1 Psaume par David lui-même.
N'envie pas ceux qui font le mal, et ne jalouse pas ceux qui commettent l'iniquité. 2 Parce que, comme le foin, ils sécheront en un instant, et comme les herbes légumineuses, ils tomberont promptement.
3 Espère dans le Seigneur, et fais le bien : et habite la terre, et tu seras rassasié de ses richesses.
4 Mets tes délices dans le Seigneur, et il t'accordera les demandes de ton coeur. 5 Révèle au Seigneur ta voie, espère en lui, et lui fera.
6 Il fera éclater ta justice comme la lumière, et ton jugement comme le milieu du jour. 7a Sois soumis au Seigneur, et prie-le.
7b N'envie pas celui qui prospère dans sa voie, l'homme qui commet des injustices.
8 Renonce à la colère et laisse la fureur : n'envie pas [les méchants] pour faire le mal. 9 Parce que ceux qui font le mal seront exterminés ; mais ceux qui attendent avec constance le Seigneur, ceux-là mêmes hériteront de la terre.
10 Encore un peu de temps, et le pécheur ne sera plus : et tu chercheras son lieu, et tu ne le trouveras pas.
11 Mais les hommes doux hériteront de la terre, et ils jouiront d'une abondance de paix.
12 Le pécheur observera le juste, et grincera des dents contre lui.
13 Mais le Seigneur se rira de lui, parce qu'il voit que viendra son jour.
14 Les pécheurs ont tiré le glaive : ils ont tendu leur arc, afin de tromper le pauvre et l'homme sans ressources, afin de tuer les [hommes] droits de coeur. 15 Que leur glaive entre dans leur propre coeur, et que leur arc soit brisé.
16 Mieux vaut au juste un bien modique, que les grandes richesses des pécheurs.
17 Parce que les bras des impies seront brisés ; mais le Seigneur affermit les justes.
18 Le Seigneur connaît les jours des [hommes] sans tache, et leur héritage sera éternel.
19 Ils ne seront point confondus au temps mauvais, et dans les jours de famine, ils seront rassasiés. 20 Parce que les pécheurs périront, mais les ennemis du Seigneur, honorés et exaltés un moment, comme une fumée, s'évanouiront entièrement.
21 Le pécheur empruntera et ne payera pas ; mais le juste est compatissant, et il rendra. 22 Car ceux qui le bénissent hériteront de la terre, mais ceux qui le maudissent périront totalement.
23 Par le Seigneur les pas de l'homme seront dirigés, et il voudra sa voie. 24 Lorsqu'il tombera, il ne sera point brisé, parce que le Seigneur met sa main sous [lui].
25 J'ai été jeune et j'ai vieilli ; et je n'ai point vu le juste abandonné, ni sa race cherchant du pain. 26 Tout le jour il a pitié et il prête ; sa race sera en bénédiction.
27 Détourne-toi du mal et fais le bien, et tu auras une habitation dans les siècles des siècles. 28a Parce que le Seigneur aime la justice, et il ne délaissera pas ses saints : ils seront conservés éternellement.
28b Les injustes seront punis, et la race des impies périra. 29 Mais les justes hériteront de la terre ; et ils y habiteront dans les siècles des siècles.
30 La bouche du juste méditera la sagesse, et sa langue dira l'équité. 31 La loi de Dieu est dans son coeur, et ses pas ne chancelleront pas.
32 Le pécheur considère le juste ; et il cherche à le faire mourir. 33 Mais le Seigneur ne l'abandonnera pas dans ses mains ; et ne le condamnera pas quand on le jugera.
34 Attends le Seigneur, et garde sa voie ; et il t'exaltera, afin que tu prennes la terre en héritage ; lorsque les pécheurs auront péri, tu [le] verras.
35 j'ai vu l'impie exalté et élevé comme les cèdres du Liban. 36 Et j'ai passé, et voilà qu'il n'était plus ; je l'ai cherché, et son lieu n'a pas été trouvé.
37 Garde l'innocence, et vois l'équité ; parce que des restes sont [assurés] à l'homme pacifique. 38 Mais les injustes périront entièrement tous ensemble ; les restes des impies mourront. 39 Mais le salut des justes vient du Seigneur, et [il est] leur protecteur au temps de la tribulation. 40 Et le Seigneur les aidera, et les libérera ; il les arrachera aux pécheurs, et il les sauvera, parce qu'ils ont espéré en lui.
1 Psaume par David lui-même.
N'envie pas ceux qui font le mal, et ne jalouse pas ceux qui commettent l'iniquité. 2 Parce que, comme le foin, ils sécheront en un instant, et comme les herbes légumineuses, ils tomberont promptement.
Le psalmiste a demandé plus haut le secours divin contre les pécheurs, et il a montré leur malice ; mais ici il enseigne le devoir de mépriser leur bonheur.
Le titre de ce psaume n'est pas nouveau. Et l'intention est de montrer que les prospérités des impies ne sont pas à prendre en considération. À ce propos le psalmiste fait trois choses.
1) Il parle d'abord de l'intention du psaume.
Il) Puis il donne des raisons en général : Parce que, comme le foin.
III) Enfin il les explique en détail : 7b N'envie pas celui qui prospère.
I. En parlant d'abord de l'intention du psaume il fait deux choses.
A) Car il commence par écarter des bons l'envie des méchants.
B) Puis leur jalousie : ne jalouse pas.
A. Ainsi dit-il : N'envie pas. Le psalmiste expose ici une chose du côté des pécheurs par mode de désignation. Et à partir de cela il mentionne ceux qui font le mal et qui commettent l'iniquité. Il en expose une autre du côté des bons par mode d'interdiction, et il en rapporte deux : N'envie pas, et ne jalouse pas.
Or il désigne les pécheurs d'abord quant à leur intention mauvaise, parce qu'ils font le mal : car la malice appartient au coeur ; aussi dit-on de quelqu'un qu'il est malin (malignus), comme s'il était habité par un feu mauvais (malus ignis), c'est-à-dire que lorsque quelqu'un commet une action avec une intention mauvaise, on appelle cela une délibération maligne.
