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COMMENTAIRE DU PSAUME 30

1 Pour la fin. Psaume de David. Pour l'extase. 2a En toi, Seigneur, j'ai espéré, je ne serai pas confondu à jamais ;

2b dans ta justice, libère-moi. 3 Incline vers moi ton oreille, hâte-toi de m'arracher. Sois pour moi un Dieu protecteur, et une maison de refuge, afin que tu me sauves.

4 Parce que ma force et mon refuge, c'est toi, et à cause de ton nom tu me conduiras et me nourriras. 5 Tu me tireras de ce filet qu'ils m'ont tendu en secret, parce que c'est toi qui es mon protecteur.

6 En tes mains je remets mon esprit ; c'est toi qui m'as racheté, Seigneur, Dieu de vérité. 7a Tu hais ceux qui observent les vanités sans raison.

7b Pour moi, dans le Seigneur j'ai espéré ; 8a j'exulterai et je me réjouirai dans ta miséricorde,

8b parce que tu as regardé mon humiliation ; tu as sauvé mon âme de ses nécessités pressantes. 9 Tu ne m'as pas renfermé dans les mains de l'ennemi ; tu as établi mes pieds dans un lieu spacieux.

10 Aie pitié de moi, Seigneur, parce que je suis dans la tribulation ; mon oeil a été troublé par la colère ainsi que mon âme et mes entrailles.

11 Parce que ma vie a défailli dans la douleur, et mes années dans les gémissements. Ma force s'est affaiblie par la pauvreté, et mes os ont été ébranlés.

12 À cause de tous mes ennemis je suis devenu un objet d'opprobre, et pour mes voisins surtout, et un objet de crainte pour mes connaissances. Ceux qui me voyaient dehors ont fui loin de moi : 13a j'ai été livré à l'oubli, comme un mort [oublié] du coeur.

13b Je suis devenu comme un vase perdu, 14a parce que j'ai entendu le blâme d'un grand nombre demeurant à l'entour.

14b Pendant qu'ils se rassemblaient contre moi, ils ont tenu conseil pour prendre mon âme.

15 Mais moi, j'ai espéré en toi, Seigneur, j'ai dit : « Tu es mon Dieu. » 16a En tes mains sont mes destinées.

16b Arrache-moi à la main de mes ennemis, et à ceux qui me persécutent. 17 Fais luire ta face sur ton serviteur, sauve-moi dans ta miséricorde. 18a Seigneur, que je ne sois point confondu, parce que je t'ai invoqué.

18b Que les impies rougissent, et qu'ils soient précipités dans l'enfer. 19a Qu'elles deviennent muettes les lèvres trompeuses 19b qui profèrent l'iniquité contre le juste, avec orgueil et mépris.

20 Qu'elle est grande, Seigneur, l'abondance de ta douceur que tu as réservée en secret à ceux qui te craignent ! Tu l'as rendue parfaite pour ceux qui espèrent en toi, en présence des enfants des hommes.

21 Tu les tiendras cachés dans le secret de ta face, loin de l'intrigue des hommes. Tu les protégeras dans ton tabernacle contre la contradiction des langues.

22 Béni le Seigneur ! parce qu'il a signalé sur moi sa miséricorde dans une cité fortifiée.

23a Pour moi, j'ai dit dans le transport de mon esprit : « J'ai été rejeté loin de tes yeux. »

23b C'est pourquoi tu as exaucé la voix de ma prière, quand je criais vers toi.

24 Aimez le Seigneur, vous ses saints, parce que le Seigneur recherchera la vérité, et il rendra abondamment à ceux qui sont orgueilleux.

25 Agissez virilement, et que votre coeur se fortifie, vous tous qui espérez dans le Seigneur.

1 Pour la fin. Psaume de David. Pour l'extase. 2a En toi, Seigneur, j'ai espéré, je ne serai pas confondu à jamais ;

Plus haut le prophète a décrit en détail les tribulations, les bienfaits de Dieu, sa prière, sa confiance et son action de grâce ; mais ici il expose tout le déroulement de sa libération. Le titre de ce psaume est : Pour la fin. Psaume de David. Pour l'extase. Les versions de Jérôme ne lisent pas : Pour l'extase, les versions hébraïques non plus ; et il est probable que les Septante l'ont ajouté à cause de ce qui est exprimé plus bas : dans le transport. Car le mot ékstasis (extase) en grec se dit en latin excessus (transport) ce qui relève de l'esprit, parce que l'homme est mis hors de lui. Et cela peut arriver de deux manières. Ou bien parce qu'il est attiré par les réalités supérieures, ou bien parce qu'il est jeté à bas par les choses inférieures. Donc l'âme de l'homme, dans la mesure où elle est ravie hors d'elle-même, on dit qu'elle est ou bien attirée par les réalités d'en haut par la contemplation et l'amour : car l'amour divin, comme le dit Denys dans les Noms divins, produit l'extase, parce qu'il la fait vivre non de sa vie propre, mais de la vie de Dieu : « Je vis, non plus moi, mais le Christ vit en moi » ; ou bien qu'elle est attaquée, ou effrayée par ce qui est au-dessous d'elle-même, aussi quand elle craint, elle est hors d'elle-même : « Ils furent étonnés et hors d'eux-mêmes. » Et comme le veut la Glose, le mot extase est pris ici selon ce mode, car il est question de la tribulation du Christ dans sa Passion ; aussi le Christ, pendant sur la croix, dit : « Je remets mon esprit entre tes mains. » Il est aussi question des tribulations de l'Église, et cela sous la figure des événements qui arrivèrent à David. Ou bien on entend les paroles de ce psaume comme si elles étaient proférées par une seule personne : car la tête, le corps et les membres sont une seule personne ; c'est pourquoi le Christ parle pour lui et pour son corps : « Comme l'époux paré d'une couronne, et comme l'épouse ornée de ses colliers », car le Christ et l'Église sont une seule personne.

Ce psaume se divise en deux parties.

I) Car il parle d'abord de la prière.

II) Puis de l'exaucement : 20 Qu'elle est grande, Seigneur, l'abondance de ta douceur.

I. Mais parce que la prière s'appuie sur l'espérance, il parle d'abord de l'espérance et ensuite de la prière. Puis il donne leur raison, à savoir pourquoi il espère et pourquoi il prie.

A. Concernant la raison de son espérance il fait deux choses.

1) Car il parle d'abord de l'espérance.

2) Puis il y ajoute la raison : dans ta justice, libère-moi.

1. En parlant de l'espérance il fait deux choses.

a) Il expose en premier lieu sa rectitude.

b) Puis sa certitude ou sa fermeté : je ne serai pas confondu à jamais.

a. Ainsi dit-il : En toi, Seigneur, j'ai espéré. Il est écrit dans Jérémie : « Maudit l'homme qui se confie dans l'homme, qui se fait un bras de chair, et dont le coeur se retire du Seigneur. » Et c'est pourquoi l'espérance ne peut être droite dans l'homme, mais en Dieu : « Vous qui craignez le Seigneur, espérez en lui, et sa miséricorde vous viendra en joie. » Et on dit cela de la personne du Christ et de l'Église.

En sens contraire : L'espérance n'a pas sa place dans le compréhenseur (comprehensor) ; or le Christ fut compréhenseur. Donc il n'eut ni l'espérance ni la foi, mais la vision.

Réponse : Espérer vient du mot espérance ; or on parle de l'espérance de deux manières : car parfois on désigne la vertu, mais parfois son objet, qui est le bien, sous un double rapport : car il regarde Dieu comme béatitude éternelle, et comme donateur de la béatitude. Le Christ n'a pas eu cette espérance, car son objet est un bien futur, non acquis. En revanche, toutes les autres choses étaient attendues par le Christ avec le secours de Dieu, comme la gloire de l'immortalité, la conversion des hommes, et autres choses du même genre. Et par rapport à cela il espérait, bien que la vertu d'espérance ne lui ait pas été nécessaire.

b. Puis il expose la fermeté de son espérance en disant : je ne serai pas confondu à jamais, parce qu'il s'appuie sur Dieu qui est immuable ; mais celui qui espère en l'homme pécheur est parfois confondu.

