1 Pour la fin. Psaume par David lui-même. Juge, Seigneur, ceux qui me nuisent ; combats ceux qui me combattent.
2 Prends les armes et le bouclier, et lève-toi pour me secourir. 3 Tire l'épée à deux tranchants, et barre le passage à ceux qui me persécutent ; dis à mon âme : « Moi je suis ton salut. »
4 Qu'ils soient confondus, et qu'ils redoutent, ceux qui cherchent mon âme. Qu'ils retournent en arrière et qu'ils soient confondus, ceux qui pensent à me faire du mal.
5 Qu'ils deviennent comme la poussière devant la face du vent, et que l'ange du Seigneur les serre de près. 6 Que leurs voies deviennent ténébreuses et glissantes, et que l'ange du Seigneur les poursuive.
7 Parce que sans motif ils m'ont caché la perdition de leur piège ; en vain ils ont outragé mon âme.
8 Qu'il lui vienne un piège qu'il ignore, et que l'embûche qu'il cache le saisisse ; et qu'il tombe dans son propre piège.
9 Mais mon âme exultera dans le Seigneur, et se délectera dans son salut. 10 Tous mes os diront : « Seigneur, qui est semblable à toi ? » Arrachant l'homme privé de ressource à la main des plus forts que lui, l'indigent et le pauvre à ceux qui le dépouillent.
11 Des témoins iniques se levant m'interrogeaient sur des choses que j'ignorais. 12 Ils me rendaient le mal pour le bien ; stérilité pour mon âme.
13 Et moi, pendant qu'ils me tourmentaient, j'étais revêtu d'un cilice. J'humiliais mon âme par le jeûne, et ma prière revenait dans mon sein.
14 Comme pour un proche, et comme pour notre frère, ainsi j'avais de la complaisance ; comme en deuil et tout contristé, ainsi je m'humiliais.
15 Et contre moi ils se sont réjouis et se sont rassemblés ; des fléaux se sont amassés sur moi, et je suis resté dans l'ignorance.
16 Ils ont été dissipés, et n'ont point été touchés de componction ; ils m'ont tenté, ils m'ont raillé de railleries, ils ont grincé de leurs dents contre moi.
17 Seigneur, quand regarderas-tu ? Arrache mon âme à leur malignité, mon unique à des lions.
18 Je te confesserai dans la grande assemblée ; au milieu d'un peuple grave je te louerai. 19 Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet ceux qui s'opposent à moi injustement ; qui me haïssent sans motif et clignent des yeux. 20 Car à la vérité, ils me parlaient pacifiquement ; et, dans leur colère ardente, parlant à la terre, ils pensaient des fourberies. 21 Et ils ont ouvert contre moi leur bouche ; ils ont dit : Ah ! ah ! nos yeux ont vu.
22 Tu as vu, Seigneur ; ne garde pas le silence ; Seigneur, ne t'éloigne pas de moi.
23 Lève-toi et sois attentif à mon jugement : mon Dieu et mon Seigneur, [prends en main ma cause]. 24 Juge-moi selon ta justice, Seigneur mon Dieu, qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet. 25 Qu'ils ne disent point dans leurs coeurs : Ah ! ah ! pour notre âme ; et qu'ils ne disent point non plus : Nous le dévorerons.
26 Qu'ils rougissent et qu'ils soient confondus ensemble ceux qui se félicitent de mes maux. Qu'ils soient revêtus de confusion et de honte, ceux qui disent des méchancetés sur moi.
27 Qu'ils exultent et se réjouissent ceux qui veulent ma justice ; et qu'ils disent toujours :
28 « Que le Seigneur soit magnifié, ceux qui veulent la paix de son serviteur. » Et ma langue méditera ta justice, ta louange tout le jour.
1 Pour la fin. Psaume par David lui-même.
Juge, Seigneur, ceux qui me nuisent ; combats ceux qui me combattent.
Dans les psaumes précédents est manifestée la dignité des justes ; mais ici on implore le secours contre les persécutions des impies : et à ce propos le psalmiste fait trois choses.
Car il demande d'abord le secours divin contre les pécheurs persécuteurs.
Puis il confesse qu'il souffre de pareilles tribulations à cause du péché : « Seigneur, ne me reprends pas dans ta fureur. »
Enfin il montre la confiance qu'il a en Dieu : « Attendant, j'ai attendu le Seigneur. »
À propos de sa demande du secours divin il fait trois choses.
Car il demande d'abord le secours divin contre la persécution des impies.
Ensuite il décrit leur mal : « L'homme injuste a dit. »
Enfin il montre que leur prospérité doit être méprisée : « N'envie pas les méchants. »
Le titre de ce psaume est habituel : Pour la fin. Psaume par David lui-même. Au sens mystique il s'applique au Christ, le véritable David ; et selon l'explication mystique il s'agit du deuxième psaume parmi ceux qui parlent longuement de la Passion du Christ. Le premier fut : « Dieu, mon Dieu, regarde-moi. »
Ainsi donc ce psaume, soit qu'on le lise en l'appliquant à la personne de David, ou au Christ, ou encore à n'importe quelle personne, mentionne principalement deux choses.
I) Car il demande d'abord l'échec des impies.
II) Puis il en donne la raison : 11 Des témoins iniques se levant.
I. En parlant de l'échec des impies il fait trois choses.
A) Car il commence par demander la condamnation des adversaires.
B) Puis il fait connaître la cause de leur condamnation : 7 Parce que sans motif
C) Enfin il attribue un fruit à cette condamnation : 9 Mais mon âme.
A. En demandant la condamnation des adversaires il fait deux choses.
1) Car il formule d'abord sa demande en général.
2) Puis il l'explique : Prends les armes et le bouclier
1. En formulant sa demande en général il sollicite deux choses : leur condamnation et le secours divin : combats. Car il demande ces deux choses précisément contre deux choses : en effet il demande la condamnation contre ceux qui lui nuisent, et contre ceux qui le combattent il demande le secours divin.
Un homme commence d'abord par combattre autrui ; puis l'emportant sur lui il lui cause du tort. Or cet ordre est ici renversé. Car lorsque quelqu'un combat autrui, il ne mérite pas aussitôt condamnation, mais ayant été combattu il est poussé à demander du secours ; en revanche, quand quelqu'un lui nuit, alors il demande la condamnation. Et c'est pourquoi il distingue ici l'un et l'autre : car le préjudice est d'abord dans l'intention de celui qui le cause ; aussi demande-t-il d'abord la condamnation de ceux qui lui nuisent. Ainsi dit-il : Ô Seigneur, juge ceux qui me nuisent. Or il y a un triple jugement :
De condamnation : « Le jugement est sans miséricorde pour celui qui n'a pas fait miséricorde. »
Semblablement, de purification : « Voici le temps où doit commencer le jugement par la maison du Seigneur. »
Également, de discernement : « Juge-moi, ô Dieu, et discerne ma cause. »
Mais ici il est question du premier jugement. On trouve une semblable demande dans Jérémie : « Mais toi, Seigneur Sabaoth, toi qui juges justement et qui éprouves les reins et les coeurs, que je voie ta vengeance sur eux. »
Cependant il est écrit dans Matthieu : « Priez pour ceux qui vous persécutent et vous calomnient. »
On répondra en disant que dans toutes ces imprécations il y a une double interprétation. L'une selon laquelle elles sont prononcées par mode d'annonce, comme lorsqu'il dit : Juge, autrement dit : tu jugeras. Ou bien en tant que toutes ces choses proférées sont comprises non comme venant d'un zèle de vengeance personnelle, mais comme émanant de la divine justice, à laquelle les justes se conforment.
Puis celui qui est combattu désire que Dieu résiste à son adversaire ; aussi dit-il : combats ceux qui me combattent, c'est-à-dire afin qu'ils ne l'emportent pas sur moi : « Le Seigneur est avec moi comme un guerrier vaillant. » - « C'est moi qui parle justice, et qui viens pour défendre et sauver. »
2 Prends les armes et le bouclier, et lève- toi pour me secourir. 3 Tire l'épée à deux tranchants, et barre le passage à ceux qui me persécutent ; dis à mon âme : Moi je suis ton salut.
2. Ensuite lorsqu'il dit : Prends les armes, il explique sa demande. Car il demande deux choses : la condamnation de ceux qui lui font du mal et la prise d'assaut de ceux qui le combattent. Et c'est pourquoi il explique ces deux choses en détail. Car il commence d'abord par expliquer la seconde. Puis la première : Qu'ils soient confondus.
a. Concernant la prise d'assaut de ceux qui le combattent il fait connaître les cinq choses qui sont nécessaires à un défenseur.
- La première est qu'il s'arme : chose à laquelle il fait allusion ici en disant : Prends les armes et le bouclier Les armes de Dieu ce sont ses élus : « Offrez-vous à Dieu, comme des armes de justice. » Aussi les anges sont-ils appelés les armes de Dieu, dont il se sert pour combattre les méchants : « Le globe de la terre combattra pour lui contre les insensés. » Le bouclier de Dieu est à proprement parler sa protection divine, et sa volonté avec laquelle il protège : « Tu nous as couronnés de ta bonne volonté comme d'un bouclier. » Il dit donc : Prends les armes et le bouclier, c'est-à-dire envoie tes anges, et toi aussi protège-moi, par ta bonne volonté.
