1 Pour la fin. Au serviteur de Dieu.
2 L'homme injuste a dit en lui-même qu'il pécherait ; la crainte de Dieu n'est pas devant ses yeux. 3 Car il a agi frauduleusement en sa présence ; en sorte que son iniquité s'est trouvée [portée] jusqu'à la haine. 4 Les paroles de sa bouche sont iniquité et tromperie ; il n'a pas voulu acquérir l'intelligence pour qu'il fit bien. 5 Il a médité l'iniquité sur son lit : il s'est arrêté dans toute voie qui n'était pas bonne ; et la malice, il ne l'a point haïe.
6 Seigneur, dans le ciel est ta miséricorde ; et ta vérité [s'élève] jusqu'aux nues. 7a Ta justice est comme les montagnes de Dieu, tes jugements sont un abîme profond.
7b Tu sauveras, Seigneur, les hommes et les animaux, 8a puisque tu as, ô Dieu, multiplié ta miséricorde.
8b Mais les enfants des hommes espéreront à l'abri de tes ailes. 9 Ils seront enivrés de l'abondance de ta maison : et tu les abreuveras du torrent de tes délices. 10a Parce qu'auprès de toi est la source de la vie.
10b Et que dans ta lumière nous verrons la lumière.
11 Étends ta miséricorde à ceux qui te connaissent, et ta justice à ceux qui ont le coeur droit. 12 Que le pied du superbe ne vienne pas jusqu'à moi : et que la main du pécheur ne m'ébranle point.
13 Là sont tombés ceux qui opèrent l'iniquité ; ils ont été chassés et n'ont pas pu se soutenir.
1 Pour la fin. Au serviteur de Dieu.
2 L'homme injuste a dit en lui-même qu'il pécherait ; la crainte de Dieu n'est pas devant ses yeux. 3 Car il a agi frauduleusement en sa présence ; en sorte que son iniquité s'est trouvée [portée] jusqu'à la haine. 4 Les paroles de sa bouche sont iniquité et tromperie ; il n'a pas voulu [acquérir] l'intelligence pour qu'il fit bien. 5 Il a médité l'iniquité sur son lit : il s'est arrêté dans toute voie qui n'était pas bonne ; et la malice, il ne l'a point haïe.
Dans le psaume précédent le psalmiste a imploré le secours de Dieu contre les persécutions des pécheurs ; mais ici il décrit le mal des pécheurs. Ce psaume s'intitule : Pour la fin. Au serviteur de Dieu. Et ce qu'il dit est nouveau : Au serviteur de Dieu. Celui-là est un fidèle serviteur, qui n'usurpe pas les biens de son maître, et qui ne rejette pas sur son maître ses propres maux. Car il en est qui rejettent leurs péchés sur Dieu, en disant qu'ils pèchent par nécessité : et ils revendiquent pour eux leurs propres biens, en disant qu'ils les détiennent par leur propre pouvoir. David, lui, fait le contraire : et à ce sujet le psalmiste mentionne deux choses.
I) Il commence par faire mention des maux qui sont en nous et qui viennent de nous.
Il) Puis des biens qui sont en nous grâce à Dieu : 6 Seigneur, dans le ciel est ta miséricorde.
I. En faisant mention des maux, etc., il fait deux choses.
A) Il expose d'abord la racine du mal.
B) Puis l'extension du mal à partir de sa racine : Les paroles de sa bouche.
A. La racine du mal est l'intention.
1) Il expose donc d'abord l'intention mauvaise.
2) Puis il en donne la cause : la crainte de Dieu n'est pas devant ses yeux.
3) Enfin il le prouve : Car il a agi frauduleusement.
1. Comme le dit le Philosophe, dans son traité de l'Éthique à Nicomaque, ici quelqu'un commet un acte injuste et n'est pas justifié ; là quelqu'un commet un acte injuste et est justifié, mais il n'est pas injuste ; ou encore quelqu'un commet un acte injuste et est justifié, et est injuste.
Celui-là commet le premier acte injuste, qui garde un bien d'autrui qu'il répute comme sien.