Puis il les désigne quant à leur exécution perverse ; aussi dit-il : qui commettent l'iniquité ; mais il dit à n'importe quel juste : N'envie pas ceux qui font le mal. Selon le Philosophe, dans son deuxième livre de l'Éthique, quatre choses se rapportent a un même genre de passions : la miséricorde, l'envie, la jalousie et l'indignation (némêsis), et toutes ces choses causent une tristesse à propos de ce qui échoit aux autres ; mais la miséricorde et l'envie s'appliquent à ceux auxquels échoient des biens, tandis que les deux autres s'appliquent à ceux auxquels échoient des maux. Car l'envie est une tristesse éprouvée à propos de la prospérité des bons, mais la miséricorde est une tristesse éprouvée à propos du malheur des bons. Il y a jalousie à proprement parler, lorsque quelqu'un s'afflige du bien d'autrui, non du fait qu'il est en possession d'un bien, mais du fait que lui-même n'est pas en possession de ce bien. L'indignation (némêsis) est une tristesse éprouvée à propos des biens qui échoient à ceux qui en sont indignes. Mais parce qu'il parle ici des méchants, il ne fait pas mention des deux premiers. Mais ici il faut faire remarquer que si quelqu'un s'indigne ou envie la prospérité des méchants, il n'est pas méprisé selon les philosophes, qui ont traité de la prospérité civile, dans laquelle certaines choses peuvent être regardées comme grandes, si elles sont considérées en elles-mêmes, non dans leur rapport avec les réalités éternelles. Mais si elles sont comparées aux réalités spirituelles, puisque aucune réalité temporelle, quelle que soit sa grandeur, ne peut être comparée aux réalités éternelles, l'envie n'a pas de place dans de telles réalités ; et c'est pourquoi les méchants ne doivent pas être enviés pour ces biens qui leur échoient. C'est pourquoi les théologiens observant la divine providence dans ces biens qui échoient indistinctement aux bons comme aux méchants, à ceux qui en sont dignes ou indignes, ne s'affligent pas quand ils adviennent à ceux qui en sont indignes. Car ils considèrent qu'ils sont distribués selon une juste ordonnance de Dieu, ou bien en vue de leur correction, ou bien pour leur condamnation ; et qu'ils ne sont quasi rien en comparaison des réalités futures qui sont réservées aux bons. Et c'est pourquoi une tristesse de cette sorte est interdite ; aussi dit-il : N'envie pas, c'est-à-dire ne t'indigne pas, contre ceux qui font le mal, de ce qu'ils s'épanouissent : « N'envie pas l'homme injuste, et n'imite pas ses voies. »
B. Semblablement : ne jalouse pas ceux qui commettent l'iniquité, autrement dit : ne sois pas triste si tu n'as pas ce que ceux-là possèdent ; car des biens meilleurs te sont réservés : « Ne jalouse point la gloire et les richesses du pécheur ; car tu ne sais pas quelle sera sa ruine. »
II. 2 Parce que, comme le foin, ils sécheront en un instant.
Ici le psalmiste expose des raisons en général.
A) Et d'abord, pourquoi il ne faut pas envier ;
B) puis, pourquoi il ne faut pas jalouser : Espère dans le Seigneur, et fais le bien.
A. Ainsi dit-il : Parce que, comme le foin, autrement dit : il ne faut pas envier ceux qui font le mal, parce que c'est peu de chose et transitoire. Et c'est pourquoi il dit : comme le foin, ils sécheront en un instant. Il donne en effet un exemple à propos des choses qui sont florissantes et fructifient, mais meurent rapidement : ainsi en est-il de l'homme qui s'épanouit, devient vigoureux, et meurt rapidement : « Que le matin, comme le foin, l'homme passe ; que le matin il fleurisse et passe : que le soir il tombe, il durcisse et se dessèche. »
Et ces deux comparaisons sont exposées pour l'homme lui-même, c'est-à-dire en vue d'une meilleure manifestation de sa personne.
Ou bien autrement, il y a deux choses dans l'homme qui semblent être grandes. Il y a d'abord la beauté, lorsque les hommes semblent vivre dans les joies : « Qu'il n'y ait aucune prairie par laquelle ne passent nos plaisirs. » Et c'est pourquoi il dit : comme le foin. Ou bien autrement encore, car la beauté de la joie disparaît rapidement : « La gloire des impies a été courte, et la joie de l'hypocrite comme un moment. » - « Qu'ils deviennent comme l'herbe des toits, qui, avant qu'on l'arrache, est desséchée. » - « Toute chair est de l'herbe, et toute sa gloire est comme la fleur du champ. »
Puis il y a la grandeur de la puissance séculière désignée par les herbes légumineuses, qui croissent, et dont cependant la totalité meurt. Et c'est pourquoi il dit : comme les herbes légumineuses. Ou bien par foin on entend les grands, mais par herbe les petits. Donc il ne faut pas s'indigner de leurs biens. Semblablement il ne faut pas jalouser ceux qui commettent l'iniquité, car de plus grands biens te sont promis. Et il montre cela lorsqu'il dit :
3 Espère dans le Seigneur, et fais le bien : et habite la terre, et tu seras rassasié de ses richesses.
B. Et parce que la prospérité temporelle consiste en trois choses, c'est-à-dire dans les richesses, les plaisirs, et les honneurs : « Tout ce qui est dans le monde est convoitise de la chair, convoitise des yeux, orgueil de la vie », et que la prospérité spirituelle consiste également en trois choses, le psalmiste fait trois choses.
1) Car il mentionne d'abord les richesses.
2) Puis les plaisirs : 4 Mets tes délices.
3) Enfin la gloire : 6 Il fera éclater ta justice comme la lumière ; ce que Dieu promet à ceux qui espèrent en lui.
1. En mentionnant les richesses il fait trois choses.
a) Il commence par montrer le moyen d'acquérir les richesses spirituelles.
b) Puis où il faut les rechercher : et habite la terre.
c) Enfin il les promet en abondance : et tu seras rassasie.
a. En traitant du moyen d'acquérir les richesses spirituelles, il fait deux choses selon que dans leur acquisition deux choses sont exigées :
- Car il fait connaître d'abord la fin.
- Puis l'effort pour atteindre cette fin : et fais le bien.
- Ainsi dit-il : Espère dans le Seigneur, c'est-à-dire espère que tu acquerras les biens du Seigneur, c'est-à-dire le Seigneur lui-même : « Le Seigneur est la part de mon héritage et de mon calice ; c'est toi qui me rendras mon héritage. » - « Béni soit Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui selon sa grande miséricorde, nous a régénérés pour une vive espérance, par la résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts, pour un héritage incorruptible, qui n'est pas souillé, qui ne peut se flétrir, réservé dans les cieux pour vous, qui par la vertu de Dieu êtes gardés au moyen de la foi pour le salut qui doit être révélé à la fin des temps. » Et telle est la fin intentionnelle. Ou bien : Espère dans le Seigneur, c'est-à-dire en Dieu, à savoir dans le secours du Seigneur : « Vous qui craignez Dieu, espérez en lui, et sa miséricorde vous viendra en joie. »
- Ensuite il dit qu'il fait des efforts pour atteindre cette fin en faisant le bien ; et c'est pourquoi il ajoute : et fais le bien, c'est-à-dire toutes les oeuvres vertueuses : « Détourne-toi du mal et fais le bien. »
b. Puis lorsqu'il dit : et habite la terre, il montre où ces richesses doivent être recherchées. Cela ne peut s'entendre de la terre matérielle, parce que les hommes injustes l'habitent également ; mais on explique cela en l'appliquant à quatre sortes de terre : et d'abord à la terre des vivants, qui est une terre de gloire : « Je crois que je verrai les biens du Seigneur dans la terre des vivants », que tu habites par désir : « Notre cité est dans les cieux. » Il s'agit aussi de la terre de ton âme : « Mais ce qui tombe dans la bonne terre, ce sont ceux qui écoutent la parole, la conservent dans un coeur bon et excellent, et portent du fruit par la patience », et tu habites toujours celle-ci en revenant à la conscience : « Entrant dans ma maison, je me reposerai avec elle. » La troisième terre est l'Église militante : « Tu as visité la terre, et tu l'as enivrée : Tu as multiplié ses richesses », et tu habites celle-ci par la confession de la foi, en ne t'éloignant pas de l'Église. La quatrième terre est celle de ta propre chair : « Elle te produira des épines et des chardons », et tu habites celle-ci en extirpant les vices et en y semant les vertus.
c. Le psalmiste poursuit et montre que ces richesses sont accordées en abondance, lorsqu'il dit : et tu seras rassasié de ses richesses, soit de la Patrie céleste, soit de l'Église, soit des manifestations de joie, soit de l'abstinence de la chair. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « Pereginare in terra, et pascere fide (Voyage sur la terre, et nourris-toi de la foi) », c'est-à-dire sois comme un pèlerin en ne songeant pas aux choses terrestres, « et nourris-toi de la foi », en possédant les biens invisibles par la foi.