2b dans ta justice, libère-moi. 3 Incline vers moi ton oreille, hâte-toi de m'arracher. Sois pour moi un Dieu protecteur, et une maison de refuge, afin que tu me sauves.

2. Ensuite lorsque le psalmiste dit : dans ta justice, il ajoute sa raison. Et il fait trois choses.

a) Il commence par donner la raison pour laquelle il demande d'être libéré.

b) Puis il expose la rapidité de sa libération : Incline.

c) Enfin il en expose le mode : Sois pour moi.

a. Ainsi il dit : Ô Seigneur, j'espère, et c'est pourquoi je demande d'être libéré. Mais pour quelle raison ? Non en raison de ma justice, mais dans ta justice, parce que tu es juste : « Ce n'est pas en vue de notre justice que, prosternés, nous répandons nos prières devant ta face, mais en vue de tes miséricordes abondantes. » Ou bien : dans ta justice, celle que tu m'as donnée, non la mienne. Il est écrit dans les Romains : « Ignorant la justice de Dieu, et cherchant à établir la leur, ils ne sont pas soumis à la justice de Dieu. »

b. De même je demande d'être rapidement libéré, parce que je ne puis pas souffrir l'affliction. Le délai peut se produire pour deux raisons. La première raison peut tenir au fait que le libérateur est loin ; tandis que l'autre tient au fait qu'il est paresseux. Or Dieu semble être loin de nous ; c'est pourquoi certains ont dit qu'il n'a pas soin de nous : « Il parcourt les pôles du ciel, il ne s'occupe pas de ce qui nous regarde. » Et c'est pourquoi je demande que toi, Dieu, qui habites les cieux, et que moi je ne puis atteindre, tu inclines ton oreille. L'oreille de Dieu est sa volonté d'exaucer ; et on dit que Dieu s'approche de nous, lorsqu'il condescend à nos infirmités et à nos misères ; et c'est pourquoi il dit : hâte-toi de m'arracher. - « Appelle son nom : Hâte-toi d'enlever les dépouilles : Empresse-toi de prendre le butin », car il ne tarde pas dans la nécessité.

c. Il y a deux modes de libération, à savoir afin de ne pas blesser celui qui est dans les maux, ou bien afin de fuir les maux.

- Touchant le premier mode, il dit : Sois pour moi un Dieu protecteur, afin que les maux ne me blessent pas : « Il m'a caché dans son carquois. »

- Touchant le second mode, il dit : et une maison de refuge ; et c'est le nom du Seigneur : « C'est une tour très forte que le nom du Seigneur. » Et c'est pourquoi celui-ci ajoute : afin que tu me sauves.

4 Parce que ma force et mon refuge, c'est toi, et à cause de ton nom tu me conduiras et me nourriras. 5 Tu me tireras de ce filet qu'ils m'ont tendu en secret, parce que c'est toi qui es mon protecteur.

B. Ensuite lorsqu'il dit : Parce que, il montre ce qui le meut.

1) Et d'abord à espérer.

2) Puis à prier : Aie pitié de moi, Seigneur, parce que je suis dans la tribulation.

1. Concernant ce qui le meut à espérer, il fait deux choses.

a) Car il est mû d'abord à espérer en considérant la nature divine.

b) Puis par l'expérience des bienfaits : Pour moi, dans le Seigneur j'ai espéré. Car ces deux choses procurent la confiance.

a. Il montre la disposition de Dieu de deux manières.

- D'abord par rapport à nous.

- Ensuite par rapport aux adversaires, car ils étaient et adversaires et ennemis : Tu hais ceux qui observent les vanités sans raison.

- Par rapport à nous il fait trois choses.

· Car il expose d'abord le comportement de Dieu à notre égard.

· Puis ce qu'il espère à partir de cela : et à cause de ton nom.

· Enfin, animé par l'espérance, il se répand en prière : En tes mains je remets mon esprit.

· Or il faut savoir que Dieu a un comportement à notre égard, parce qu'il est notre force pour accomplir toutes oeuvres bonnes que nous faisons grâce à lui : « Ma force et ma louange, c'est le Seigneur ; car il est devenu mon salut. » De même, parce qu'il est notre refuge pour éviter les maux : « Le rocher (c'est-à-dire Dieu) est un refuge aux hérissons », et c'est pourquoi il dit : j'espère en toi en raison de ces deux choses.

· Et ce qu'il espère, il le montre à partir de la personne du voyageur, parce qu'il manque toujours de conducteur, de pourvoyeur et de défenseur. D'abord pour ce qui regarde la voie. Puis pour ce qui regarde la vie. Enfin pour ce qui regarde le salut.

Et c'est pourquoi en rapport avec le conducteur il dit : tu me conduiras, c'est-à-dire par la voie du salut.

En rapport avec le pourvoyeur il dit : tu me nourriras, avec la nourriture des vertus, mais aussi avec la nourriture corporelle : « Le Seigneur me conduit, et rien ne me manquera. »

En rapport avec le défenseur il dit : Tu me tireras de ce filet, c'est-à-dire de l'embûche frauduleuse qu'ils m'ont préparée : « Viens avec nous, dressons des embûches au sang, cachons des pièges à l'innocent qui ne l'a pas mérité ; comme l'enfer, engloutissons-le vivant et entier, comme celui qui descend dans la fosse. » - « Le filet s'est rompu. » Et la raison tient au fait que c'est toi qui es mon protecteur, autrement dit : J'espère parce que tu m'accorderas ces choses, parce que c'est toi qui es mon protecteur.

6 En tes mains je remets mon esprit ; c'est toi qui m'as racheté, Seigneur, Dieu de vérité. 7a Tu hais ceux qui observent les vanités sans raison.

· Il se répand enfin en une prière soudaine ; et à ce propos il fait deux choses.

Il se recommande d'abord au Seigneur.

Puis il rappelle son bienfait divin, ou acquis, ou qu'il va bientôt recevoir : tu m'as racheté, Seigneur, Dieu de vente.

À propos de sa recommandation au Seigneur il dit : En tes mains je remets mon esprit. Il recommande ce qu'il a de plus cher à celui qui le conduit. Et c'est pourquoi en cette vie dangereuse je te remets mon esprit, ô Dieu. Le Christ fit cela pour nous donner un exemple, c'est pourquoi il a dit sur la croix : En tes mains, etc. - « Je sais à qui j'ai cru, et je suis sûr qu'il est puissant pour garder mon dépôt jusqu'à ce jour. » On comprend cela dans la, personne de l'Église, autrement dit : l'Église s'adressant au Christ qui en est la Tête : toi, tu dis : En tes mains je remets mon esprit, etc.

Et il résulte de cela, à savoir de la croix, notre rédemption. Et il dit : Dieu de vérité, car il a accompli ce qu'il a promis.

- Mais par rapport aux adversaires il dit : Tu hais, autrement dit : Tu te comportes ainsi vis-à-vis de moi, mais comment te comportes-tu vis-à-vis des adversaires ? Car tu hais, et avec raison, ceux qui observent les vanités, etc., c'est-à-dire ceux qui mettent leur espérance dans les choses de ce monde et qui s'y attachent. Et cela, sans raison, car ils défaillent : « À quoi nous a servi l'orgueil ? Ou que nous a rapporté l'ostentation des richesses ? » Il en est de même des vanités, des augures, ou des songes, ou des pactes avec les démons ; et de telles choses sont haïes par Dieu, car elles sont sacrilèges et idolâtres : « Bienheureux l'homme dont le nom du Seigneur est l'espérance, et qui n'a point porté ses regards sur des vanités et des folies mensongères. »

7b Pour moi, dans le Seigneur j'ai espéré ; 8a j'exulterai et je me réjouirai dans ta miséricorde.

b. Plus haut le psalmiste a donné la raison de son espérance en se fondant sur la disposition divine ; mais ici il la donne en se fondant sur son expérience des bienfaits divins.