Ou bien, les armes et le bouclier sont les vertus : « Il revêtira, pour cuirasse, la justice, et pour casque, son jugement infaillible ; il prendra pour bouclier inexpugnable l'équité. »
- La deuxième est qu'il s'avance au combat ; et c'est pourquoi il dit : lève-toi pour me secourir On dit de Dieu qu'il dort, lorsque l'homme se trouve dans les tribulations et n'éprouve point le secours divin : « Voilà qu'une grande tempête s'éleva sur la mer ; de sorte que la barque était couverte par les vagues ; lui-même cependant dormait. C'est pourquoi ses disciples s'approchaient de lui et l'éveillèrent, disant : "Seigneur, sauve-nous, nous périssons." Jésus leur dit : "Pourquoi craignez-vous, hommes de peu de foi ?" Alors, se levant, il commanda aux vents et à la mer, et il se fit un grand calme. » - « Lève-toi, pourquoi dors-tu, Seigneur ? »
- La troisième est l'action de tirer l'épée ; et c'est pourquoi il dit : Tire l'épée à deux tranchants. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « Evagina gladium (Dégaine l'épée). » Framea (épée à deux tranchants) a le même sens que gladius (épée). Mais cependant effunde (tire), désigne ici le débordement de la vengeance divine. Selon la Glose : Tire l'épée à deux tranchants, c'est-à-dire augmente ta vengeance : « Ô épée à deux tranchants, réveille-toi contre mon pasteur, contre l'homme qui se tient attaché à moi. »
épée à deux tranchants peut s'entendre soit de la vengeance de Dieu, soit de l'âme du Christ, soit de n'importe quel juste, qui sont l'épée de Dieu contre les méchants : « Mais l'homme spirituel juge de toutes choses, et il n'est jugé de personne. »
- La quatrième est l'action de frapper ; et c'est pourquoi il dit : et barre le passage à ceux qui me persécutent. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « Et praeoccupa ex adverso perse quentes me (Accours au-devant de ceux qui me persécutent) », autrement dit : frappe avant qu'ils ne puissent se défier de tes coups. Et on appelle aussi à proprement parler l'acte d'être frappé le fait de ne pas pouvoir en quelque sorte s'échapper : « Puisqu'il n'y a personne qui puisse m'arracher de ta main. » Ou bien quelqu'un est dit être frappé lorsqu'il est convaincu de fausseté ; aussi dit-il : Frappe, autrement dit : convaincs-les pour qu'ils reconnaissent leur erreur.
- La cinquième est que soit délivré celui qui est protégé ; aussi dit-il : dis à mon âme : « Moi je suis ton salut » ; autrement dit : manifeste-toi par l'effet, afin que je reconnaisse par une inspiration intérieure que tu es le salut de mon âme : « J'écouterai ce que dira au-dedans de moi le Seigneur Dieu. » - « C'est moi qui suis le Seigneur, et il n'y a pas, en dehors de moi, de sauveur. »
4 Qu'ils soient confondus, et qu'ils redoutent, ceux qui cherchent mon âme. Qu'ils retournent en arrière et qu'ils soient confondus, ceux qui pensent à me faire du mal.
b. Ensuite lorsqu'il dit : Qu'ils soient confondus, il traite de la condamnation de ceux qui font le mal.
- Et il demande d'abord leur condamnation.
- Puis il emploie une comparaison : 5 Qu'ils deviennent comme la poussière, etc.
- Il formule une double demande de condamnation contre un double projet que forment les méchants qui le persécutent.
· Car ces derniers projettent surtout de le détruire totalement : « Venez, et perdons-les entièrement, en sorte qu'ils ne soient plus un peuple, et qu'on ne se souvienne plus du nom d'Israël. »
· Puis ils projettent au moins de lui causer quelques maux ; et il demande que l'un et l'autre projet soient condamnés. Le deuxième lorsqu'il dit : Qu'ils retournent en arrière.
· Concernant sa première demande il fait deux choses.
Car il commence par exposer le châtiment qu'il revendique.
Puis il fait mention de leur démérite : ceux qui cherchent mon âme.
Il demande un double châtiment : la confusion et la crainte. Or la confusion consiste en l'incapacité pour le méchant d'accomplir son projet. Le deuxième châtiment réside dans le fait qu'en abandonnant son projet, le méchant craigne de tomber soit dans un châtiment semblable, soit aux mains de l'adversaire. Et c'est pourquoi il dit à propos du premier châtiment : Qu'ils soient confondus, et à propos du second : qu'ils redoutent, c'est-à-dire qu'ils craignent un châtiment semblable. On lit également dans Jérémie : « Qu'ils soient confondus ceux qui me persécutent, et que je ne sois pas confondu moi-même. » Ce mot redouter peut aussi être restreint de telle sorte qu'on l'entende dans le sens de leur propre confusion, à savoir de la bonne confusion et de la bonne crainte, pour qu'ils soient confondus salutairement en vue de la pénitence.
et qu'ils redoutent, c'est-à-dire qu'ils craignent les châtiments, même s'ils croient ne pas les mériter, parce qu'ils sont à la recherche de mon âme. À propos du second châtiment il dit : Qu'ils retournent en arrière. Et à propos de cela il fait deux choses.
Car il commence par demander qu'ils soient empêchés dans leur dessein.
Puis, que soient confondus ceux qui sont empêchés : et qu'ils soient confondus.
Ainsi dit-il : Qu'ils retournent en arrière, ne pouvant pas réussir dans ce qu'ils projettent, mais qu'ils abandonnent.
Et qu'ensuite ils soient par conséquent confondus.
Cela peut aussi se référer au bien : Qu'ils retournent en arrière, afin de me suivre : « Retire-toi de moi, Satan. » - « Quel fruit avez-vous donc tiré alors des choses dont vous rougissez maintenant ? » ceux qui pensent à me faire du mal. - « Mais toi, Seigneur, tu connais tout leur dessein de mort contre moi. »
5 Qu'ils deviennent comme la poussière devant la face du vent, et que l'ange du Seigneur les serre de près. 6 Que leurs voies deviennent ténébreuses et glissantes, et que l'ange du Seigneur les poursuive.
- Ensuite lorsqu'il dit : Qu'ils deviennent, il emploie une comparaison. Et d'abord en parlant d'une première chose : Qu'ils deviennent comme la poussière, etc. Puis d'une seconde chose : Que leurs voies deviennent ténébreuses et glissantes.
· Ainsi dit-il : Qu'ils deviennent comme la poussière. Car il demande d'abord le jugement contre ceux qui cherchaient à le détruire totalement ; et c'est pourquoi il emploie une comparaison à propos d'une chose qui est totalement détruite, à savoir la poussière. Or la dispersion de la poussière est due à trois choses : à sa dispersion proprement dite, car la poussière est sèche et se divise en très petites particules ; et c'est pourquoi elle se répand facilement. Et c'est pour cette raison qu'il dit : Qu'ils deviennent comme la poussière. De même que la poussière est réduite en de multiples particules par défaut d'humidité, qu'il en soit ainsi également pour les impies.
Une autre raison est due au vent qui l'agite ; aussi dit-il : devant la face du vent. Le vent signifie parfois la tribulation : « Un vent brûlant le saisira et l'emportera, et comme un tourbillon l'enlèvera de sa place. » Parfois il signifie la tentation elle-même du péché : « Nos iniquités comme le vent nous ont. »
Enfin la dispersion de la poussière est due à l'instigation de quelqu'un qui agite le vent ; aussi dit-il : et que l'ange du Seigneur les serre de près, c'est-à-dire afin qu'ils soient totalement dispersés : car de même que par le secours des anges certaines choses prospèrent sous l'effet d'une puissance plus grande, ainsi par l'intermédiaire des anges bons ou mauvais il arrive que les tribulations s'accroissent davantage : car Dieu punit aussi quelquefois les pécheurs par l'intermédiaire des bons anges : « Un ange du Seigneur sortit et frappa dans le camp des Assyriens cent quatre-vingt-cinq mille hommes. »
· Ensuite lorsqu'il dit : Que leurs voies deviennent ténébreuses, le psalmiste expose une comparaison à propos d'un second empêchement, c'est-à-dire à propos de la progression sur la voie ; et il mentionne trois empêchements sur cette voie.
Le premier empêchement c'est que cette voie est ténébreuse, et que dès lors on trébuche facilement. Que leurs voies, c'est-à-dire leur progression, deviennent ténébreuses.
Le deuxième empêchement c'est que cette voie est glissante et propice à la chute : « Nos pas ont glissé en parcourant nos voies. »
Et le troisième c'est que quelqu'un poursuit et serre de près, afin qu'ils tombent davantage.
et que l'ange du Seigneur les poursuive. - « Un ange cruel sera envoyé contre lui. » Ainsi dit-il : Que leurs voies deviennent ténébreuses, c'est-à-dire celles de l'ignorance : « Ils n'ont ni savoir ni intelligence, ils marchent dans les ténèbres. » et glissantes, c'est-à-dire les vices charnels dans lesquels ils tombent facilement. et que l'ange du Seigneur les poursuive. Le démon lui-même tente pour faire pécher, ou bien le bon ange permet de tomber, afin que ceux qui ont été humiliés se relèvent plus forts.