2. Ensuite il est question du plaisir spirituel, qui est promis, lorsqu'il dit :
4 Mets tes délices dans le Seigneur, et il t'accordera les demandes de ton coeur. 5 Révèle au Seigneur ta voie, espère en lui, et lui fera.
Et à ce propos il fait deux choses, selon qu'ici la joie qui procède des délices consiste en deux choses : dans l'obtention du désir, et dans l'accomplissement de l'intention : Révèle au Seigneur ta voie.
a. Il dit donc au sujet de l'obtention du désir : Mets tes délices dans le Seigneur, et il t'accordera les demandes de ton coeur. - « Un désir, s'il s'accomplit, réjouit l'âme. » Si tu adhères à Dieu, le désir s'accomplit, car Dieu n'est pas l'auteur de l'injustice ; c'est pourquoi il expose d'abord le fondement d'un juste désir, à savoir que l'homme mette ses délices en Dieu par amour ; aussi dit-il : Mets tes délices dans le Seigneur, c'est-à-dire que tout ton amour soit en Dieu : « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur. » En grec on lit : « Katatruphêson toû Kuriou (deliciare) », c'est-à-dire « mets ta sensualité dans le Seigneur », autrement dit : Ne te contente pas des choses nécessaires au salut, mais recherche une surabondance de choses exquises, à la manière dont les hommes sensuels ne se contentent pas des nourritures ordinaires : « Alors tu abonderas en délices dans le Tout-Puissant. » Et alors, il accordera les demandes de ton coeur, non celles de ta chair : car les demandes du coeur, selon Origène, sont celles que le coeur désire : selon lui, si à la faveur de la parole, l'oeil pouvait demander, il désirerait les belles couleurs ; l'oreille, quant à elle, les sons agréables : ainsi l'objet du coeur, lorsqu'il est question de vérité et de justice, est-il désiré par lui. Et il t'accordera ces choses, dit-il : « Demandez, et il vous sera donne. » Ou bien, du coeur, dit-il, c'est-à-dire que lorsqu'elles émaneront du coeur, Dieu les exaucera, avant qu'il ne crie : « Et il arrivera qu'avant qu'ils crient, moi je les exaucerai. »
b. À propos de la seconde chose, c'est-à-dire de l'accomplissement de l'intention, il dit : Révèle au Seigneur ta voie. Car lorsque l'intention de quelqu'un se réalise, alors il se réjouit. Pour cet accomplissement deux choses sont a priori nécessaires :
- D'abord, qu'il recoure à Dieu.
- Puis, qu'il mette sa confiance en lui : et c'est alors qu'enfin l'intention se réalise.
- Ainsi dit-il : Révèle au Seigneur ta voie, c'est-à-dire ton intention, quant à la première chose. Mais Dieu n'en a-t-il pas connaissance, lui qui connaît les pensées des hommes ? Le psalmiste s'exprime au moyen d'une comparaison : Révèle au Seigneur ta voie, c'est-à-dire recours à lui pour l'accomplissement de ton intention ; et cela dans la prière : « Je t'ai exposé mes voies, et tu m'as exaucé ; enseigne-moi tes justifications. » Car n'importe quelle affaire doit toujours commencer par la prière, comme le dit aussi Platon, et comme le faisait Scipion.
- Mais à ta demande tu ajouteras l'espérance ; et c'est pourquoi il dit : espère en lui, en parlant de la seconde chose, c'est-à-dire de sa confiance en lui. Et alors enfin ta demande sera réalisée. Et c'est ce qu'il ajoute : et lui fera, c'est-à-dire accomplira tes voies.
Ou d'une autre manière : Révèle au Seigneur ta voie, c'est-à-dire tes péchés : « J'exposerai mes voies en sa présence. Et lui-même sera mon sauveur. » Et c'est pourquoi il dit bien : espère en lui, c'est-à-dire le pardon des péchés, et lui fera, c'est-à-dire remettra tes péchés.
3. Enfin ce qu'il promet, c'est la gloire, lorsqu'il dit :
6 Il fera éclater ta justice comme la lumière, et ton jugement comme le milieu du jour. 7a Sois soumis au Seigneur, et prie-le.
a) Ici le psalmiste promet d'abord la gloire.
b) Puis il montre comment on parvient à celle-ci : Sois soumis au Seigneur.
a. En promettant la gloire il fait deux choses.
- Car il commence par promettre la gloire qu'il obtient.
- Puis il montre le moyen de l'obtenir : et ton jugement.
- Ainsi dit-il : Et il fera éclater ta justice comme la lumière. Les saints cachent sa justice : « Prenez garde à ne pas faire votre justice devant les hommes, pour être vus d'eux. » Mais « il n'est rien de caché qui ne se révèle, ni de secret qui ne se sache. » Aussi Dieu révèle-t-il, soit ici-bas, soit dans la vie future ; et c'est pourquoi il dit : fera éclater, c'est-à-dire fera sortir au-dehors : « Il a scruté les profondeurs des fleuves, et il a produit à la lumière des choses cachées. » Selon Origène, c'est comme si quelqu'un ayant un fidèle serviteur, qu'il a l'intention d'affranchir, se glorifie en lui : « Mon serviteur, c'est toi, Israël, parce qu'en toi je me glorifierai. »
- Et cela aura lieu au jugement ; d'ou ce qui suit : et ton jugement comme le milieu du jour, c'est-à-dire que le jugement où tu seras jugé ne contiendra pas de ténèbres. Or deux choses sont requises pour celui qui veut parvenir à la gloire qui est promise.
b. La première, c'est l'humilité : « Celui qui aura été humilié sera dans la gloire ; et celui qui aura baissé les yeux, celui-là même sera sauvé. »
Aussi dit-il : Sois soumis au Seigneur. - « Il est juste d'être soumis à Dieu et qu'un mortel ne se croie pas égal à Dieu. »
La seconde, c'est la prière par laquelle on parvient à Dieu, qui est la gloire de notre béatitude ; et c'est pourquoi il ajoute : et prie-le. - « La prière du juste peut beaucoup. »
7b N'envie pas celui qui prospère dans sa voie, l'homme qui commet des injustices.
III. Plus haut le psalmiste a donné deux raisons pour lesquelles il ne faut ni envier, ni jalouser les pécheurs : et la première raison était du côté des pécheurs, dont la félicité est brève ; tandis que l'autre raison est du côté des bons, parce que les promesses leur sont meilleures ; mais ici le psalmiste les explique en détail.
A) Et il dit d'abord ce qui résulte de la première raison.
B) Puis ce qui résulte de l'excellence des justes ; cependant les deux points se confondent ici : 16 Mieux vaut au juste un bien modique, que les grandes richesses des pécheurs.
A. En disant ce qui résulte de la première raison, c'est-à-dire du côté des pécheurs, le psalmiste fait deux choses.
1) Il commence par réitérer sa sentence et il fait connaître la raison qu'il a l'intention de justifier.
2) Puis il justifie cette raison : Renonce à la colère et laisse la fureur.
