le pécheur est loué dans les désirs de son âme, et l'injuste est béni, il a irrité le Seigneur » ; et un autre verset commence comme suit : « Le pécheur dans l'excès de sa colère ne se souciera de rien. » Mais on peut le lire aussi de la manière suivante : « Dans l'excès de sa colère il ne se souciera de rien. » Ou bien parce qu'il punit au-delà de ce qu'il faudrait, ou bien parce que sa grande colère ne sévit pas sur le moment, afin de punir plus rigoureusement dans l'avenir. Ou bien : de sa colère, c'est-à-dire celle du pêcheur, il ne se souciera de rien, c'est-à-dire le pécheur ne se soucie pas de Dieu.
26a Dieu n'est point devant ses yeux ; ses voies sont souillées en tout temps.
n'est point. Plus haut le psalmiste a mentionné quelques causes de la malice des impies : la première d'entre elles était relative à la permission divine, car Dieu se retirait au loin ; la deuxième était relative à l'incitation au péché, à savoir la langue flatteuse. Ici sont exposées d'autres causes servant de prétexte, c'est-à-dire les causes intrinsèques qui sont au nombre de deux, à savoir le mépris de Dieu et la présomption personnelle : Car il a dit en son coeur.
· Concernant le mépris de Dieu il fait deux choses :
Il expose le fait qu'il ne songe pas à Dieu.
Puis qu'il ne craint pas ses jugements : 26b sont ôtés.
En exposant le fait qu'il ne songe pas à Dieu, il fait deux choses :
Il mentionne en premier lieu l'aversion de Dieu, ou le mépris.
Ensuite l'effet de cette aversion : sont souillées.
Ainsi dit-il : Dieu n'est point devant ses yeux. Une version de Jérôme lit : « in cogitationibus (dans ses pensées) », car il ne songe nullement à lui ; et elle continue ainsi : le pécheur « non quaeret (ne se soucie pas) » de Dieu, car « non est in conspectu ejus (il n'est point devant ses yeux) », c'est-à-dire dans l'intention, ou dans sa pensée. - « Ils ont dit à Dieu : Retire-toi de nous ; nous ne voulons pas connaître tes voies. »
L'effet de cette aversion est que ses voies sont souillées, c'est-à-dire sont méprisables en tout temps. Les voies du pécheur sont les pensées ou les volontés : « La sagesse n'entrera pas dans une âme malveillante, et elle n'habitera pas dans un corps assujetti aux péchés. » Et elles sont dites être souillées par le péché, ou être à la ressemblance des péchés du temps passé. Cela peut se dire au sens allégorique de l'Antéchrist, et au sens moral des pécheurs : car par le fait même que Dieu n'est pas dans leur intention, ils se tournent vers les réalités temporelles ; à cause d'elles l'âme est souillée, en tant qu'elle est mêlée à des choses plus corrompues qu'elle-même. Mais l'âme unie à Dieu, lequel est meilleur que l'âme, n'est pas souillée ; au contraire elle est glorifiée : « Ses souillures [ont paru] sous ses pieds, et elle ne s'est pas souvenue de sa fin. » - « Que leurs voies deviennent ténèbres et lieu glissant. » - « Ils m'ont abandonné, moi, la source d'eau vive, et ils se sont creusé des citernes lézardées qui ne peuvent retenir les eaux. » Une version de Jérôme lit : « Parturiunt viae ejus (Ses voies engendrent) », car les pécheurs se proposent d'accomplir divers desseins : « Mon âme, tu as beaucoup de biens en réserve pour plusieurs années, mange et fais bonne chère. Mais Dieu dit : Insensé, cette nuit même on te redemandera ton âme. » - « Il a conçu la douleur, et il a mis au monde l'iniquité. » En s'attachant aux réalités temporelles, le pécheur ne se satisfait pas d'une chose, car cela ne lui suffit pas ; et à cause de cela il médite divers desseins.
26b Tes jugements sont ôtés de devant sa face ; il dominera sur tous ses ennemis. 27 Car il a dit en son coeur : Je ne serai point ébranlé de génération en génération, je serai à l'abri du mal.
sont ôtés. Le psalmiste montre ici comment ils méprisent le jugement divin.
