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COMMENTAIRE DU PSAUME 33

1 Psaume de David, lorsqu'il changea son visage devant Abimelech, qui le renvoya, et qu'il s'en alla.

2 Je bénirai le Seigneur en tout temps : Toujours sa louange sera dans ma bouche.

3a Mon âme se glorifiera dans le Seigneur.

3b Que les [hommes] doux entendent, et se réjouissent.

4 Magnifiez le Seigneur avec moi, et exaltons tous ensemble son nom.

5 J'ai recherché le Seigneur, et il m'a exaucé, et il m'a retiré de toutes mes tribulations.

6 Approchez-vous de lui, et soyez éclairés, et vos visages ne seront pas confondus.

7 Ce pauvre a crié, et le Seigneur l'a exaucé ; et de toutes les tribulations il l'a sauvé.

8 L'Ange du Seigneur ira en mission autour de ceux qui le craignent, et il les délivrera.

8 Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux : Bienheureux l'homme qui espère en lui.

10 Craignez le Seigneur, vous tous ses saints, parce qu'il n'y a pas d'indigence pour ceux qui le craignent.

11 Les riches ont connu l'indigence et ont eu faim ; mais ceux qui cherchent le Seigneur n'éprouveront l'amoindrissement d'aucun bien.

12 Venez, fils, écoutez-moi ; je vous enseignerai la crainte du Seigneur.

13 Quel est l'homme qui veut la vie, qui aime à voir des jours de bonheur ? 14 Préserve ta langue du mal ; et que tes lèvres ne profèrent point de discours trompeurs. 15 Détourne-toi du mal et fais le bien ; cherche la paix et poursuis-la.

16 Les yeux du Seigneur sont sur les justes, et ses oreilles à leurs prières.

17 Mais le visage du Seigneur est sur ceux qui font le mal, afin d'effacer de la terre leur mémoire.

18 Les justes ont crié, et le Seigneur les a exaucés : et il les a délivrés de toutes leurs tribulations.

19 Le Seigneur est près de ceux qui ont le coeur affligé ; et il sauvera les humbles d'esprit.

20a Nombreuses sont les tribulations des justes ;

20b mais le Seigneur les délivrera de toutes ces [peines].

21 Le Seigneur gardera tous leurs os : et pas un seul de ces [os] ne sera brisé.

22 La mort des pécheurs est très funeste ; et ceux qui haïssent le juste seront traités comme coupables.

23 Le Seigneur rachètera l'âme de ses serviteurs : et tous ceux qui espèrent en lui ne seront pas traités comme coupables.

1 Psaume de David, lorsqu'il changea son visage devant Abimelech, qui le renvoya, et qu'il s'en alla.

2 Je bénirai le Seigneur en tout temps : Toujours sa louange sera dans ma bouche.

Le titre de ce psaume est : Psaume de David, lorsqu'il changea son visage devant Abimelech, qui le renvoya, et qu'il s'en alla. Cette histoire est rapportée au premier livre des Rois 1, où il est dit que David fuyant loin de la face de Saül vint chez Achis, roi de Geth ; et là il fut reconnu ainsi que sa forcé, parce qu'il avait tué le Philistin ; aussi craignant qu'il en résulte pour lui un danger imminent, et aussi parce qu'ils enviaient sa force, il voulut éviter cela, fit semblant d'être fou, et ainsi ce roi le méprisa. Tout ce récit se trouve dans le premier livre des Rois, à l'exception du fait que le nom n'est pas en accord, car la le roi est appelé Achis, tandis qu'ici il se nomme Abimelech. Il n'y a pas de désaccord, car ou bien il eut deux noms, ou bien son nom fut Achis mais il fut de la descendance d'Abimelech. C'est pourquoi il changea son visage en montrant qu'il était fou, et le quitta et s'en alla, parce que David, rejeté, le quitta et s'éloigna.

Au sens mystique, le Christ changea son visage, lorsqu'il changea son sacrement, dans lequel la vérité divine fut cachée. Ou bien, le Christ changea l'ancienne alliance en une nouvelle devant Abimelech, qui veut dire « royaume de mon Père ». Dieu est le Père du Christ selon la divinité, mais David l'est selon l'humanité. Le royaume de David est le peuple juif, le royaume de Dieu est l'Église. Or le Christ changea son visage devant Abimelech, c'est-à-dire devant les Juifs, parce qu'ils étaient le royaume de son père David, eux qui ne le reconnurent pas : « Il n'a ni éclat ni beauté ; et nous l'avons vu », et ils le méprisèrent : « Aussi nous l'avons compté pour rien. » Et il s'en alla vers les nations païennes. Ou bien Achis, qui veut dire « incrédule », signifie les Juifs. Dans le psaume précédent le psalmiste a exposé la dignité des justes ; mais ici il invite les autres à la louange de Dieu.

Et ce psaume se divise en deux parties.

I) Car le psalmiste expose d'abord une exhortation à la louange.

II) Puis il donne une instruction nécessaire : 12 Venez, fils, écoutez-moi ; je vous enseignerai la crainte du Seigneur.

I. Concernant l'exhortation à la louange il fait deux choses.

A) Car il commence par traiter de la louange de Dieu.

B) Puis il expose la matière de cette louange : J'ai recherché le Seigneur.

A. En traitant de la louange de Dieu il fait deux choses.

1) Car il parle d'abord de l'exemple de la louange.

2) Puis il exhorte les autres à limiter : Que [les hommes] doux entendent.

1. En parlant de l'exemple de la louange il fait deux choses.

a) Car il commence par donner l'exemple de la louange en soi.

b) Puis il montre le fruit de la louange de Dieu : 3a Mon âme se glorifiera dans le Seigneur.

a. Ainsi dit-il : Je bénirai le Seigneur. Quelqu'un loue parfois Dieu pour soi-même, comme lorsqu'il parle en langue, il parle pour lui seul. Parfois il loue Dieu pour la consolation des autres, comme lorsqu'il prophétise aussi pour les autres. Donc bénir le Seigneur (benedicere Domino), comme on l'a dit, c'est célébrer la louange de Dieu ; mais bénir le Seigneur (benedicere Dominum), c'est faire du bien en tout temps, c'est-à-dire dans le temps de l'adversité et de la prospérité.