1. Ainsi dit-il : N'envie pas celui. Il répète ici la sentence qu'il a exposée plus haut, et il explicite ce qu'il avait dit : N'envie pas ceux qui font le mal. Or quelqu'un pourrait se demander pourquoi il interdit chez eux le fait de devoir envier. Je réponds que la prospérité temporelle est la raison ; et c'est pourquoi il dit : N'envie pas, c'est-à-dire ne t'indigne pas contre celui qui prospère dans sa voie, l'homme qui commet des injustices. Ce qui peut se comprendre conjointement de la manière suivante : N'envie pas, etc., autrement dit : celui qui commet l'injustice prospère, [et] même les justes s'en émeuvent : « J'ai porté envie aux [hommes] iniques, voyant la paix des pécheurs. » Semblablement cela peut se lire séparément : et ainsi il y a deux raisons pour lesquelles il s'indigne contre eux. La première, parce que toutes choses prospèrent pour eux à souhait ; et c'est pourquoi il dit : celui qui prospère, c'est-à-dire si tu vois que ceux-ci prospèrent : « La prospérité des insensés les perdra. » De même, si tu vois qu'ils l'emportent sur les justes, ne t'indigne pas. Ainsi disait Baruch : « Prends courage, peuple de Dieu, souvenir d'Israël [...] Ils périront les méchants qui t'ont tourmenté ; et ceux qui se sont félicités de ta ruine seront punis. » Et c'est pourquoi il dit : et l'homme qui commet des injustices.
8 Renonce à la colère et laisse la fureur : n'envie pas [les méchants] pour faire le mal. 9 Parce que ceux qui font le mal seront exterminés ; mais ceux qui attendent avec constance le Seigneur, ceux-là mêmes hériteront de la terre.
2. Ensuite lorsqu'il dit : Renonce, il justifie la raison de l'avertissement précité, et celle-ci est double.
a) La première est du côté de celui à qui s'adresse l'avertissement.
b) L'autre est du côté des pécheurs : 10 Encore un peu de temps.
a. En parlant de la première raison, il fait deux choses.
· Car il montre d'abord le péril présent, s'il n'acquiesce pas à l'avertissement.
· Puis le péril futur : n'envie pas [les méchants] pour faire le mal.
· En traitant du premier péril il expose : d'abord le péril lié à la faute ; puis celui qui est lié au châtiment : Parce que ceux qui font le mal.
À propos du péril lié à la faute il fait deux choses. Car il commence par exposer la faute de ceux qui pèchent ; puis la récompense de ceux qui attendent avec constance le Seigneur : mais ceux qui attendent avec constance le Seigneur.
Ainsi dit-il : Renonce à la colère. Tel est le péril présent, car l'indignation est de la colère, et la colère elle-même est un mal : « Que toute amertume, toute colère, toute indignation, toute clameur et toute calomnie soit bannie de vous, avec toute malice. » Et c'est pourquoi il dit : Renonce à la colère. - « La colère de l'homme n'opère point la justice de Dieu. » La colère et la fureur sont une même chose, mais elles se différencient entre elles selon qu'elles se manifestent avec plus ou moins de force, car la fureur n'est rien d'autre que la colère enflammée : « Le choc impétueux d'un emporté, qui pourra le soutenir ? » Donc, renonce à la colère, dans le coeur, et laisse la fureur, c'est-à-dire ne la mets pas en oeuvre.
· N'envie pas [les méchants] pour faire le mal. Tel est le péril futur lié à la faute. Car lorsque quelqu'un s'indigne à cause de la prospérité des autres, il s'écarte quelquefois de la justice ; et c'est pourquoi il dit : N'envie pas [les méchants] pour faire le mal, c'est-à-dire de peur que peut-être ce sentiment ne t'amène à commettre une injustice : « Vain est celui qui sert Dieu : et quel a été notre avantage pour avoir gardé ses préceptes ? »
Parce que ceux qui font le mal. Tel est le péril futur lié au châtiment. Remarquez que tous les pécheurs font le mal. Car lorsque quelqu'un pèche, ou par faiblesse, ou par ignorance, il ne fait pas le mal : mais lorsque quelqu'un pèche par choix, alors il fait le mal. Les premiers se corrigent facilement, mais les derniers difficilement : « Les pervers difficilement se corrigent. » Et c'est pourquoi il dit : seront exterminés, c'est-à-dire seront établis en dehors des frontières, à savoir de la justice et du bien : « Il le chassera de la lumière dans les ténèbres, et il le transportera hors de l'univers. » Ainsi seront exterminés ceux qui font le mal.
mais ceux qui attendent le Seigneur, c'est-à-dire ceux qui ne s'indignent pas de telle sorte qu'ils font le mal, mais qui l'attendent dans le futur, ceux-là mêmes hériteront de la terre, c'est-à-dire des vivants, car ils la posséderont par droit héréditaire, comme des héritiers : « Si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers ; héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ, pourvu cependant que nous souffrions avec lui, afin d'être glorifiés avec lui. » Et cette patrie céleste est appelée terre en raison de sa stabilité : « La terre pour toujours reste debout. » Et comme le dit Augustin, de même que notre terre se tourne vers le ciel, ainsi la vie supérieure des bienheureux se tourne plus haut vers le ciel, c'est-à-dire vers Dieu, par qui elle est illuminée et fécondée : « La cité n'a pas besoin du soleil ni de la lune pour l'éclairer, parce que l'éclat glorieux de Dieu l'éclaire, et que sa lampe est l'Agneau. »
10 Encore un peu de temps, et le pécheur ne sera plus : et tu chercheras son lieu, et tu ne le trouveras pas.
b. Ensuite lorsqu'il dit : Encore un peu de temps, il donne la raison de son avertissement du côté des méchants : et à ce propos il fait deux choses.
Car il avait dit : N'envie pas celui qui prospère dans sa voie, l'homme qui commet des injustices.
- Il donne donc d'abord la raison pour laquelle il ne faut pas envier leur prospérité.
- Puis la raison pour laquelle il ne faut pas envier leur injustice : Le pécheur observera le juste.
- En traitant le premier point il fait deux choses.
· Car il commence par faire connaître le péril imminent des méchants.
· Puis le fruit des justes : Mais les hommes doux hériteront de la terre, car un contraire se fait mieux connaître par ses contraires.
· En parlant du péril imminent des méchants il fait deux choses.
Car il prédit d'abord leur destruction proprement dite.
Puis celle de leur lieu : et tu chercheras.
Ainsi dit-il en parlant d'eux-mêmes : Encore un peu de temps, et le pécheur ne sera plus.
Mais s'il ne sera plus, il ne souffrira donc pas des châtiments éternels.
Je réponds à cette objection en disant qu'il ne sera pas dans la gloire dans laquelle il est à présent, mais en enfer : « Celui qui descend dans les enfers ne montera pas. Il ne reviendra plus dans sa maison, et son lieu ne le connaîtra plus », car il est une très petite chose.
Il arrive cependant que les pécheurs soient renversés en peu de temps : « La vie de toute-puissance est courte. » Mais même si durant tout le temps de leur vie ils sont dans la prospérité, ce temps comparé à l'éternité n'est encore rien et une très petite chose : « Encore un peu de temps, et moi j'ébranlerai ensemble le ciel et la terre. »
Mais quant au lieu il dit : et tu chercheras son lieu, et tu ne le trouveras pas.
Ce lieu peut être expliqué de trois manières.
En effet ce mot lieu peut d'abord signifier l'opportunité : car on dit de quelqu'un, lorsqu'il possède un lieu, qu'il a une opportunité. Or le pécheur a son lieu en ce monde : car il est au moins opportun pour l'ascèse des justes. Mais lorsque cette ascèse cessera, alors il n'aura pas de lieu ; et c'est pourquoi il sera enlevé par les justes.