Et il expose d'abord la cause.
Ensuite il en montre l'effet : il dominera sur tous ses ennemis.
Tes jugements, c'est-à-dire tes bienfaits, sont ôtés de devant sa face, c'est-à-dire de son esprit et de sa mémoire ; et ainsi il ne craindra pas car il n'y pense point : « Les hommes méchants ne pensent pas aux jugements, mais ceux qui recherchent le Seigneur remarquent tout. » - « Ils détournèrent leurs yeux afin de ne pas voir le ciel. » Mais selon une version de Jérôme il faut dire en forçant : « Omnes inimicos despicit (Il méprise tous ses ennemis) », c'est-à-dire comme s'il ne croyait pas aux jugements de Dieu.
Et : il dominera, ajoute : dans son coeur. Ou bien il arrive parfois que par une permission divine les méchants dominent leurs ennemis. Et telle est la raison pour laquelle les jugements divins ne sont pas reconnus : « Lui-même triomphera des rois. » Et de même : « L'impie prévaut contre le juste ; c'est pourquoi il en est sorti un jugement injuste. »
· Une autre cause est la présomption au sujet de soi-même. Et il présume deux choses : la stabilité, et c'est ce qu'il dit : il a dit en son coeur : Je ne serai point ébranlé de génération en génération, c'est-à-dire que mon pouvoir ne s'étendra pas d'une nation à une autre, mais je ne ferai pas de mal à des multitudes. Je ne serai [pas] ébranlé, c'est-à-dire je ne perdrai pas ma prospérité : « Tu as appesanti ton joug outre mesure. Tu as dit : À jamais je serai souveraine. » Une version de Jérôme lit : « Et dixit : in aeternum ero a generatione sine malo (Et il a dit : je serai toujours de génération en génération sans malheur ») c'est-à-dire je n'engendre jamais le mal : « Je trône en reine, et je ne suis pas veuve. » Et une Glose de Luc en donne un commentaire : « Le pécheur qui veut perpétuer son nom, perdra la célébrité et la réputation. » à l'abri du mal, c'est-à-dire je ne ferai pas le mal. Ou bien : Je ne serai point ébranlé, c'est-à-dire je ne parviendrai pas à prendre possession de maisons à l'abri du mal, celui de la violence et de l'injustice. Et ainsi fera l'Antéchrist selon la Glose. Ou bien, moi l'Antéchrist je ne serai point ébranlé, c'est-à-dire je ne serai pas inquiété, de génération en génération sans malheur, à savoir je serai selon qu'il m'est permis.
28 Sa bouche est pleine de malédiction, et d'amertume et de fraude ; sous sa langue labeur et douleur.
b. Le psalmiste expose ici le progrès de la malice.
- Et d'abord dans le coeur dont nous venons de parler.
- Ensuite le progrès de la malice qui sort de la bouche.
- Enfin le progrès de la malice qui se manifeste dans l'action.
- Concernant le progrès de la malice qui sort de la bouche, il expose deux choses :
· le péché de la bouche qui se commet de trois manières.
Parfois en maudissant Dieu ou le prochain, ce qui est proférer un blasphème : « Ils ont blasphémé le saint. » Parfois ils maudissent à moitié, lorsqu'ils sont retenus par la crainte.
Parfois en proférant des injures, et c'est pourquoi il dit : Sa bouche est pleine de malédiction. Selon la Glose : « Avec des paroles amères et inconvenantes. » - « Que toute amertume, indignation, blasphème et clameur soient bannies de vous, avec toute malice. »
Parfois en trompant, aussi dit-il : pleine de fraude. - « Ni les médisants, ni les rapaces, ne posséderont le royaume de Dieu. » - « Veillant à ce que personne ne manque à la grâce de Dieu, à ce qu'aucune racine de l'amertume, poussant en haut ses rejetons, n'empêche la germination, et ne souille l'âme d'un grand nombre. »
· Ensuite il expose la racine du coeur : sous sa langue, c'est-à-dire dans les profondeurs du coeur se cache le labeur ; l'iniquité, selon la Glose. Car le pécheur pense parfaire l'oeuvre d'iniquité à laquelle il s'adonne : « Ils ont travaillé dans le but d'agir iniquement. » - « Car, comme le mal est doux à sa bouche, il le cachera sous sa langue. » Ou bien : labeur, car il pense infliger aux autres le labeur et la douleur. La douleur, c'est-à-dire la ruine découlant du labeur : « Les lèvres de l'homme ont parlé le mensonge et votre langue profère le mensonge et l'iniquité. »
29 Il est assis en embuscade avec les riches, dans des lieux cachés, afin de tuer l'innocent. 30a Ses yeux regardent le pauvre ;
- Le psalmiste montre ici le développement de l'activité des méchants sur le plan matériel, et à cet égard il fait deux choses.