7 Parce que sans motif ils m'ont caché la perdition de leur piège ; en vain ils ont outragé mon âme.
B. Plus haut le psalmiste a demandé que ceux qui font du mal soient jugés, et que ceux qui combattent soient pris d'assaut ; mais ici il montre comment ils souffrent à juste titre.
1) Et il expose d'abord leur faute.
2) Puis leur châtiment : 8 Qu'il lui vienne un piège.
1. En parlant de la faute :
a) Il donne d'abord l'explication de la malice.
b) Puis il montre son exécution : en vain.
a. Dans l'explication de la malice sont mentionnées trois choses qui aggravent la faute.
- La première est l'iniquité, et c'est pourquoi il dit : sans motif
- La deuxième est la fraude, et c'est pourquoi il dit : ils m'ont caché.
- La troisième est la cruauté, et c'est pourquoi il dit : la perdition de leur piège.
- Ainsi dit-il : Parce que sans motif si quelqu'un veut du mal à celui qui lui fait du mal, il ne semble pas qu'il soit tout à fait injuste ; mais lorsqu'il veut du mal à celui qui ne nuit en aucune manière, cette disposition est absolument inique ; et tel est ce qu'il dit : sans motif c'est-à-dire sans offense que j'aurais commise : « Ils m'ont haï sans motif. » - « Et Assur, sans aucune cause, l'a traité avec violence. »
- Mais la fraude est désignée lorsqu'il dit : ils m'ont caché, c'est-à-dire que par la fraude ils m'ont voulu du mal : « Il est devenu pour moi un ours en embuscade, un lion dans des lieux cachés. » - « Il lui dresse des embûches dans le secret, comme un lion dans sa caverne. »
- Et il montre la cruauté, car ils préparent des embûches en vue de la mort ; c'est pourquoi il dit : la perdition de leur piège, c'est-à-dire ils cachent leur piège en vue de la mort : « Viens avec nous, dressons des embûches au sang, cachons des pièges à l'innocent qui ne l'a pas mérité ; comme l'enfer, engloutissons-le vivant et entier, comme celui qui descend dans la fosse. »
b. Puis lorsqu'il dit : en vain ils ont outragé, il expose l'exécution, pareillement sans cause. Et il dit : ont outragé, parce qu'ils ont infligé des opprobres. Or il y a opprobre lorsque quelqu'un intente une accusation contre son prochain, ce qui est contre son honneur. Parfois on intente une accusation contre quelqu'un afin de le confondre et de l'avilir. Mais parfois c'est en vue de lui faire perdre la vie ; et c'est s'en prendre à son âme ; et c'est pourquoi il dit : mon âme, autrement dit : ils firent cela afin de m'ôter totalement la vie. Ainsi les Juifs intentèrent contre le Christ des accusations dignes de mort : « Il soulève le peuple, enseignant toute la Judée, commençant par la Galilée jusqu'ici. » - « Les outrages de ceux qui t'insultaient sont tombés sur moi. » Mais cela en vain, c'est-à-dire sans cause, comme on l'a dit plus haut, à savoir sans motif : « Qui de vous me convaincra de péché ? » Donc, en vain, ils l'ont chargé de péché. Ou bien : en vain, c'est-à-dire inutilement, quant à leur intention, parce qu'ils avaient l'intention de détruire sa foi : « Que faisons-nous, car cet homme opère beaucoup de signes ? Si nous le laissons ainsi, tous croiront en lui, et les Romains viendront et ruineront notre pays et notre nation. » Cependant le conseil fut inutile, car le monde entier se convertit à la foi après sa mort.
8 Qu'il lui vienne un piège qu'il ignore, et que l'embûche qu'il cache le saisisse ; et qu'il tombe dans son propre piège.
2. Ensuite lorsqu'il dit : Qu'il lui vienne un piège qu'il ignore, etc., il expose le châtiment proportionné à la faute ; et cela, parce qu'ils sont jugés avec le jugement même selon lequel ils voulaient juger : « D'après le jugement selon lequel vous aurez jugé, vous serez jugés, et selon la mesure avec laquelle vous aurez mesuré, mesure vous sera faite. » Ceux-ci voulaient sa mort en trompant ; c'est pourquoi le psalmiste formule une demande contre eux, soit en conformant sa volonté à la volonté divine, soit sous forme d'annonce. Et il demande trois choses : qu'un piège soit préparé pour eux, qu'ils soient pris, et qu'ils ne s'échappent pas.
En parlant de la première chose il dit : Qu'il lui vienne un piège, à savoir au peuple, ou bien à celui qui est le chef parmi eux. Ce mot piège peut se comprendre de trois manières.
a. Ou bien à cause du piège du châtiment, parce qu'en raison de la mort du Christ ils sont pris dans ses filets : « Le plus grand nombre d'entre eux se heurteront, et seront brisés, et ils s'embarrasseront dans des filets et ils seront pris », car ils sont prisonniers dans toutes les nations. Il dit : qu'il ignore, parce qu'ils ne pouvaient pas soupçonner un tel châtiment : « Il y aura une grande détresse dans le pays, et une grande colère contre ce peuple. Ils tomberont sous le tranchant du glaive, et seront emmenés captifs dans toutes les nations. » - « Car alors la tribulation sera grande, telle qu'il n'y en a point eu depuis le commencement du monde jusqu'à présent, et qu'il n'y en aura point. »
b. Ou bien il s'agit du piège de la faute : « Ceux qui veulent devenir riches, tombent dans la tentation et dans le piège du diable. » Autrement dit : qu'il lui vienne le piège de la faute qu'il ne peut prévoir ; parce que le pécheur n'a pas l'impression d'être lié, mais bien de faire sa propre volonté ; cependant à la vérité il est pris dans un filet, car il est écrit : « Par les liens de ses proches péchés il est enchaîné. »
c. Ou bien il s'agit du piège de la justice, autrement dit : Qu'il lui vienne un piège, le contraignant au bien, qu'il ignore, car « l'homme naturel n'accueille pas ce qui est de l'Esprit de Dieu ».
En parlant de la deuxième chose il dit : et que l'embûche qu'il caché le saisisse, c'est-à-dire qu'il soit pris, comme il a voulu me prendre en cachette : « Ses iniquités saisissent l'impie. »
En parlant de la troisième chose il dit : qu'il tombe dans le piège, c'est-à-dire qu'il soit abattu par le piège, afin qu'il ne s'en libère pas. dans son propre piège, c'est-à-dire le piège qu'il a préparé pour les autres : « Dans son piège il le renversera, il s'inclinera, et tombera, lorsqu'il se sera rendu maître des pauvres, car il a dit dans son coeur : "Dieu a perdu le souvenir, il a détourné sa face pour ne rien voir à jamais." » Ainsi arriva-t-il aux Juifs, car ils livrèrent eux-mêmes le Christ, et par la suite ils furent livrés aux nations.
9 Mais mon âme exultera dans le Seigneur, et se délectera dans son salut. 10 Tous mes os diront : Seigneur, qui est semblable à toi ? Arrachant l'homme privé de ressource de la main de plus forts que lui, l'indigent et le pauvre à ceux qui le dépouillent.
C. Ensuite lorsqu'il dit : Mais mon âme exultera dans le Seigneur, et se délectera dans son salut, etc., il expose le fruit de la condamnation des impies. Et il expose pour sa part un double fruit.
1) D'abord un fruit d'exultation personnelle.
2) Puis un fruit de respect divin : Tous mes os.
1. En parlant du premier fruit il fait deux choses.
a) Car il expose en premier lieu l'exultation qui résulte du jugement de Dieu.
b) Puis la matière de l'exultation : et se délectera.
a. Ainsi dit-il : je demande qu'il en soit ainsi, mais lorsque tu auras fait cela, mon âme exultera dans le Seigneur. - « Mais moi, je me réjouirai dans le Seigneur, et j'exulterai en Dieu mon Jésus. » Et la raison de cette exultation est due au fait que grâce à lui j'ai acquis le salut ; aussi dit-il :
b. et se délectera dans son salut, c'est-à-dire dans le Christ, ou dans le salut apporté par le Christ : « Mon esprit a tressailli d'allégresse en Dieu mon salut. » Et cela peut être appliqué à l'Église.