Puis, parfois quelqu'un ne cesse pas de pécher, et cependant son lieu demeure. Mais finalement son lieu aussi ne restera pas, et ne sera pas trouvé. Où est à présent le roi des Assyriens ? Où est Néron ? Et finalement tous les royaumes de ce monde seront anéantis : « La fin suivra, lorsqu'il aura remis le royaume à Dieu et au Père : qu'il aura anéanti toute principauté, toute puissance. »
Enfin, selon Origène, le lieu du pécheur c'est ce sur quoi il se repose, là où se trouvent les réalités temporelles et terrestres : donc son lieu est ce monde. Mais celui-ci passera : « Le ciel et la terre passeront ; mais mes paroles ne passeront point. » Et c'est pourquoi si nous établissons notre lieu en elle, ce lieu ne passera pas.
11 Mais les hommes doux hériteront de la terre ; et ils jouiront d'une abondance de paix.
· Ensuite lorsqu'il dit : les hommes doux, il expose le fruit des justes. Or celui-ci est double.
C'est pourquoi il expose d'abord le fruit des richesses.
Puis le fruit des jouissances : et ils jouiront.
C'est en effet cela que les hommes désirent en ce monde, et l'un et l'autre bien est promis aux justes.
Ainsi dit-il : « Les hommes doux hériteront de la terre ». Par hommes doux il signifie les justes qui gardent leur coeur dans la pureté. Et parce qu'il n'est rien qui mette à ce point l'homme hors de lui que la colère, et que la mansuétude la tempère, c'est pourquoi il appelle les justes des hommes doux. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « Mites (Doux). »
- « Bienheureux ceux qui sont doux, parce qu'ils posséderont la terre », c'est-à-dire que la terre des vivants leur sera donnée en possession. Augustin dit contre Valentin que le Christ n'a rien reçu de l'Ancien Testament quant aux promesses ; ce que Matthieu manifeste clairement. En effet, dans l'Ancien Testament, on ne promettait que des biens temporels et terrestres. Tel est le sens littéral. Les hommes doux cependant habitent cette terre, parce que ceux-là se souillent qui souillent les autres. Mais les hommes doux ne souillent personne. Ils ne doivent donc pas à juste titre être souillés par les autres. Mais cependant ils hériteront spécialement de cette terre des vivants, comme on l'a déjà dit.
Puis sont exposées leurs jouissances : « Et ils jouiront d'une abondance de paix ». Car cette paix est très délectable. Et il dit : « D'une abondance », parce que là règne une paix considérable ; tandis qu'ici-bas ont lieu des guerres. C'est en effet quelque chose qui a lieu chez les hommes, tandis que là cela n'aura pas lieu, puisque tous seront pacifiés dans l'unité : « Mon peuple se reposera dans la beauté de la paix, dans des tentes de confiance, et dans un repos opulent. » Semblablement ici-bas il y a la guerre contre la chair qui convoite contre l'esprit : « La chair convoite contre l'esprit, et l'esprit contre la chair : en effet, ils sont opposés l'un à l'autre, de sorte que vous ne faites pas tout ce que vous voulez. » Mais alors ils auront la paix entre eux : « Tu sauras que ta tente a la paix. » De même la volonté est divisée contre elle-même par ses désirs divers ; mais là elle ne sera pas divisée, mais unie dans le Seigneur : « C'est dans la paix qu'a été fait son lieu : et son habitation dans Sion. » Semblablement ici-bas il y a la guerre contre Dieu à cause des péchés : « Tes péchés ou tes iniquités ont mis une séparation entre toi et ton Dieu » ; mais là tous auront la paix avec lui : « Réconcilie-toi avec lui, et fais la paix ; et par là tu auras des fruits excellents. »
12 Le pécheur observera le juste, et grincera des dents contre lui.
- Le psalmiste a exposé plus haut une première raison pour laquelle les hommes de Dieu ne doivent pas s'indigner contre le pécheur, à savoir parce que sa prospérité n'est pas stable ; ici il en expose une autre, à savoir parce que les pécheurs ne peuvent pas nuire aux justes : et à cet égard il fait deux choses.
a) Car il fait d'abord connaître leur malice, celle qu'ils méditent dans leur coeur contre les justes.
b) Puis leur tentative extérieure : Les pécheurs ont tiré le glaive.
a. En traitant du premier point il fait deux choses, en tant que leur malice intérieure est double.
· Car il montre d'abord que les méchants tendent des embûches aux bons.
· Puis, qu'ils s'agitent contre eux : et [il] grincera.
· Ainsi dit-il : Le pécheur observera le juste, pour voir si éventuellement il peut faire quelque chose contre lui : « Il arriva que, comme Jésus était entré un jour de sabbat dans la maison d'un chef des pharisiens pour y manger du pain, ceux-ci l'observaient. » Ainsi les pécheurs observent les bons en leur tendant des embûches, et en pervertissant leur saint zèle. Car ils tendent des embûches à l'Église en changeant le bien en mal, etc. Mais contre cette attitude il est dit : « Ne dresse pas d'embûches, et ne cherche pas l'impiété dans la maison du juste, et ne détruis pas son repos. »
· Puis ils s'agitent contre le juste. Car ils disent : « Sa vue nous est même à charge, parce que sa vie ne ressemble pas à la vie des autres et que ses voies ont été changées. » C'est pourquoi il dit : il grincera des dents contre lui, c'est-à-dire les pécheurs se mettront en colère. Il parle à la manière des méchants : « Le pécheur verra, et il sera irrité, il grincera des dents, et se consumera ; le désir des pécheurs périra. » - « Ils grinçaient des dents contre [Étienne]. »
13 Mais le Seigneur se rira de lui, parce qu'il voit que viendra son jour.
Ensuite lorsque le psalmiste dit : Mais le Seigneur se rira, il montre que leur malice n'a pas l'effet attendu, car ils sont raillés par Dieu : et à ce propos il fait deux choses.
· Car il expose d'abord sa raillerie.
· Puis sa justification : parce qu'il voit.
· Ainsi dit-il : le Seigneur se rira de lui, c'est-à-dire le rend ou le considère digne d'être raillé.
· Et sa justification vient de ce que le Seigneur le voit s'appliquer à de grandes choses, alors qu'il sait qu'il doit bientôt mourir ; et c'est pourquoi il ajoute : parce qu'Il voit que viendra son jour, c'est-à-dire avec évidence ; et c'est pour lui un jour de redevance, c'est-à-dire de condamnation : « Vous reconnaîtrez que [...] le méchant est réservé pour le jour de perdition, et qu'il sera conduit jusqu'au jour de la fureur. » C'est à ce jour qu'il fait allusion ici. Vous ne devez pas vous soulever contre eux, dit le psalmiste, parce qu'ils ne peuvent pas l'emporter contre vous.
14 Les pécheurs ont tiré le glaive : ils ont tendu leur arc, afin de tromper le pauvre et l'homme sans ressources, afin de tuer les [hommes] droits de coeur. 15 Que leur glaive entre dans leur propre coeur, et que leur arc soit brisé.
b. Puis lorsqu'il dit : Les pécheurs ont tiré le glaive, il ajoute la tentative extérieure des méchants : et à ce propos il fait trois choses.
- Car il montre d'abord leur tentative.
- Puis leur dessein attendu : afin de tromper.
- Enfin le résultat de cette tentative : Que leur glaive.
- En montrant d'abord leur tentative il fait deux choses, en tant que leur tentative contre les bons est double.
· Car il montre d'abord leur tentative par une persécution ouverte.
· Puis par une manoeuvre fourbe : ils ont tendu leur arc.