Celui-là commet le deuxième acte, qui n'agit pas par habitude, mais qui commet un acte injuste sous la passion, cette passion venant à cesser il rend le bien d'autrui.
Celui-là commet le troisième acte, qui commet un acte injuste intentionnellement ; et c'est pourquoi il dit : L'homme injuste a dit, c'est-à-dire a délibéré intentionnellement, en lui-même qu'il pécherait : car il est en son pouvoir de se proposer de pécher, et cela ne dépend pas du destin lié aux étoiles : « Dieu dès le commencement a créé l'homme, et il l'a laissé dans la main de son propre conseil. » Mais la progression que l'on ne peut réfréner dans l'acte de pécher est due au fait que l'on écarte l'obstacle au péché. Or on dit qu'il y a péché contre l'Esprit-Saint, quand on pèche avec une certaine malice, et cela se réalise quand l'obstacle est écarté. Et cet obstacle est la crainte du Seigneur : « C'est par la crainte du Seigneur qu'on se détourne du mal. » - « Autant qu'il est en toi, tu as anéanti la crainte de Dieu, et tu as détruit les prières devant Dieu. »
2. Et c'est pourquoi il dit : la crainte de Dieu n'est pas devant ses yeux. La crainte réside dans le sentiment, mais la cause de la crainte se trouve dans les yeux, du fait qu'ils ne considèrent pas le jugement de Dieu : « Ils détournèrent leurs yeux afin de ne pas voir le ciel, et de ne pas se souvenir des justes jugements. »
3. Mais la cause est due au fait qu'il a agi frauduleusement. Lorsque quelqu'un commet sous les yeux d'un roi quelque chose qui lui est odieux, c'est le signe qu'il ne le craint pas ; ainsi lorsque le pécheur commet un péché devant Dieu qui voit toutes choses, c'est le signe qu'il ne craint pas Dieu, puisqu'en sa présence, à savoir de Dieu, il a agi frauduleusement, c'est-à-dire a commis une fraude : « Tout est à nu et à découvert aux yeux de celui dont nous parlons. » Et il dit : frauduleusement, car extérieurement il profère une chose, et en simule une autre intérieurement : « Le Seigneur aura en abomination l'homme de sang et le fourbe. » - « Les dissimulés et les astucieux provoquent la colère de Dieu. » Et c'est pourquoi son iniquité s'est trouvée [portée] jusqu'à la haine, c'est-à-dire son iniquité est telle que Dieu l'a en haine. Et le signe que Dieu hait de tels simulateurs, c'est que dans les évangiles Dieu s'emporte beaucoup contre les simulateurs. Une autre version lit : « In conspectu suo, ut inveniret iniquitatem suam, et odisset (En sa présence, pour qu'il trouve son iniquité et qu'il la prenne en haine). » Il arrive que quelqu'un examine sa conscience afin de trouver son iniquité et de la haïr : il agit en cela souvent frauduleusement, car il n'examine pas bien, mais traite avec légèreté les fautes graves, et s'appesantit sur les fautes légères. Et c'est pourquoi il dit : il a agi frauduleusement en sa présence, c'est-à-dire dans la conscience ; car s'il avait haï loyalement son iniquité, il l'aurait examinée.
Ou bien, selon le même sens : en sa présence, à savoir de Dieu, c'est-à-dire selon le langage de la Sainte Écriture, qu'ils n'écoutent pas attentivement sa vérité, ou celle de l'Esprit-Saint, mais qu'ils agissent frauduleusement ; et cela, parce qu'ils ne trouvent pas l'iniquité en eux.
B. Ensuite il expose ce qui procède de la racine du mal.
1) Et il expose d'abord les péchés de la bouche.
2) Puis ceux du coeur et des actes.