2. Ensuite quand il dit : Tous mes os, il expose le deuxième fruit, qui est le respect divin : et à cet égard il fait deux choses.
a) Car il expose d'abord le respect vis-à-vis de Dieu.
b) Puis il en donne la raison : Arrachant.
a. Ainsi dit-il : Tous mes os. Toute force de l'homme est faible comparée à celle de Dieu : aussi plus quelqu'un acquiert de la connaissance divine, plus il comprend que sa propre force fait défaut. Mais parce qu'on pourrait penser que ce qui est faible en nous ne peut être comparé à Dieu, mais qu'il n'en est pas de même pour ce qui est fort ; il montre qu'il n'en est pas ainsi, car si considérable que soit toute force, elle ne peut être comparée à Dieu. Car ces réalités-là sont infinies, tandis que celles-ci sont finies ; et c'est pourquoi il dit : Tous mes os, c'est-à-dire mes forces, car par os on entend la force. Ou bien les apôtres diront : qui est semblable à toi ? - « On ne lui égalera point l'or ou le verre, et on ne l'échangera point contre des vases d'or. »
Ou bien il parle au nom de celui qui dit : Tous mes os, c'est-à-dire tout ce qu'il y a de vertueux en moi.
Ou bien il s'agit de la connaissance de la vérité. Ou encore de la ferveur de la charité et des choses semblables.
Il dit : Seigneur, qui est semblable à toi ? En disant cela, il affirme que rien n'est comparable à Dieu.
Cependant il semble qu'il y ait quelque chose de semblable à Dieu. D'où ce qui est écrit dans la Genèse : « Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance. »
Je réponds à cette objection en disant qu'on appelle semblables les choses qui ont la même forme et le même caractère. Or il y a une double similitude. L'une qui fait que les choses sont semblables parfaitement, c'est-à-dire lorsque les deux choses participent à la même forme d'un seul concept (ratio).
Mais il y a une similitude dans la dissemblance, c'est-à-dire lorsque la forme se trouve en une chose véritablement, et dans une autre par participation éloignée : et ainsi celui-ci est semblable à celui-là, non parce qu'il a la même forme, mais parce qu'il s'en approche selon une faible participation. Et ainsi les choses qu'on appelle semblables à propos de Dieu et de l'homme, sont dites de l'homme par participation éloignée ; autrement dit : Dieu est et toi tu es ; mais ton être est participé, tandis que le sien est essentiel ; et semblablement pour les autres choses : et c'est pourquoi cette similitude est une similitude de réalités dissemblantes. Et ce qu'il dit, il le manifeste par effet. Car quelqu'un semble être fort, lorsqu'il libère quelqu'un de faible de la main d'un puissant : c'est en effet le propre d'une grande force. Et Dieu accomplit ces choses en ce monde. Les forts, ce sont les riches : « Le bien du riche est sa ville forte, et comme une muraille solide qui l'environne. » Or Dieu libère les pauvres de ceux-ci. Car les riches s'emparent d'abord du bien des pauvres, puis ils dépouillent les faibles : mais Dieu les libère de ces derniers.
b. En relation avec la première chose il dit : Arrachant l'homme privé de ressources, sans ressource (sine ope), de la main de plus forts que lui.
En relation avec la seconde chose il dit : l'indigent et le pauvre à ceux qui le dépouillent. On dit de quelqu'un qu'il est indigent (egenus), en tant qu'il manque du nécessaire ; mais pauvre, en tant qu'il n'a rien dans sa besace. Et ces trois choses sont les mêmes, à savoir les mots inops (privé de ressources), egenus (indigent) et pauper (pauvre) : « Un lion rugissant, un ours affamé, [tel] un prince impie sur un peuple pauvre. » - « Ses princes sont au milieu d'elle comme des loups ravissant une proie pour répandre le sang, perdre les âmes, et par avarice courir après le gain. »
11 Des témoins iniques se levant m'interrogeaient sur des choses que j'ignorais. 12 Ils me rendaient le mal pour le bien ; stérilité pour mon âme.
II. Ici commence la deuxième partie principale de ce psaume. Plus haut le psalmiste a demandé l'échec des impies ; mais ici il en donne la raison.
A) Et il commence par traiter de leur malice.
B) Puis il demande le secours divin : 17 Seigneur, quand regarderas-tu ?
A. En traitant de leur malice il fait deux choses.
1) Car il montre d'abord leur iniquité.
2) Puis leur entêtement cruel dans le mal : Et moi, pendant qu'ils me tourmentaient.
1. Il montre d'abord l'iniquité.
a) Quant à la fausseté.
b) Puis quant à l'injustice : Ils me rendaient le mal pour le bien.
a. Il dit donc en parlant de la fausseté : Des témoins iniques se levant, comme les princes des Juifs, et ceux qui sont séduits par eux, comme le peuple, m'intèrrogeaient sur des choses que j'ignorais, avec un savoir qui met à l'épreuve, autrement dit : Ils m'interrogeaient sur des choses que je n'approuvais pas, c'est-à-dire qu'ils m'accusaient de péchés que je n'approuvais pas : « Celui qui ne connaissait point le péché, il l'a rendu péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu. »
b. En parlant de l'ingratitude il dit : Ils me rendaient le mal pour le bien ; ces actes d'ingratitude ont été accomplis dans l'Ancien Testament : « Mon peuple, que t'ai-je fait, en quoi t'ai-je contristé ? Réponds-moi. » Mais aussi dans le Nouveau Testament, car le Christ a redonné la vue aux aveugles, et il leur conféra beaucoup d'autres bienfaits : « J'ai fait devant vous beaucoup d'oeuvres excellentes par la vertu de mon Père ; pour laquelle de ces oeuvres me lapidez-vous ? » - « Le mal sera-t-il rendu pour le bien, puisqu'ils ont creusé une fosse à mon âme ? » Et quels maux ? stérilité pour mon âme. Il fait allusion à cette parabole de la vigne choisie qu'il planta et qui donna du verjus. Le peuple juif fut planté afin de donner du bon fruit, mais il devint stérile. Et le peuple montre cette stérilité contre l'âme du Christ qu'ils attaquèrent avec acharnement. Et c'est pourquoi il dit : stérilité pour mon âme.
13 Et moi, pendant qu'ils me tourmentaient, j'étais revêtu d'un cilice. J'humiliais mon âme par le jeûne, et ma prière revenait dans mon sein.
2. Plus haut le psalmiste a commencé par parler de la méchanceté des Juifs ; mais ici il montre leur entêtement avec lequel ils persistent dans le mal. Et l'entêtement de certains est réprouvé, parce qu'aucun remède ne les ramène au bien. Or il y a un double remède grâce auquel certains ont l'habitude d'être ramenés au bien. D'abord par la sainteté de celui qu'ils persécutent ; puis par le châtiment divin.
Il montre donc d'abord leur entêtement par le fait qu'ils ne sont pas revenus au bien par sa sainteté ; et qu'ensuite Ils ont été dissipés.
a. En parlant de leur entêtement il fait deux choses.
- Il expose d'abord sa sainteté face aux tribulations. Et Puis leur entêtement dans le mal : 15 contre moi.
- Concernant sa sainteté face aux tribulations il fait trois choses, en tant qu'elle consiste en trois choses : en la macération de la chair, l'esprit de dévotion, et la bonté du sentiment. Et le psalmiste expose ces trois choses successivement :
· Car il parle d'abord de la macération de la chair.
· Puis de l'esprit de dévotion : et ma prière revenait dans mon sein.
· Enfin de la bonté du sentiment : 14 Comme pour un proche.
· En parlant de la macération de la chair il fait deux choses.
Car la chair a d'abord besoin de vêtements et de nourriture ; la mortification de la chair consiste ou bien dans la rudesse du vêtement, ou bien dans la privation de nourriture : J'humiliais mon âme par le jeûne.
Au sujet de la rudesse du vêtement il dit : Et moi, pendant qu'ils me tourmentaient, j'étais revêtu d'un cilice. Ce cilice est employé au sens métaphorique si on l'applique au Christ, parce qu'on ne lit pas qu'il portait un cilice. Ce cilice est fait de poils de chèvres. Et dans la Loi un bouc mâle était « immolé pour [expier] le péché » ; et c'est pourquoi le cilice signifie le péché. Donc le Christ est dit porter un cilice, parce qu'il s'est revêtu d'une chair non point pécheresse il est vrai, mais d'une chair semblable à celle du péché. Et nous aussi nous devons porter le cilice, c'est-à-dire la pénitence pour les péchés : « Et ce sera, au lieu d'une suave odeur, la puanteur, et au lieu d'une ceinture, une corde, et au lieu d'une chevelure brisée, la calvitie, et au lieu de la bandelette qui soutient leur gorge, un cilice. »
Au sujet de la privation de nourriture il dit : J'humiliais mon âme par le jeûne, autrement dit non seulement j'ai affligé ma chair avec un vêtement rude, mais aussi par la nourriture, tandis que je l'ai ôtée de moi en jeûnant. On traite du jeûne corporel du Christ dans Matthieu. On peut aussi le dire du jeûne spirituel du Christ. Car le Christ désirait le salut humain. Telle est cette eau que la Samaritaine demanda. Et sur la croix le Christ dit : « J'ai soif. » Or il jeûnait parce qu'il trouva les hommes éloignés du salut.
Mais si on applique cela à la personne du juste, alors on peut l'entendre de deux manières.