· En parlant de leur tentative par une persécution ouverte il dit donc : Les pécheurs ont tiré le glaive. Par glaive on entend toute persécution ouverte en acte : « Seigneur, si nous frappions du glaive. » Le glaive est aussi appelé persécution en parole : « Les fils des hommes, leurs dents sont des armes et des flèches, et leur langue un glaive acéré. » Et ce glaive est le glaive du diable qui tue des multitudes par la langue de l'homme. Mais ce glaive est dans son fourreau, aussi longtemps que la parole est dans le coeur ; mais quand elle est proférée, il est comme déjà dégainé. Il faut donc faire attention d'abord à ce que nous ne l'ayons pas. Puis, dans la mesure où il se trouverait en notre possession, à ce que nous ne le dégainions pas. Car s'il est conservé dans la gaine, il commence par contracter la rouille, enfin finit par se détruire, et la haine se refroidit tout comme la volonté d'injurier.
· En parlant de leur manoeuvre fourbe il dit : ils ont tendu leur arc. L'arc frappe de loin, et celui qui tire avec lui n'est pas vu comme celui qui frappe avec un glaive : et c'est pourquoi l'arc signifie la persécution fourbe.
- Ensuite il montre ce qu'ils se proposent d'accomplir, lorsqu'il dit : afin de tromper. À cet égard il fait deux choses selon qu'ils ont une double intention.
· Car ils ont d'abord l'intention de tromper.
· Puis de tuer : afin de tuer.
· Ainsi dit-il : afin de tromper le pauvre et l'homme sans ressources. Tromper se fait par un acte fourbe : « Lui-même connaît et celui qui trompe et celui qui est trompé. » Mais il ajoute : le pauvre et l'homme sans ressources. Le pauvre est celui qui a peu ; l'homme sans ressources est celui qui est privé de moyens. Ou bien selon la Glose : le pauvre est celui qui ne se suffit pas à lui-même ; mais l'homme sans ressources est celui qui n'est pas soutenu par les moyens d'autrui. Et il dit cela, parce que ces derniers ne trouvent personne pour subvenir à leurs nécessités.
· Le meurtre est signifié par le glaive, soit au sens matériel, soit au sens spirituel : « Ils sont morts frappés par le glaive. »
- Mais le résultat de leur tentative est qu'il se retourne contre leur tête.
· Et il montre d'abord cela quant au glaive, en disant : Que leur glaive entre dans leur propre coeur, etc. Toi, tu tires le glaive contre autrui, et tu ne le frappes pas avec force, parce que tu ne peux lui nuire avec violence ; cependant au sens spirituel, toi tu en es frappé : « Eux aussi à leur propre sang dressent des embûches, et machinent des fraudes contre leurs propres âmes. »
· Puis il montre cela quant à l'arc ; c'est pourquoi il dit : et que leur arc soit brisé. - « Là il a brisé la puissance des arcs, le bouclier, le glaive et la guerre. » Et cela aura lieu lorsque sera anéantie leur fourberie, afin qu'ils ne puissent accomplir ce qu'ils ont commencé : C'est Dieu « qui dissipe les pensées des méchants, afin que leurs mains ne puissent accomplir ce qu'elles avaient commencé ».
16 Mieux vaut au juste un bien modique, que les grandes richesses des pécheurs.
B. Plus haut le psalmiste donne la raison pour laquelle nous ne devons pas envier les méchants et leur prospérité, raison fondée sur leur renversement ; mais ici il donne une raison fondée sur la conduite des justes.
1) Et il montre d'abord leur dignité.
2) Puis il ajoute une exhortation à suivre la justice : 34 Attends-le Seigneur, etc.
1. En montrant la dignité des justes il fait deux choses.
a) Il commence par faire connaître son intention.
b) Puis il manifeste ce qu'il a fait connaître : 18 Le Seigneur connaît.
a. Ainsi dit-il : Mieux vaut au juste, etc. Son intention est de prouver que les biens des justes l'emportent sur les biens des pécheurs. Et ainsi, possédant moins, ils ne jalousent pas ceux qui possèdent davantage ; c'est pourquoi : Mieux, etc., autrement dit : il arrive au juste de posséder peu et au pécheur d'avoir assez.
Mais que signifie le mot mieux ?
Il répond qu'il vaut mieux que les justes aient peu : « Mieux vaut peu avec la justice que beaucoup de fruits avec l'iniquité. »
La justification de ceci est due au fait que les justes ont l'intelligence du bien, en ce sens qu'ils possèdent seulement les biens qui sont utiles à la fin et non en vue d'une autre chose. Car ils ne sont bons que dans la mesure où ils sont utiles ; or quand ils commencent à être nuisibles, ils ne sont plus bons. Ainsi en est-il de la médecine, si tu la prends plus qu'elle n'est nécessaire à la santé, alors elle n'est pas bonne. Ainsi les biens du monde ne sont bons que dans la mesure où ils servent matériellement à la vertu. Donc quand tu possèdes seulement des biens qui suffisent à la vertu, ils sont bons ; mais s'ils détournent de la vertu, ils sont mauvais : et c'est pourquoi il vaut mieux avoir peu de ces biens avec la justice, parce que c'est bon, qu'une multitude avec l'injustice, car cette possession est alors mauvaise. Et on doit comprendre cela également à propos de toutes les autres richesses spirituelles, c'est-à-dire qu'il vaut mieux avoir peu de sagesse avec la justice ; et il en est de même pour les autres richesses spirituelles.
17 Parce que les bras des impies seront brisés ; mais le Seigneur affermit les justes.
Ensuite lorsqu'il dit : Parce que, il prouve que c'est mieux. Il y a à cela une triple raison.
- D'abord du côté de la longueur du temps.
- Puis de l'utilité : 21 Le pécheur empruntera.
- Enfin de la vertu : 30 La bouche du juste.
- En parlant de la longueur du temps il fait deux choses. Car il commence par exposer l'écrasement des méchants. Puis la fermeté des bons.
Ainsi dit-il : Parce que les bras des impies, autrement dit : la modicité des biens des justes est meilleure que la multitude des biens des impies, car ils sont stables, tandis que les leurs ne le sont pas. Et tel est ce qu'il dit : Parce que les bras. Les noms des membres corporels désignent les puissances. Donc par le nom du bras est signifié la puissance efficace de l'homme : c'est pourquoi le psalmiste dit : les bras des impies seront brisés, c'est-à-dire leur puissance efficace sera détruite : « La lumière des impies leur sera ôtée, et leur bras élevé sera brisé. » Mais ce bras sera brisé parfois par Dieu, parfois par le diable, parfois simultanément par l'un et par l'autre. Il sera brisé par Dieu, lorsque l'impie a l'intention de nuire aux justes, et il sera empêché dans son dessein : « Il dissipe les pensées des méchants, afin que leurs mains ne puissent accomplir ce qu'elles avaient commencé. » Mais par le diable, lorsque l'homme se propose de faire le bien, et en est empêché par Satan : « Nous avons voulu venir vers vous, mais Satan nous en a empêchés », comme lorsque quelqu'un se propose de faire l'aumône et en est détourné par la cupidité. Mais simultanément par l'un et par l'autre : par Dieu, indubitablement, dans le but d'éprouver par son autorité, mais par le diable dans l'exécution, comme on le voit dans le livre de Job.