- À ce propos il fait deux choses.

· Car il expose d'abord son espérance.

· Puis son effet : j'exulterai.

· Ainsi dit-il : Dieu hait les méchants ; Pour moi, qui n'observe pas les vanités, j'ai espéré en Dieu seul, non dans le dieu des richesses.

· L'effet de l'espérance est la joie spirituelle : « Vous réjouissant par l'espérance. » Et il expose le mode de cette joie, car il dit : j'exulterai et je me réjouirai. Or l'exultation est la joie qui se répand au-dehors par des signes extérieurs. La joie, en revanche, exprime la dilatation intérieure du coeur. L'exultation exprime donc la grandeur de la joie, l'allégresse la modération. Et il parle d'abord de l'exultation, car les hommes enflammés par l'amour de Dieu se réjouissent davantage au commencement, mais par la suite leur réjouissance devient modérée. je me réjouirai, non dans ma justice, mais dans la tienne.

8b parce que tu as regardé mon humiliation ; ta as sauvé mon âme de ses nécessités pressantes. 9 Tu ne m'as pas renfermé dans les mains de l'ennemi ; tu as établi mes pieds dans un lieu spacieux.

- Ici il rappelle le bienfait de sa libération.

· D'abord sa libération.

· Puis son mode : Tu ne m'as pas renfermé.

· Il dit qu'il a été libéré de deux choses : de l'abjection et de la tribulation. La première chose s'oppose à l'honneur ; la seconde à la prospérité.

Concernant la première chose il dit : humiliation, c'est-à-dire l'abjection, autrement dit : bien que toi tu sois élevé dans les cieux, cependant tu as regardé ici celui qui est rejeté, ou l'humiliation du coeur. - « Il a regardé l'humilité de sa servante. »

Concernant la seconde chose il dit : tu as sauvé [des] nécessités pressantes, c'est-à-dire des tribulations, l'âme, non le corps ; car selon le corps ils succombent parfois, mais l'âme est libérée : « Arrache-moi à mes nécessités pressantes, Seigneur. » Ou bien il appelle nécessités les passibilités de la vie présente, c'est-à-dire la mort, la famine, la disette, l'indigence : « Dans les nécessités des saints, partageant avec eux. »

· Puis il montre le mode de sa libération.

D'abord quant à l'affranchissement du mal.

Ensuite quant à la conservation dans le bien, car tu as établi.

À propos de l'affranchissement du mal il dit : Tu ne m'as pas renfermé. Une chose est renfermée lorsqu'il n'y a rien d'elle au-dehors. Dieu permet que quelqu'un soit tenté par les hommes, mais il ne le renferme pas entre leurs mains, car il se réserve quelque chose contre lequel l'ennemi ne peut rien, comme dans Job, dont la possession fut d'abord livrée entre les mains de Satan sans qu'il ne puisse toucher à son âme ; aussi dit-il : « Cependant conserve son âme. » Mais les impies, eux, sont renfermés dans les mains de l'ennemi.

Cependant il est écrit : « Il m'a tenu captif sous la puissance d'un méchant ; et il m'a livré aux mains d'hommes impies. »

On répondra à cette objection en disant que c'est vrai selon l'intention de l'ennemi qui croit se prévaloir, mais que cela n'est pas vrai absolument parlant.

À propos de la conservation dans le bien il dit : tu as établi, etc., c'est-à-dire dans un lieu libre et spacieux, mes pieds, c'est-à-dire mes sentiments, car nulle part il n'est empêché de faire le bien : « Je te conduirai par les sentiers de l'équité, lorsque tu y seras entré, tes pas ne seront pas gênés, et en courant tu ne trouveras pas de pierre d'achoppement. » Ou bien ce lieu spacieux c'est la vie éternelle : « Ô Israël, qu'elle est grande, la maison de Dieu, et qu'il est vaste, le lieu de sa possession ! », là où nos pieds se sont tenus : « Nos pieds se tenaient dans tes parvis, ô Jérusalem. »

10 Aie pitié de moi, Seigneur, parce que je suis dans la tribulation ; mon oeil a été troublé par la colère ainsi que mon âme et mes entrailles.

2. Ensuite lorsqu'il dit : Aie pitié de moi, Seigneur, parce que je suis dans la tribulation, etc., il donne une double raison à sa prière.

a) Il parle d'abord de la prière en général et de sa cause.

b) Puis il poursuit en traitant en détail de l'une et de l'autre : mon oeil a été troublé.

a. En parlant de la prière en général et de sa cause il fait deux choses.

- Il expose d'abord sa demande en général : Aie pitié.

- Puis la cause de sa demande : parce que, etc.

- Concernant sa demande en général il est écrit dans Judith : « Nous réclamons son indulgence avec larmes. »

- Et pourquoi ? parce que je suis dans la tribulation. - « Nombreux sont ceux qui me persécutent et qui me tourmentent. »

En sens contraire : il a dit plus haut : tu as sauvé mon âme de ses nécessités pressantes.

Réponse : je dis qu'il parle selon qu'il s'adresse à des membres divers, ou bien à des moments différents.

b. a été troublé. Il expose ici sa tribulation de manière détaillée, puis sa prière : Mais moi, j'ai espéré en toi.

En exposant sa tribulation de manière détaillée, il fait deux choses.

- Car il en parle d'abord selon le point de vue interne.

- Puis selon le point de vue externe : Parce que ma vie a défailli.

- Selon le point de vue interne trois choses sont mentionnées : l'oeil, l'âme et le ventre ; par ces choses sont signifiées la raison, la volonté et la sensualité. En ce sens que lorsque l'homme est dans la tribulation, toutes ces puissances sont ébranlées.

Et c'est pourquoi il dit : mon oeil, c'est-à-dire intérieur. - « Qu'il éclaire les yeux de votre coeur. » par la colère, des ennemis qui persécutent, ou de Dieu qui punit : « Mon oeil a été troublé par la fureur. » Ou bien : par la colère, parce que je me suis mis en colère contre les méchants. En effet cela n'aveugle pas l'oeil comme le fait la colère dans le vice ; mais cela trouble et assombrit, parce qu'ainsi il ne voit pas clairement.

mon âme, c'est-à-dire la volonté, car le propre de la volonté est de mouvoir le corps, et la volonté meut toutes choses qui sont en nous : « Mon âme est troublée. »

mes entrailles, c'est-à-dire faibles, et signifiant la sensualité : « Mes entrailles sont pleines de douleur. » Ou bien les mots mon âme se réfèrent à la sensualité, mais les mots mes entrailles se réfèrent au corps, autrement dit : la sensualité est troublée, le corps aussi. Ou bien cela se réfère aux divers membres de l'Église. Car les yeux, ce sont les docteurs, l'âme, les prélats, les entrailles, ce sont tous les autres membres.

11 Parce que ma vie a défailli dans la douleur, et mes années dans les gémissements. Ma force s'est affaiblie par la pauvreté, et mes os ont été ébranlés.

- Ensuite lorsqu'il dit : Parce que ma vie, etc., il expose la tribulation quant aux choses extérieures. Or la tribulation est bannie par les biens de la vie présente, qui sont au nombre de trois : les délices de la chair, les richesses et les honneurs : « Tout ce qui est dans le monde est convoitise de la chair, convoitise des yeux, orgueil de la vie ; or cela ne vient pas du Père, mais du monde. »

· Au premier bien il oppose la douleur.

·Au deuxième la pauvreté.

· Et au troisième les opprobres.

Le deuxième correspond à : s'est affaibli ; et le troisième a : À cause de tous mes ennemis.

· Concernant la douleur il fait deux choses.

Car il commence par l'exposer.

Puis il en donne le signe : mes années.