Cependant il est écrit au psaume 48 : « Il te louera lorsque tu lui auras fait du bien. » Mais Job n'agissait pas ainsi : « Si nous avons reçu les biens de la main du Seigneur, pourquoi n'en recevrions-nous pas les maux ? » - « Bénis Dieu en tout temps. » Semblablement il faut que quelqu'un bénisse Dieu non seulement en soi, c'est-à-dire dans son coeur, mais aussi qu'il ait sa louange sur la bouche. Car la nécessité de la louange est vocale, de telle sorte que non seulement tu loues Dieu, mais que tu le loues aussi pour le bien et l'encouragement des autres. C'est pourquoi il dit : sa louange sera dans ma bouche. - « On y trouvera la joie et l'allégresse, l'action de grâce et la voix de la louange. » Mais il dit : Toujours, c'est-à-dire en tout temps établi. Ou bien dans le temps de la préparation de l'âme. Ou bien : Toujours, en faisant le bien, avec lequel Dieu est toujours loué. Remarquez que ce verset est chanté à sexte, lorsque le Christ a souffert, et dont la Passion est pour nous cause de louange.

3a Mon âme se glorifiera dans le Seigneur.

b. Ensuite lorsqu'il dit : dans le Seigneur, il expose le fruit de la louange. Ainsi dit-il : Mon âme se glorifiera dans le Seigneur. Car quelqu'un regarde toujours le bien de son ami comme son propre bien. C'est pourquoi il dit : dans la louange de Dieu se trouve aussi ma louange. Si Dieu est grand, il est clair que son ami est grand : « Ma force et ma louange c'est le Seigneur. » Et il dit : âme, parce que la joie spirituelle s'applique principalement à l'âme elle-même.

3b Que les [hommes] doux entendent, et se réjouissent.

2. Ensuite lorsqu'il dit : entendent,

a) il amène d'abord les autres à la cause de la louange.

b) Puis à la louange elle-même : Magnifiez.

a. Le principe de la louange est la joie intérieure ; aussi dit-il : Que les [hommes] doux. Et c'est pourquoi ils se réjouissent dans toutes les choses qui sont de Dieu, car les hommes qui ne sont pas doux ne se réjouissent pas, mais se rebellent. Et il dit : entendent, car cette joie provient de l'acte d'entendre les autres agir bien.

4 Magnifiez le Seigneur avec moi, et exaltons tous ensemble son nom.

b. Ensuite lorsqu'il dit : Magnifiez, il exhorte à la louange.

- Et d'abord à la louange intérieure.

- Puis à la louange extérieure : Et exaltons.

- Concernant la louange intérieure il dit : Magnifiez le Seigneur avec moi. Magnifier et louer Dieu sont une même chose, car la bonté de Dieu et sa grandeur sont une même chose : car dans le domaine des choses qui n'ont pas grand poids, dire d'une chose qu'elle est plus grande ou meilleure revient au même, comme le dit Augustin dans son Traité de la Trinité. Et c'est pourquoi il dit : Magnifiez. - « Mon âme magnifie le Seigneur. » Et cela répond à ce qu'il dit : Je bénirai le Seigneur.

- Concernant la louange extérieure il dit : exaltons son nom. Ce qui en soi est haut est dit être exalté, et est en même temps répandu sur beaucoup : « Glorifiez le Seigneur autant que vous pourrez ; car sa gloire l'emportera encore, et admirable est sa magnificence. » tous ensemble, c'est-à-dire avec concorde. Et cela répond à ce qu'il dit : sa louange dans ma bouche.

5 J'ai recherché le Seigneur, et il m'a exaucé, et il m'a retiré de toutes mes tribulations.

B. Ensuite lorsqu'il dit : J'ai recherché, il expose la matière de la louange, qui est la clémence divine dans l'exaucement. À cet égard il fait deux choses.

1) Car il expose d'abord la clémence de son exaucement.

2) Puis le mérite de l'exaucement : Ce pauvre a crie.

1. En exposant la clémence de son exaucement il fait deux choses.

a) Car il mentionne d'abord le bienfait qui lui a été concédé.

b) Puis il invite les autres à obtenir ce bien : Approchez-vous de lui, et soyez éclairés, et vos visages ne seront pas confondus.

a. En mentionnant le bienfait qui lui a été concédé il fait trois choses.

- Car il expose d'abord la demande.

- Puis l'exaucement : et il m'a exaucé.

- Enfin l'effet de l'exaucement : et de toutes mes tribulations il m'a retiré.

- Ainsi dit-il : J'ai recherché le Seigneur. Le choix le meilleur est de chercher Dieu lui-même ; c'est pourquoi dans l'oraison dominicale on demande d'abord : « Que ton nom soit sanctifié. » - « Cherchez le Seigneur, tandis qu'on peut le trouver. » Il dit donc : J'ai recherché, autrement dit : je l'ai cherché avec un grand soin aimant.

- Et c'est pourquoi le psalmiste mentionne ensuite l'exaucement : et il m'a exaucé.

- Mais l'effet de l'exaucement est qu'il m'a retiré de toutes mes tribulations. Car il a retiré les justes de leurs tribulations, parfois afin qu'ils ne subissent pas les tribulations : « Dans six tribulations il te délivrera, et à la septième, le mal ne te touchera pas. » Parfois, afin qu'ils ne soient pas trop importunés : « Selon la multitude de mes douleurs qui étaient dans mon coeur, tes consolations ont réjoui mon âme. » - « Lui qui nous console dans toutes nos tribulations » : et les hommes saints ont toujours cette consolation. De même il retira extérieurement, parce que jamais les méchants ne peuvent séparer les saints du Christ : « Qui nous séparera de l'amour du Christ ? »

6 Approchez-vous de lui, et soyez éclairés, et vos visages ne seront pas confondus.

b. Ensuite lorsqu'il dit : Approchez-vous de lui, et soyez éclairés, et vos visages ne seront pas confondus, il invite les autres à obtenir ce bienfait ; et à ce propos il fait deux choses.