Selon une première manière, parce que le jeûne est cause d'humilité dans le juste ; et par l'âme on entend la vie charnelle, d'où le sens de : J'humiliais, etc., c'est-à-dire j'humiliais l'orgueil de la vie charnelle en la mortifiant : « Mes genoux ont été affaiblis par le jeûne et ma chair a été changée à cause de l'huile [qui m'a manqué]. » - « Humilions devant lui nos âmes, et le servant, établis dans un esprit humilié, disons en pleurant au Seigneur que, selon sa volonté, il nous fasse miséricorde, afin que tout comme notre coeur est troublé par l'orgueil de nos ennemis, de même aussi nous nous glorifiions de notre humiliation, etc. »
Selon une autre manière on peut aussi dire cela lorsque l'humilité est accompagnée du jeûne, car lorsque l'humilité n'est pas associée au jeûne, ce jeûne n'est pas agréé de Dieu : « Pourquoi avons-nous jeûné, et n'avez-vous pas regardé ? » Mais lorsque l'humilité est associée au jeûne, un tel jeûne plaît à Dieu. Et c'est pourquoi il dit : J'humiliais mon âme par le jeûne. Mais parce qu'humilier la chair n'a aucune valeur si l'esprit ne s'enrichit et ne se conforte point, car l'ennemi doit être affaibli, et celui qui combat doit être fortifié ; or l'esprit est fortifié par la prière, c'est pourquoi il ajoute :
· et ma prière revenait dans mon sein. - « La prière est bonne avec le jeûne. » La prière est un secours spécial dans la tribulation : « Quelqu'un de vous est-il triste ? qu'il prie. Est-il dans la joie ? qu'il chante des cantiques. » - « Mon âme a refusé d'être consolée. Je me suis souvenu de Dieu, et j'ai été ravi de joie ; je me suis exercé à méditer et mon esprit a défailli. » Mais il dit : revenait dans mon sein.
Si on l'applique au Christ, on l'entend de deux manières.
Selon une première manière, en tant qu'on le réfère à Dieu qu'il adore, au Père parce qu'il était dans son sein : « Le Fils unique qui est dans le sein du Père est celui qui l'a fait connaître. »
Selon une autre manière, en tant qu'on le réfère à ceux pour lesquels il priait, parce qu'il priait pour ceux qui étaient dans le sein du Christ. Or le sein du Christ est le secret de Dieu, et ce secret est son propos de prédestination ; aussi priait-il pour les prédestinés : « Moi, je prie pour eux ; je ne prie point pour le monde, mais pour ceux que tu m'as donnés, parce qu'ils sont a toi. »
Mais si on le réfère à un juste qui prie pour un autre, il n'obtient pas toujours pour lui : « Toi donc, ne prie pas pour ce peuple, ne m'adresse pour eux ni louange ni prière, et ne t'oppose pas à moi, parce que je ne t'exaucerai point », car ses péchés ne méritent pas qu'il soit exaucé. Cependant il est exaucé pour lui-même lorsque sa prière est méritoire ; aussi dit-il : dans mon sein, c'est-à-dire à moi-même : « Votre paix reviendra à vous ». S'il est vrai que les choses précitées sont utiles, cependant elles n'ont que peu de valeur dans la mesure où l'on n'a pas de sentiment de bonté à l'égard du prochain ; et c'est pourquoi il ajoute :
14 Comme pour un proche, et comme pour notre frère, ainsi j'avais de la complaisance ; comme pleurant et tout contristé, ainsi je m'humiliais.
Or le sentiment à l'égard du prochain est montré dans deux dispositions : dans la complaisance à l'égard du bien d'autrui, et dans le déplaisir vis-à-vis du mal : « Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent, pleurez avec ceux qui pleurent. »
Il montre la première disposition lorsqu'il dit : Comme pour un proche ; puis la seconde quand il ajoute : comme pleurant.
Ainsi dit-il concernant la première disposition : Comme pour un proche. Cette construction grammaticale est étonnante, parce que ces accusatifs ne sont régis par rien. Selon la Glose, un cas est mis pour un autre cas, c'est-à-dire l'accusatif pour l'ablatif, autrement dit : ainsi pour moi j'avais de la complaisance à leur égard, comme pour un proche et un frère. Ou bien, selon Jérôme, il manque ici le mot ad (pour) ; car selon la iuxta Hebraeos il lit ainsi : « Quasi ad amicum et quasi ad fratrem meum (Comme pour un ami et comme pour mon frère). » Ou bien il est écrit : « Quasi sic complacebam (Comme si j'avais de la complaisance) » pour Dieu en me comportant vis-à-vis d'eux comme pour des proches et des frères, car les Juifs furent des proches pour le Christ parce qu'il vivait avec eux : « Après cela, il a été vu sur la terre, et il a demeuré avec les hommes. » Ils furent aussi ses frères par ascendance originelle : « les Israélites, auxquels appartiennent l'adoption des enfants, la gloire, l'alliance, la loi, le culte et les promesses, dont les pères sont ceux de qui est sorti, selon la chair, le Christ même qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni dans tous les siècles. Amen. » - « Le salut vient des Juifs. » Mais il est écrit dans Job : « J'ai été frère des dragons et compagnons des autruches. »
Concernant sa seconde disposition, c'est-à-dire son déplaisir vis-à-vis du mal, il dit : comme pleurant, etc. Cette disposition fut surtout dans le Christ, « quand il pleura sur la ville » de Jérusalem. Et il dit : pleurant. Car les pleurs sont une plainte pour les morts. Alors donc l'homme pleure pour les autres, lorsqu'il pleure leurs maux qu'eux-mêmes n'éprouvent pas, comme il en est pour les morts. Car les pécheurs sont morts dans leurs péchés, et n'éprouvent point leurs maux ; tandis que les justes en souffrent par compassion : « Qui donnera à ma tête de l'eau. » Parfois quelqu'un souffre aussi à cause des maux d'autrui, maux qu'il éprouve également en lui. Et cela s'appelle être contristé. Aussi la version iuxta Hebraeos de Jérôme lit-elle, cela avec une expression plus belle : « Quasi lugens mater tristis incurvabar (j'étais courbé d'affliction comme une mère en pleurs) », c'est-à-dire sur eux, autrement dit : je souffrais pour eux comme si j'étais leur mère. Il leur montre donc cette pureté de sentiment grâce à laquelle ils auraient dû être convertis, mais ils ont persisté davantage dans le mal, car ils se sont réjouis contre moi et se sont rassemblés.
15 Et contre moi ils se sont réjouis et se sont rassemblés ; des fléaux se sont amassés sur moi, et je suis resté dans l'ignorance.
- Et contre moi ils se sont réjouis et se sont rassemblés. À propos de leur persistance dans le mal il fait deux choses.
· Il expose d'abord leur malice.
· Ensuite sa patience : et je suis resté dans l'ignorance.
· En traitant de la malice il fait trois choses. Car il expose trois choses qui eurent lieu dans la passion du Christ.
Il expose d'abord le plaisir que les Juifs éprouvèrent dans le mal.
Ensuite leur consentement dans le mal : et se sont rassemblés.
Enfin la dure affliction du Christ : des fléaux se sont amassés sur moi.
Ainsi dit-il : Et contre moi ils se sont réjouis, en m'insultant à mort : « Ils se sont réjouis, parce que c'est toi qui l'as fait. » Cependant il est écrit : « Lorsque ton ennemi sera tombé, ne te réjouis pas : et qu'à sa ruine ton coeur n'exulte pas. »
et se sont rassemblés. En disant cela, il signifie leur consentement dans le mal. Car les princes se sont rassemblés ensemble avec le peuple, et les Juifs avec les païens pour machiner la mort du Christ : « Les rois de la terre se sont levés, et les princes se sont ligués contre le Seigneur et contre son Christ. »
des fléaux se sont amassés sur moi. En disant cela il signifie la dure affliction du Christ, car il fut frappé par les Juifs et les païens : « Mes gémissements sont nombreux, et mon coeur est triste. » En hébreu on lit : « Ils se sont "amassés" sur moi ceux qui me tourmentent. »
· Ensuite lorsqu'il dit : et je suis resté dans l'ignorance, il montre la patience du Christ : car je suis resté dans l'ignorance, c'est-à-dire je me suis comporté à la manière de celui qui ignore, à savoir en me taisant, et en ne parlant pas : « Moi, comme un sourd, je n'entendais pas ; et j'étais comme un muet qui n'ouvre pas la bouche. » - « Comme une brebis, il sera conduit à la tuerie, et comme un agneau devant celui qui le tond, il sera muet, et il n'ouvrira pas sa bouche. » - « Moi, j'ai été comme un agneau plein de douceur que l'on porte en victime ; et j'ai ignoré qu'ils formaient contre moi des projets, disant : "Rayons-le de la terre des vivants, et que son nom ne soit plus rappelé dans la mémoire." » Ou bien, je suis resté dans l'ignorance, selon leur jugement ; car je leur semblais ignorer leurs desseins. Une autre version lit : ignorabant (ils ignoraient). Car ils ignoraient trois choses :
Qui ils tourmentaient, car « s'ils l'avaient connu, jamais ils n'auraient crucifié le Seigneur de gloire. »
De même ils ignoraient pour quelle raison : « Si j'ai mal parlé, rends témoignage du mal ; mais si j'ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? »
Semblablement ils ignoraient l'effet de leur iniquité ; car pour cette raison ils furent à jamais déchus : « Il y aura une détresse affreuse dans le pays, et grande colère contre ce peuple. Ils tomberont sous le tranchant du glaive, et seront emmenés captifs dans toutes les nations, et Jérusalem sera foulée aux pieds par les païens, jusqu'à ce que les temps des nations soient accomplis. »
16 Ils ont été dissipés, et n'ont point été touchés de componction ; ils m'ont tenté, ils m'ont raillé de railleries, ils ont grincé de leurs dents contre moi.
b. Puis lorsqu'il dit : Ils ont été dissipés, etc., il montre qu'ils ne sont pas revenus, et qu'ils n'ont pas été mus vers le bien grâce au deuxième remède, qui est le châtiment divin ; et à ce propos il fait trois choses.