Ainsi dit-il : je suis la tribulation, intérieurement ; et cette tribulation vient de l'intérieur : Parce que ma vie a défailli dans la douleur. La vie humaine progresse continuellement vers la défaillance : « Aussitôt nous avons cessé d'être. » Donc celui qui est triste peut dire : ma vie a défailli dans la douleur. - « Car la tristesse hâte la mort. » Ou bien il s'agit de la vie spirituelle : « Le juste vit de la foi. »

Ou bien on peut l'entendre de la vie selon laquelle quelqu'un se réjouit du bien des autres : « Maintenant je me réjouis, non de ce que vous êtes tristes, mais de ce que vous avez été contristés de manière à faire pénitence. » Et la douleur cause en eux la défaillance, aussi dit-il : et mes années, c'est-à-dire la durée de ma vie, dans les gémissements, qui sont le signe de la douleur.

· Concernant la pauvreté il dit : s'est affaiblie, etc. Les richesses affermissent les hommes : « Comme la sagesse protège, l'argent protège aussi. » Et c'est pourquoi la pauvreté se réfère à la faiblesse extérieure. Or, de même que la pauvreté temporelle engendre la faiblesse extérieure, ainsi la pauvreté spirituelle engendre la faiblesse spirituelle. La force, c'est-à-dire la force corporelle qui est faite de nerfs et d'os ; et c'est pourquoi il ajoute : mes os, autrement dit : toutes les choses sur lesquelles sa force était fondée étaient affaiblies : « Ils ont compté tous mes os. »

12 À cause de tous mes ennemis je suis devenu un objet d'opprobre, et pour mes voisins surtout, et un objet de crainte pour mes connaissances. Ceux qui me voyaient dehors ont fui loin de moi : 13a J'ai été livré à l'oubli, comme un mort [oublié] du coeur.

· Le prophète, en montrant sa tribulation extérieure, a exposé ses douleurs par opposition aux délices, sa pauvreté par opposition aux richesses ; mais ici il expose ses opprobres par opposition aux honneurs du monde.

Il commence par exposer la confusion dont il souffre.

Puis il introduit une comparaison : Je suis devenu comme un vase.

Enfin il expose une épreuve : parce que j'ai entendu.

En exposant la confusion il fait trois choses, en tant qu'on remarque une triple gradation en ceux qui méprisent les autres : car certains lui font des opprobres, d'autres évitent sa société, et il en est d'autres qui l'oublient tout à fait, et cela a trait au mépris, car personne n'oublie ce qu'il ne méprise pas.

Il expose donc le premier degré et dit : À cause de tous mes ennemis, etc. Une version de Jérôme lit : « Apud omnes hostes meos factus sum opprobrium vicinis meis nimis (Auprès de tous mes ennemis je suis devenu [un objet] d'opprobre, grandement pour mes proches) », autrement dit : je suis devenu un objet d'opprobre non seulement pour mes ennemis, mais aussi pour mes proches. Et ce sont là les paroles du Christ émanant de l'Église. Les proches de l'Église sont ceux qui ne sont pas encore convertis, mais qui ont le propos de se convertir. Et il dit : opprobre, à cause du châtiment et à cause de la faute. Et on expose l'un et l'autre, en tant que le Christ parle par l'Église : je suis devenu un objet d'opprobre, à cause des châtiments des martyrs. Et cela à cause de tous mes ennemis, car les saints ont enduré des châtiments plus honteux que ceux des bandits : « Nous sommes donnés en spectacle au monde, aux anges et aux hommes. » De même, à cause de la faute. Dans l'Église il y a des pécheurs et des gens de mauvaise vie, si bien qu'en raison d'eux l'Église est tenue pour méprisable auprès de ceux qui devraient s'en approcher. Et il dit bien : À cause de tous mes ennemis, car leur vie apparaît plus honteuse que celle des infidèles. Il est écrit dans Ézéchiel : « C'est là Jérusalem : je l'ai placée au milieu des nations, et j'ai mis autour d'elle des pays. » Et semblablement dans le même livre : « Tu as justifié tes soeurs par toutes tes abominations que tu as faites. »

De même quant au deuxième degré, aucun ne se joint à lui ; c'est pourquoi il dit : un objet de crainte pour mes connaissances, c'est-à-dire pour mes voisins qui craignent de s'approcher de moi. Ou bien à cause des châtiments dont je souffre, ou bien à cause de la mauvaise vie des mauvais chrétiens. Et il en montre le signe en disant : Ceux qui me voyaient, c'est-à-dire ceux qui considéraient ces sortes d'opprobres que sont les fautes et les châtiments, ont fui loin de moi, car ils n'ont pas voulu se convertir : « Mes frères ont passé comme un torrent. » - « Tu as éloigné mes proches de moi. »

Enfin vient l'oubli. Et tel est ce qu'il dit : J'ai été livré à l'oubli. Mais parce que l'homme, aussi grandement qu'il aime quelqu'un, après la mort il le livre à l'oubli, aussi dit-il : comme un mort. - « Comme des blessés qui dorment dans des sépulcres, dont tu ne te souviens plus. » Ces paroles se réfèrent au Christ dans sa propre personne, parce qu'il est devenu un objet d'opprobre : « C'est à cause de toi que j'ai souffert l'opprobre, et que la confusion a couvert ma face. » De même un objet de crainte, car ses disciples ont fui. Et pareillement il fut livré à l'oubli, car « nous espérions que c'était lui qui devait racheter Israël ».

13b Je suis devenu comme un vase perdu, 14a parce que j'ai entendu le blâme d'un grand nombre demeurant à l'entour.

Puis il donne un exemple : Je suis devenu comme un vase perdu, c'est-à-dire inutile, dont on ne se soucie guère. Il est écrit dans Jérémie : « Il m'a rendue comme vase vide, il m'a engloutie comme un dragon, il a rempli son ventre de ce que j'avais de plus délicieux et il m'a rejetée. »

Enfin il expose son épreuve ; et à cet égard il fait deux choses.

Car il parle d'abord du mépris dont il est l'objet.

Puis de la persécution dont il souffre : Pendant qu'ils se rassemblaient contre moi.

Ainsi dit-il : je suis devenu un objet d'opprobre [...] parce que j'ai entendu le blâme, de la part de mes hommes : « J'ai entendu les outrages d'un grand nombre et la terreur tout autour de moi. » à l'entour. Augustin commente : « Parfois des chrétiens pèchent ; et les infidèles ne disent pas : Les méchants font cela, mais les chrétiens font cela. Et si des religieux pèchent, semblablement. » Et il dit : à l'entour, parce qu'ils n'entrent pas dans la considération de la vérité : autrement ils diraient alors, des mauvais chrétiens font cela : « Les impies rôdent autour de nous. »

14b Pendant qu'ils se rassemblaient contre moi, ils ont tenu conseil pour prendre mon âme.

Ensuite lorsqu'il dit : Pendant ce temps, il montre comment il souffre la persécution, et il souligne son ampleur en parlant de la multitude de ceux qui le persécutent, quand il dit : Pendant qu'ils se rassemblaient contre moi, c'est-à-dire unanimement, contre moi, ce qui devait être redouté extrêmement : « Mon coeur a redouté trois choses, et à la quatrième, ma face a pâli de frayeur : la délation d'une cité, le rassemblement d'un peuple, la calomnie mensongère. » À cause de leur cruauté, car ils ne se rassemblèrent pas pour un motif peu important, mais pour tuer ; aussi dit-il : pour prendre mon âme, c'est-à-dire ma vie. ils ont tenu conseil. - « Toi, Seigneur, tu connais tout leur dessein de mort contre moi. » - « Que dans leur conseil n'entre pas mon âme. »

15 Mais moi, j'ai espéré en toi, Seigneur ; j'ai dit : Tu es mon Dieu. 16a En tes mains sont mes destinées.

C. Plus haut le psalmiste a exposé les maux dont il souffrait ; mais ici il trouve un refuge dans la prière. Et parce que la prière est inutile si elle ne s'appuie pas sur l'espérance, c'est pourquoi il parle d'abord de l'espérance, et ensuite de la prière : Arrache-moi à la main, etc.