- Car il expose d'abord une invitation.

- Ensuite l'effet de cette invitation : et vos visages ne seront pas confondus.

- Ainsi dit-il : Approchez-vous de lui, par la foi et la charité : « Approchez-vous de Dieu, et il s'approchera de vous. » Et c'est pourquoi il ajoute : et soyez éclairés. Dieu est lumière ; et celui qui s'approche de la lumière est éclairé : « Lève-toi », avec un vif désir, « et sois éclairé. » - « Ceux qui s'approchent de ses pieds recevront de sa doctrine. »

- Mais l'effet de cette action d'amener, c'est que vos visages ne seront pas confondus, dans un rejet, c'est-à-dire que vous ne souffrirez pas de celui-ci, parce qu'« il n'est point de confusion pour ceux qui se confient en toi. » Ou bien : vos visages, c'est-à-dire vos pensées ne seront pas confondues par un manquement à la vérité.

7 Ce pauvre a crié, et le Seigneur l'a exaucé ; et de toutes les tribulations il l'a sauvé.

2. Ensuite lorsqu'il dit : Ce pauvre a crié, il expose le mérite de l'exaucement ; et à ce propos il fait trois choses.

a) Il commence par exposer le mérite lui-même.

b) Puis il promet un bienfait semblable aux autres : L'Ange du Seigneur ira en mission.

c) Enfin il exhorte les autres à l'éprouver : Goûtez.

a. Ainsi dit-il : Ce pauvre. Ce verset ne diffère en rien de l'autre : 5 J'ai recherché ; si ce n'est que là il parle de lui, tandis qu'ici il parle du pauvre. Et c'est pourquoi on se pose uniquement la question de savoir qui est ce pauvre. Et on dit que ce pronom ce (iste), désigne soit lui-même, soit le Christ. Et par le fait qu'il dit : pauvre, il fait connaître le mérite de l'exaucement, car il est pauvre en esprit, ou pauvre en orgueil, ou pauvre dans son désir de posséder des biens terrestres. Et ceux-ci sont exaucés : « La prière des hommes humbles et doux t'a toujours plu. » - « Il a regardé avec attention vers la prière des humbles, et il n'a pas méprisé leur demande. » a crié, avec l'intensité de son vif désir intérieur : Les Séraphins « se criaient l'un à l'autre, et ils disaient : "Saint, saint, saint est le Seigneur des armées, toute la terre est pleine de sa gloire." »

8 L'Ange du Seigneur ira en mission autour de ceux qui le craignent, et il les délivrera.

b. Ensuite lorsqu'il dit : L'Ange ira en mission, il promet un bienfait semblable, autrement dit : les autres sont exaucés de la même manière que ce pauvre. De nombreux manuscrits lisent : « Immitit Angelus Domini (L'Ange du Seigneur est allé en mission). » La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « Circumdat angelus Domini in gyro timentes eum (L'ange du Seigneur environne ceux qui le craignent). » Il dit donc : L'Ange du Seigneur ira en mission, en protégeant de la splendeur de sa lumière, in circuitu (autour). - « Des montagnes sont autour d'elle », c'est-à-dire les anges. - « Il y en a un plus grand nombre avec nous qu'avec eux. » Et plus bas : « Voilà la montagne pleine de chevaux et de chariots de feu autour d'Élisée. » ira en mission, c'est-à-dire exercera une mission : « Ne sont-ils pas tous des esprits chargés d'un ministère, et envoyés pour l'exercer en faveur de ceux qui accueilleront l'héritage du salut ? » et il les délivrera, c'est-à-dire du combat des ennemis et des démons : « Les enfants d'Israël n'ont confiance ni dans la lance ni dans la flèche ; mais les montagnes les défendent », c'est-à-dire l'Ange, ou le Christ, suivant l'interprétation d'Isaïe dans la version des Septante : « Il sera appelé l'Ange du grand conseil. » Parce qu'il est envoyé par Dieu en tant qu'homme. Ou bien, l'Ange signifie le dignitaire de l'Église : « Il est l'ange du Seigneur des armées. » Or les dignitaires de l'Église doivent garder leur troupeau.

9 Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux : Bienheureux l'homme qui espère en lui.

c. Enfin lorsqu'il dit : Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux, il exhorte à l'éprouver : et à cet égard il fait deux choses.

- Car il commence par exhorter à la connaissance expérimentale de la communion divine.

- Puis à l'observance de la crainte divine : Craignez.

- À propos de l'exhortation à la connaissance expérimentale de la communion divine, il fait deux choses.

· Car il exhorte d'abord à la connaissance expérimentale.

· Puis il expose l'effet de cette communion expérimentale : et voyez combien le Seigneur est doux.

· Ainsi dit-il : Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux : Bienheureux l'homme qui espère en lui. La connaissance expérimentale d'une réalité s'acquiert par les sens ; mais différemment s'il s'agit d'une réalité présente, et différemment s'il s'agit d'une réalité absente : car s'il s'agit d'une réalité absente, elle s'acquiert par la vue, l'odorat et l'ouïe ; mais s'il s'agit d'une réalité présente, elle s'acquiert par le toucher et le goût ; mais par le toucher au sujet d'une réalité extérieurement présente, par le goût au contraire au sujet d'une réalité intérieurement présente. Or Dieu n'est pas loin de nous, ni en dehors de nous, mais en nous : « Toi, tu es en nous, Seigneur. » Et c'est pourquoi la connaissance expérimentale de la bonté divine est appelée gustation : « Si toutefois vous avez goûté comme le Seigneur est doux. » - « Elle a goûté et elle a vu que son commerce est bon. »

· Et il expose un double effet de cette connaissance expérimentale. Le premier est la certitude de l'intelligence, l'autre est la sécurité de l'affection.