- Il montre d'abord le mal qu'ils enduraient.
- Puis le manque de componction de ces derniers : et n'ont point été touchés de componction.
- Enfin l'effet de leur endurcissement : ils m'ont tenté, etc.
- Ainsi dit-il : Ils ont été dissipés. Cela s'explique de deux manières, et d'abord de la manière suivante : Ils ont été dissipés, c'est-à-dire stupéfaits dans leur coeur, tandis qu'ils ignoraient la raison des choses qui s'accomplissaient, c'est-à-dire des miracles dans la passion : car « beaucoup de corps des saints qui s'étaient endormis se levèrent ; et sortant de leurs tombeaux, après sa résurrection, ils vinrent dans la cité sainte, et apparurent à un grand nombre de personnes ». - « Le soleil s'obscurcit, et le voile du temple se déchire par le milieu. » Aussi « toute la multitude de ceux qui assistaient à ce spectacle, et qui voyaient ce qui se passait s'en retournaient, frappant leur poitrine ».
Ou bien : Ils ont été dissipés, c'est-à-dire divisés ; car « les uns disaient : "En effet, c'est un homme de bien" ; mais d'autres disaient : "Non, car il séduit la foule." » - et n'ont point été touchés de componction, c'est-à-dire convertis par la pénitence. - Et cela se manifeste par l'effet, parce qu'ils m'ont tenté en disant : « Si tu es le Christ, dis-le nous ouvertement. » Ou bien ils ne se sont pas convertis par la Passion du Christ. Car après sa mort ils l'insultaient encore, en disant des paroles blasphématoires contre le Christ, car ils disaient des paroles de moquerie : « Ah ! toi qui détruis le temple de Dieu et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même. Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix. » Et à ce propos il dit : ils m'ont raillé. La raillerie c'est la moquerie qui se pratique avec un nez plissé : « Qui as-tu insulté ; qui as-tu blasphémé, et contre qui as-tu élevé la voix et porté en haut tes yeux ? Contre le saint d'Israël. »
Semblablement ils dirent des paroles d'indignation : « Nous nous sommes rappelé que ce séducteur a dit, lorsqu'il vivait encore : "Après trois jours je ressusciterai." » Et à ce propos il dit : « Ils ont grincé de leurs dents contre moi. » C'est le propre des gens grossiers qui sont cruels, comme il en est des Juifs : « Ils ont grincé des dents, et ils ont dit : Nous dévorerons ; voici, c'est le jour que nous attendions ; nous l'avons trouvé, nous l'avons vu. »
17 Seigneur, quand regarderas-tu ? Arrache mon âme à leur malignité, mon unique à des lions.
B. Plus haut le psalmiste a montré dans la personne du Christ, ou d'un juste, la méchanceté des persécuteurs et leur obstination ; mais ici il invoque Dieu contre l'une et l'autre.
1) Et il commence par demander le secours divin.
2) Puis il montre le fruit du secours divin : Je te confesserai.
1. En demandant le secours divin il fait deux choses.
a) Il demande d'abord l'urgence de son secours.
b) Puis le secours proprement dit : Arrache.
a. Ainsi dit-il : Seigneur, quand regarderas-tu ? En disant cela il exprime l'urgence du secours, et le sentiment de l'âme qui ne peut souffrir davantage de retard ; comme si elle se trouvait dans l'inquiétude. Et c'est pourquoi il dit : Seigneur, quand regarderas-tu ? Car c'est en particulier l'attitude de celui qui ne supporte pas de retard : « Quand viendrai-je, et paraîtrai-je devant la face du Seigneur ? » Et cela peut s'expliquer de deux manières en tant qu'il y a un double regard de Dieu. Le premier est un regard de miséricorde sur les justes en vue de leur salut : « La grâce de Dieu et sa miséricorde sont pour ses saints, et son regard [favorable] pour ses élus. » L'autre se porte sur les méchants pour les punir : « Regarde maintenant le camp des Assyriens, comme alors tu as daigné voir le camp des Egyptiens, quand armés ils couraient après tes serviteurs. »
Et on peut l'entendre de l'un et l'autre regard si on l'expose au sujet du Christ : Seigneur, quand [me] regarderas-tu, afin de me ressusciter ? - « Regarde, et exauce-moi, Seigneur mon Dieu. Éclaire mes yeux. Que jamais je ne m'endorme dans la mort : de peur qu'un jour mon ennemi ne dise : "J'ai prévalu contre lui." » Ou bien : quand regarderas-tu mes adversaires ? - « Pourquoi regardes-tu ceux qui font des iniquités et gardes-tu le silence, l'impie dévorant celui qui est plus juste que lui ? »
b. Ensuite lorsqu'il dit : Arrache, il fait connaître ce secours qu'il demande ; et dans cette demande il donne deux choses à comprendre : la nécessité qu'il éprouvait ; puis la malice de ses adversaires : a leur malignité.
Ainsi dit-il en parlant de la nécessité : Arraché, parce que la nécessité est grande, car c'est une situation dangereuse, car c'est au péril de mon âme. Arraché, dis-je, mon âme, c'est-à-dire à mon corps dont elle fut séparée dans la mort, bien qu'elle n'ait pas été séparée de la divinité : « J'ai le pouvoir de déposer [mon âme] et j'ai le pouvoir de la reprendre. » Il pouvait accomplir cela par la puissance de la divinité qui n'est autre que la puissance du Père : par conséquent tout ce qu'il fait ainsi de lui-même, il le tient cependant du Père. N'importe quel homme juste peut aussi dire cela lorsqu'il est en danger, soit corporel, soit spirituel ; autrement dit : libère-moi des dangers.
La malice des ennemis est double. D'abord quant à la tromperie ; aussi dit-il : à leur malignité, parce qu'ils agissent avec malice contre moi : « Je vous écris, jeunes hommes, parce que vous êtes forts, que la parole de Dieu demeure en vous, et que vous avez vaincu le malin. » Pareillement quant à la cruauté : mon unique à dès lions, parce que l'âme unique est libérée des lions, c'est-à-dire des démons, ou des tyrans : « Il a arraché mon âme du milieu des petits des lions. » - « Tu m'as délivré [...] des lions rugissants prêts à me dévorer. »
18 Je te confesserai dans la grande assemblée ; au milieu d'un peuple grave je te louerai. 19 Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet ceux qui s'opposent à moi injustement ; qui me haïssent sans motif et clignent des yeux. 20 Car à la vérité, ils me parlaient pacifiquement ; et, dans leur colère ardente, parlant à la terre, ils pensaient des fourberies. 21 Et ils ont ouvert contre moi leur bouche ; ils ont dit : Ah ! ah ! nos yeux ont vu.
2. Ici il expose le fruit du secours.
a) Et d'abord pour lui.
b) Puis pour ses ennemis : 24 qu'ils ne se réjouissent point.
c) Enfin pour les justes : 27 Qu'ils exultent.
a. Le fruit pour celui qui est libéré, c'est la louange de Dieu ; aussi dit-il : Je te confesserai et je te louerai, parce que tu m'as libéré : « Je te rendrai mes voeux, qu'ont proférés mes lèvres, et qu'a exprimés ma bouche dans ma tribulation. »
Si l'on applique cela au Christ, le fruit de la résurrection du Christ c'est l'instruction de l'Église, et la foi avec laquelle l'Eglise confesse Dieu : « On croit de coeur pour la justice, et on confesse de bouche pour le salut. » Ou bien l'Eglise sera décrite par la multitude des croyants. Puis par leur puissance.
- En parlant de la première description il dit : dans la grande assemblée, c'est-à-dire selon le nombre et l'expansion sur la terre : « Grand est mon nom parmi les nations. »
Semblablement elle est grande par sa constance et sa puissance, car « les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle ». - « J'ai annoncé ta justice dans la grande assemblée. »
- En parlant de la seconde description il dit : au milieu d'un peuple grave je te louerai. Le mot gravitas (poids) est parfois pris en bien, parfois en mal ; car d'une manière à moitié ressemblante il y a une double propriété dans la pesanteur corporelle.