Puis lorsqu'il ajoute : mais [il] affermit, il montre que les justes durent longtemps, sont fermes et stables. Ainsi dit-il : mais le Seigneur affermit les justes. Bien que la justice soit une puissance et une fermeté de l'âme, elle ne se trouve cependant pas naturellement dans l'homme ; aussi est-il écrit : « Que nulle chair ne se glorifie en sa présence. Et c'est par lui que vous êtes dans le Christ Jésus, que Dieu a fait notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption ; afin, comme il est écrit, que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur. » Car l'homme en soi est devenu infirme : « Aie pitié de moi, ô Dieu, parce que je suis infirme. » Et c'est pourquoi il a besoin d'être conforté par quelqu'un, surtout par Dieu, parce qu'il est précisément affermi, parfois dans les réalités temporelles, dans la mesure où cela est utile au juste pour son salut ; mais toujours dans les réalités spirituelles, et cela par la grâce intérieure. Semblablement par de bonnes paroles. Pareillement par de bons exemples.
À propos de la grâce il est écrit : « Je désire vous voir pour vous communiquer quelque chose de la grâce spirituelle, afin de vous affermir. » - « Que Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même, et que notre Dieu et Père, qui nous a aimés et nous a donné une consolation éternelle et une bonne espérance par sa grâce, ranime vos coeurs et vous affermisse en toute bonne oeuvre et toute bonne doctrine. » - « Rends-moi la joie de ton salut, et par ton esprit souverain confirme-moi. »
À propos des paroles il est écrit : « Mon âme s'est assoupie d'ennui ; affermis-moi par tes paroles. » - « Judas et Silas, comme ils étaient aussi prophètes, par de nombreux discours, consolèrent et affermirent les frères. »
À propos des bons exemples il est écrit : « Quand tu seras converti, affermis tes frères. » - « Le Christ a souffert pour nous, vous laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces ; lui qui n'a pas commis de péché, et en la bouche de qui n'a pas été la tromperie ; etc. » Et c'est pourquoi l'Apôtre écrit plus loin : « Le Dieu de toute grâce, qui nous a appelés par le Christ Jésus à son éternelle gloire, après que vous aurez souffert un peu de temps, vous perfectionnera lui-même, vous fortifiera et vous affermira. » Le juste est affermi par l'exemple de la croix, au sujet de laquelle Augustin écrit dans ses Enar-rationes sur ce psaume : « Car la croix a cessé d'être un supplice, mais sa gloire demeure : du lieu des supplices elle a passé sur le front des empereurs. Cependant celui qui a donné de l'honneur à ses supplices, que réservera-t-il à ses serviteurs ? »
18 Le Seigneur connaît les jours des [hommes] sans tache, et leur héritage sera éternel.
b. Ensuite lorsqu'il dit : Le Seigneur connaît, il manifeste ce qu'il a fait connaître.
Et il parle d'abord de la stabilité des justes. Puis de l'écrasement des injustes : 20 Parce que les pécheurs périront.
Or les justes sont affermis par Dieu de deux manières : car leurs biens sont d'abord rendus stables ; puis ils sont protégés contre les méchants : 19 Ils ne seront point confondus. Mais le bien ultime est double : et dans l'un comme dans l'autre bien les justes trouvent leur stabilité. En parlant du premier bien il dit : Le Seigneur connaît. En parlant du second il dit : et leur héritage.
Ainsi dit-il : Le Seigneur connaît. « Tout est à nu et à découvert aux yeux de celui dont nous parlons. » Mais principalement parce que l'homme sans tache lui a été associé et lui est devenu familier : « Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui », et ceux qu'il approuve : et c'est dans ce sens qu'il est dit ici : Le Seigneur connaît, c'est-à-dire approuve, les jours des [hommes] sans tache.
Mais il est écrit dans le livre de Job : « Qu'est-ce qu'un homme, pour qu'il soit sans tache, et paraisse juste, étant né d'une femme ? »
Je réponds à cette objection en disant qu'il est vrai que personne n'est naturellement sans tache, si par tache on entend le péché mortel ; mais cependant par la grâce, il l'est. En revanche si par tache on entend le péché originel, alors personne n'est sans tache.
les jours peuvent se comprendre de trois manières.
Car il s'agit d'abord des jours de la vie présente ; et bien qu'ils soient communs aux bons et aux mauvais, cependant ceux-ci sont bien utilisés par ces bons : « Abraham mourut dans une heureuse vieillesse, étant d'un âge fort avancé, et plein de jours. » Mais les impies utilisent mal ces jours : « Les hommes de sang et trompeurs n'arriveront pas à la moitié de leurs jours. » Et parce que les jours des justes sont remplis, ils sont approuvés, tandis que les jours des méchants seront réduits de moitié, et c'est pourquoi ils ne seront pas approuvés. Semblablement ces jours sont aussi mauvais et peu nombreux, mais Dieu les connaît. D'autres jours sont les oeuvres vertueuses : « Comme durant le jour, marchons honnêtement », et ces jours sont approuvés par Dieu. D'autres sont les jours de l'éternité et de la justice : et ceux-ci sont les jours des justes, mais sont connus de Dieu seul : « L'oeil n'a pas vu, ô Dieu, toi excepté, ce que tu as préparé à ceux qui t'attendent. »
Il montre le bien final lorsqu'il dit : et leur héritage sera éternel. On appelle héritage ce en quoi quelqu'un trouve un appui et une fin. Les justes auront leur fin dans le bien éternel : « Le Seigneur est la part de mon héritage, et de ma coupe. » - « Mon partage est le Seigneur, a dit mon âme ; à cause de cela je l'attendrai. » Et c'est pourquoi leur héritage ne peut disparaître. Mais les impies mettent leur fin dans les choses mondaines : « Laissons partout des marques de réjouissance, parce que c'est là notre partage et notre sort » ; et c'est pourquoi leur héritage ne demeure pas. Et il est écrit à leur sujet : « Béni soit Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui selon sa grande miséricorde, nous a régénérés pour une vive espérance, par la résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts, pour un héritage incorruptible, qui n'est pas souillé, qui ne peut se flétrir, réservé dans les cieux pour vous. »
19 Ils ne seront point confondus au temps mauvais, et dans les jours de famine, ils seront rassasiés. 20 Parce que les pécheurs périront, mais les ennemis du Seigneur, honorés et exaltés un moment, comme une fumée, s'évanouiront entièrement.
Ensuite lorsqu'il dit : ils ne seront point confondus, il montre comment les justes sont protégés contre les maux. Et cela de deux manières : car il y a un mal qui est opposé au bien, et un mal qui est dû à la privation du bien : et des jours de famine.
Ainsi il dit en parlant du premier mal : ils ne seront point confondus au temps mauvais, c'est-à-dire au temps de l'adversité : « C'est pour cela que [l'homme] prudent en ce temps-là se tiendra en silence, parce que le temps est mauvais. » Car il y a un temps mauvais et doublement : ou bien il s'agit du temps présent, et c'est le temps de l'adversité ; c'est pourquoi ils ne seront point confondus au temps mauvais, c'est-à-dire au temps de l'adversité. Car les méchants au temps de l'adversité seront confondus, non les bons : des lors, en effet, quiconque est confondu quand il perd ce en quoi il espère ; mais quand demeure ce en quoi il espère, il n'est pas confondu. Or dans l'adversité se perdent les biens temporels, dans lesquels les bons n'espèrent pas ; et c'est pourquoi ils ne seront pas confondus au temps de l'adversité. Ou bien il s'agit du temps à venir, au jour du jugement : et en ce temps-là les impies seront confondus en rougissant de leurs péchés : « Qu'ils soient confondus et qu'ils rougissent très promptement. » - Mais les justes seront honores : « À ceux qui, par la persévérance dans les bonnes oeuvres, cherchent la gloire, l'honneur et l'immortalité, la vie éternelle. »
Concernant le second mal, qui est dû à la privation du bien, il ajoute : et dans les jours de famine, ils seront rassasiés. Il y a trois explications à cela.