Concernant le premier effet il dit : et voyez. Car ce qu'on voit dans les réalités corporelles, est ensuite aussi goûté ; mais ce qui est d'abord goûté dans les réalités spirituelles est ensuite vu ; car nul ne connaît s'il ne goûte ; et c'est pourquoi il dit d'abord : Goûtez, et ensuite : voyez.

Concernant le second effet il dit : combien le Seigneur est doux. - « Qu'il est bon et doux, Seigneur, ton esprit en nous ! » - « Quelle est grande, Seigneur, l'abondance de ta douceur. »

Et le psalmiste dit ensuite : Bienheureux l'homme qui espère en lui. - « Bienheureux tous ceux qui l'attendent. »

10 Craignez le Seigneur, vous tous ses saints, parce qu'il n'y a pas d'indigence pour ceux qui le craignent.

- Ensuite lorsqu'il dit : Craignez, il exhorte :

· D'abord à l'observance de la crainte divine.

· Puis il donne une cause à la crainte : parce qu'il n'y a pas d'indigence pour ceux qui le craignent.

· Enfin il manifeste cette cause : Les riches ont connu l'indigence.

· Ainsi dit-il : Le Seigneur est bon et doux. Mais pour qui ? pour ceux qui le craignent. Donc craignez le Seigneur, vous tous ses saints. Et il dit : saints, car nul ne peut être saint sans craindre. Et il dit cela, parce que non seulement la crainte est plus nécessaire pour ceux qui montent vers la sainteté, mais aussi pour ceux qui demeurent en elle : « Si dans la crainte du Seigneur tu ne te tiens fortement, bientôt sera renversée ta maison. » Et aussi parce qu'il n'est rien qui détruise autant la sainteté que l'orgueil ; et la crainte est une garde à l'orgueil : « Celui qui craint Dieu ne néglige rien. » - « Il n'y a pas dans la crainte de Dieu de détriment. »

· Et la cause pour laquelle il doit craindre, il l'ajoute : parce qu'il n'y a pas d'indigence pour ceux qui le craignent. Ceci est interprété de multiples manières. On l'applique d'abord à l'indigence des biens spirituels : « La sagesse et la science [seront] des richesses de salut ; et la crainte du Seigneur est son trésor. » Si donc la crainte du Seigneur est un trésor, il n'y a pas d'indigence pour ceux qui le craignent. On l'applique semblablement à l'indigence matérielle, car il arrive parfois que celui qui craint Dieu ait peu de biens, mais il n'arrive pas qu'il soit indigent. Est indigent celui qui s'estime être dans la disette : ceux qui craignent Dieu sont contents de ce qu'ils ont : « Je sais être humilié, et je sais aussi vivre dans l'abondance (je me suis habitué partout et à tout) ; être rassasié et avoir faim ; être dans l'abondance et dans l'indigence. » Pareillement, Dieu subvient aux nécessités de ceux qui le recherchent.

Mais Augustin, commentant le sermon du Seigneur sur la montagne, objecte le fait que l'Apôtre dise : « Jusqu'à cette heure nous souffrons et la faim et la soif, nous sommes nus. » Comment n'y a-t-il pas d'indigence pour ceux qui le craignent ?

Et il dit que Dieu est à la fois nourricier et médecin. Or le médecin supprime la nourriture au malade et le laisse avoir faim et soif, parce que c'est utile à la santé. Ainsi Dieu, selon qu'il est utile à notre salut, envoie parfois la disette, accorde parfois les richesses, concède quelquefois une longue vie, réduit quelquefois la vie à la brièveté.

11 Les riches ont connu l'indigence et ont eu faim ; mais ceux qui cherchent le Seigneur n'éprouveront l'amoindrissement d'aucun bien.

Mais lorsqu'il dit ensuite : Les riches ont connu l'indigence, il manifeste la raison de la vraie crainte par un fait opposé. Car le contraire de la crainte du Seigneur est le sentiment de ceux qui livrent leurs âmes aux richesses.

Il montre donc d'abord que ceux qui sont dans les richesses connaissent la privation.

Puis, que ceux qui cherchent Dieu n'éprouvent pas la privation.

Ainsi dit-il : Les riches ont connu l'indigence, à savoir spirituellement, c'est-à-dire que ceux qui sont riches dans les biens du monde, ont connu l'indigence dans les richesses spirituelles : « Car tu dis : je suis riche et opulent, et je n'ai besoin de rien ; et tu ne sais pas que tu es malheureux et misérable, pauvre, aveugle et nu. »

et ont eu faim, c'est-à-dire des biens spirituels : parce que le désir naturel de la vertu est inhérent à l'homme ; car bien que le désir pervers le porte aux péchés, il désire cependant naturellement les vertus. Ou bien dans le futur, ils ont connu l'indigence, c'est-à-dire seront dans le dénuement, et ont eu faim, c'est-à-dire auront faim : « Mes serviteurs mangeront, et vous, vous aurez faim. »

De même cela se comprend au sens littéral : car les riches sont souvent amenés à l'indigence, puisque les réalités du monde sont caduques : « Il a rempli de biens les affamés, et il a renvoyé les riches les mains vides. » - « Cherchez le Seigneur tandis qu'on peut le trouver, invoquez-le tandis qu'il est proche. »

n'éprouvèrent l'amoindrissement d'aucun bien, c'est-à-dire ne seront pas dépourvus du bien parfait : car ils auront les biens spirituels en désir, et les biens temporels dans la nécessité : « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice ; et toutes ces choses vous seront données par surcroît. » - « L'objet de leur désir sera accordé aux justes. » Et « le désir des justes est toute espèce de bien ». Et c'est pourquoi ils auront toute espèce de bien.

12 Venez, fils, écoutez-moi ; je vous enseignerai la crainte du Seigneur.

II. Après avoir exposé plus haut son exhortation à la louange, il expose ici la nécessité d'un enseignement ; et à ce propos il fait deux choses.

A) Car il donne d'abord un enseignement sur la crainte de Dieu.