· L'une est la pesanteur elle-même, qui tend vers le bas, et c'est une chose mauvaise : car on dit de l'homme qu'il est lourd dans la mesure où il tend vers la pesanteur terrestre et s'y assimile : « Fils des hommes, jusqu'à quand aurez-vous le coeur appesanti ? » - « Malheur à la nation pécheresse, au peuple chargé d'iniquité, à la race perverse, aux enfants scélérats. »
· L'autre propriété est la stabilité, qui s'oppose à la légèreté, et ne connaît pas l'ébranlement. On appelle un homme léger celui qui est agité à tout vent. Celui qui est stable dans le bien est appelé grave (gravis) : « Ces lettres sont graves et fortes. » La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « In populo forti laudabo te (je te louerai au milieu d'un peuple fort). »
b. Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet, ceux qui s'opposent à moi injustement. En disant cela le psalmiste expose ici le fruit du côté des ennemis : il demande que leur exultation soit réprimée.
- Et il fait d'abord connaître ce fruit.
- Puis il expose l'origine de leur joie insultante : ceux qui s'opposent.
- Enfin l'émotion due à l'origine de leur joie insultante : 22 Tu as vu, Seigneur. - Ainsi dit-il : Qu'ils ne se réjouissent point, autrement dit : je demande d'être sauvé ; Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet, comme s'ils m'avaient vaincu. Et cela, parce que le Christ étant ressuscité leur joie s'est changée en confusion. Ou bien : Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet, dans mes membres, qui ne sont pas pesants, parce qu'ils sont nourris par le Christ : « Ne te réjouis pas sur moi, mon ennemie, parce que je suis tombée. »
- ceux qui s'opposent. Ici il expose la cause de leur joie insultante. La cause et l'origine d'une insulte est triple. Elle émane du coeur, des actes et de la bouche.
· Des actes, lorsqu'il dit : Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet ceux qui s'opposent à moi injustement. S'ils s'opposaient et se réjouissaient à cause de la justice, ce serait bon et juste ; mais parce qu'ils se réjouissent injustement, cette manière d'agir est inconvenante : « Il a médité l'iniquité sur son lit. »
· Du coeur, c'est la haine indue, aussi dit-il : qui me haïssent sans motif, c'est-à-dire sans cause : « Lorsque je leur parlais, ils m'attaquaient sans motif. » - « C'est afin que s'accomplisse la parole qui est écrite dans leur loi : "Ils m'ont haï sans motif." » - « Ils rendaient le mal pour le bien. »
C'est aussi la haine de ceux qui simulent, car avec la haine dans le coeur, ils clignent des yeux. Et cela de deux manières.
Selon une première manière, pour montrer qu'ils simulent leur haine, comme s'ils clignaient des yeux pour faire croire qu'ils aimaient. Ou bien ils se faisaient mutuellement des clins d'yeux, se concertant en vue du mal : « L'homme apostat, homme inutile. » L'insulte émane de la bouche doublement.
D'abord quant aux paroles fourbes.
Puis quant aux paroles de moquerie : Et ils ont ouvert.
En parlant de la première forme d'insulte il dit d'abord ce qui est dans la bouche ; puis ce qui est dans le coeur : et, dans leur colère ardente.
Dans la bouche ils avaient des paroles de paix, aussi dit-il : Car à la vérité, ils me parlaient pacifiquement. - « Maître, nous savons que tu es vrai. » - « Ils parlent de paix avec leur prochain, mais ils ont le mal dans leur coeur. » Dans leur coeur ils avaient des fourberies, c'est-à-dire des paroles remplies de fourberies : « C'est une flèche blessante que leur langue ; elle ne profère que fourberie. » Et dans leur colère ardente, parlant à la terre, ils pensaient des fourberies, c'est-à-dire s'irritant contre moi pour des choses terrestres : « Si nous le laissons ainsi, tous croiront en lui, et les Romains viendront et ruineront notre pays et notre nation. » La version iuxta Hebraéos de Jérôme lit : « In rapina terrae verba irrisoria concinnant (Dans leur usurpation ils infligent à la terre des paroles de moquerie). »
Celui qui se moque de quelqu'un fait deux choses : parce que de telles paroles molestent celui qui est objet de dérision, et réjouissent celui qui se moque ; et c'est pourquoi il dit : ils ont ouvert contre moi leur bouche, autrement dit : ils disent du mal d'autrui avec audace et avec joie : « Contre qui as-tu élevé la voix, et porté en haut tes yeux ? »
ils ont ouvert contre moi leur bouche. Il montre leur joie lorsqu'il dit : Ah ! ah ! (euge) : interjection de celui qui félicite : « Fort bien (euge), serviteur bon et fidèle : parce que tu as été fidèle en peu de choses, je t'établirai sur beaucoup : entre dans la joie de ton maître », autrement dit : ils se félicitent eux-mêmes de la victoire qu'ils prévoyaient remporter sur moi. Et cela parce que nos yeux ont vu, à savoir la Passion du Christ qu'ils ont désirée : « Ah ! toi qui détruis le temple de Dieu et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même. Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix. » - « Voici, c'est le jour que nous attendions ; nous l'avons trouvé, nous l'avons vu. »
22 Tu as vu, Seigneur ; ne garde pas le silence ; Seigneur, ne t'éloigne pas de moi.
- Plus haut le psalmiste a exposé l'origine de l'insulte, qui fut la malice ; mais ici il rejette cette origine ou cette cause, en implorant le jugement de Dieu. À ce propos il expose trois choses.
· D'abord le fait que la connaissance doit nécessairement précéder le jugement.
· Puis il demande le jugement : ne garde pas le silence.
· Enfin l'effet du jugement : 25 Qu'ils ne disent point.
· Un juge ne peut porter équitablement une sentence sans être instruit au préalable de l'acte à juger. Mais cette connaissance ne fait pas défaut au jugement divin, parce que Dieu voit les actes qui ont été commis de part et d'autre ; aussi le psalmiste dit-il : Tu as vu, à savoir leur malice, et ma justice : « Tout est à nu et à découvert aux yeux de celui dont nous parlons. »
· Ensuite il demande le jugement.
Et il parle d'abord du délai du jugement.
Puis il demande la procédure du jugement.
Le fait que le jugement soit différé résulte de deux choses : de la tolérance patiente à l'égard de la faute des hommes iniques, et du fait que le juge n'aime pas celui auquel la sentence doit être donnée, et qu'il le fait enfermer.
Concernant la tolérance patiente il dit : ne garde pas le silence, c'est-à-dire sur la malice que tu as vue, en passant sans t'arrêter : « Pourquoi regardes-tu ceux qui font des iniquités et gardes-tu le silence, l'impie dévorant celui qui est plus juste que lui ? »
Concernant l'attitude du juge, il dit : ne t'éloigne pas de moi, comme s'il n'obtenait pas de secours dans la nécessité : « Malheur à eux, quand je me serai retiré d'eux. »
23 Lève-toi et sois attentif à mon jugement : mon Dieu et mon Seigneur, [prends en main] ma cause. 24 Juge-moi selon ta justice, Seigneur mon Dieu, qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet. 25 Qu'ils ne disent point dans leurs coeurs : Ah ! ah ! pour notre âme ; et qu'ils ne disent point non plus : Nous le dévorerons.
Il expose ici la procédure du jugement. Car trois choses sont requises dans un jugement.
D'abord, que le juge assume sa charge pour juger.
Puis qu'il considère les mérites de la cause.
Enfin qu'il profère une sentence juste.
Concernant la première chose requise il dit : Lève-toi, c'est-à-dire de ta torpeur, et mets-toi dans la disposition de celui qui doit juger : « Leve-toi : pourquoi dors-tu, Seigneur ? »
Concernant la deuxième chose requise, il dit deux choses auxquelles le juge doit être attentif : le jugement, et la cause sur laquelle il doit proférer une sentence ; aussi dit-il : sois attentif à mon jugement, c'est-à-dire en le portant en ma faveur : « Ô Dieu, donne ton jugement au roi, et ta justice au fils du roi. »
Quant à la cause il dit : mon Dieu et mon Seigneur, [prends en main] ma cause. Ou bien au sens de procès, comme on le lit dans le texte hébreu : « [prends en main] mon procès. » - « La cause que je ne connaissais pas, je l'étudiais avec le plus grand soin. » Ou bien : ma cause, selon que la cause est la même chose que le principe, d'où il résulte une autre chose, autrement dit : [prends en main] ma cause pour laquelle moi je souffre. Et c'est l'obéissance au Père : « Il s'est humilié lui-même, s'étant fait obéissant jusqu'à la mort, et la mort de la croix. » Semblablement la cause est la charité qu'il eut à notre égard, et c'est pour cette cause qu'il souffrait.
Concernant la troisième chose requise dans un jugement, il dit : Juge-moi selon ta justice. Une version lit : « Secundum justitiam tuam (Selon ta justice) » ; une autre version lit : « Judica me secundum justitiam meam (juge-moi selon ma justice). » La première version a le même sens, c'est comme si on disait : Juge-moi selon ta loi et ta justice : car la justice de Dieu consiste à rendre à chacun selon ses mérites ; et ces derniers ne peuvent être faussés et infléchis par la vérité. Le jugement de Dieu se fait selon la vérité. Selon ma justice, c'est-à-dire celle que moi je cherche. Et l'on peut dire que ma justice et ta justice sont une même chose, c'est-à-dire la justice de Dieu qui justifie, et celle de l'homme qui est comme justifié, car notre justice vient de Dieu : « Parce que ignorant la justice de Dieu, et cherchant à établir la leur, ils ne sont pas soumis à la justice de Dieu. »
· Ensuite il demande l'effet du jugement : Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet, et à ce propos il fait deux choses.