1. L'homme commet un péché par la bouche de deux manières : ou bien par une malice manifeste, lorsqu'il ment manifestement ; et c'est ce qu'il dit : Les paroles de sa bouche sont iniquité. - « Vous ne trouverez pas d'iniquité sur ma langue. » Ou bien par une fraude cachée, et c'est la ruse : « C'est une flèche blessante que leur langue ; elle a proféré la ruse. »
2. Quelqu'un pèche dans le coeur de deux manières : par mépris du bien, et par zèle pour le mal. Il arrive que l'un pèche par faiblesse, l'autre par ignorance. Mais lorsqu'il s'agit d'une ignorance simulée, alors le péché est grave : « Ils ont dit à Dieu : Retire-toi de nous ; nous ne voulons pas connaître tes voies. » Et c'est pourquoi il dit : il n'a pas voulu [acquérir] l'intelligence pour qu'il fit bien ; aussi a-t-il voulu comprendre avec curiosité, et non dans le but de bien agir : « Ils sont intelligents pour faire le mal, mais faire le bien, ils ne le savent pas. » Semblablement l'homme pèche parfois par zèle pour la malice ; aussi dit-il : Il a médité l'iniquité sur son lit, c'est-à-dire dans son coeur : « La pensée de l'insensé est péché ; et c'est l'abomination des hommes que le médisant. »
il s'est arrêté. Ici il expose ce qui est commis en acte.
a) Et il commence par exposer la collaboration de l'homme injuste avec le mal.
b) Puis le fait qu'il ne s'oppose pas au mal.
a. En parlant de sa collaboration avec le mal il dit : il s'est arrêté dans toute voie qui n'était pas bonne, c'est-à-dire a vécu et a donné sa faveur à toute voie mauvaise, ou bien à tout acte mauvais : « Les rois de la terre se sont levés. »
b. En parlant de son opposition au mal il dit : la malice, il ne l'a point haïe. - « Tu as aimé la malice plus que la bénignité ; et un langage d'iniquité plutôt que d'équité. » - « Comme le mal est doux à sa bouche, il le cachera sous sa langue. »
6 Seigneur, dans le ciel est ta miséricorde ; et ta vérité [s'élève] jusqu'aux nues. 7a Ta justice est comme les montagnes de Dieu, tes jugements sont un abîme profond.
II. Ici le psalmiste montre ce qu'il a reçu de Dieu.
A) Et il énumère d'abord les biens eux-mêmes.
B) Puis il demande que ces biens lui soient donnés : 11 Étends ta miséricorde, etc.
A. En énumérant ces biens il fait deux choses.
1) Il commence par faire connaître la cause des biens qu'il a reçus de Dieu.
2) Puis il énumère les biens eux-mêmes : les hommes et les animaux.
1. Et il commence :
a) Par faire valoir la cause.
b) Puis il fait connaître la profondeur des effets : tes jugements sont un abîme profond.
a. Tout ce que Dieu fait en nous est dû ou bien à sa justice, ou bien à sa miséricorde, ou bien à sa vérité.
À sa justice, lorsqu'il récompense en vertu des mérites.
À sa vérité, lorsqu'il récompense ce qu'il promet.
À sa miséricorde, lorsqu'elle dépasse les mérites et les promesses.
Donnons une preuve de ces trois choses.
La justice de Dieu est élevée, car nul ne mérite au point que Dieu rende davantage. La vérité est plus élevée, car Dieu promet et s'acquitte d'une dette que nous n'avons jamais méritée, comme l'Incarnation, et d'autres choses qui sont relatives au mystère de la Rédemption. Mais la miséricorde est la plus élevée, parce qu'il accorde ce que nous ne pouvons pas imaginer : « Ce que l'oeil n'a point vu, ce que l'oreille n'a point entendu, ce qui n'est point monté dans le coeur de l'homme, ce que Dieu a préparé à ceux qui l'aiment. » Et c'est pourquoi il compare la justice aux montagnes, la vérité aux nues, lesquelles sont plus élevées, la miséricorde aux cieux, lesquels surpassent toutes choses.
