De l'intelligence de David.
1 Bienheureux ceux dont les iniquités ont été remises et dont les péchés ont été couverts. 2 Bienheureux l'homme à qui le Seigneur n'a pas imputé de péché, et dans l'esprit duquel il n'y a point de fraude.
3 Parce que je me suis tu, mes os ont vieilli, tandis que je criais tout le jour ; 4 parce que jour et nuit ta main s'est appesantie sur moi. Je me suis retourné dans mon accablement, tandis qu'une épine s'enfonçait.
5 Je t'ai fait connaître mon délit, et je ne t'ai point caché mon injustice. J'ai dit : « Je confesserai contre moi mon injustice au Seigneur », et toi, tu as remis l'impiété de mon péché.
6a C'est pour cela que tout saint te priera au temps favorable.
6b Mais cependant, dans le déluge des eaux abondantes, ils n'approcheront pas de lui.
7 Toi, tu es mon refuge contre la tribulation qui m'a environné. Ô mon exultation, arrache-moi a ceux qui m'environnent.
8 Je te donnerai l'intelligence, et je t'enseignerai dans la voie où tu dois marcher : j'arrêterai sur toi mes yeux.
9a Ne devenez point comme le cheval et le mulet, qui n'ont point d'intelligence.
9b Resserre avec le mors et le frein la bouche de ceux qui ne s'approchent pas de toi.
10 De nombreux châtiments sont réservés au pécheur : mais celui qui espère dans le Seigneur, la miséricorde l'environnera.
11 Réjouissez-vous dans le Seigneur et exultez, justes, et glorifiez-vous tous les coeurs droits.
De l'intelligence de David.
1 Bienheureux ceux dont les iniquités ont été remises et dont les péchés ont été couverts. 2 Bienheureux l'homme à qui le Seigneur n'a pas imputé de péché, et dans l'esprit duquel il n'y a point de fraude.
Ici commence la quatrième décade des cinquante premiers psaumes. Et de même que dans la première décade figurent les psaumes dans lesquels on fait mention de la persécution d'Absalom ; dans la deuxième, de la persécution de Saül ; dans la troisième, de la persécution du peuple ; ainsi dans cette quatrième décade il est question de la tribulation que les bons endurent de la part des pécheurs : « Habitant auprès de ceux qui tourmentaient jour après jour son âme par leurs oeuvres impies. » Et cette décade se divise en deux parties.
Car il fait d'abord l'éloge de la dignité des justes.
Puis il implore le secours contre les persécutions des impies, et cela au psaume 34 : « Juge, Seigneur, ceux qui me font du mal. »
En faisant l'éloge de la dignité des justes il rappelle deux choses.
D'abord la grâce justifiante.
Ensuite la dignité des justes : « Justes, exultez dans le Seigneur, etc. »
Enfin il exhorte les justes à se maintenir dans la justice : « Je bénirai le Seigneur. »
Le titre de ce psaume est nouveau, à savoir De l'intelligence de David. Une version de Jérôme lit : « Eruditio David (Enseignement de David). » Dans beaucoup de psaumes qui suivent on rencontre ce titre. Et il est signifié par là que dans tous les psaumes ainsi intitulés on traite d'une vérité commune, non seulement en relation avec une seule personne, mais comme en relation avec la providence de Dieu, ou avec une autre chose ardue. Et bien que dans tous les psaumes certaines choses y soient contenues en vue de l'enseignement, ces psaumes-ci sont principalement ordonnés à cela. Mais ce psaume est spécialement intitulé « ab intellectu (de l'intelligence) » que doit avoir le pénitent, lui qui doit reconnaître par l'intelligence qu'il est pécheur et que la grâce de Dieu le libère : Si un homme « reconnaît par l'intelligence son délit : qu'il fasse pénitence pour son péché, et qu'il offre d'entre les troupeaux une jeune brebis, ou une chèvre ; et le prêtre priera pour lui et pour son péché ». - « Le tourment [donne] cette intelligence. »
Bienheureux ceux, etc. Ce psaume est le deuxième psaume pénitentiel. Car dans le premier le psalmiste a traité de la contrition du coeur, tandis que dans celui-ci il traite de la confession. Ce psaume se divise en trois parties.
I) Dans la première partie est exposée la rémission des péchés.
Il) Dans la deuxième, la voie qui mène à la rémission : 3 Parce que je me suis tu, etc.