· Il commence par décrire le développement de leur activité.
· Puis son terme : Dans son piège.
· Dans sa description du développement de leur activité, le psalmiste fait trois choses :
Il précise d'abord avec qui il est en embuscade : avec les riches.
Ensuite contre qui : afin de tuer l'innocent.
Enfin comment il est en embuscade : il dresse des embûches dans le secret.
Ainsi dit-il : les méchants, ne se contentant point de leurs propos, s'efforcent de les mettre à exécution ; c'est pourquoi il est écrit : Il est assis en embuscade, en méditant comment nuire aux autres, dans des lieux cachés, à cause de la simulation : « Nombreux sont les pièges du trompeur. » avec les riches, c'est-à-dire avec des conseillers : « La proie du lion dans le désert est l'onagre, de même la pâture des riches ce sont les pauvres. »Une version de Jérôme lit : « iuxta vestibulum (près de son vestibule) », c'est-à-dire de sa chambre.
Contre qui menace-t-il ? Assurément contre les innocents ; aussi dit-il : afin de tuer l'innocent, physiquement ou spirituellement : « Tu ne feras point mourir l'innocent et le juste. » Et contre les pauvres, aussi dit-il : Ses yeux regardent le pauvre. - « Pourquoi foulez-vous aux pieds mon peuple, et meurtrissez-vous la face des pauvres ? » Selon la Glose, l'Antéchrist tiendra conseil contre les pauvres en compagnie des riches. Une version de Jérôme lit : « Oculi ejus in robustos (Ses yeux regardent les hommes forts) », car les pauvres n'excellent pas dans les réalités temporelles, mais dans les réalités spirituelles : « Mon ennemi m'a regardé avec des yeux terribles. »
il lui dresse des embûches dans le secret, comme un lion dans sa caverne. 30b Il dresse des embûches pour prendre le pauvre, tandis qu'il l'attire.
Il dresse des embûches. Ici est exposée la manière de dresser des embûches. Le psalmiste expose en premier lieu une comparaison : comme un lion dans sa caverne, c'est-à-dire comme les mauvais princes oppriment les pauvres : « Comme un lion rugissant, un ours affamé, tel un prince impie sur un peuple pauvre. »
Puis il expose la manière proprement dite de dresser des embûches : Il dresse des embûches pour prendre. - « Les paroles des impies dressent des embûches pour le sang. » Ou bien : Il dresse des embûches pour prendre le pauvre, c'est-à-dire les biens aux pauvres par la violence et la fraude. Il ajoute ensuite la manière de ravir : tandis qu'il l'attire, en séduisant par des promesses, ou par la violence, ou par la fraude : « Par les flatteries des lèvres il l'a entraîné dans son filet. »
31 Dans son piège il l'humiliera ; il s'inclinera et tombera, lorsqu'il se sera rendu maître des pauvres. 32 Car il a dit en son coeur : Dieu a oublié, il a détourné sa face pour ne rien voir jusqu'à la fin.
· Dans son piège. Ici deux choses sont exposées.
Et d'abord à quoi aboutit sa tentative.
Puis son motif : Car il a dit.