1. En parlant de l'espérance il fait deux choses.

a) Car il commence par l'exposer.

b) Puis il en donne une raison : J'ai dit : « Tu es mon Dieu. »

a. Le psalmiste continue ainsi : Il ne dit pas simplement : moi, j'ai espéré en toi, mais : « Ego autem etc. (Mais moi, etc.). » Le commentaire d'Augustin que porte la Glose dit : « Les enfants sont habituellement appelés nourrissons, parce qu'ils veulent sucer longuement les mamelles, mais les mères y mettent des matières amères pour les en dégoûter. » Nos mamelles, avec lesquelles nous sommes allaités par le Seigneur, sont la prospérité temporelle et le soutien des amis. Lorsque Dieu voit que les hommes se confient trop en ceux-ci et y sont séduits, il les retire et laisse le chagrin s'installer, afin qu'ils mettent leur espérance en Dieu seul. Ainsi ce dernier déclare avec attention : j'ai entendu, dit-il, le blâme ; et c'est pourquoi il dit : Mais moi, etc., autrement dit : face à tous les autres qui s'opposent et combattent contre moi, mon espérance fut seulement en toi : « Bienheureux soit l'homme qui se confie dans le Seigneur. »

b. Il donne à l'espérance une double raison.

- L'une est due à la sollicitude et à la providence de Dieu.

- L'autre est due à son pouvoir.

- Il se confie d'abord en lui comme s'il était commis à la sollicitude divine, et protégé par Dieu ; car Dieu par son pouvoir étend sa sollicitude sur toutes choses.

Il est écrit au livre de la Sagesse : « Il n'y a pas d'autre Dieu que toi, qui prends soin de toutes choses. » Et semblablement dans le même livre : « Mais, ô Père, c'est ta providence qui gouverne toutes choses. » Voilà pourquoi le Dieu de toutes choses étend cependant sa sollicitude particulière sur certains : « Déchargez-vous sur lui de toutes vos sollicitudes, car lui-même prend soin de vous. » Et c'est pourquoi il est spécialement leur bien. Et d'où il dit : j'ai espéré en toi, parce que Tu es mon Dieu.

- Ensuite il se confie en lui à cause de son pouvoir, car s'il n'était pas puissant, sa force défaillirait. Mais il ne pense pas ainsi à propos de Dieu, aussi dit-il : En tes mains sont mes destinées, c'est-à-dire tous les biens qui me sont donnés sont en ton pouvoir : « C'est aussi en lui que nous avons été appelés par le sort, ayant été prédestinés selon le décret de celui qui fait toutes choses suivant le conseil de sa volonté ; afin que nous soyons la louange de sa gloire, nous qui les premiers avons espéré en Jésus-Christ. » Or il faut savoir qu'il y a trois sortes de sorts : Des sorts consultatifs, des sorts divinatoires et des sorts distributifs. Généralement parlant, le sort n'est rien d'autre qu'un signe recherché de la volonté divine. Et c'est pourquoi dans le commentaire d'Augustin que porte la Glose on lit : « Le sort n'est point chose mauvaise, mais un signe qui dans le doute humain indique la volonté de Dieu. Et c'est pourquoi rejeter les [mauvais] sorts, ce n'est rien d'autre que rechercher le signe de la volonté divine. » Donc le sort en soi n'exprime pas quelque chose de mal ; mais on accomplit le mal de deux manières.

· D'abord, lorsqu'on recherche ce signe par un moyen indu, comme par l'intermédiaire du démon ; et suivant cela les sortilèges sont condamnés parmi les autres pratiques qui ont trait à l'infidélité.

· Puis, si on recherche ce signe dans des choses sans qu'il y ait nécessité. Ce signe doit être recherché en deux choses : dans les nécessités et dans les choses qui ne peuvent être connues autrement. Car s'il ne s'agissait pas de choses nécessaires, il y aurait alors de la curiosité : et c'est le propre du sort divinatoire ; car dans ce procédé on se soucie des choses qui arriveront, et c'est pourquoi c'est une chose vaine et à réprouver. Mais dans les choses nécessaires qui peuvent être connues autrement, les sorts aussi sont interdits ; car c'est tenter Dieu que de recourir au divin alors que ce signe peut être connu par un moyen humain. Mais utiliser des sorts dans des partages, pour savoir à qui revient telle chose, ou bien à propos des choses qu'on doit faire, ce qui est préférable dans les affaires temporelles, je dis qu'en de pareilles circonstances le sort n'est pas à blâmer. Aussi les partages se font-ils souvent en recourant aux sorts. Semblablement aussi pour les dignités temporelles, dans le cas où les hommes sont élus par le sort. Mais ce moyen n'est pas permis dans les réalités spirituelles, car dans ces dernières l'homme est dirigé par l'Esprit-Saint ; c'est pourquoi celui qui utiliserait des sorts en ce domaine outragerait l'Esprit-Saint. Voilà pourquoi les Apôtres utilisèrent des sorts pour Matthias avant l'effusion de l'Esprit-Saint ; mais après l'effusion de l'Esprit-Saint, ils choisirent sept diacres sans avoir recours aux sorts. En tes mains, dit-il donc, sont mes destinées, c'est-à-dire que ce qui est donné selon le signe de ta volonté, tout cela est sous ton pouvoir : « Les sorts sont jetés dans le pan de la robe, mais ils sont disposés par le Seigneur. » Une autre version lit : tempora mea (mes temps), c'est-à-dire quantitativement et qualitativement : « C'est lui qui change les temps et les âges. »

16b Arrache-moi à la main de mes ennemis, et à ceux qui me persécutent. 17 Fais luire ta face sur ton serviteur, sauve-moi dans ta miséricorde. 18a Seigneur, que je ne sois point confondu, parce que je t'invoque.

2. Ensuite il ajoute sa prière lorsqu'il dit : Arrache-moi.

a) Il prie d'abord pour lui.

b) Puis contre ses ennemis : Qu'ils rougissent.

a. En priant pour lui il fait deux choses.

- Car il prie d'abord pour être libéré des maux.

- Puis afin d'être élevé vers le bien : Fais luire ta face.

- Dans ses ennemis il considère deux choses :

· D'abord leur sentiment ; et il traite de cela quand il dit : à la main de mes ennemis, c'est-à-dire de ceux qui me haïssent : « Arrache-moi à mes ennemis, Seigneur, c'est vers toi que je me suis réfugié. » Ces derniers sont les démons : « C'est un ennemi qui a fait cela. Les serviteurs lui demandèrent : "Voulez-vous que nous allions l'arracher ?" Il répondit : "Non, de peur qu'arrachant l'ivraie, vous n'arrachiez aussi le froment avec elle." » Semblablement ce sont les amis : « On aura pour ennemis les gens de sa propre maison. »

· Puis l'effet, car ils persécutent : « Nombreux sont ceux qui me persécutent et me tourmentent ; [mais je] ne me suis pas détourné de tes témoignages. »

- Puis il prie afin d'être élevé vers le bien, lorsqu'il dit : Fais luire. À ce propos il fait deux choses.

· Il demande d'abord d'être élevé dans les biens.

· Puis de ne pas faillir à sa demande : que je ne sois point confondu.

· Concernant son élèvement dans les biens il fait une double demande :

D'abord touchant le progrès de la sagesse.

Puis touchant le progrès de la justice : sauve-moi.