III) Enfin le désir des saints à propos de la rémission : 6 C'est pour cela que tout saint te priera.
I. À propos de la rémission des péchés il fait deux choses.
A) Car il expose d'abord ce qui concerne Dieu.
B) Puis ce qui concerne l'homme : et dans l'esprit duquel il n'y a point de fraude.
A. Or, dans le péché on distingue :
1) D'abord l'offense à Dieu.
2) Puis la tache.
3) Enfin l'obligation à la peine.
Contre cela le psalmiste énumère trois choses. Car Dieu remet l'offense, couvre la faute, enlève l'obligation à la peine en n'imputant pas le péché.
1. En relation avec l'offense il dit : Bienheureux ceux dont les iniquités ont été remises, etc. Mais parce que la béatitude est double, c'est-à-dire en réalité et en espérance, ceux-ci sont tels, c'est-à-dire ceux dont les iniquités ont été remises sont bienheureux en espérance ; et ces derniers seront finalement bienheureux en réalité. Car celui-là est bienheureux en espérance, en qui précèdent la cause de la béatitude et la voie qui est une vertu - surtout si cette vertu est parfaite - ; aussi celui en qui apparaît la vertu parfaite peut être dit bienheureux en espérance : comme un arbre qui fleurit bien peut être dit produisant du fruit. Car après la corruption du premier homme les fleurs n'existaient plus, mais bien les épines des péchés. Et c'est pourquoi la béatitude du pécheur, qui est en espérance, n'est pas quelque chose de ce genre, mais le fait que Dieu remette le péché, et qu'alors l'homme justifié fructifie : « Renouvelez pour vous une novale, et ne semez pas sur des épines. » remises. - « Son iniquité a été remise. » -« Remettez et il vous sera remis. »
2. En relation avec la tache il dit : et dont les péchés ont été couverts. Les péchés sont les taches de l'âme : « Combien tu es devenue vile en renouvelant tes voies ! » Lorsque quelqu'un commet en lui un acte honteux, et que celui-ci est couvert, alors la turpitude n'offense pas les yeux de ceux qui voient. Or Dieu couvre la turpitude des pécheurs : mais comment ? Totalement, c'est-à-dire en lavant l'âme. Car dans le péché il y a une double difformité. L'une vient de la suppression de la grâce dont le pécheur est privé : et celle-ci est totalement enlevée, et non couverte, parce que la grâce lui est donnée. L'autre tache est due à un acte peccamineux passé : et celle-ci n'est pas détruite, non qu'on ne lui attribue pas ce qu'il n'a pas fait, mais parce que cet acte ne lui est pas imputé comme faute : et cette tache-là est couverte.
3. En relation avec l'obligation à la peine il dit : Bienheureux l'homme à qui le Seigneur n'a pas imputé de péché. Par obligation à la peine on comprend que sa peine n'est pas maintenue à cause de son péché : « Tu as exercé des jugements vrais dans tous les maux que tu as faits venir sur nous et sur la sainte cité de nos pères, Jérusalem ; parce que c'est dans la vérité et dans la justice que tu as fait venir tous ces maux, à cause de nos péchés. » Selon la Glose , un triple péché est indiqué ici : le péché originel, l'actuel mortel, et l'actuel véniel.
a. Le premier est indiqué par le mot iniquité, qui est une inégalité : et cela se trouve dans le péché originel, en tant que dans cette iniquité les facultés de l'âme s'éloignent de l'égalité de l'innocence ; et ce péché est remis et diminué, parce qu'il est effacé quant à la dette et demeure en acte. Et il dit iniquités au pluriel, parce que dans ces diverses iniquités il y a divers péchés d'origine, mais tous se réduisent à un unique péché.
b. Le deuxième est signifié par le péché actuel mortel. Car les péchés actuels mortels sont dits être couverts, lorsqu'ils ne sont pas imputés au pécheur comme faute.
c. Le troisième est indiqué par le péché véniel, que le Seigneur n'impute pas. Car le péché véniel n'est pas imputé à peine éternelle. Ou bien il mentionne le premier à cause du péché qui est commis avant le baptême. Le deuxième à cause des péchés qui ont été commis après le baptême. Mais le troisième après la confession, car le péché ne sera pas imputé à la peine.