B) Puis sur la providence divine : 16 Les yeux du Seigneur, etc.

A. En donnant d'abord un enseignement sur la crainte de Dieu il fait deux choses.

1) Il commence par le faire précéder par une sorte d'introduction.

2) Ensuite il communique son enseignement : Quel est l'homme ?

1. Dans son introduction il fait trois choses.

a) Il rend d'abord bien disposé celui qu'il instruit.

b) Puis il le rend attentif : écoutez-moi.

c) Enfin il le rend docile : je vous enseignerai la crainte du Seigneur.

a. Concernant la bonne disposition il dit donc : Venez, fils. Car il appartient aux parents d'aimer leurs enfants ; et c'est pourquoi il dit : fils, afin de les rendre bien disposés par l'amour paternel. Semblablement il appartient aux parents d'inviter leurs enfants à recevoir un enseignement, et à les instruire ; aussi dit-il : Venez.

- « Or Jacob appela ses fils et leur dit : "Assemblez-vous, afin que je vous annonce ce qui doit vous arriver dans les jours derniers." » - « De plus, nous avons pour éducateurs les pères de notre chair, et nous les révérons. »

b. Concernant l'attention il dit : écoutez-moi. - « Le sage, en écoutant, sera plus sage. » - « Écoutez-moi, grands, et vous tous peuples ; et [vous] chefs de l'assemblée, prêtez l'oreille. »

c. Enfin il le rend docile ; et cela lorsqu'il donne un enseignement à propos de ce qu'il dira : je vous enseignerai la crainte du Seigneur, c'est-à-dire quel fruit vous aurez si vous craignez Dieu. Ou bien comment il vous faut craindre Dieu.

Et il commence par la crainte, et c'est bien ; parce que dans l'enseignement de la science il faut commencer par les rudiments : « La crainte du Seigneur est le principe de la sagesse », à savoir de la sagesse divine.

13 Quel est l'homme qui veut la vie, qui aime à voir des jours de bonheur ? 14 Préserve ta langue du mal ; et que tes lèvres ne profèrent point de discours trompeurs. 15 Détourne-toi du mal et fais le bien ; cherche la paix et poursuis-la.

2. Ensuite il adjoint son enseignement lorsqu'il dit : Quel est l'homme ? Et à ce propos il fait deux choses.

a) Il enseigne d'abord le fruit de la crainte.

b) Puis [il donne] son enseignement : Préserve.

a. Ainsi dit-il : Quel est l'homme qui veut la vie : car l'homme désire deux choses : une longue vie et la prospérité ; mais parce qu'une longue vie écoulée dans le mal doit être évitée, c'est pourquoi il dit : Quel est l'homme qui veut la vie ? Et l'homme acquiert celle-ci par la crainte du Seigneur, qui est « le commencement de la sagesse », comme le dit le psaume 110 : sans cette sagesse il n'y a pas de vie, aussi la sagesse elle-même dit-elle dans les Proverbes : « Celui qui me trouvera trouvera la vie. » Or certains vivent, mais dans le malheur et l'épreuve : « Les jours de mon pèlerinage sont de cent trente ans, courts et mauvais. » Et c'est pourquoi il dit : qui aime a voir des jours de bonheur, c'est-à-dire de plénitude, car en ces jours d'éternité il n'existe rien en dehors du bonheur : « Mieux vaut un jour [passé] dans tes parvis, que des milliers [dans d'autres]. »

b. Mais quel est l'effet de la crainte, il le montre d'abord en parole. Puis en acte : Détourne-toi.

- En parole il défend deux choses : le mal dans sa manifestation, et le bien trompeur. En parlant du premier il dit : Préserve ta langue du mal, à savoir de la détraction, de la diffamation et de l'erreur : « Qu'aucun discours mauvais ne sorte de votre bouche » - « Si quelqu'un croit être religieux, et ne met pas un frein à sa langue, mais séduit son propre coeur, sa religion est vaine. » En parlant du second il dit : Et que tes lèvres ne profèrent point de discours trompeurs, autrement dit : de plus tu ne proféreras pas le bien avec tromperie : « Que Dieu perde entièrement toute lèvre trompeuse. » Et remarquez qu'il parle d'abord de la préservation de la langue, et ensuite des lèvres : car lorsque quelqu'un veut parler il meut d'abord sa langue, et ensuite ses lèvres. Semblablement la langue forme d'abord les mots, mais les lèvres les rendent distincts.

- Le psalmiste montre aussi en acte que deux choses doivent être accomplies. L'homme doit en effet ordonner sa vie d'abord par rapport à lui ; et à ce propos il dit : Détourne-toi du mal. Puis par rapport au prochain : et à cet égard il dit : cherche la paix et poursuis-la.

· Par rapport à lui il accomplit deux choses, conformément aux diverses parties de la justice, qui sont : se détourner du mal, et faire le bien. La seconde partie est mentionnée lorsqu'il dit : fais le bien.

Ainsi dit-il : Détourne-toi du mal. - « Ne fais pas de mauvaises choses, et elles ne s'empareront pas de toi. » Se détourner du mal n'est pas quelque chose de méritoire, dans la mesure où l'acte de se détourner du mal exprime seulement une négation : car par cet acte, à savoir de ne pas faire le mal, on évite il est vrai le châtiment qu'on encourrait si on admettait l'autre conduite ; cependant, ce n'est pas à cause de cette fuite du mal que la vie est acquise. Et c'est pourquoi en le prenant ainsi dans ce sens, ne pas faire le mal n'est méritoire qu'à la seule condition qu'une telle volonté soit informée par la charité, c'est-à-dire que le but de se détourner du mal soit en vue de Dieu.

et fais le bien. - « Apprenez à faire le bien. »