Il demande d'abord la réprimande de leur joie insultante.
Puis il demande leur confusion : 26 Qu'ils rougissent.
L'exultation extérieure naît de la joie intérieure.
Il commence donc par demander que leur joie intérieure soit réprimée.
Puis que soit réprimée extérieurement leur joie insultante.
Ainsi, concernant la répression de leur joie intérieure, il dit : 24 Qu'ils ne se réjouissent point à mon sujet, autrement dit : que ton jugement les réprime de telle sorte qu'ils ne se réjouissent pas à mon sujet : « Tous mes ennemis ont appris mon malheur ; ils se sont réjouis. »
Concernant la répression de leur joie insultante il dit : 25 Qu'ils ne disent point dans leurs coeurs. La joie insultante est due à deux choses, et il en est de même pour la joie. Or la joie est due soit aux biens présents, soit aux biens futurs. Semblablement la joie insultante est due soit aux maux déjà accomplis, soit à accomplir.
Il demande donc d'abord que la joie insultante soit écartée à propos des maux passés ; et c'est pourquoi il dit : Qu'ils ne disent point dans leurs coeurs : Ah ! ah ! pour notre âme, c'est-à-dire que leur âme ne se félicite pas de certaines choses à mon sujet, et qu'ils ne disent point à notre âme : Nous le dévorerons. Car parfois quelqu'un opprime autrui sans exultation, mais en se laissant entraîner par sa faiblesse : et cela se voit dans le fait qu'il se repent aussitôt. Mais quand il opprime par malice, alors il se réjouit de l'avoir fait ; et c'est ce que le psalmiste dit : qu'ils ne disent point non plus : Nous le dévorerons, c'est-à-dire dans l'avenir : « Leur langue [est] un glaive acéré. » - « Leur exultation était comme [l'exultation] de celui qui dévore le pauvre en secret. »
26 Qu'ils rougissent et qu'ils soient confondus ensemble, ceux qui se félicitent de mes maux. Qu'ils soient revêtus de confusion et de honte, ceux qui disent des méchancetés sur moi.
Ici le psalmiste demande leur confusion : et il sollicite deux choses correspondant aux deux choses susmentionnées, à propos desquelles il était question de joie insultante, c'est-à-dire de maux accomplis ou à accomplir.
Il demande d'abord qu'ils soient confondus à cause des maux accomplis.
Puis qu'ils soient confondus à cause des maux à venir : Qu'ils soient revêtus de confusion.
Il commence donc par demander la rougeur de leur honte, ou la bonne confusion, ou encore la confusion éternelle ; et il dit cela sous forme de prédiction ou pour se rendre conforme à Dieu : « Voilà que mes serviteurs se réjouiront, et vous, vous serez confus. » Il poursuit en demandant pour eux d'être frappés d'incrédulité ou de crainte ; aussi dit-il : et qu'ils soient confondus ensemble. Ou en bien, autrement dit : qu'ils commencent à craindre Dieu : car la crainte initiale et chaste est spécialement appelée révérence ; et cette crainte introduit au salut, car il est écrit : « Le commencement de la sagesse est la crainte du Seigneur. » Ou, qu'ils soient toujours dans la crainte : « Comme la méchanceté est timide, elle donne un témoignage de condamnation. » - « Le bruit de la terreur est toujours à ses oreilles. » Et pourquoi ces choses leur arrivent-ils ? Parce qu'ils se glorifient de mes maux.
Ensuite il demande la confusion pour le futur et il demande certaines choses par un autre moyen, car confusion et érubescence sont une même chose : et comme celles-ci peuvent être comprises soit en bien soit en mal, ainsi en est-il ici pour la confusion et la révérence. Mais du fait qu'il ajoute : Qu'ils soient revêtus de confusion, il ajoute quelque chose. Car le mot « revêtement » (indumentum) désigne un habit. Donc de celui qui absolument parlant et dès le principe craint, on ne peut dire qu'il est revêtu d'un habit de crainte ; mais on le dit de ceux qui s'affermissent dans le mal, et qui désirent le mal : « Qu'ils soient confondus, ceux qui me persécutent, et que je ne sois pas confondu moi-même ; qu'ils tremblent de peur, eux, et que je ne tremble pas moi-même. » Et pourquoi, maintenant qu'ils sont affligés, demande-t-il davantage qu'auparavant ? Parce que la faute est plus grande, autrement dit : ils ne sont pas satisfaits de ce qu'ils ont accompli, mais ils méditent encore le mal contre moi. Tout comme les Juifs, après la mort du Christ, voulaient cacher sa résurrection en corrompant des gardes : « Éloignez de moi la vanité et les paroles mensongères. » Une version de Jérôme lit : « Qui maligna loquuntur contra me (Ceux qui disent le mal contre moi). » - « Ne multipliez point des paroles hautaines en vous glorifiant. »
27 Qu'ils exultent et se réjouissent ceux qui veulent ma justice ; et qu'ils disent toujours : Que le Seigneur soit magnifié, ceux qui veulent la paix de son serviteur. 28 Et ma langue méditera ta justice, ta louange tout le jour.
c. Le psalmiste mentionne ici le troisième fruit qui provient du secours divin : et ce fruit est la joie des saints. Et il commence par exposer le fruit de l'exultation en disant : Qu'ils exultent et se réjouissent. Or il donne comme fruit la manifestation de la joie (jucunditas) des saints, car la joie exprime la dilatation du coeur, aussi signifie-t-elle la joie intérieure : « Tu as dilaté mon coeur. » Et cette joie se trouve à proprement parler chez les justes : « La lumière s'est levée pour le juste, et la joie pour les [hommes] droits de coeur. » L'exultation exprime la joie extérieure qui éclate de l'intérieur ; et cette exultation convient aux justes : « Justes, exultez dans le Seigneur. » Et cela convient aux hommes droits ; aussi dit-il : ceux qui veulent ma justice, c'est-à-dire l'imiter.
Ou bien si on l'applique à la personne de David : ceux qui veulent ma justice, ce sont ceux qui se réjouissent de mes biens ; telle est la joie du coeur, et de cette joie résulte l'exultation de la bouche : « On y trouvera la joie et l'allégresse, l'action de grâce et la voix de la louange. » Et c'est pourquoi il ajoute : qu'ils disent toujours : « Que le Seigneur soit magnifié », c'est-à-dire que les saints magnifient Dieu. Car ce n'est pas nous en vérité qui faisons qu'il est grand, mais il nous appartient de publier et de prêcher sa grandeur : « Magnifiez le Seigneur avec moi : et exaltons tous ensemble son nom. » - « Glorifiez le Seigneur autant que vous pourrez ; car sa gloire l'emportera encore, et admirable est sa magnificence. » Et encore : « Qui le magnifiera tel qu'il est ? » Et quels sont ceux qui font cela ? Certainement ceux qui veulent la paix de son serviteur, c'est-à-dire du Christ selon sa nature humaine : paix que le Christ a faite et donne, car « c'est lui qui est notre paix, lui qui des deux choses en a fait une seule ». - « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. » - « Je vous ai dit ces choses, afin qu'en moi vous ayez la paix. »
Mais si l'on interprète ces mots à partir de la personne de David, en voici le sens : qui veulent la paix de son serviteur, c'est-à-dire que ceux-là exultent et se réjouissent, qui veulent que son serviteur, à savoir moi, ait la paix.
Et ma langue. Ici il montre que lui-même aussi est associé à cette joie, autrement dit : ce ne sont pas seulement ceux-là qui ont la joie, mais moi aussi je suis associé à la joie des saints. Et à ce propos il expose deux choses.
D'abord la méditation intérieure.
Puis la louange intérieure.
Ainsi en parlant de la méditation intérieure il dit : Et ma langue méditera ta justice.
On peut objecter que méditer ne concerne pas la langue, mais le coeur.
Il y a une triple réponse à cette objection.
1. Selon une première manière on dira que la langue médite, c'est-à-dire exprime les choses méditées : « Ma bouche proférera la sagesse », c'est-à-dire la sagesse méditée. Celui qui est juste parle avec préméditation ; ainsi en est-il du sage.
2. Selon une autre manière on dira qu'il y a une double bouche ou une double expression : intérieure et extérieure : « Ce qui sort de la bouche », c'est-à-dire du coeur, « voilà ce qui souille l'homme ». Et c'est en ce sens que la langue est prise ici, c'est-à-dire la langue intérieure.
3. Selon une troisième manière, ainsi : ma langue méditera, c'est-à-dire chantera, et rythmera, ta louange tout le jour, c'est-à-dire pensera sans cesse à la manière de te louer : « Je bénirai le Seigneur en tout temps : toujours sa louange sera en ma bouche. »