B. Mais en ce qui concerne l'homme il est requis qu'il se confesse sans hypocrisie ; autrement il n'obtient pas la grâce : « L'esprit saint qui éduque fuira l'hypocrisie. » Et c'est pourquoi il dit : dans l'esprit duquel il n'y a point de fraude, selon qu'il aurait une façon de voir intérieurement, et qu'il en met une autre en avant extérieurement.
3 Parce que je me suis tu, mes os4ont vieilli, tandis que je criais tout le jour ; parce que jour et nuit ta main s'est appesantie sur moi. Je me suis retourné dans mon accablement, tandis qu'une épine s'enfonçait.
II. Ici commence la deuxième partie du psaume dans laquelle est exposée la voie qui doit conduire à la rémission des péchés : et à cet égard il fait trois choses.
A) Car il expose d'abord l'état de péché.
B) Puis la conversion en se détournant du péché : parce que jour et nuit.
C) Enfin la confession qui est la cause de la rémission du péché : mon délit.
A. Ainsi dit-il : Parce que je me suis tu, etc.
Il semble qu'il y ait ici une contradiction. Car tandis qu'il crie tout le jour, il affirme se taire.
Réponse : il se taisait sur ce qu'il devait dire, mais il criait ce qu'il ne devait pas dire, et ce qu'il ne devait pas crier. Et dans l'un et l'autre cas c'est un péché.
Au sujet du premier cas il est écrit : « Malheur à moi, parce que je me suis tu. » Car le pécheur doit dire ses péchés : « Si je me tais, elle ne s'éloignera pas de moi, mais maintenant ma douleur m'accable ; et tous mes membres sont réduits à rien. » Donc parce que j'ai tu mes péchés, mes os ont vieilli, c'est-à-dire mn force intérieure a faibli. Souvent dans l'Écriture sainte, par membres corporels on entend la force intérieure. C'est pourquoi par les os en qui sont la force, on entend la force intérieure. Et c'est parce qu'il a vieilli qu'il a faibli, c'est-à-dire diminué, d'où ce qu'il dit : mes os ont vieilli. - « D'où vient, Israël, que tu es dans la terre de tes ennemis ? Tu as vieilli dans une terre étrangère, tu t'es souillé avec les morts ; tu es devenu semblable à ceux qui descendent dans l'enfer. »
Au sujet du second cas il est écrit : « J'ai espéré qu'il rendrait un jugement, et voilà l'iniquité ; [qu'il rendrait] la justice, et voilà le cri. » Et c'est ce qu'il dit : tandis que je criais tout le jour. Car il criait qu'il était juste, il criait à propos de la peine et il se taisait sur sa faute.
B. Mais que fit le Seigneur ? Il le convertit en appesantissant sa main, en infligeant un poids : parce que jour et nuit. Après quoi la conversion fut obtenue : Je me suis retourné.
Ainsi dit-il : jour et nuit, c'est-à-dire continuellement, ta main s'est appesantie sur moi. Parfois la main du Seigneur console : « La main du Seigneur était avec moi, me fortifiant. » Parfois elle s'appesantit, comme dans le premier livre des Rois où il est écrit que « la main [du Seigneur] devenait extrêmement pesante ». - « Dans la tribulation du murmure ton enseignement était avec eux. » Et c'est pourquoi il dit : Je me suis retourné dans mon accablement, c'est-à-dire dans la peine que j'endure pour mes péchés. tandis qu'une épine s'enfonçait, tandis qu'une épine, c'est-à-dire le remords de la conscience, est infligée à mon coeur. Ou bien il s'agit de l'épine dorsale qui tient tout l'homme droit, et elle signifie l'orgueil qui, une fois réprimé, redresse l'homme. Ou bien pourquoi criait-il ? À cause du poids, dit-il, de ta main. Et cela parce que je ne suis pas converti à toi, mais au péché. Et cela tandis que l'épine des péchés s'enfonçait, c'est-à-dire s'affermissait en moi ; et telle est la signification de l'épine, à savoir le péché. Ou bien tandis que la raison, qui est comme une épine régissant le dos, baisse. Ou bien encore selon les versions hébraïques : « Ma sève s'est changée en sécheresse d'été », c'est-à-dire à cause de l'appesantissement de ta main, tout ce qui fut en moi de charnel et d'humide s'est changé en sécheresse d'été. Une version de Jérôme lit : « Versatus sum in miseria mea dum exardescit messis (je me suis retourné dans mon malheur tandis que la moisson brûlait) », c'est-à-dire je me suis desséché a la manière de la moisson.