Il dit : Seigneur, [jusqu'au] ciel est ta miséricorde, c'est-à-dire la cause de tous mes biens est dans le ciel : « Le Seigneur est doux pour tous, et ses commisérations s'étendent sur toutes ses oeuvres. » - « Je me souviendrai des commisérations du Seigneur. »
et ta vérité [s'élève] jusqu'aux nues. Ta justice est comme les montagnes de Dieu. Toutes ces choses sont dites selon leurs effets, car selon leur essence elles sont les mêmes. Au sens mystique, par ces trois choses on entend les justes, car dans les justes eux-mêmes on trouve la justice, la vérité et la miséricorde. Les justes sont signifiés par le ciel à cause de la rétribution et de la charité : « Réjouissez-vous et tressaillez de joie, parce que votre récompense est grande dans les cieux. » Semblablement, en eux brille surtout la miséricorde, car ils sont absolument libérés de toute tribulation. Tandis que nous, nous sommes encore dans les calamités. Par nues on entend les docteurs : « Je commanderai aux nuées de ne pas répandre de pluie sur [ma vigne]. » Et en ceux-ci brille la vérité qu'ils manifestent.
Par montagnes on entend les hommes saints.
b. Et que résulte-t-il de toutes ces choses ? Que ces jugements sont un abîme profond, c'est-à-dire incompréhensibles : « Que ses jugements sont incompréhensibles et ses voies impénétrables ! »
7b Tu sauveras, Seigneur, les hommes et les animaux, 8a puisque tu as, ô Dieu, multiplié ta miséricorde.
2. Plus haut le psalmiste a fait l'éloge de la justice de Dieu, de sa vérité et de sa miséricorde, et de ses jugements, d'où nous proviennent les biens ; mais ici il énumère ces biens : et à cet égard il fait deux choses.
a) Il commence par rappeler les biens qu'il accorde en général à toute créature.
b) Puis les biens particuliers qu'il confère à la créature raisonnable : Mais les enfants des hommes.
a. En traitant du don des biens en général il fait deux choses.
- Il rappelle d'abord les biens qui d'une manière générale proviennent de Dieu.
- Puis il manifesté son admiration pour la miséricorde divine : puisque tu as, ô Dieu, multiplié ta miséricorde.
- Je dis donc que ta miséricorde est grande, et que grâce à celle-ci tu sauves les hommes et les animaux, c'est-à-dire les créatures raisonnables et sans raison. Ou bien par les hommes on entend les justes, par les animaux les pécheurs eux-mêmes, qui sont sauvés temporellement par Dieu : lui « qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes et les injustes ». - « L'homme, lorsqu'il était en honneur, ne l'a pas compris : Il a été comparé aux animaux sans raison, et il est devenu semblable à eux. » Et ce salut général appartient à tous sur deux points : sur le salut du corps : « Il n'y a pas de richesse plus grande que la santé (salus) du corps » ; et sur la dispensation des biens : « Sauve-moi, mon Seigneur le roi. Le roi répondit : Le Seigneur ne te sauve pas : au moyen de quoi puis-je te sauver ? au moyen de l'aire ou du pressoir ? »
- Ensuite il admire la miséricorde divine : puisque tu as, ô Dieu, multiplié, à savoir puisque tu as beaucoup multiplié ta miséricorde, c'est-à-dire que tu sauves non seulement les hommes, mais aussi les animaux. Ou bien parce qu'il t'appartient de prendre soin non seulement des justes, mais aussi des pécheurs, quant aux biens temporels que tu as multipliés pour eux. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « Quam pretiosa est misericordia tua Domine, etc. (Comme elle est précieuse ta miséricorde, Seigneur, etc.). » En effet grande est la miséricorde de Dieu, puisqu'il sauve tous les hommes ; grande elle est aussi, car il donne plus à chacun qu'il n'a mérité : « Ta miséricorde est grande envers moi. »
8b Mais les enfants des hommes espéreront à l'abri de tes ailes.
9 Ils seront enivrés de l'abondance de ta maison : et tu les abreuveras du torrent de tes délices. 10a Parce qu'auprès de toi est la source de la vie.
b. Ici le psalmiste expose les biens spirituels, qui sont au nombre de trois : confiance, réfection spirituelle, et connaissance intelligible ; et ces biens correspondent aux degrés des êtres.