La lumière de la raison n'est rien d'autre qu'une participation à la lumière divine : « La lumière de ton visage a été gravée sur nous. » Cette lumière ne croît en nous qu'à partir de sa cause originelle elle-même. C'est pourquoi si nous voulons croître en lui, il faut que cette croissance se fasse par la lumière du visage divin : « Envoie ta lumière et ta vérité : Elles m'ont conduit et m'ont amené à ta montagne sainte et dans tes tabernacles. »

Touchant le progrès de la justice, par laquelle on parvient au salut, il le demande, il le dit : sauve-moi, et ce, à cause de ta miséricorde, non à cause de mes mérites : « Il nous a sauvés, non à cause des oeuvres de justice que nous faisions, mais selon sa miséricorde, c'est par le baptême de régénération et de renouvellement de l'Esprit-Saint, qu'il a répandu sur nous abondamment par Jésus-Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par sa grâce, nous soyons héritiers selon notre espérance, de la vie éternelle. »

· Touchant sa crainte de faillir à sa demande il dit : que je ne sois point confondu, c'est-à-dire en défaillant dans ton espérance ; ou bien, que je ne sois point confondu, c'est-à-dire trompé par mon espérance. Et cela parce que je t'ai invoqué. - « Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauve. » je t'ai invoqué. Le commentaire d'Augustin que porte la Glose lit : « Tu invoques Dieu, lorsque tu appelles Dieu en toi, lorsque tu l'invites à entrer dans la maison de ton coeur ; [mais] auparavant il est nécessaire que tu sois purifié de tes souillures ou de tes fraudes, car autrement tu ne l'invoquerais pas en vérité. Car si tu invoques Dieu afin qu'il te donne un gain, tu invoques un gain, non Dieu. Invoque donc Dieu avec désintéressement, ô avare, afin que Dieu te remplisse non d'argent [mais] de lui-même. N'acceptes-tu pas qu'il vienne à toi sans or et sans argent ? Quel don de Dieu te suffira, si Dieu lui-même ne te suffit pas ? »

18b Que les impies rougissent, et qu'ils soient précipités dans l'enfer. 19a Qu'elles deviennent muettes les lèvres trompeuses.

b. Ensuite il prie contre ses ennemis, lorsqu'il dit : Qu'ils rougissent.

- Et il expose d'abord sa demande.

- Ensuite il indique la raison de leur démérite : qui profèrent.

Il faut noter que cette prière doit être comprise plus sous la forme d'un avertissement que d'une oraison, autrement dit :

Qu'ils rougissent en conformant leur volonté à la justice divine.

- Touchant sa demande il expose trois choses qui leur surviennent :

· Car ils seront confondus au jugement dernier ; aussi dit-il : Qu'ils rougissent. Parce que le Seigneur leur dira : « J'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ! Alors les justes lui répondront : Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu avoir faim, et que nous t'avons rassasié ; ayant soif, et que nous t'avons donné à boire ? [...] Et le roi répondra, disant : En vérité, je vous le dis : Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits d'entre mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. [...]. Alors il dira aussi à ceux qui seront à gauche : Allez loin de moi, maudits, au feu éternel, qui a été préparé au diable et à ses anges ; car j'ai eu faim, et vous ne m'avez point donné à manger ; j'ai eu soif, et vous ne m'avez point donné à boire [...] Alors il leur répondra, disant : En vérité, je vous le dis, chaque fois que vous ne l'avez point fait à l'un de ces petits, à moi non plus, vous ne l'avez point fait. Et ceux-ci s'en iront à l'éternel supplice», parce que leur conscience le leur reprochera : « Vous rougirez à cause des jardins que vous aviez choisis. »

· Puis ils seront jetés au supplice éternel ; et c'est ce qu'il dit : et qu'ils soient précipités en enfer. - « Comme des brebis, ils ont été parqués dans l'enfer : c'est la mort qui les paîtra. »

· Enfin ils se tairont, aussi dit-il : Qu'elles deviennent muettes les lèvres trompeuses. - « Toute iniquité aura la bouche close. »

En sens contraire : ils seront bavards, car il est écrit : « Ils blasphémèrent le Dieu du ciel à cause de leurs douleurs et de leurs plaies, et ils ne firent point pénitence de leurs oeuvres. » Et semblablement ils gémiront : « Gémissant dans le serrement de leur coeur, et disant : Voici ceux que nous avons eus autrefois en dérision, et en proverbes outrageants. »

Réponse : ils se tairont dans leurs paroles d'orgueil, et de douleur infligée aux saints.

19b Qui profèrent l'iniquité contre le juste, avec orgueil et abus.

- Ensuite lorsqu'il ajoute : Qui profèrent, il mentionne leur triple péché, et principalement celui de la bouche, lequel est aggravé par trois circonstances : à cause de la personne contre laquelle s'adresse l'iniquité, à cause de ce qui est dit, à cause de la racine de ce qui est dit.

· En relation avec la personne il dit : contre le juste, ce qui est pire que contre un pécheur, autrement dit :

· Ces lèvres qui parlent de cette manière se tairont sur ce qu'elles disent, car elles profèrent l'injustice et des choses fausses : « Les paroles de sa bouche sont iniquité et tromperie. »

· Mais à cause de la racine de ces propos, car on dit parfois une chose contre un homme juste par ignorance et par erreur ; mais si elle procède d'une intention mauvaise, alors c'est mal. Et cette mauvaise racine est double, l'orgueil et l'abus : « Si l'orgueil vient, viendra aussi l'ignominie. » De même ils abusent des biens qui leur sont donnés ; car ces biens leur sont donnés pour qu'ils s'humilient, tandis qu'eux-mêmes s'en glorifient. Une version de Jérôme lit : et despectu (et avec mépris), car ils méprisent les autres avec sottise. Et c'est un abus parce qu'en méprisant le juste ils ne se comportent pas comme il se doit à son égard.

20 Qu'elle est grande, Seigneur, l'abondance de ta douceur que tu as réservée en secret à ceux qui te craignent ! Tu l'as rendue parfaite pour ceux qui espèrent en toi, en présence des enfants des hommes.

II. Le psalmiste a traité plus haut de sa tribulation et de sa prière ; mais ici il aborde l'action de grâces, comme s'il était exaucé. Il y fait deux choses.

A) Il rappelle d'abord de manière universelle les bienfaits que Dieu confère au genre humain et aux saints.

B) Puis il se répand en action de grâces : 22 Béni le Seigneur ! parce qu'il a signalé, etc.

A. Et à propos des bienfaits il fait deux choses.

1) Car il montre d'abord la miséricorde de Dieu quant aux dons conférés aux saints.

2) Puis quant aux maux dont il les protège : 21 Tu les tiendras cachés.

1. Touchant les biens conférés aux saints il fait deux choses.

a) Il montre en effet d'abord la préparation de ces biens.

b) Puis leur parachèvement : Tu l'as rendue parfaite.

a. Ainsi dit-il : Qu'elle est grande, etc. On emploie le mot douceur dans les réalités spirituelles par métalepse. Car de même que la douceur corporelle délecte le goût charnel, ainsi parle-t-on de douceur spirituelle parce qu'elle délecte l'esprit intérieurement. Or il arrive parfois que le goût charnel n'étant pas bien disposé, il se délecte dans une mauvaise saveur, et alors sa délectation est fausse ; ainsi l'affection de l'homme, lorsqu'elle n'est pas bien ordonnée, se délecte dans une chose qui n'est pas vraiment délectable ; mais si elle est bien disposée, elle se délecte dans le vrai bien, c'est-à-dire le bien divin. Et c'est pourquoi la bonté substantielle de Dieu est appelée douceur divine : « Ta substance montrait la douceur que tu as à l'égard de tes enfants. » Ou bien on appelle douceur de Dieu cette circonstance dans laquelle quelqu'un est dit éprouver un sentiment amer, quand il songe à la manière d'affliger les autres, Dieu lui disant par la bouche de l'Apôtre : « Que toute amertume soit bannie de vous. » À l'opposé, il éprouve la douceur de l'âme lorsqu'il se propose de consoler les autres. C'est pourquoi on appelle douceur de Dieu son dessein suivant. Lequel ? « Il veut que tous les hommes soient sauvés. » - « Goûtez et voyez combien le Seigneur est bon. » Et de même, « le Seigneur est doux et droit ». Et quelle que soit la manière dont on parle de la douceur, elle contient de la délectation ; car bien qu'elle soit une et simple en elle-même, elle est cependant la racine et la source de toute bonté. Et c'est pourquoi tout ce qui est objet de délectation dans le monde se trouve totalement en Dieu : ainsi en est-il de la sagesse, de la vérité, des honneurs, de l'excellence, du plaisir, et toutes ces choses s'y trouvent en surabondance. Aussi le psalmiste dit-il : Qu'elle est grande, l'abondance, insurpassable selon sa grandeur, infiniment incompréhensible pour nous. Et il en est de même de l'abondance quant à la douceur de l'effet ; car tout ce qui peut échoir à l'homme procède de la douceur de la bonté divine : « Qu'il est doux, Seigneur, ton esprit en nous ! » En Isaïe il est question de l'abondance des justes : « Les fils de la délaissée seront plus nombreux que [les fils] de celle qui a un mari, dit le Seigneur. » Mais ce qu'il dit ensuite : que tu as réservée en secret, peut se comprendre de deux manières.