5 Je t'ai fait connaître mon délit, et je ne t'ai point caché mon injustice. J'ai dit : « Je confesserai contre moi mon injustice au Seigneur », et toi, tu as remis l'impiété de mon péché.
C. Ensuite quand il dit délit :
1) Il expose d'abord sa confession.
2) Puis son efficacité : J'ai dit : « Je confesserai. »
1. Mais parce que l'homme doit confesser deux choses, c'est-à-dire les biens omis et les péchés commis, il dit touchant la première chose : mon délit, c'est-à-dire parce que j'ai omis de faire ce que je devais, Je t'ai fait connaître ; non point que Dieu n'en ait pas connaissance, mais lorsque l'homme reconnaît son péché, alors il veut aussi que Dieu en ait connaissance pour qu'il le pardonne. Touchant la deuxième chose il dit : je ne t'ai point caché mon injustice. - « Si, comme homme, j'ai dissimulé mon péché, et si j'ai caché dans mon sein mon iniquité ; si j'ai été saisi d'effroi à cause de la grande multitude, et si le mépris de mes proches m'a épouvanté, et si je ne me suis pas plutôt tenu dans le silence, sans sortir de ma porte : qui me donnera quelqu'un qui m'entende, afin que le Tout-Puissant écoute mon désir, et qu'il écrive un livre celui-là même qui juge, afin que sur mon épaule je porte ce livre, et que je le mette comme une couronne autour de ma tête ? » - « Celui qui cache ses crimes ne sera pas dirigé ; mais celui qui les confesse et les abandonne obtiendra miséricorde. »
2. Quant à l'efficacité de sa confession, il la montre quand il dit : J'ai dit : « Je confesserai. » L'effet de la confession est la rémission des péchés. Il dit donc : J'ai dit, c'est-à-dire pour l'honneur du Seigneur : « Rends gloire au Seigneur Dieu d'Israël et confesse, et déclare-moi ce que tu as fait : ne le cache pas. » mon injustice, non mes biens, contre moi, non pour moi. On confesse son propre péché contre le prochain en disant : un autre m'a induit. Contre la nature en disant : ce m'est arrivé ainsi à cause de ma fragilité. Contre Dieu en disant : je n'ai pu résister : « C'est moi qui ai péché et qui ai agi iniquement. » Ou bien, contre moi, c'est-à-dire contre mon intention suivant laquelle je me proposais de demeurer dans le péché. Il en résulte la rémission : et toi, tu as remis. - « Il remettra les péchés au jour de la tribulation. » Cependant l'efficacité de la confession est telle que non seulement quelqu'un obtient la rémission de ses péchés, lorsqu'il se confesse en acte, mais encore lorsqu'il a le propos de se confesser. Donc la faute lui est remise avant qu'il ne se confesse : « Et il arrivera qu'avant qu'ils crient, moi je les exaucerai. » Que réalise donc la confession proprement dite ? Il faut dire que le propos d'agir opère par la vertu de l'acte proposé, de telle sorte qu'il se réalise. C'est pourquoi si l'acte de ce propos cesse, son effet cesse également. Aussi est-il nécessaire de persévérer dans son propos. Cependant, dans la confession proprement dite des péchés, et par l'absolution en vertu du pouvoir des clés, la peine est remise au pénitent, et en raison du sentiment de honte une grâce plus abondante lui est conférée, et il obtient de nombreux biens.
6a C'est pour cela que tout saint te priera au temps favorable.
III. Enfin il expose ici le désir des saints touchant la rémission des péchés ; et à ce propos il fait trois choses.
A) Il fait d'abord connaître le désir des saints touchant cette rémission.
B) Puis il donne un avertissement aux pécheurs : 9a Ne devenez point comme le cheval et le mulet.
C) Enfin il conclut le psaume par une action de grâce : 11 Réjouissez-vous.
A. À propos du désir des saints touchant la rémission des péchés, il fait deux choses.
1) Car il exprime d'abord le désir des saints touchant la rémission des péchés en général.
2) Puis en particulier, en montrant son propre refuge : Toi, tu es.
