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COMMENTAIRE DU PSAUME 29

Psaume [pour servir] de cantique. 1 À la dédicace de la maison de David. 2 Je t'exalterai, Seigneur, parce que tu m'as accueilli et que tu n'as pas réjoui mes ennemis à mon sujet.

3 Seigneur mon Dieu, j'ai crié vers toi, et tu m'as guéri ; 4 Seigneur, tu as retiré de l'enfer mon âme, et tu m'as sauvé de ceux qui descendent dans la fosse.

5 Chantez des hymnes au Seigneur, [vous], ses saints ; et glorifiez la mémoire de sa sainteté.

6 Parce que la colère est dans son indignation, et la vie dans sa bonne volonté. Au soir demeureront les pleurs, et au matin [reviendra] la joie.

7 Pour moi j'ai dit dans mon abondance : « Je ne serai pas éternellement ébranlé. » 8 Seigneur, par ta bonne volonté, tu m'as donné l'éclat de la puissance. Tu as détourné ta face de moi, et je suis tombé dans le trouble.

9 Vers toi, Seigneur, je crierai, et à mon Dieu j'adresserai ma supplication.

10 De quelle utilité [sera] mon sang, lorsque je descendrai dans la corruption ? Est-ce que la poussière te glorifiera, ou bien annoncera-t-elle ta vérité ?

11 Le Seigneur a entendu, et il a eu pitié de moi : le Seigneur est devenu mon aide. 12 Tu as changé ma plainte en joie : tu as déchiré mon sac, et tu m'as environné de joie ;

13 afin que ma gloire te chante, et que je ne sois plus tourmenté ; Seigneur mon Dieu, je te rendrai gloire à jamais.

Psaume [pour servir ] de cantique. 1 À la dédicace de la maison de David. 2 Je t'exalterai, Seigneur, parce que tu m'as accueilli et que tu n'as pas réjoui mes ennemis à mon sujet.

Dans le psaume précèdent le prophète exhorte les autres à l'action de grâce ; mais ici lui-même rend grâce. Le titre de ce psaume est : Psaume [pour servir] de cantique. 1 À la dédicace de la maison de David. Comme on l'a dit plus haut, on appelle psaumes des cantiques, car le cantique était d'abord chanté, et puis suivait le psaume, autrement dit : le psaume suivait le cantique. Nous lisons cependant que David n'a pas consacré de maison à Dieu, car il en fut empêché par Nathan de la part du Seigneur. Mais ici on ne parle pas de la maison du Seigneur, mais de celle de David. On lit au deuxième livre des Rois, qu'après la mort de Saül David prit Jérusalem, et qu'il y bâtit sa maison. Or il est de coutume que lorsque quelqu'un prend possession de sa maison, il fasse célébrer une fête solennelle. Et on pourrait dire que ce psaume fut alors chanté par David lui-même quand il entra pour la première fois dans cette maison neuve qu'il allait habiter. Mais on comprend mieux cela si on l'applique à la signification cachée de la maison de David, c'est-à-dire au mystère du Christ, qui est Tête et Corps de l'Église. Et cette même maison est aussi appelée tabernacle. On a dit plus haut : « Pour l'achèvement du tabernacle », et ici : À la dédicace de la maison. Le tabernacle appartient, à ceux qui militent ; et c'est ainsi que l'Église présente est appelée tabernacle : « Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes, et il demeurera avec eux. » La maison appartient à ceux qui se reposent ; ainsi l'Église attend-elle le repos de la Patrie : « Nous irons dans la maison du Seigneur. » L'une et l'autre de celles-ci a une construction qui fut ordonnée à son Incarnation ; et une dédicace, qui eut lieu à la résurrection, lorsque le corps du Christ fut revêtu de la gloire de l'immortalité. Sur le corps du Christ on construit continuellement ; et par la conversion des fidèles il sera consacré, lorsqu'il sera dans la gloire.

Ce psaume comprend deux parties.

I. Dans la première partie, le psalmiste rappelle en général les bienfaits pour lesquels il rend grâce.

II. Dans la seconde, il rappelle ces bienfaits en particulier : 7 Pour moi j'ai dit.

I. Dans la première partie il fait deux choses :

A) Il rend grâce pour ses propres bienfaits.