- Certains d'entre ces êtres existent seulement, d'autres existent et vivent, d'autres encore, en plus de l'existence et de la vie, sont doués d'intelligence ; et parmi ces êtres, la créature raisonnable participe d'une certaine éternité, car l'âme raisonnable ne périt pas. Et c'est pourquoi il dit : les enfants des hommes, c'est-à-dire les enfants du Christ Dieu ; ou bien par enfants des hommes on entend généralement tous les hommes. espéreront à l'abri de tes ailes. Et il parle en usant d'une métaphore. La poule protège ses poussins de ses ailes pour qu'ils ne soient pas tués ; ainsi Dieu lui-même protège spirituellement la créature raisonnable afin qu'elle ne s'affaiblisse pas dans son âme : « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu n'as pas voulu. » - « À l'ombre de sa main il m'a protégé. » Ou bien, à l'abri, c'est-à-dire sous la protection spirituelle. Et ainsi les deux ailes sont la doctrine du Nouveau et de l'Ancien Testament.
- Semblablement les êtres qui vivent ici-bas se refont avec une nourriture appropriée.
· Et il expose d'abord la réfection elle-même.
· Puis il expose sa cause : auprès de toi.
· La réfection spirituelle consiste en deux choses : dans les dons de Dieu, et dans sa douceur. En parlant des dons de Dieu il dit : Ils seront enivrés de l'abondance de ta maison. La maison, c'est l'Église : « Afin que tu saches comment te conduire dans la maison de Dieu, qui est l'Église du Dieu vivant. » Et cette maison, qui se trouve seulement sur terre, est parfois transférée dans les cieux : « Je me suis réjoui des paroles qui m'ont été dites : Nous irons [joyeux] dans la maison du Seigneur. » Dans l'une comme dans l'autre, il y a l'abondance des dons de Dieu ; mais dans l'Église ici-bas elle est imparfaite, tandis que dans l'autre l'abondance de tous les biens est absolument parfaite, et les hommes spirituels sont rassasiés de cette abondance : « Nous serons remplis des biens de ta maison. » Et qui plus est, ils seront enivrés, en tant que leurs désirs seront comblés au-delà de toute la mesure de leur mérite : car l'ébriété est un certain excès : « L'oeil n'a pas vu, ô Dieu, toi excepté, ce que tu as préparé à ceux qui t'attendent. » - « Mangez, mes amis, et buvez ; enivrez-vous, mes bien-aimés. » Et ceux qui sont ivres ne sont pas en eux-mêmes, mais en dehors d'eux-mêmes. Ainsi ceux qui sont remplis des charismes spirituels ont toute leur attention portée vers Dieu : « Pour nous, notre cité est dans les cieux, d'où nous attendons aussi comme Sauveur, le Seigneur Jésus-Christ. » Et non seulement ils sont refaits par les dons, mais aussi par l'amour de Dieu : « Alors tu abonderas en délices dans le Tout-Puissant, et tu élèveras ta face vers Dieu. » Et c'est pourquoi il dit en parlant de la seconde chose, c'est-à-dire de la douceur de Dieu : et tu les abreuveras du torrent de tes délices. Il s'agit de l'amour de l'Esprit-Saint qui fait irruption dans l'âme à la manière d'un torrent : « Ils craindront, ceux qui sont de l'Occident, le nom du Seigneur, et ceux qui sont du Levant, sa gloire ; lorsqu'il viendra comme un fleuve impétueux, que l'esprit du Seigneur agite. » Et il est dit de tes délices, parce qu'il produit dans l'âme les délices et la douceur : « Qu'il est bon et doux, Seigneur, ton esprit en toutes choses ! » Et les bons sont abreuvés par ce breuvage : « Ils ont tous bu le même breuvage spirituel. » Ou bien : du torrent de tes délices, c'est-à-dire de Dieu, qui est appelé torrent : « C'est un torrent débordant que la source de la sagesse », car sa volonté est si efficace que rien ne peut lui résister, pas même un torrent : « Qui résiste à sa volonté ? »
· Mais la cause d'une telle réfection est due au fait qu'ils sont unis à la source : et de même que ceux qui tiennent leur bouche à la source du vin sont enivrés ; ainsi ceux qui tiennent leur bouché, c'est-à-dire leur désir, à la source de la vie et de la douceur, sont enivrés : « L'un souffre de la faim et l'autre est ivre. » Et ils sont ainsi enivrés, Parce qu'auprès de toi est la source de la vie. Mais si on l'applique au Père, en voici le sens : auprès de toi est la source de la vie, c'est-à-dire ton Verbe vivifiant toutes choses, est auprès de toi. - « Le Verbe était auprès de Dieu. » - « Ils m'ont abandonné, moi, source d'eau vive », moi qui suis en vérité la source de la vie, c'est-à-dire les biens spirituels, grâce auxquels toutes choses sont vivifiées.