1. En relation avec le premier point il fait deux choses.
a) Il commence par faire connaître le désir des saints par le signe de la prière.
b) Puis il montre l'effet de leur prière : Mais cependant, dans le déluge.
a. Ainsi : J'ai dit : « Je confesserai » pour cette raison, c'est-à-dire pour la rémission des péchés. Et il dit trois choses.
- D'abord pourquoi il faut prier, c'est-à-dire afin que nous recevions la rémission ; car tous nous avons péché : « Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n'est pas en nous. » Et c'est pourquoi la rémission doit être demandée : « Prie le Seigneur, et il te guérira. » -« Remettez-nous nos dettes. »
- Puis qui doit prier : tout saint. -« La prière assidue du juste peut beaucoup. »
- Enfin quand prier : au temps favorable, c'est-à-dire celui de la grâce et de la vie présente, car il est écrit dans Matthieu à propos de la parabole des dix vierges que « celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et [que] la porte fut fermée. [Qu']enfin les autres vierges vinrent aussi disant : "Seigneur, Seigneur, ouvrez-nous." Mais [que] l'époux, répondant, dit : "En vérité, je vous dis que je ne vous connais point." » - « Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut. » - « La nuit vient, pendant laquelle personne ne peut agir. »
6b Mais cependant, dans le déluge des eaux abondantes, ils n'approcheront pas de lui.
b. Ensuite lorsqu'il dit : Mais cependant, il montre l'effet de la prière, car [c'est] dans le déluge des eaux abondantes. L'eau est prise ici dans trois sens.
- Selon un premier sens elle signifie les jouissances : « Tu t'es répandu comme l'eau. »
- Selon un autre sens elle signifie les fausses doctrines : « Des eaux dérobées sont plus douces . »
- Enfin elle signifie les tribulations : « Parce que des eaux sont entrées dans mon âme. »
n'approcheront pas de lui. Le fait qu'il dit de lui peut se comprendre de deux manières. Selon une première manière en tant que ce mot lui se réfère au saint, autrement dit : bien que le saint prie, il souffre cependant des grandes eaux, mais elles ne l'écrasent pas, que ce soient les eaux de la jouissance, ou les eaux de la fausse doctrine, ou de la tribulation ; c'est pourquoi il dit : n'approcheront pas. - « Lorsque tu passeras au travers des eaux, je serai avec toi, et les fleuves ne te submergeront pas. » - « Nous avons passé par le feu et par l'eau ; et tu nous as conduits au lieu de rafraîchissement. »Selon une autre manière, en tant que ce mot lui se réfère à Dieu ; et ainsi il parle en changeant de personne ; car il s'adresse d'abord à Dieu, et présentement aux autres, autrement dit : ceux qui dans le déluge des eaux abondantes, ainsi dénommées, ne s'approcheront pas de Dieu.
7 Toi, tu es mon refuge contre la tribulation qui m'a environné. Ô mon exultation, arrache-moi à ceux qui m'environnent.
2. Ensuite quand il dit : Toi, tu es mon refuge, etc., il exprime le désir des saints en particulier ; et à ce propos il fait deux choses.
a) Il exprime d'abord le désir d'être libéré.
b) Puis l'effet du désir : l'intelligence.
a. Touchant son désir d'être libéré il fait deux choses.
- Car il montre d'abord d'où il conçoit l'espérance de prier.
- Puis il ajoute une demande : arrache-moi à ceux qui m'environnent.
- Il conçoit l'espérance de demander à partir de deux choses :
· D'abord à partir du fait que Dieu est le refuge particulier des justes.
· Puis à partir du fait qu'il est leur refuge particulier dans la tribulation.