B) Ensuite il invite les autres à rendre grâce pour les bienfaits qui sont donnés à tous : 5 Chantez des hymnes au Seigneur, [vous], ses saints.

A. En rendant grâce pour ses propres bienfaits il fait trois choses.

1) Il expose d'abord son action de grâce.

2) Puis il rappelle ses bienfaits : Parce que tu m'as accueilli.

3) Enfin il en donne l'explication : Seigneur mon Dieu.

1. Ainsi dit-il : Je t'exalterai, Seigneur, non point en t'élevant, mais en confessant et en louant ta grandeur : « En bénissant le Seigneur, exaltez-le autant que vous le pouvez », attribue à deux bienfaits la raison pour laquelle il l'exalte : l'un du côté de Dieu, et l'autre du côté des ennemis ; et le second est l'effet du premier.

2. Du côté de Dieu, parce que « tu m'as accueilli (suscepisti) sous ta protection, quand il l'a choisi et protégé, ainsi qu'on le rapporte au premier livre des Rois ». Ou bien, Dieu accueille les justes lorsqu'il unit à lui ceux qui adhèrent à lui par l'union de la charité. Mais il unit à lui le Christ homme en l'accueillant dans l'unité parfaite : « Mais toi Seigneur tu es mon soutien (susceptor), ma gloire, et tu élèves ma tête. »

Du côté des ennemis, parce que tu n'as pas réjoui. Car ce n'est pas une chose très odieuse que des ennemis se réjouissent à mon sujet, puisqu'ils ne se réjouissent que de son propre malheur, et que personne ne souhaite le malheur si ce n'est à celui dont on est détesté : « Si tu accordes à ton âme ses désirs, elle te rendra la joie de tes ennemis. » Mais il est certain que David ne devint pas la joie de ses ennemis, car Saül n'est pas parvenu à ses fins à son égard. Il ne semble pas qu'il en ait été ainsi pour le Christ, car ils l'insultaient même crucifié : « Ah ! toi qui détruis ce temple de Dieu et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même. » Semblablement les méchants insultent aussi les hommes justes, et se réjouissent à leur sujet : « Des hommes plus jeunes que moi me tournent en ridicule. [...] Maintenant je suis devenu le sujet de leurs chansons, et je suis passé parmi eux en proverbe. » Mais il faut dire que si à cette heure les Juifs se sont réjouis au sujet du Christ, il n'en sera pas ainsi à la fin ; car le Christ une fois ressuscité, son nom s'est davantage propagé : « Ne te réjouis pas sur moi, mon ennemi, parce que je suis tombée ; je me relèverai. »

3 Seigneur mon Dieu, j'ai crié vers toi, et tu m'as guéri ; 4 Seigneur, tu as retiré de l'enfer mon âme, et tu m'as sauvé de ceux qui descendent dans la fosse.

3. Ensuite lorsqu'il dit : Seigneur mon Dieu, il montre comment il est libéré.

a) Et d'abord des maux intérieurs.

b) Puis des maux extérieurs : Seigneur, tu as retiré.

a. Le mal intérieur est l'infirmité, soit corporelle, soit spirituelle. Ces deux maux ont pu se trouver en David et peuvent se trouver en nous, mais non dans le Christ, excepté l'infirmité corporelle à cause de sa passibibité ; et c'est pourquoi il dit : j'ai crié, c'est-à-dire David : « Lorsque j'étais dans la tribulation, vers le Seigneur, j'ai crié. » De même, le Christ a crié, bien qu'en tant que Dieu il soit celui qui exauce : « Dans les jours de sa chair, ayant offert avec larmes et grands cris des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, il a été exaucé pour son humble respect. » Et le psalmiste continue : et tu m'as guéri. Il dit cela parce qu'il souffre de l'une et l'autre infirmité ; mais il a guéri le Christ seulement de sa passibilité corporelle.

b. Ensuite il dit qu'il a été libéré des maux extérieurs : Seigneur, tu as retiré.

- Et d'abord des maux imminents.

- Puis de ceux dont il a été préservé : tu m'as sauvé.