De fait la tentative du pécheur aboutit selon son intention à la ruine du pauvre ; c'est pourquoi il dit : Dans son piège ; mais selon le dessein de Dieu elle aboutira d'abord à l'anéantissement de son pouvoir, aussi dit-il : il s'inclinera. En effet il arrive quelquefois à des hommes d'être vaillants au début, puis de se tourner vers les jouissances, et que devenus ainsi efféminés ils soient bannis. Et c'est pourquoi le Philosophe dit à ceux qui détiennent des biens, de ne pas élever leurs enfants dans la nonchalance. - « Tu as livré ton corps aux femmes. » Et encore : « Tous se sont détournés. »
Puis la tentative du pécheur aboutit à la ruine totale : « Avant la mine l'esprit s'exalte », car l'exaltation est le signe de la ruine. La Glose applique cela à l'Antéchrist. Une version de Jérôme lit : « Dum attrahit eum ad laqueum suum, et confractum subjiciet et irruet viribus suis valenter (Tandis qu'il l'attire dans son piège, et que l'ayant abattu il le soumettra et se jettera puissamment sur lui avec ses hommes). » Le lion terrasse d'abord l'animal qu'il ravit. Ensuite il se le soumet. Enfin il se couche sur lui.
Le motif est en fait la fausse sécurité qu'il conçoit.
Il porte d'abord sur le passé, car Dieu a oublié, c'est-à-dire le pécheur. Il est écrit au contraire dans l'Ecclésiastique : « Ne dis pas » dans ton coeur : « je me cacherai de Dieu ; et du haut du ciel qui se souviendra de moi ? » Et de même : « Le Très-Haut ne se souviendra pas de mes fautes, et il ne comprend pas que son oeil voit toutes choses. »
Il porte ensuite sur le futur. Il a détourné sa face pour ne rien voir jusqu'à la fin. - « Les nuées sont pour lui une retraite et il ne s'occupe pas de ce qui nous regarde. »
33 Lève-toi, Seigneur Dieu, que ta main s'élève : n'oublie pas les pauvres. 34 Pourquoi l'impie a-t-il irrité Dieu ? C'est qu'il a dit dans son coeur : « Il ne demandera pas de compte. »
c. Lève-toi. Plus haut, le psalmiste a décrit avec précision le processus de l'iniquité humaine ; ici, poussé comme par zèle et s'écriant, il implore le secours divin contre une telle malice.
- Et il commence par implorer le secours.
- Ensuite il expose les prières et les exaucements : n'oublie pas.
- Enfin il annonce son exaucement : 36 Brise.
- Il demande une chose, et il en présuppose une autre ; il demande qu'il se lève : Lève-toi. Lé Seigneur semble dormir lorsqu'il souffre de l'affliction des bons ; il se lève lorsqu'il les libère : « Lève-toi, lève-toi, revêts-toi de ta force, Sion ». Il suppose la puissance divine : que ta main s'élève, avec puissance ; et il s'exprime comme celui qui frappe avec colère, quand voulant frapper un ennemi, il lève la main : « Lève ta main sur les nations étrangères, afin qu'elles voient ta puissance. » - « Que ta main s'élève, et qu'ils ne voient pas ; qu'ils voient ton zèle pour le peuple, qu'ils soient confondus. »
- Il expose les raisons : n'oublie pas. Et remarquez que ce psaume ayant été composé contre les pécheurs qui persécutent les justes, il expose toujours d'un côté la malice des pécheurs, et de l'autre l'affliction des justes.
· Il expose donc d'abord les raisons.
· Puis il montre qu'elles sont efficaces :
· Tu vois, car toi tu considères, etc.
· Et il allègue deux raisons :
La première du côté des justes.
Et l'autre du côté des méchants : Pourquoi a-t-il irrité ?
Ainsi dit-il : et que ta main s'élève, sinon le fait que les méchants disent que tu oublies les pauvres semblera vrai : « Est-ce qu'une mère peut oublier son enfant, n'avoir pas pitié du fils de son sein ? Mais quand même elle t'oublierait, moi, je ne t'oublierai point. » - « Que ma langue s'attache à mon palais, si je ne me souviens de toi. »
L'autre raison est exposée du côté des méchants qui pèchent plus gravement s'ils ne sont pas punis : « Et parce que la sentence n'est pas portée promptement contre les méchants, les fils des hommes, sans aucune crainte, commettent le mal. » Et c'est pourquoi le psalmiste dit : Pourquoi ? autrement dit : c'est parce qu'en péchant les impies irritent Dieu, car ils ne croient pas que Dieu les cherche pour les punir : « Il parcourt les pôles du ciel, il ne s'occupe pas de ce qui nous regarde. Et tu dis : que connaît Dieu ? Car c'est comme à travers une sombre nuée qu'il juge. » - « Dieu a délaissé la terre. »
35a Tu vois, car toi tu considères le labeur et la douleur pour les prendre en tes mains.