· Puis par rapport au prochain il dit : cherche la paix et poursuis-la. Mais il arrive parfois que le prochain t'attaque, et alors il t'appartient de chercher la paix ; et c'est pourquoi il dit : cherche la paix. - « S'il se peut, et autant qu'il est en vous, ayez la paix avec tous les hommes. » Mais il arrive aussi parfois que quelqu'un cherche la paix par ton intermédiaire, alors il t'appartient aussi de poursuivre la paix ; aussi dit-il : et poursuis-la. Ou bien il parle de la paix qu'il doit avoir en lui ; et, dit-il, tu acquiers cette paix en cette vie. Mais elle n'est pas possédée en plénitude, « car la chair convoite contre l'esprit, et l'esprit contre la chair. » Et il dit : et poursuis-la, c'est-à-dire afin que tu l'aies davantage, bien qu'elle ne soit pas parfaite ici-bas, mais qu'elle le sera dans la vie future, là où « le peuple se reposera dans la beauté de la paix. » Ou bien : cherche la paix, c'est-à-dire le Christ, qui « est notre paix ». Et : poursuis-la. - « Qu'est-ce que l'homme pour pouvoir suivre le roi son créateur ? »

16 Les yeux du Seigneur sont sur les justes, et ses oreilles à leurs prières.

B. Ensuite lorsqu'il dit : Les yeux du Seigneur sont sur les justes, il communique son enseignement sur la divine providence : et à cet égard il fait deux choses.

1) Il parle d'abord de la divine providence.

2) Puis il montre l'effet de la divine providence : Les justes ont crié.

1. En parlant de la divine providence il fait deux choses.

a) Il expose la divine providence à l'égard des bons ;

b) Puis à l'égard des mauvais : Mais le visage du Seigneur.

a. Ainsi dit-il : Les yeux du Seigneur, etc. À l'égard de ceux qui font l'objet de notre sollicitude, nous portons une double attention, par la vue en relation avec leurs actions ; et à ce propos il dit : Les yeux du Seigneur. Et par l'ouïe en relation avec leurs paroles ; et à ce propos il dit : et ses oreilles. Et bien qu'en Dieu il n'y ait pas de vue et d'ouïe, mais la sagesse divine elle-même, cependant en raison des divers modes de connaissance on parle de l'une et de l'autre, à savoir de la vue et de l'ouïe. La vue est signifiée par les yeux quant aux faits eux-mêmes ; mais l'ouïe par les oreilles quant aux paroles. Et c'est pourquoi il dit : Les yeux du Seigneur sont sur les justes, c'est-à-dire avec un regard d'approbation : « Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui. » - « Les yeux du Seigneur sont sur ceux qui le craignent, et lui-même connaît toute oeuvre de l'homme. » et ses oreilles, c'est-à-dire afin qu'il soit attentif à exaucer leurs prières. Car celui qui veut exaucer écoute volontiers ceux qui prient : aussi il signifie par cela qu'il est volontairement disposé à exaucer. Et il dit : a leurs prières, parce qu'eux parlant encore, il écoute : « Et il arrivera qu'avant qu'ils crient, moi je les exaucerai ; eux parlant encore, j'écouterai. »

17 Mais le visage du Seigneur est sur ceux qui font le mal, afin d'effacer de la terre leur mémoire.

b. Ensuite lorsqu'il dit : Mais le visage du Seigneur est sur ceux qui font le mal, afin d'effacer de la terre leur mémoire, il montre la providence du Seigneur au sujet des méchants, et à ce propos il fait deux choses.

- Car il expose d'abord le fait que la providence divine s'étend aux mauvais.

- Puis comment elle s'étend de façon différente aux bons : afin d'effacer.

- Ainsi dit-il : Mais le visage du Seigneur, etc. Il avait dit plus haut : Les yeux du Seigneur sont sur les justes. Un méchant pourrait dire : Si les yeux du Seigneur ne sont pas sur moi, je puis pécher librement, parce qu'il ne voit pas : « Les nuées sont sa retraite ; il ne s'occupe pas de ce qui nous regarde. » - « Le Seigneur ne nous voit point ; le Seigneur a délaissé la terre. » Mais il n'en est pas ainsi, parce que le visage du Seigneur est sur les méchants : « L'enfer et la perdition sont à nu devant le Seigneur ; combien plus les coeurs des fils des hommes ? »

Et il dit : visage, parce qu'il est l'expression d'un regard de colère sur les méchants eux-mêmes. Mais dans quel but ?

- Certainement afin d'effacer de la terre leur mémoire. Cela peut se comprendre de deux manières. Ou bien parce que cela peut être référé à la terre présente ; et ainsi leur mémoire s'efface-t-elle de la terre doublement. Soit en tant qu'elle disparaît entièrement. Soit en tant que leurs maux disparaissent totalement : « Le nom des impies pourrira. » De nombreux méchants ont cherché à perpétuer leur mémoire, et cependant elle a disparu. Et si la mémoire de certains s'est perpétuée, elle est cependant dite avoir disparu, parce qu'elle est pourrie et mauvaise : « Leur mémoire a péri avec bruit » Ou bien on peut l'entendre de la terre des vivants.

Mais les saints ne gardent-ils pas la mémoire des impies ? S'ils ne gardent pas la mémoire des méchants qui ont souffert, comment donc « le juste se réjouira, lorsqu'il aura vu la vengeance » ?

Il faut répondre en disant qu'ils garderont leur mémoire, mais non en bien, car ils ne garderont pas d'eux une mémoire de compassion et de commisération, ni ne prieront pour eux : « Tu les as brisés et tu as anéanti toute leur mémoire. »

18 Les justes ont crié, et le Seigneur les a exaucés : et il les a délivrés de toutes leurs tribulations.

2. Ensuite lorsqu'il dit : Les justes ont crié, il expose l'effet de la providence divine.

a) Et d'abord sur les bons.

b) Puis sur les méchants : La mort des pécheurs est très funeste.

a. À propos de son effet sur les bons il fait deux choses.

- Car il montre d'abord comment les oreilles du Seigneur sont aux prières des justes.

- Puis comment les yeux du Seigneur sont sur eux : Le Seigneur est près de ceux qui ont le coeur affligé, etc.

- En parlant des oreilles du Seigneur qui sont aux prières des justes, il fait trois choses.

· Car il mentionne d'abord la prière des saints.