- Ainsi dit-il : Seigneur, tu as retiré, etc. ; verset qu'on ne peut pas interpréter au sens littéral en l'appliquant à David : car il n'était pas libéré de l'enfer, lorsqu'il composa ce psaume. On peut l'entendre de lui selon un sens métaphorique, comme s'il était libéré d'un péril mortel. Mais au sens littéral on l'entend du Christ, dont l'âme a été retirée de l'enfer par Dieu : « Tu ne délaisseras pas mon âme dans l'enfer. » De même cela convient à ceux qui sont ressuscités par le Christ : « Toi aussi par le sang de ton alliance tu as fait sortir tes prisonniers d'une fosse qui était sans eau. »

- Puis il dit qu'il a été préservé d'un danger mortel, lorsqu'il ajoute : tu m'as sauvé de ceux qui descendent dans la fosse. Au sens littéral le mot lacus (fosse) signifie concavitas (caverne) ; car ce fut une coutume de l'Antiquité d'enterrer dans des cavernes profondes. tu m'as sauvé, dit-il, de ceux qui descendent dans la fosse, autrement dit : tu m'as libéré du danger de la mort. Mais cela s'applique parfaitement au Christ, car par fosse on entend la damnation éternelle ; car bien que le Christ soit descendu en enfer, il n'y est pas descendu en tant que livré à la damnation, mais afin de délivrer ceux qui étaient dans la fosse, autrement dit : Tu m'as livré, afin que je sois assimilé à ceux qui descendent dans la fosse : « Je suis devenu comme un homme sans secours, libre entre les morts. » Ou bien, dans la fosse, c'est-à-dire dans le péché : car il fut exempt du péché.

5 Chantez des hymnes au Seigneur, [vous], ses saints ; et glorifiez la mémoire de sa sainteté.

B. Ensuite lorsqu'il dit : Chantez des hymnes au Seigneur, [vous] ses saints, etc.,

1) Il amène d'abord les autres à rendre grâce.

2) Puis il rappelle les bienfaits : Parce que la colère est dans son indignation.

1. En traitant de l'action de grâce il fait deux choses.

a) Car il montre d'abord quels sont ceux qui doivent rendre grâce à Dieu.

b) Puis à quel sujet : glorifiez.

a. Ainsi dit-il : Chantez des hymnes. Voilà comment le psaume sert de cantique. Chantez des hymnes, dis-je, vous ses saints, car « la louange n'est pas belle dans la bouche du pécheur ». - « Louez notre Dieu vous tous ses saints. »

b. Mais à quel sujet : glorifiez, en rendant grâce, la mémoire de sa sainteté. Selon une première manière on peut comprendre le mot mémoire dans le sens où Dieu se souvient de nous : « Je me suis souvenu de toi, ayant compassion de ta jeunesse, et de l'amour de tes fiançailles, lorsque tu me suivis dans le désert, dans une terre qui n'est pas cultivée. » Et il dit : de sa sainteté. Et on peut comprendre cela de deux manières : ou bien, parce que cette mémoire vient de sa sainteté, c'est-à-dire de sa miséricorde et de sa bonté : « Soyez saints, parce que moi, je suis saint » ; ou bien, parce qu'il se souvient de nous pour nous sanctifier : « Je suis le Seigneur qui vous sanctifie. » Selon une autre manière, la mémoire, c'est la nôtre, car nous nous souvenons de la sainteté de Dieu, autrement dit : glorifiez-le en faisant mémoire de sa sainteté. - « Je me souviendrai des miséricordes du Seigneur. »

6 Parce que la colère est dans son indignation, et la vie dans sa bonne volonté. Au soir demeureront les pleurs, et au matin [reviendra] la joie.

2. Ensuite lorsque le psalmiste dit : Parce que la colère, il rappelle les bienfaits attribués a tous. À ce propos il fait deux choses :

a) Il énonce d'abord les bienfaits qui concernent la clémence de Dieu.

b) Ensuite il montre le signe de sa clémence : Au soir demeureront les pleurs, etc.

a. La miséricorde de Dieu ne s'exerce pas sans la justice ; aussi expose-t-il d'abord la justice. Puis la miséricorde.