- Enfin il y a la connaissance intelligible grâce à laquelle les hommes, ou les créatures raisonnables, participent d'une certaine éternité ; c'est pourquoi il dit : 10b Et que dans ta lumière nous verrons la lumière.
La créature raisonnable a deux privilèges.
· Le premier consiste en ce que la créature raisonnable voit dans la lumière de Dieu, et que les autres animaux ne voient pas dans la lumière de Dieu ; c'est pourquoi il dit : dans ta lumière. On ne l'entend pas de la lumière créée par Dieu, car tel est le sens de ce qui est rapporté dans la Genèse : « Que la lumière soit. » Mais dans ta lumière, c'est-à-dire avec laquelle toi tu brilles, lumière qui est une similitude de ta substance. Les animaux dénués de raison ne participent pas de cette lumière ; mais la créature raisonnable participe d'abord de cette lumière par la connaissance naturelle : car l'intelligence naturelle de l'homme n'est rien d'autre que le resplendissement (refulgentia) de la clarté divine dans l'âme : c'est par cette clarté qu'elle est à l'image de Dieu : « Elle a été gravée sur nous la lumière de ton visage. » Puis elle participe de la lumière de la grâce : « Lève-toi d'entre les morts, et le Christ t'illuminera. » Enfin elle participe de la lumière de la gloire : « Lève-toi, reçois la lumière, Jérusalem, parce qu'elle est venue ta lumière, et que la gloire du Seigneur sur toi s'est levée. »
Ou bien : dans ta lumière, c'est-à-dire dans le Christ, qui est lumière de la lumière : et cette lumière est telle qu'il est le vrai Dieu. Donc le Christ est lumière en tant qu'il procède du Père ; il est source de la vie, en tant qu'il est principe de l'esprit vivifiant.
· L'autre privilège consiste dans le fait que seule la créature raisonnable voit cette lumière ; aussi dit-il : nous verrons ta lumière. Cette lumière est ou bien la vérité créée, c'est-à-dire le Christ en tant qu'homme, ou bien la vérité incréée par laquelle nous connaissons des choses vraies. En effet la lumière spirituelle est la vérité : car de même que par la lumière une chose est connue en tant que lucide, ainsi connaît-on une chose dans la mesure où elle est vraie. Les animaux dénués de raison connaissent bien certaines vérités, par exemple que cela est doux, mais non la vérité de cette proposition « cela est vrai » ; car « cela » consiste en l'équivalence de cette intelligence avec la réalité intelligible, ce que les animaux dénués de raison ne peuvent faire. Donc les animaux sans raison n'ont pas la lumière créée. Semblablement ils n'ont pas la lumière incréée, car seul l'homme a été fait pour voir Dieu par la foi et par l'espérance : et de même que nous voyons à présent par la foi dans la lumière, ainsi nous le verrons face à face, lorsque nous serons dans la Patrie.
11 Étends ta miséricorde à ceux qui te connaissent, et ta justice à ceux qui ont le coeur droit 12 Que le pied du superbe ne vienne pas jusqu'à moi : et que la main du pécheur ne m'ébranle point.
B. Ici le psalmiste se tourne vers la prière, et il demande la miséricorde.
1) Et il formule une demande pour les autres.