· Ainsi dit-il : Toi, tu es mon refuge contre la tribulation qui m'a environné. La tribulation environne lorsqu'elle opprime de tous côtés, de telle sorte que nulle part il ne se trouve de refuge accessible : « Parce que des maux sans nombre m'ont environné ; mes iniquités m'ont investi, et je n'ai pu en soutenir la vue. » Mais dans cette tribulation il n'est pas de refuge en dehors de Dieu : « Comme nous ignorons ce que nous devons faire, il ne nous reste qu'à diriger nos yeux vers toi. » - « Celui qui habite dans le secours du Très-Haut demeurera sous la protection du Dieu du ciel. »
· Ainsi donc je sais, dit-il, vers qui me réfugier, je sais aussi en qui me consoler, car il dit : Ô mon exultation. - « Béni soit Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toutes nos tribulations, afin que, par la consolation que nous-mêmes recevons de Dieu, nous puissions à notre tour consoler les autres en quelque affliction qu'ils se trouvent. » - « Selon la multitude de mes douleurs [qui étaient] dans mon coeur, tes consolations ont réjoui mon âme. »
- Puis il exprime ce qu'il demande quand il dit : arrache-moi à ceux qui m'environnent, c'est-à-dire à la tribulation qui m'a environné. Et puisque la tribulation doit être infligée par quelqu'un, il faut que, dans la mesure où la tribulation [m']environne, ceux qui s'efforcent de l'infliger soient à l'entour, c'est-à-dire les démons et les persécuteurs ; et c'est pourquoi il dit : à ceux qui m'environnent.
8 Je te donnerai l'intelligence, et je t'enseignerai dans la voie où tu dois marcher : j'arrêterai sur toi mes yeux.
b. Ensuite, lorsqu'il dit : intelligence, il montre l'effet de sa prière. Dieu est celui qui parle : Je te donnerai l'intelligence, etc. ; comme si Dieu disait : Tu me demandes que je t'arrache, et moi je t'accorderai trois choses : car je te donnerai le don d'intelligence, et je t'instruirai, et je te garderai. En effet il y a trois choses venant de Dieu qui sont nécessaires à l'homme.
- D'abord, qu'il reçoive le don de sa grâce, afin que par ce don l'âme humaine soit prête à agir avec promptitude. Mais si grand que soit le don gratuit reçu par l'homme, dans la mesure où Dieu ne meut pas à accomplir une oeuvre bonne, cela ne suffit pas ; c'est pourquoi il faut qu'après la grâce prévenante, Dieu opère et meuve vers le bien. Cependant la grâce et le don sont reçus selon le mode de notre nature, et non pas de telle manière qu'ils donnent la capacité d'éviter toutes choses ; et c'est pourquoi il est nécessaire que la protection de Dieu et sa défense soient accordées par surcroît. Et voilà pourquoi il mentionne d'abord le don d'intelligence, lorsqu'il dit : Je te donnerai l'intelligence. - « Le Seigneur le remplira de l'esprit de sagesse et d'intelligence. » Et cela est nécessaire à l'homme afin de comprendre son propre péché, et parce qu'il ne peut être sauvé en dehors de Dieu.
- Puis il expose l'usage dû à ce don, lorsqu'il dit : je t'enseignerai. - « Je rendrai tes fils instruits par le Seigneur. »
- Enfin la garde, lorsqu'il dit : dans la voie, c'est-à-dire des commandements, où tu dois marcher : j'arrêterai sur toi mes yeux, c'est-à-dire je te protégerai : « Les yeux du Seigneur contemplent toute la terre, et ils donnent de la force à ceux qui d'un coeur parfait croient en lui. »
9a Ne devenez point comme le cheval et le mulet, qui n'ont point d'intelligence.
B. Ensuite quand il dit : Ne devenez point, il se tourne vers les pécheurs, afin qu'ils reviennent à la pénitence ; et à ce propos il fait deux choses.
1) Il donne d'abord un avertissement.
2) Puis il adresse une menace : avec le mors.
1. Ainsi dit-il : Dieu donne à l'homme l'intelligence, mais par l'intelligence il dépasse les animaux. Donc, celui qui se rend indigne du don d'intelligence est comparé aux animaux ; et c'est pourquoi il dit : Ne devenez point comme le cheval et le mulet, etc. Selon la Glose, le cheval est un animal orgueilleux ; tandis que le mulet est un animal paresseux, c'est pourquoi il ne court pas. Donc ceux-là sont comme des chevaux, qui s'élèvent par l'orgueil : « Tous ont suivi leur cours, comme le cheval qui s'élance avec impétuosité au combat. » Ceux-là sont comme le mulet, qui se dirigent avec lenteur sur la voie de Dieu : « Le paresseux veut et ne veut pas. » Ou bien par mulet on entend les luxurieux. Le mulet est luxurieux, cependant il n'engendre pas ; ainsi les péchés de luxure sont infructueux : « Quel fruit avez-vous donc tiré alors des choses dont vous rougissez maintenant ? » Ou bien le cheval porte celui qui le monte avec indifférence, et le mulet porte n'importe quelle charge. Deux choses sont imposées au pécheur : le cavalier, c'est-à-dire le diable, et la charge, c'est-à-dire le péché. Donc ne soyez pas comme le cheval qui ne discerne pas parmi ses cavaliers s'il s'agit du Christ ou du diable. Ni comme le mulet qui porte avec indifférence n'importe quelle charge, c'est-à-dire le péché.