La justice, lorsqu'il dit : Parce que la colère, etc. Cette colère est comprise comme effet de la colère, c'est-à-dire au sens de châtiment ; mais l'indignation ne désigne pas le mouvement de la colère en Dieu, mais la justice de Dieu, en tant qu'elle déteste l'impie, car « Dieu a également en haine l'impie et son impiété », autrement dit : dans son indignation, c'est-à-dire la justice de Dieu jugeant les péchés dans sa colère, à savoir le châtiment. Une version de Jérôme est plus claire : « Quoniam ad momentum est ira ejus (Car un moment dure sa colère) », autrement dit : s'il se met quelquefois en colère contre les siens, c'est pour leur correction et brièvement : « Dans un moment d'indignation je t'ai caché ma face pendant un temps, mais dans ma miséricorde éternelle, j'ai eu pitié de toi, a dit ton créateur le Seigneur. » - « Je ne veux pas la mort [du pécheur] qui meurt. » et la vie dans sa bonne volonté. Une version de Jérôme lit : « Vita in propitiatione ejus (La vie dans sa propitiation) », autrement dit : Il punit pour un moment, et après pardonne, et rend la vie : « Il blesse, et il donne le remède. »

b. Mais il montre le signe de sa clémence et de sa miséricorde au sens littéral, lorsqu'il ajoute : Au soir demeureront les pleurs, autrement dit : en un court moment le Seigneur fait passer de la tristesse à la consolation : car si quelqu'un est triste le soir, le matin il sera joyeux. Or on peut donner trois raisons pour lesquelles la tristesse est inhérente au soir, et la joie au matin.

- La première vient de la disposition extérieure : car le soir est le commencement des ténèbres qui rendent tristes, tandis que le matin est le commencement de la lumière qui réjouit ; c'est pourquoi les aveugles chantent afin de se réjouir : « Quelle joie aurai-je, moi qui suis toujours dans les ténèbres, et qui ne vois point la lumière du ciel  ? »

- La deuxième vient de la disposition intérieure : car le matin est le moment du sang (sanguis), où l'homme est disposé à la joie ; le soir est le moment de la bile (melancholiae), où l'homme est disposé à la tristesse.

- La troisième provient de la nature du sommeil. Car le sommeil est le repos des animaux ; c'est pourquoi la tristesse s'apaise par le sommeil.

Au sens mystique le texte est clair : car Au soir de l'ensevelissement du Seigneur ce fut la tristesse, parce que les fidèles pleuraient la mort du Christ. Mais au matin, à cause de l'annonce de la résurrection, ce fut la joie. Si on applique cela au genre humain tout entier, alors Au soir, c'est-à-dire lors du péché des premiers parents, ce fut la tristesse ; car, comme on le lit dans la Genèse, après le milieu du jour, tandis que le soleil déclinait déjà pour se coucher, Adam pécha. Et on ne peut dire que ce gémissement fut de courte durée, puisque même après la restauration de la grâce ses séquelles demeurent. Mais au matin, c'est-à-dire dans le Christ, c'est la joie. Ou bien, au soir, c'est-à-dire lorsque la lumière spirituelle commence à s'affaiblir dans l'homme, et qu'alors vient en lui le gémissement, mais lorsque la lumière brille de nouveau en lui, alors c'est la joie : « Dès le matin je me présenterai à toi, et je verrai. »

7 Pour moi j'ai dit dans mon abondance : « Je ne serai pas éternellement ébranlé ». 8 Seigneur, par ta volonté, tu m'as donné l'éclat de la puissance. Tu as détourné ta face de moi, et je suis tombé dans le trouble.

II. Plus haut le psalmiste a rendu grâce pour les bienfaits divins ; mais ici il expose tout le déroulement suivant lequel s'est fait leur acquisition. Et il fait trois choses.

A) Il expose d'abord la progression de sa démarche.

B) Puis son recours à la prière : 9 Vers toi, Seigneur, je crierai.

C) Enfin il montre l'exaucement de sa prière : 11 Le Seigneur a entendu.

A. Selon la Glose cela s'entend tout d'abord du Christ et puis de tout homme. Mais nous expliquerons en premier lieu comment ces versets s'entendent de tout homme : « Le commencement de tout péché est l'orgueil. » Et c'est pourquoi dans la progression de sa démarche sont exposées :

1) D'abord la présomption de ceux qui mettent leur confiance dans les biens : Pour moi j'ai dit dans mon abondance, etc.