- Selon une première manière : que Dieu se cache de ceux-ci afin qu'ils le connaissent, c'est-à-dire pour que leur désir grandisse.

- Selon une autre manière : que tu as mise en secret afin que te craignant ils la possèdent ; et ce sens est préférable, autrement dit : tu l'as mise en secret à cause d'eux. Et pourquoi ? Parce que cette douceur ne se trouve pas dans les biens sensibles qui nous sont manifestés, mais elle se trouve dans les réalités invisibles ; non dans les choses créées, mais dans l'invisibilité de Dieu lui-même : « Au vainqueur, je donnerai la manne cachée. » - « Ce que l'oeil n'a point vu, ce que l'oreille n'a point entendu, ce qui n'est point monté dans le coeur de l'homme, ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment. »

b. Donc une préparation bonne se fait dans le secret ; mais son parachèvement et son exécution sont publics, aussi ajoute-t-il : Tu l'as rendue parfaite, etc. Entre cette prédestination et son effet, c'est-à-dire celui qui a lieu dans la gloire, il y a au milieu l'état de grâce qui est un commencement de gloire ; et passant outre il tend à ce qui est parfait et dit : Tu l'as rendue parfaite, c'est-à-dire tu la rendras parfaite, et tu as commencé à parfaire ce qui est caché : « Quand viendra ce qui est parfait, alors s'anéantira ce qui est imparfait. » Mais pour qui ? pour ceux qui espèrent en toi, pour ceux auxquels cette perfection reviendra, non à ceux qui se confient en eux-mêmes : « Nous nous glorifions dans l'espérance de la gloire des enfants de Dieu. » Mais alors ce ne sera pas caché, au contraire cela sera une réalité. en présence des enfants des hommes, car tous verront cette gloire, bons et méchants : « J'estime que les souffrances du temps présent ne sont pas dignes de la gloire future qui sera révélée en nous. » - Ceux-ci le « voyant seront troublés par une crainte horrible, et ils s'étonneront de ce salut soudain, disant en eux-mêmes, se repentant et gémissant dans l'angoisse de leur esprit : Voici ceux que nous avons eus autrefois en dérision, et en proverbes outrageants. Nous insensés, nous estimions leur vie une folie, et leur fin sans honneur : et voilà qu'ils sont comptés parmi les fils de Dieu ». Ou bien : des enfants, c'est-à-dire des saints qui verront en plénitude : « Les justes verront et se réjouiront, et toute iniquité fermera sa bouche. » Ou bien : qui espèrent en toi, et manifestent cette espérance en présence des enfants des hommes. - « Car je ne rougis point de l'Évangile. »

21 Tu les tiendras cachés dans le secret de ta face, loin de l'intrigue des hommes. Tu les protégeras dans ta tente contre la contradiction des langues.

2. Ensuite quand il dit : Tu les tiendras cachés, il montre les bienfaits de Dieu à l'égard de ses saints, par la libération du mal. Mais parce que l'homme peut souffrir un double mal, en action et en parole :

a) Il montre d'abord comment il les protégera du premier mal.

b) Puis comment il les protégera du second : Tu les protégeras.

a. Ainsi dit-il : Tu les tiendras cachés, etc. Il parle en usant d'une comparaison : de même que si quelqu'un était recherché en vue d'être tué, chacun le cacherait dans les lieux secrets de sa maison, là où il serait en sécurité ; ainsi en est-il pour les saints. Les impies les persécutent, mais Dieu les cache dans le secret, c'est-à-dire les mènera vers ce lieu secret de sa douceur : « Votre vie est cachée avec le Christ en Dieu » ; mais cela se réalisera parfaitement dans l'avenir, lorsqu'ils le verront face à face : « Alors nous verrons face à face. » Et encore : « Nous le verrons tel qu'il est. » Et c'est ce que le psalmiste dit : de ta face. Mais dans le présent aussi il se cache, en tant que nous voyons quelque chose de la douceur de sa gloire en le contemplant. Et pour autant qu'il se cache, pour autant les hommes affermis dans l'amour de Dieu ne peuvent se troubler : « Les âmes des justes sont dans la main de Dieu, et le tourment de la mort ne les atteindra pas. » Ou bien il n'éprouvera pas les troubles que les hommes endureront au jugement : Ceux-ci le en voyant seront troublés par une crainte horrible, et ils s'étonneront de ce salut soudain, disant en eux-mêmes, se repentant et gémissant dans l'angoisse de leur esprit : Voici ceux que nous avons eus autrefois en dérision, et en proverbes outrageants. Semblablement, en tant que l'homme se cache dans la contemplation, et n'éprouve pas les troubles du monde : « Entrant dans ma maison, je me reposerai en elle ; car sa conversation n'a pas d'amertume, ni sa société d'ennui, mais de l'allégresse et de la joie. »

b. Ensuite il montre comment ils sont cachés des médisants, lorsqu'il dit : Tu les protégeras, etc. Car certains sont protégés des malfaiteurs, mais non des médisants ; car tous ne sont pas protégés contre ce mal. C'est pourquoi Octavien répondit de sa propre bouche à Tibère qui s'indignait contre ceux qui médisaient de lui : « Je ne veux pas que tu me troubles à propos de cette affaire, ô Tibère. C'est à notre égard une faveur suffisante le fait que nul ne puisse nous offenser. » Il dit donc : Tu les protégeras dans [la tente]. Cela regarde l'Église présente, qui est la tente de ceux qui militent : « Il y aura une tente pour ombrage dans le jour contre la chaleur, et pour mettre en sûreté et à couvert de la tempête et de la pluie. » Et cela contre la contradiction des langues, qui, soit en blasphémant Dieu, soit en enseignant des choses fausses, contredisent la vraie doctrine ; c'est le cas des schismes et des diverses hérésies : « Un faux raisonneur est suscité devant ma face, me contredisant. » Donc si on recourt à la tente de Dieu, c'est-à-dire à l'Église, et aux mystères de sa foi, on y trouve une défense sûre contre de telles choses, contre la contradiction des langues.

22 Béni le Seigneur ! Parce qu'il a signalé sur moi sa miséricorde dans une cité fortifiée.

B. Ensuite lorsqu'il dit : Béni, il se réfère à l'action de grâces. Il y fait deux choses.

1) Car il commence par rendre grâces.

2) Puis il amène les autres à rendre grâces, c'est-à-dire ceux auxquels les bienfaits mentionnés ont été donnés : Aimez.