· Puis il expose leur exaucement : et le Seigneur les a exaucés.

· Enfin l'effet de cet exaucement : et de toutes leurs tribulations.

· Ainsi dit-il : ont crié. La prière des saints est appelée cri : « Ils crieront vers le Seigneur à la vue de l'oppresseur. » - « Leur cri a pénétré jusqu'aux oreilles du Seigneur Sabaoth. » Le cri est une voix forte ; et la prière des saints est une voix forte pour deux raisons : à cause de la grandeur de leur amour et de leur demande, car ils demandent les réalités éternelles : « Cherchez premièrement le royaume de Dieu. »

· et le Seigneur les a exaucés, car lui-même me donne pour que je demande : « Lorsque j'étais dans la tribulation, vers le Seigneur j'ai crié et il m'a exauce. »

· Vient ensuite l'effet de l'exaucement : et il les a délivrés de toutes leurs tribulations. À savoir pour qu'ils n'endurent pas les tribulations. Ou bien s'ils souffrent, pour qu'ils ne soient cependant pas accablés par les tribulations : « Ils sont devenus forts dans la guerre. » Ou bien, il s'agit de ceux qui sont libérés des limbes : « Toi aussi par le sang de ton alliance tu as fait sortir tes prisonniers d'un lac qui est sans eau. » - 7 Ce pauvre a crié, et le Seigneur l'a exaucé, et il l'a sauvé de toutes ses tribulations.

19 Le Seigneur est près de ceux qui ont le coeur affligé ; et il sauvera les humbles d'esprit. 20a Nombreuses sont les tribulations des justes ;

- Puis lorsqu'il dit : Le Seigneur est près de ceux qui ont le coeur affligé, il montre comment les yeux du Seigneur sont sur les justes : et à ce propos il fait trois choses.

· Car il expose d'abord le mérite des justes.

· Ensuite leur danger imminent : Nombreuses sont les tribulations des justes.

· Enfin le secours qui leur est offert : et de toutes ces [peines].

· Concernant le mérite des justes il fait deux choses, selon qu'ils ont un double mérite, d'où leur obtention de la miséricorde de Dieu.

Car il traite d'abord du mérite de la contrition au sujet des péchés ; et en parlant de cela il dit : Le Seigneur est près de ceux qui ont le coeur affligé. - « Le Seigneur est près de tous ceux qui l'invoquent. » Certains sont réellement misérables, mais ne le reconnaissent pas ; aussi ne sont-ils pas non plus repentants ; et c'est pourquoi ils n'obtiennent pas la miséricorde : « Tu dis : "Je suis riche et opulent, et je n'ai besoin de rien" ; et tu ne sais pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu. » Car il est indispensable qu'ils reconnaissent leur misère avec un coeur gémissant ; et c'est pourquoi il dit : de ceux qui ont le coeur affligé. Voilà pour la contrition des péchés : « Vers qui porterai-je mon regard, sinon vers le pauvre et celui qui a l'esprit contrit, et qui craint mes paroles ? » - « Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés. »

En traitant du second mérite il dit : et il sauvera les humbles d'esprit. Il dit d'esprit, non en paroles, car il est écrit dans l'Ecclésiastique : « Il est [tel] qui s'humilie méchamment, et son intérieur est plein de tromperie. » Donc il sauvera les humbles d'esprit, à savoir ceux qui ont une vraie humilité dans le coeur : « La gloire accueillera l'humble d'esprit. »

· Ensuite il expose leur danger imminent, car nombreuses sont les tribulations des justes. - « Mes gémissements sont nombreux, et mon coeur triste. » - « Tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ souffriront persécution. » Et ils souffrent ces tribulations de la part de ceux qui les persécutent : « Nombreux sont ceux qui me persécutent et qui me tourmentent (tribulant). » Semblablement ils souffrent de la société de ceux qu'ils voient pécher : « Habitant au milieu de ceux qui tourmentaient chaque jour son âme juste par leurs oeuvres iniques. » Et pareillement des tentations du monde, de la chair, et de l'Ennemi : « La chair convoite contre l'esprit, et l'esprit contre la chair : en effet, ils sont opposés l'un à l'autre, de sorte que vous ne faites pas tout ce que vous voulez. »

20b mais le Seigneur les délivrera de toutes ces [peines].

· Ensuite lorsqu'il dit : mais de toutes ces peines [il] les délivrera, il expose le secours qui leur est offert. Or ils sont aidés de deux manières.

D'abord, afin qu'ils soient totalement libérés : et en parlant de cela il dit : mais le Seigneur les délivrera de toutes ces peines.

Puis, afin qu'ils ne succombent pas aux tentations ; et en parlant de cela il dit : Le Seigneur garde tous leurs os : et pas un seul ne sera brisé.

Ainsi dit-il : mais le Seigneur les délivrera de toutes ces peines, en partie ici-bas, mais parfaitement au ciel, quand « ils n'auront plus ni faim ni soif ; et [que] le soleil, ni aucune chaleur ne tombera sur eux ; parce que l'Agneau qui est au milieu du trône sera leur pasteur ; il les conduira à des fontaines d'eau vive, et Dieu essuiera de leurs yeux toute larme ». - « Tu m'as délivré, selon la multitude des miséricordes de ton nom, des [lions] rugissants prêts à me dévorer. » - « Délivrés de grands périls par Dieu, nous lui rendons aussi grandement grâce. »

21 Le Seigneur garde tous leurs os : et pas un seul de ces [os] ne sera brisé.

Ensuite lorsqu'il dit : Le Seigneur garde tous [ces] os, il montre comment il les délivre pour qu'ils ne succombent pas.