2) Puis la fausseté de cette présomption : Seigneur, par ta volonté.

3) Enfin le châtiment de cette présomption : Tu as détourné ta face de moi.

1. Ainsi dit-il : Pour moi j'ai dit, c'est-à-dire dans mon coeur présomptueux, dans mon abondance, de la prospérité matérielle, Je ne serai pas ébranlé, c'est-à-dire je ne faillirai pas : « Je suis reine, je ne suis point veuve, et je ne serai point dans le deuil. » - « Au jour des biens ne perds pas le souvenir des maux. » Ou bien, dans l'abondance, des biens spirituels, comme Adam étant en paradis : « Plein de sagesse et parfait en beauté, tu as été dans les délices du paradis de Dieu. » Et dans cette abondance ils disent : Je ne serai pas ébranlé. Contre cette présomption il est écrit : « Que celui qui se croit être ferme prenne garde de tomber. »

2. Il montre la fausseté de cette présomption lorsqu'il dit : Seigneur, par ta volonté, etc. La beauté de l'homme en cette vie n'est qu'une prospérité temporelle ; c'est pourquoi elle est comparée à la fleur : « Toute chair est de l'herbe, et toute sa gloire est comme la fleur du champ. » Et cette beauté de sa nature propre n'a pas la capacité de la mesure, comme on le voit dans Jacques : « Parce qu'il passera comme la fleur de l'herbe, car le soleil s'est levé avec ses ardeurs, et il a desséché l'herbe, et sa fleur est tombée, et le charme de sa beauté s'est évanoui : ainsi le riche, lui aussi, se flétrira dans ses voies. » Mais d'où tient-elle sa force, sa stabilité et sa constance ? Assurément, de la volonté de Dieu. Et c'est pourquoi j'ai dit, mais présomptueusement, que je ne serai pas ébranlé. Mais il n'en est pas ainsi, au contraire aussi longtemps qu'il t'a plu, tu m'as donné l'éclat de la puissance. Parfaitement à jamais, car pour les saints ces biens sont éternels dans la Patrie ; mais ici ils relèvent de son vouloir. Semblablement la beauté peut être prise au sens de force spirituelle : « La force et la beauté sont son vêtement. » De même cette beauté, de par sa nature propre, n'est pas forte, car nous possédons cette beauté « dans des vases d'argile ». - « Demeurez dans la cité, jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en haut. » Et c'est pourquoi il dit : tu m'as donné l'éclat de la puissance, mais par ta volonté. - « Il a pitié de qui il veut. »

3. Et il prouve cela par l'effet : car lorsque Tu as détourné ta face, j'ai péri. Or on dit que Dieu détourne sa face de l'homme, quand il ne le voit pas, ou bien quand il n'est pas vu de lui. Or il voit tous les hommes par un simple regard et une simple connaissance, mais certains avec un regard de miséricorde : « Regarde-moi, et aie pitié de moi. » Tu as détourné donc ta face de moi, pour ne pas me prendre en pitié. Et aussitôt je suis tombé dans le trouble, soit spirituellement en tombant dans le péché, soit temporellement en me trouvant dans l'adversité. Ou bien, Tu as détourné ta face, afin de n'être pas vu de moi. Et cela semble s'accorder avec le texte de Jérôme.

Dans toutes les adversités la force de l'homme consiste à tourner ses yeux vers Dieu : « Je me suis souvenu de Dieu, et j'ai été ravi de joie. » Tu t'es donc détourné afin que je ne voie pas.

Mais si on applique cela au Christ, alors Pour moi j'ai dit signifie assurément sans présomption, mais avec la certitude de la connaissance, dans mon abondance, c'est-à-dire des vertus et des grâces : « Nous avons vu sa gloire comme la gloire qu'un Fils unique reçoit de son Père. » Je ne serai pas ébranlé, par la volonté de Dieu : « Je fais toujours ce qui lui plaît. » Et ce, parce que tu m'as donné l'éclat de la puissance, c'est-à-dire d'accomplir des miracles, et de résister aux adversaires : « Il a été prédestiné Fils de Dieu en puissance. » Et cela est manifeste, car lorsque Tu as détourné ta face de moi, dans la passion : « Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? », je suis tombé dans le trouble, non point dans ma raison, mais dans ma sensibilité : « Maintenant mon âme est troublée. »

9 Vers toi, Seigneur, je crierai, et à mon Dieu j'adresserai ma supplication.

B. Ensuite il recourt à la prière lorsqu'il dit : Vers toi, Seigneur, je crierai, etc.

1) Et il expose d'abord sa prière.