· Tu vois. Il appuie ses raisons. D'abord la seconde raison en disant : toi seul tu vois le labeur que les méchants infligent aux bons, afin que suite à cela tu les prennes, c'est-à-dire à l'avenir, en tes mains, c'est-à-dire dé ta justice, parce que tantôt tu les tiens dans les mains de ta puissance, et tantôt tu n'exerces pas la justice. Mais les pécheurs ignorent cela, car l'intention de ta Providence leur est inconnue. Il est écrit au livre de Job : « Voyant l'iniquité, est-ce que l'impie ne considère point ? » Et de même : « Auprès de lui sont la force et la sagesse ; il connaît celui qui trompe, et celui qui est trompé. Il amène les conseillers à une fin insensée, et les juges à l'étourdissement. » Et dans l'épître aux Romains : « Que ses jugements sont incompréhensibles. » Ou bien : en tes mains, c'est-à-dire celles de ton Fils : « Sachant que le Père lui a tout remis entre les mains. » Ou bien, selon Augustin, ce verset est appliqué aux impies, car il a dit [en] son coeur : « Il ne demandera pas de compte », à savoir Dieu. Et le psalmiste a dit à son tour : car toi tu considères le labeur. Un supérieur aperçoit parfois la faute d'un sujet, et ne punit pas par crainte de la peine (labor), ou aussi du châtiment éprouvé par celui qui est puni ; et c'est pourquoi il dit : l'impie a dit : Ô Dieu, tu ne punis pas, car le labeur et la douleur ne vont pas de pair avec toi. Mais la première explication est meilleure.
35b À toi le pauvre est abandonné ; c'est toi qui viendras en aide à l'orphelin.
Ici il confirme la première raison, autrement dit : tu ne dois pas oublier, car à toi le pauvre est abandonné, aussi est-ce à toi qu'il revient de prendre soin de lui : « Réjouis-toi et sois dans l'allégresse, Jérusalem déserte, parce que le Seigneur a consolé son peuple. » Tous ceux qui ne possèdent rien en ce monde si ce n'est Dieu, attendent de Dieu seul leur secours : « Comme nous ignorons ce que nous devons faire, il ne nous reste qu'à diriger nos yeux vers Dieu. » Mais il parle expressément : car les hommes se défendent en ce monde parfois par leurs richesses : « Ceux qui se confient dans leur puissance, et se glorifient dans l'abondance de leurs richesses. » Parfois par leurs parents, leurs amis et leurs protecteurs ; mais ceux qui n'ont pas ces soutiens sont abandonnés à Dieu, aussi le psalmiste dit-il : À toi le pauvre est abandonné. Il est écrit au livre de Job : « Dieu tirera le pauvre de son angoisse. » Et de même : « Je pleurais autrefois sur celui qui était affligé et mon âme était compatissante pour le pauvre. » Et au livré dès Lamentations : « Nous sommes devenus comme des orphelins sans père. » Enfin dans un psaume : « Je suis devenu comme un homme sans secours. » Et s'il en est ainsi pour le pauvre dans l'indigence, à combien plus forte raison pour le pauvre en esprit. Et cette explication se rapporte à la première partie du verset. Dans la seconde il dit : c'est toi qui viendras en aide à l'orphelin, qui n'a pas de défenseur : « [Les pécheurs] seront troublés devant sa face, [devant la face] du père des orphelins et du juge des veuves. » Et de même : « Car mon père et ma mère m'ont abandonné, mais le Seigneur m'a recueilli. »
36 Brise le bras du pécheur et du méchant ; on cherchera son péché, et on ne le trouvera pas. 37 Le Seigneur régnera éternellement et pour les siècles des siècles ; nations, vous disparaîtrez de sa terre.
- Ici le psalmiste annonce son exaucement.
· Et d'abord à l'égard dès pécheurs.
· Puis à l'égard des pauvres : 38 Le Seigneur a exaucé le désir des pauvres.