Ainsi dit-il : Le Seigneur garde tous leurs os. De même que la vision est dans l'oeil, ainsi la force est dans les os et les nerfs ; et c'est pourquoi, de même que la vision est signifiée par l'oeil, ainsi la force et l'énergie sont signifiées par les os : car de même que le corps est nourri par les os, ainsi la vie humaine l'est par les énergies. Dans la vie future le Seigneur les en délivrera totalement, mais pour le moment il garde les os, c'est-à-dire les énergies, qui sont utiles dans l'infirmité. Ou bien, par les os on entend les hommes parfaits, que le Seigneur gardera : « Voici ce que dit le Seigneur Dieu à ces ossements : "Voilà que moi j'enverrai en vous un esprit, et vous vivrez. Et je mettrai sur vous des nerfs, et je ferai croître sur vous des chairs, et j'étendrai en vous une peau ; et je vous donnerai un esprit, et vous saurez que je suis le Seigneur." » et pas un seul de ces [os] ne sera brisé, car dans les tribulations aucune force de l'homme, que Dieu garde, ne faiblit. Car la charité ne faiblissait pas chez les saints par la haine, car ils priaient pour leurs persécuteurs ; ni leur mansuétude par la colère, parce que le murmure ne retentissait pas ; ni la patience par l'injustice, au contraire par leur patience ils possédaient leurs âmes. Et c'est pourquoi on dit à propos de l'Agneau pascal : « Vous n'en briserez aucun os. » - « Lorsque [l'homme] tombera, il ne sera point brisé. » Ou bien : pas un seul de ces [os], à savoir des prédestinés : « Aucun d'eux n'a péri, excepté le fils de perdition. »

22 La mort des pécheurs est très funeste ; et ceux qui haïssent le juste seront traités comme coupables.

b. Puis lorsqu'il dit : La mort des pécheurs est très funeste, il expose l'effet de la providence divine sur les méchants ; et à cet égard il fait deux choses.

- Car il commence par exposer les périls des méchants.

- Puis il montre comment il libère ses saints de ces périls : Le Seigneur rachètera.

- En exposant les périls des méchants il fait deux choses.

· Car il montre d'abord le mal que les hommes injustes souffrent en eux.

· Puis ce qui les menace du fait qu'ils persécutent les bons : et ceux qui haïssent.

· Ainsi dit-il : La mort des pécheurs, corporelle ou spirituelle : cependant cette mort corporelle est la plus funeste chez les méchants, car ils sont envoyés en un endroit très funeste : « Le riche mourut, et fut enseveli dans l'enfer. » Semblablement, parce qu'ils perdent l'espérance de la grâce après la mort : « Pour l'homme impie mort, il n'y aura plus aucune espérance. » Donc la mort des pécheurs est très funeste, parce qu'ils meurent dans leur corps et dans leur âme.

La mort spirituelle : « Lève-toi d'entre les morts. » Et cette mort est très funeste. Car la mort est la privation de la vie. Donc la mort, plus elle prive d'un bien supérieur, plus elle est funeste. En effet la mort spirituelle prive l'âme de la vie de la grâce, qui est un bien souverain, parce qu'elle est donnée par Dieu : « Celui qui s'unit au Seigneur est un seul esprit avec lui. » Donc elle est très funeste. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit ainsi : « Interficiet impium malitia (La malice tuera l'impie) », c'est-à-dire le fera périr. C'est la malice qui apporte la mort aux pécheurs : « La solde du péché est la mort. »

· Ensuite il montre ce qui menace les méchants parce qu'ils persécutent les justes : « Qui vous méprise, me méprise. »Et c'est pourquoi il dit : et ceux qui haïssent le juste seront traités comme coupables. - « Les hommes de sang haïssent le simple. » Donc si celui qui hait Dieu sera traité comme coupable, il en est par conséquent de même pour celui qui hait les serviteurs de Dieu.

23 Le Seigneur rachètera l'âme de ses serviteurs ; et tous ceux qui espèrent en lui ne seront pas traités comme coupables.

- Ensuite lorsqu'il dit : Le Seigneur rachètera, il montre comment les bons sont délivrés dans ces dangers.

· Et d'abord comment ils le sont des péchés passés.

· Puis comment ils sont protégés des péchés futurs : ils ne seront pas traités comme coupables.

· Ainsi dit-il : Le Seigneur rachètera l'âme de ses serviteurs. On pourrait dire : Si la mort des pécheurs est très funeste, et qu'il n'est aucun juste qui ne pèche, alors donc la mort des justes eux-mêmes est, elle aussi, très funeste. Et c'est pourquoi, afin d'écarter cela, il dit : Le Seigneur rachètera l'âme de ses serviteurs. Il rachètera, dis-je, au prix de sa mort, l'âme de ses serviteurs. Il ne dit pas de ses affranchis. Car ceux-là sont libérés, qui secouent loin d'eux le joug de la justice : « Affranchis du péché, vous êtes devenus esclaves de la justice. » Donc ceux qui se sont affranchis de leur condition de serviteurs de Dieu ne seront pas rachetés ; mais ceux qui se soumettent au joug de Dieu seront rachetés de leur faute et de leur châtiment par le sang précieux du Christ : « Ce n'est point avec des choses corruptibles, de l'or ou de l'argent, que vous avez été rachetés des vaines pratiques que vous teniez de vos pères ; mais par le sang précieux du Christ, comme d'un agneau sans tache et immaculé. » - « Je les rachèterai de la mort. »

· Puis il montre comment ils sont protégés du péché futur : car ils ne seront pas traités comme coupables, c'est-à-dire ils ne pécheront pas mortellement, tous ceux qui espèrent en lui. en lui, à savoir dans le Seigneur, non dans leur propre force, car ces derniers tombent : voilà pourquoi il est écrit dans un psaume : « Pour moi j'ai dit dans mon abondance », c'est-à-dire dans ma force, « je ne serai pas éternellement ébranlé. Seigneur, par ta bonne volonté, tu m'as donné l'éclat de la force. Tu as détourné ta face de moi, et je suis tombé dans le trouble. » Mais ceux qui espèrent dans le Seigneur, comme celui qui disait : « J'ai su que je ne pouvais pas être continent si Dieu ne me donnait [de l'être] », celui-là ne sera pas traité comme coupable, aussi longtemps que, protégé par Dieu, il ne péchera pas mortellement, etc.


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