1. En rendant grâces il fait trois choses.

a) Car il fait d'abord éclater son action de grâces.

b) Puis il en fait connaître la matière : Parce qu'il a signalé, etc.

c) Enfin il en fait connaître la cause : Pour moi, j'ai dit.

a. Ainsi dit-il : Béni le Seigneur ! autrement dit : puisque le peuple des saints est ainsi protégé par Dieu, il ne me reste pas autre chose que de bénir Dieu, c'est-à-dire d'attribuer cela à sa bonté : « Bénissez Dieu, et racontez toutes ses merveilles. »

b. Et pourquoi ? parce qu'il a signalé, c'est-à-dire a rendu digne d'admiration, sa miséricorde sur moi. Car l'homme semble alors être tenu à l'action de grâces, quand il est libéré de grands dangers de manière étonnante. Et comment a-t-il signalé sa miséricorde ? dans une cité, dit-il, fortifiée, autrement dit : il m'a libéré de telle sorte qu'il a fait de moi comme une cité fortifiée. Une autre version lit : « in civitate circumstantiae (dans une cité entourée d'une enceinte). » Les versions hébraïques lisent : « assiégée ». Or cela peut se référer à deux intentions ; et dans les deux cas il montre admirablement la miséricorde de Dieu ; car il m'a libéré dans une cité fortifiée, de telle sorte qu'il a fait de moi comme une cité fortifiée contre les maux. Et cette cité, c'est l'Église : « C'est moi qui t'ai établi aujourd'hui comme une cité fortifiée, et une colonne de fer, et un mur d'airain. » Ou bien : dans une cité assiégée, ce qui est aussi une miséricorde étonnante, parce que nous sommes libérés d'un plus grand mal. Car les assiégeants ont préparé un grand péril, et c'est pourquoi il dit : j'étais dans la cité assiégée, ou entourée, et cependant il m'a libéré comme le centre par rapport à la circonférence. Car la circonférence est établie autour, tandis que le centre est au milieu. Le peuple des Juifs était au milieu des nations qui entouraient la Judée, et au coeur de ce peuple retentissaient des louanges à Dieu, des sacrifices y étaient offerts et les prophéties ne cessaient point. Mais à présent la miséricorde de Dieu s'est répandue dans toutes les nations : « Allez dans tout l'univers, prêchez l'Évangile à toute créature. » dans une cité entourée d'une enceinte, dit-il donc, c'est-à-dire dans toutes les nations.

23a Pour moi, j'ai dit dans le transport de mon esprit : « J'ai été rejeté loin de tes yeux. »

c. Ensuite quand il dit : Pour moi, il fait connaître la cause de son action de grâces.

- Il expose d'abord la grandeur de sa disposition.

- Puis l'exaucement de sa prière : C'est pourquoi tu as exaucé.

- Le transport de l'esprit est quelquefois dû à une cause inférieure ; et cela lorsque quelqu'un voit des choses étonnantes qui le mettent hors de lui : « Ils furent étonnés et hors d'eux-mêmes. » Quelquefois il est dû à une cause supérieure, c'est-à-dire lorsque quelqu'un contemple des réalités divines, et est ravi hors de lui-même, et au-dessus de lui-même : « Si nous avons été hors de sens, c'était pour Dieu. » Ainsi donc, élevé vers les réalités divines, il dit : J'ai été rejeté, etc., c'est-à-dire j'ai pensé que j'étais loin de toi : car plus l'homme s'approche de Dieu, plus il s'aperçoit qu'il est petit : « Je t'avais entendu de mon oreille ; mais maintenant c'est mon oeil qui te voit. » Ou bien, si on l'entend quant au transport de l'esprit dû a une cause inférieure - ce que le texte de Jérôme signifie -, l'homme considère parfois la gravité de ses péchés ou celle des malheurs imminents, et à cause de cela il s'estime abandonné : comme le Christ disait dans la personne des siens : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » Et David s'exprime de cette manière : en considérant les maux qui m'arrivent, j'ai dit dans le transport de mon esprit : « J'ai été rejeté. » - « Je suis rejeté de la présence de tes yeux. »

23b C'est pourquoi tu as exaucé la voix de ma prière, quand je criais vers toi.

- Ensuite lorsqu'il dit : C'est pourquoi tu [m']as exaucé, il expose son exaucement, autrement dit : C'est pourquoi, parce que j'ai dit cela, tu as exauce. - « Il a regardé la prière des humbles. » Ainsi le publicain, parce qu'il s'est reconnu pécheur, est descendu justifié dans sa maison : « La prière de celui qui s'humilie pénétrera les nues. » Ou bien, selon Jérôme, ce verset est formulé de manière interrogative : « Moi j'ai dit [...] Donc exauceras-tu ? », autrement dit : il est étonnant que tout en étant alors si loin de toi, tu m'exauces. quand je criais vers toi. Le commentaire d'Augustin que porte la Glose dit : « Le cri jeté vers Dieu n'est pas [un cri] de la voix, mais [un cri] du coeur ; car beaucoup se sont tus des lèvres, et n'ont rien pu obtenir parce que leur coeur n'était pas en accord. Donc crie intérieurement, là où Dieu entend. »

24 Aimez le Seigneur, vous ses saints, parce que le Seigneur recherchera la vérité, et il rendra abondamment à ceux qui sont orgueilleux.

2. Ensuite lorsqu'il dit : Aimez le Seigneur, il amène ceux auxquels les bienfaits précités ont été donnés à exprimer leur action de grâces.

a) Et il les exhorte d'abord à l'affection.

b) Puis à une pratique effective.

a. En les disposant à l'affection il fait deux choses.

- Il les amène d'abord à aimer Dieu.

- Puis il leur en donne la raison : parce qu'[il] recherchera la vérité.

- Ainsi dit-il : parce qu'il a exaucé, et parce qu'il a signalé sa miséricorde, Aimez le Seigneur. - « Et maintenant, Israël, écoute les préceptes et les ordonnances que moi je t'enseigne aujourd'hui pour que vous les mettiez en pratique : afin que vous viviez, et que vous entriez pour en prendre possession dans le pays que vous donne le Seigneur le Dieu de vos pères. » Et quels sont ceux qui doivent aimer, il le montre : car ce sont les saints. - « Les [coeurs] droits t'aiment. »

- En disant parce qu'[il] recherchera la vérité, il donne la raison d'aimer. Et il est donné une double raison pour laquelle ils sont tenus d'aimer : car ce que les saints aiment, Dieu l'aime pareillement ; et ce qu'ils haïssent, Dieu le hait aussi. La seconde raison c'est : et il rendra abondamment à ceux qui sont orgueilleux.

· Touchant la première raison il dit : parce qu'[il] recherchera la vérité, autrement dit : vous devez aimer le Seigneur, parce qu'il aime ce que vous aimez, et il recherche cela. Les saints aiment la vérité, et c'est pourquoi Dieu qui recherche la vérité doit être aimé de nous. D'autre part Dieu recherche la vérité de la justice : « Le jugement de Dieu se fait selon la vérité à l'égard de ceux qui font ces choses. » Semblablement, la vérité de la vie : « Je t'en conjure, Seigneur, souviens-toi, je te prie, comment j'ai marché devant toi dans la vérité et avec un coeur parfait. » Pareillement, la vérité de la doctrine : « Nous savons que tu es vrai, et que tu enseignes la voie de Dieu dans la vérité. »

· La seconde raison pour laquelle vous êtes tenus d'aimer, c'est qu'il punit ce que vous haïssez : car Dieu punit l'orgueil que les saints haïssent ; et c'est ce qu'il dit : et il rendra, c'est-à-dire un châtiment, abondamment, c'est-à-dire au-dessus d'eux-mêmes : car eux-mêmes s'élèvent au-dessus de lui : « Son orgueil, et son arrogance, et sa fureur sont plus grands que sa force. »

25 Agissez virilement, et que votre coeur se fortifie, vous tous qui espérez dans le Seigneur.

b. Puis quand il ajoute : virilement, il les exhorte à une pratique effective. Et en premier lieu, afin qu'ils soient forts en action, quand il dit : Agissez virilement.

- « Celui qui est mou et lâche dans son ouvrage est frère de celui qui détruit ses ouvrages. » De même, afin qu'ils soient forts dans leur coeur : et que votre coeur se fortifie. - « Attends le Seigneur, agis virilement ; et que ton coeur se fortifie, et patiente avec le Seigneur. »


Éditions du Cerf

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