2) Puis pour lui : Que ne vienne pas jusqu'à moi.
1. Il demande deux choses selon les deux genres d'hommes qui vivent dans la demeure du Seigneur : car certains connaissent Dieu par la foi ; d'autres adhèrent aussi à lui par la justice. Donc ceux qui ne connaissent pas Dieu ne sont pas dans sa demeure ; mais ceux qui ont la foi peuvent être exposés au péché, et c'est pourquoi il demande pour eux la miséricorde, aussi dit-il : Ô Seigneur, à ceux qui te connaissent, c'est-à-dire par la foi - et il appelle connaissance la science à cause d'une adhésion sûre -, à ces derniers Étends, c'est-à-dire élargis, étends vers eux, ta miséricorde, en ayant pitié de leurs péchés : « Ce n'est pas un peuple sage ; à cause de cela, il n'aura pas pitié de lui, celui qui l'a fait ; et celui qui l'a formé ne l'épargnera pas. » - « Que celui qui se glorifie se glorifie de cela, de me connaître, et de savoir que c'est moi qui suis le Seigneur. » Mais à ceux qui ont le coeur droit, c'est-à-dire qui ont le coeur droit et qui se sont affermis pour toi par la charité, Étends à eux, c'est-à-dire élargis, ta justice, c'est-à-dire la couronne qu'ils ont méritée, car ceux-ci méritent déjà la couronné : « Reste la couronne de justice qui m'est réservée, que le Seigneur, juste juge, me rendra en ce jour ; et non seulement à moi, mais encore à ceux qui aiment son avènement. » Et c'est pourquoi il demande pour eux des choses justes.
2. Il demande deux choses pour lui.
a. Il demande d'abord d'être préservé du péché, et ce, en écartant deux causes du péché. L'une est intérieure, et c'est l'orgueil qui est le commencement de tout péché ; aussi dit-il : Que le pied du superbe ne vienne pas jusqu'à moi, c'est-à-dire que le sentiment de celui qui s'enorgueillit s'éloigne de moi : « Ne me donne point des yeux altiers. » L'autre cause est extérieure, c'est lorsqu'on est incité par quelqu'un à pécher : « Préserve ton serviteur [de la corruption] des étrangers. »
b. Et c'est pourquoi il dit : que la main du pécheur ne m'ébranle point, c'est-à-dire que les séductions et les promesses, et les flatteries ne m'amènent pas à pécher.
13 Là sont tombés ceux qui opèrent l'iniquité ; ils ont été chassés et n'ont pu se soutenir.
Ici est donnée la justification de sa demande : et elle est double. D'abord, parce que le pied est une occasion de chute : comme lorsque quelqu'un tombe à cause de son pied qui lui fait mal ; et c'est pourquoi il dit : Là, c'est-à-dire par le pied de l'orgueil, sont tombés. Ainsi « le commencement de tout péché est l'orgueil ». Car la raison pour laquelle l'homme pèche vient du fait qu'il ne se maintient pas sous la règle de la loi divine. Mais de l'orgueil procède l'arrogance : « Que celui donc qui se croit être ferme », c'est-à-dire par l'orgueil, « prenne garde de tomber ». Et il dit : ceux qui opèrent, non ceux qui ont opéré, car quelqu'un pèche quelquefois par faiblesse, ou par ignorance, et celui-là ne demeure pas dans le péché ; mais celui qui pèche par orgueil persiste dans le péché, car il est écrit : « Ils se réjouissent lorsqu'ils ont mal fait, et tressaillent de joie dans les choses les plus mauvaises. »
Semblablement, une autre justification de sa demande est la précipitation d'autrui ; aussi dit-il : ont été chassés, c'est-à-dire ont été précipités tandis qu'ils se sont vainement enorgueillis, comme ont été chassés du ciel Lucifer, et l'homme du paradis à cause de leur orgueil.
n'ont pu se soutenir. - « Il le chassera de la lumière dans les ténèbres, et il le transportera hors de l'univers. » Mais l'humilité fait tenir debout : « Nos pieds se tenaient dans tes parvis, ô Jérusalem. »