2) Puis il donne la raison de son recours à la prière : 10 De quelle utilité.

3) Enfin il montre l'exaucement de sa prière : 11 Le Seigneur a entendu.

1. En exposant sa prière il fait deux choses :

a) Car il prie d'abord pour l'éloignement du mal.

b) Puis pour l'obtention du bien : « Et à mon Dieu j'adresserai ma supplication. »

a. Ainsi dit-il : Vers toi, Seigneur, je crierai, afin que mon cri soit entendu comme une prière faite pour éloigner le mal ; pour le Christ dans sa Passion, pour le pécheur dans son état de péché, pour l'homme dans son état d'adversité.

b. La supplication est faite en vue de l'obtention d'un bien : pour le Christ, la gloire ; pour le pécheur, la grâce ; pour l'homme affligé, la prospérité. Ou bien le mot cri se réfère à l'affliction du coeur, le mot supplication à l'assiduité de la prière : « La prière assidue du juste peut beaucoup. »

10 De quelle utilité [sera] mon sang, lorsque je descendrai dans la corruption ? Est-ce que la poussière te confessera ; ou bien annoncera-t-elle ta vérité ?

2. Il donne la raison de son recours à la prière de deux manières :

a) Et d'abord de manière générale.

b) Puis de manière particulière : Est-ce que la poussière te confessera ?

a. Ainsi dit-il : De quelle utilité ? Si on applique cela au Christ, son sang fut d'une souveraine utilité : « Car ceci est mon sang, le sang de la Nouvelle Alliance, qui sera répandu pour un grand nombre en rémission des péchés. » Mais s'il n'était pas ressuscité aussitôt, et que sa résurrection eût été reportée jusqu'à la fin du monde, il n'aurait eu aucune utilité en lui, et il en aurait été de même si son corps avait été totalement corrompu. Mais sa passion n'a-t-elle pas suffi au salut ? Oui. Mais si cet événement n'avait pas eu lieu, c'est-à-dire s'il n'était pas ressuscité, et aussitôt, sa divinité n'aurait pas été crue ; et ainsi les hommes n'en auraient pas obtenu le bien salutaire.

b. Il le montre en particulier en disant : Est-ce que la poussière te confessera ? Le mot poussière a deux sens. Ou bien il s'agit de la poussière des pécheurs : « Ils sont comme la poussière que le vent emporte de la face de la terre. » Par la mort du Christ les pécheurs, qui sont poussière, ont gagné deux biens : celui de la confession de leurs péchés : « Ces choses entendues, ils furent touchés de componction en leur coeur, et ils dirent à Pierre et aux autres apôtres : "Hommes, mes frères, que ferons-nous ?" Et Pierre leur répondit : "Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, en rémission de vos péchés, et vous recevrez le don de l'Esprit-Saint." » Et c'est pourquoi il dit : Est-ce que la poussière te confessera ?, c'est-à-dire le pécheur, s'il descend dans la corruption, ce qui revient à dire : non. L'autre bien est la confession de la vérité de la foi, aussi dit-il : ou bien annoncera-t-elle ta vérité ? Ou bien la poussière résultant de la décomposition du corps, sera-t-elle maintenant une matière, pour que les peuples confessent ta vérité par l'intermédiaire des Apôtres, ou bien pour que les Apôtres en personne la confessent ? Si par poussière on entend celle de l'homme, alors le sens est le suivant : Est-ce que la poussière te confessera ? c'est-à-dire que si je meurs, je ne pourrai pas te louer.

11 Le Seigneur a entendu, et il a eu pitié de moi : le Seigneur est devenu mon aide. 12 Tu as changé ma plainte en joie : tu as déchiré mon sac, et tu m'as environné de joie.