9b Resserre avec le mors et le frein la bouche de ceux qui ne s'approchent pas de toi.
2. Ensuite quand il dit : avec le mors, il expose sa menace.
a) Et d'abord sous forme de prière.
b) Puis sous forme de prédiction : De nombreux.
a. Ainsi dit-il : avec le mors, etc. Il en est ainsi au sens métaphorique. Si l'homme se comporte en homme, Dieu le traite comme un homme avec des avertissements et des enseignements ; mais quand il s'éloigne de sa dignité d'homme, il le traite comme un animal sans raison qui est réprimé par des corrections et par la violence, c'est-à-dire avec le mors et le frein, autrement dit : je les ai avertis de ne pas devenir comme le cheval et le mulet ; car s'ils n'acquiescent pas, traite-les comme le cheval et le mulet, c'est-à-dire resserre avec le mors et le frein [leur] bouche, en réprimant leur loquacité et en les privant de la nourriture dont il font usage avec avidité. Car la bouche sert à la parole et à la dégustation : « Je mettrai un cercle à tes narines, et un mors à tes lèvres, et je te ramènerai par la voie par laquelle tu es venu. » Ou bien : avec le mors et le frein, c'est-à-dire dans une tribulation plus grande ou plus petite.
10 De nombreux châtiments sont réservés au pécheur : mais celui qui espère dans le Seigneur, la miséricorde l'environnera.
b. Puis quand il dit : De nombreux, il prédit ; et d'abord ce qui est réservé aux méchants, car De nombreux châtiments [leur] sont réservés par Dieu : « Je te reprendrai, et je te poserai devant ta propre face. » Par leur propre conscience : « Il est percé comme du glaive de sa conscience. » Par le pouvoir : « Il est le ministre de Dieu dans sa colère contre celui qui fait le mal. » - « Le fouet est pour le cheval, le mors pour l'âne, et la verge pour le dos des insensés. » Puis il prédit ce qui est réservé aux bons : mais celui qui espère, etc. Le mot miséricorde peut être pris au cas nominatif, de sorte que l'on comprenne que la miséricorde elle-même environnera celui qui espère dans le Seigneur. Ou bien il peut être pris au cas ablatif, de sorte que l'on comprenne que le Seigneur environnera de sa miséricorde celui qui espère en lui. Et cela a lieu lorsque de tous côtés elle vient au secours des détresses des hommes : « C'est lui qui rachète de la mort ta vie, qui te couronne de miséricorde et de bontés. »
11 Réjouissez-vous dans le Seigneur et exultez, justes, et glorifiez-vous tous les coeurs droits.
C. Enfin le psalmiste conclut le psaume par une action de grâce, lorsqu'il dit : Réjouissez-vous. Et il est habituel aux psaumes de pénitence de commencer dans la douleur et de terminer dans la joie, parce que la pénitence produit cela. Dans cette conclusion il exhorte les justes et les hommes droits à agir bien et à avoir une intention droite, en disant : Réjouissez-vous dans le Seigneur et exultez, justes, autrement dit : deux choses sont nécessaires à l'homme, à savoir l'acte droit, et cela c'est la justice qui le fait, et la droite intention, et cela c'est la joie dans le Seigneur qui le fait. Ainsi dit-il : Réjouissez-vous et exultez, justes. Selon la Glose, se réjouir c'est éprouver de la joie avec une douceur secrète, tandis qu'exulter c'est éprouver de la joie avec la ferveur d'une âme passionnée. C'est pourquoi l'exultation provient de la joie intérieure. Mais en qui ? dans le Seigneur, dit-il, non dans le monde : « Réjouissez-vous dans le Seigneur, je le répète, réjouissez-vous. » Le psalmiste continue : et glorifiez-vous tous les coeurs droits. Ont le coeur droit ceux qui conforment leur propre volonté à la volonté divine ; et ceux-ci mettent leur gloire en Dieu : « Que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur. »