· Concernant son exaucement à l'égard des pécheurs il fait deux choses :
Il annonce d'abord la cessation du pouvoir des méchants grâce auquel ils infligeaient des maux.
Ensuite la disparition des méchants eux-mêmes.
Quant à la cessation du pouvoir des méchants il dit : Brise le bras du pécheur qui pèche contre Dieu : « Le Seigneur a brisé » le bras ou « le bâton dès impies, la verge de ceux qui frappaient les peuples d'une plaie incurable ». Et du méchant, qui pèche contre le prochain : « Les bras des impies se sont rompus. » Et encore : « Sa lumière sera ôtée aux impies, et leur bras sera brisé. » Mais il arrive parfois qu'un tyran agisse avec malice, et que tout en étant lui-même réduit à rien, son action malicieuse perdure. Or il n'en est pas ainsi ici ; car on cherchera son péché et on ne le trouvera pas, c'est-à-dire que l'acte du péché commis passe, mais non son état de gravité, aussi le châtiment du pécheur demeure-t-il. Ou bien : on cherchera son péché, et on ne le trouvera pas dans le monde : « Aujourd'hui il s'élève, et demain on ne le trouvera pas. » Parfois Dieu permet que certains pèchent, parce qu'il a en vue un bien qui va en découler : par exemple, à la colère du tyran est due la passion ou la patience des martyrs ; et c'est pourquoi ici-bas on trouve le lieu dès méchants, mais alors le péché n'aura plus de finalité.
Mais comment cela se fera-t-il ? Le royaume de Dieu ne peut être détruit, c'est pourquoi les impies seront anéantis hors de lui, car le Seigneur régnera éternellement, puisqu'il embrasse tous les siècles, et pour les siècles des siècles, c'est-à-dire pour une durée éternelle. Ou bien : pour les siècles, parce que l'éternité fait place au siècle présent : « Sa puissance, une puissance éternelle, qui ne [lui] sera pas enlevée ; et son royaume, [un royaume] qui ne sera pas détruit », et vous les impies vous disparaîtrez de cette terre dès vivants. - « Comme la poussière qu'emporte le vent de la face de la terre. » - « J'ai vu l'impie exalté bien haut et élevé comme les cèdres du Liban ; et j'ai passé, et voilà qu'il n'était plus : je l'ai cherché, et son lieu n'a pas été trouvé. »
38 Le Seigneur a exaucé le désir des pauvres ; ton oreille a entendu la disposition de leur coeur, 39 pour rendre justice à l'orphelin et à l'humble ; que l'homme cesse enfin de se glorifier sur la terre.
· le désir. Le psalmiste annonce ici l'exaucement concernant les pauvres, et il expose trois choses :
D'abord l'exaucement : le désir.
Ensuite sur quoi porte l'exaucement : pour rendre justice.
Enfin quel en est le fruit : que l'homme cesse, etc.
À propos de l'exaucement il montre que les pauvres sont exaucés efficacement, parce que Dieu leur donne ce qu'ils désirent : « L'objet de leur désir sera accordé aux justes. » Mais parfois ils sont exaucés dans leurs désirs particuliers, comme les saints sont exaucés dans les choses qu'ils désirent davantage. De même : il a exaucé, rapidement, la disposition de leur coeur. - « Avant qu'ils crient, moi je les exaucerai. » - « Il criera vers moi, je l'exaucerai. »
Mais il a exaucé en ce sens qu'il rend justice à l'orphelin, parce qu'il est orphelin : « Il jugera les pauvres dans la justice, et il se prononcera avec équité en faveur des doux de la terre », c'est-à-dire en faveur des humbles. On appelle humble celui qui ne s'appuie pas sur sa forcé : « Il a fait justice aux pauvres. »
Et pour quel fruit ? que l'homme cesse enfin de se glorifier, c'est-à-dire soit terrifié. Cela n'est pas bon, c'est de l'orgueil : « Si je n'avais pas d'humbles sentiments, et si j'avais exalté mon âme, comme l'enfant sevré sur le sein de sa mère, ainsi soit le châtiment pour mon âme. » Et de même : « Nous ferons éclater la puissance de notre langue. »