C. Enfin lorsque le psalmiste dit : Le Seigneur a entendu, il montre l'exaucement de sa prière.

1) Et il expose d'abord l'exaucement.

2) Puis le mode de cet exaucement : et il a eu pitié de moi.

3) Enfin son fruit : afin que ma gloire te chante.

1. Ainsi dit-il : Le Seigneur a entendu, etc. Il avait dit plus haut : je crierai, mais ici il dit qu'il a été exaucé, car Le Seigneur a entendu, puisqu'il a exaucé : « Et il arrivera qu'avant qu'ils crient, moi je les exaucerai ; eux parlant encore, j'écouterai. » - « Père, je te rends grâces de ce que tu m'as exaucé ; pour moi, je savais que tu m'écoutes toujours. »

2. Ensuite il en expose le mode : et il a eu pitié de moi.

a) Et il montre d'abord le mode proprement dit.

b) Puis il le détaille : Tu as changé ma plainte en joie, etc.

a. La Glose commente  : je crierai, entre les maux, et j'adresserai ma supplication, en vue des biens ; et dans l'une et l'autre manière de prier j'ai été exaucé. Car en ce qui concerne la première manière il dit : il a eu pitié de moi, en écartant tout mal lié au châtiment. Et en ce qui concerne la seconde manière il dit : le Seigneur est devenu mon aide, car j'ai obtenu la gloire de l'immortalité : « Le Seigneur est mon aide et ma protection ; en lui a espéré mon coeur, et j'ai été secouru. Et ma chair a refleuri. »

b. Il détaille ce mode lorsqu'il dit : Tu as changé. En tant qu'il parle du Christ il fait deux choses :

- Car il montre d'abord le changement du mal en bien pour les choses intérieures.

- Puis quant aux choses extérieures :tu as déchiré.

- Le Christ a émis un gémissement sur lui-même au temps de sa Passion, car il a dit : « Mon âme est triste à en mourir ; demeurez ici et veillez avec moi. » Et sur les siens : « Vous gémirez et vous pleurerez, vous, mais le monde se réjouira. » Tu as changé cette plainte, dit-il, en joie de résurrection. Pour lui : « Seigneur, dans ta force le roi se réjouira », c'est-à-dire le Christ. Pour les siens : car « les disciples se réjouirent à la vue du Seigneur ».

- Ensuite il montre le changement qui s'opère du mal en bien pour les choses extérieures, car il dit : tu as déchiré mon sac. Ce sac est une étoffe grossière, qu'on fixe aux reins au temps de la tristesse et qui est fait de poils de chèvre. Ainsi ce sac est la chair du Christ en tant qu'elle a une ressemblance avec la chair du péché. Les chèvres et les boucs signifient les pécheurs) parce qu'ils étaient offerts pour les péchés, comme on le rapporte dans la Glose. tu as déchiré mon sac, c'est-à-dire tu as permis que je sois déchiré par les clous et par la lance, et tu m'as restitué l'immortalité ; et c'est pourquoi il dit : tu m'as environné. Ou bien ma plainte changée en joie peut s'entendre de n'importe quel juste : « Votre tristesse se changera en joie. » - « Après la lamentation et les pleurs tu répands la joie. »

13 Afin que ma gloire te chante, et que je ne sois plus tourmenté ; Seigneur mon Dieu, je te rendrai gloire à jamais.

3. Puis lorsqu'il dit : afin que [la] gloire te chante, il expose le fruit de l'exaucement. Or ce fruit est la gloire de Dieu ; et le fait qu'il accède à la gloire de Dieu, on peut le comprendre de deux manières : ou bien en l'appliquant à la gloire de la résurrection du Christ, ou bien à celle des saints ; c'est pourquoi il dit : ma gloire m'a été donnée dans la résurrection, ou bien doit être donnée aux saints dans la Patrie, te chante, c'est-à-dire que ma louange soit pour toi : « Afin que ton Fils te glorifie », et que ce soit pour toujours ; aussi dit-il : Seigneur mon Dieu, je te rendrai gloire à jamais. - « Bienheureux ceux qui habitent dans ta maison, Seigneur ; dans les siècles des siècles ils te loueront. »


Éditions du Cerf

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