Au sens littéral on peut expliquer cela en l'appliquant à la famine temporelle : car Dieu a parfois prévu qu'une famine sévisse chez les infidèles, et chez les fidèles ils s'échangeaient alors entre eux ce qu'ils pouvaient avoir. Parfois aussi il est prévu par Dieu que les fidèles ne manquent de rien : « Dans la désolation et la famine tu riras. » Ainsi Élie est « rassasié au temps de la famine ». Cependant, pour nous mettre à l'épreuve on montre que la nécessité due à la famine a préoccupé des serviteurs de Dieu. Aussi l'Apôtre dit-il lui-même : « J'ai été [...] dans le travail et les soucis, dans des veilles nombreuses, dans la faim et la soif, dans les jeûnes fréquents, dans le froid et la nudité. » Ou bien parce que les serviteurs de Dieu sont rassasiés en se contentant de peu : « Je sais être humilié, et je sais aussi vivre dans l'abondance (je me suis habitué partout et à tout) ; être rassasié et avoir faim ; être dans l'abondance et dans l'indigence. » En revanche les impies veulent beaucoup de choses et en cherchent beaucoup ; et c'est pourquoi en ces jours de famine ils ne seront pas rassasiés.
On explique aussi cela en l'appliquant à la famine de la parole de Dieu. Et en ces jours les justes sont rassasiés par cette parole : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasies. »
Ou enfin on l'explique en l'appliquant à la famine qui aura lieu dans la vie future, en ce lieu où les justes seront rassasiés, et les injustes auront faim : « Voilà que mes serviteurs mangeront, et vous, vous aurez faim. » Dans un commentaire d'Origène que porte la Glose, il est écrit : « Celui qui n'amassait pas de la manne au sixième jour souffrait de la faim le septième jour. » Or c'est maintenant le sixième jour, et c'est pourquoi celui qui n'amasse pas ici-bas souffrira alors de la faim (dans la vie future).
Ensuite lorsqu'il dit : Parce que les pécheurs périront, il montre comment les bras des pécheurs seront brisés. Et il expose trois choses. D'abord la chute des impies. Puis l'ordre du déroulement de leur chute. Enfin son mode : comme une fumée.
Ainsi dit-il : Parce que les pécheurs périront, autrement dit : les justes se sauvent parce que la perdition est due aux seuls pécheurs, tandis que le salut est réservé aux justes : « Il en brisera une multitude innombrable, et il en établira d'autres à leur place. »
L'ordre du déroulement de leur chute consiste en ce qu'ils sont élevés en hauteur afin de tomber plus violemment : « Tu m'as élevé, et me posant comme sur le vent, tu m'as brisé entièrement. » Et c'est pourquoi il dit : mais les ennemis du Seigneur, honorés et exaltés un moment. - « Tu les as renversé, tandis qu'ils s'élevaient. »
Mais le mode est : comme une fumée, parce que si elle est dispersée, elle ne se renouvelle pas. Et tel est ce qu'il dit : comme une fumée, [ils] s'évanouiront entièrement. - « Qu'est-ce que votre vie ? c'est une vapeur qui paraît pour un temps. »
21 Le pécheur empruntera et ne payera pas ; mais le juste est compatissant, et il rendra. 22 Car ceux qui le bénissent hériteront de la terre, mais ceux qui le maudissent périront totalement.
- Le psalmiste a montré plus haut que la modicité des biens des justes surpasse la multitude des biens des méchants en raison de leur stabilité ; mais ici il montre la même chose en raison de leur utilité.
· Et il montre d'abord que les biens des justes sont fructueux, tandis que pour ceux des méchants c'est le contraire.
· Puis il montre cela par l'expérience : 25 J'ai été jeune.
· Enfin il conclut sur son intention première : 27 Détourne-toi du mal.
· En parlant de la fécondité des biens des justes il fait deux choses, selon qu'un double fruit échoit à l'homme : car l'un est dû aux biens possédés, l'autre aux oeuvres qu'il accomplit. C'est pourquoi il montre d'abord que les biens fructueux sont bons quant aux biens possédés. Puis quant aux oeuvres accomplies : 23 Par le Seigneur.
En parlant de la fécondité des biens quant aux biens possédés, il fait deux choses.
Car il mentionne d'abord la fécondité des bons, et le contraire pour les méchants.
Ensuite il en donne la raison : ceux qui bénissent.
En traitant de la fécondité des bons il fait deux choses.
* Car il montre d'abord l'infécondité des méchants.
* Puis la fécondité des bons : mais le juste.
* Ainsi dit-il : Le pécheur empruntera. On interprète cela d'abord selon le sens littéral du texte.
Un double signe indique que quelqu'un est dépourvu de biens temporels. Le premier c'est lorsqu'il a besoin de consentir à un emprunt : « Lui te prêtera à usure, et toi, tu ne lui prêteras point. » Et c'est pourquoi il dit : Le pécheur empruntera, c'est-à-dire recevra un emprunt. L'autre signe est indiqué lorsque quelqu'un a dépensé un emprunt, et ne peut le rendre ; aussi dit-il : et ne payera pas. - « Mais s'il peut rendre, il s'en défendra, il rendra à peine la moitié de la totalité. »
* Mais au contraire, un signe d'abondance montre qu'il possède, aussi donne-t-il gratuitement ; d'où ce qu'il dit : mais le juste est compatissant, c'est-à-dire vient en aide gratuitement, avec miséricorde, à ceux qui sont dans la nécessité : « Dès mon enfance la compassion a crû en moi. » Il y a un autre signe qui montre l'abondance, c'est lorsque l'homme est prompt à rendre ce qu'il doit ; aussi dit-il : et il rendra, c'est-à-dire ce qui est dû : « Rendez à tous ce qui leur est dû. »
Mais au fait que dit-il ? Les justes abondent-ils toujours en biens temporels, et les méchants non ? Au contraire il semble que ce soit l'inverse : « Dieu n'a-t-il pas choisi les pauvres en ce monde pour être riches dans la foi, et héritiers du royaume que Dieu a promis à ceux qui l'aiment ? » Mais Dieu, selon cette explication, parle selon l'économie de l'Ancien Testament, dans laquelle les biens temporels sont promis à ceux qui observent la loi, mais à ceux qui la transgressent les malheurs, afin qu'ils soient amenés au moins par les biens temporels vers les biens spirituels. Cependant dans ces biens sont signifiées des promesses spirituelles ; et c'est pourquoi il faut les exposer aussi dans la mesure où l'Ancien Testament concerne le Nouveau Testament. Il faut donc donner à cela une explication plus élevée : Le pécheur empruntera et ne payera pas, etc. Un double emprunt peut s'y référer. Car l'homme emprunte quelque chose à Dieu, et quelque chose à un ministre de Dieu, c'est-à-dire à un homme. Or on dit que tout homme est pécheur.
Ainsi dit-il : empruntera, c'est-à-dire à Dieu, car « qu'as-tu que tu n'aies reçu ? » Et ceci est comme un emprunt : car Dieu nous donne des biens, pour que par ces biens nous croissions dans ce qui contribue à l'honneur de Dieu : « Pourquoi donc n'as-tu pas donné mon argent à la banque, afin que, moi revenant, je le reprisse avec usure ? » Et ainsi nous lui rendons par l'action de grâce. Mais Dieu a donné au pécheur des biens naturels ; et parfois il lui accorde des biens temporels et spirituels : cependant le pécheur ne lui rend pas par le progrès spirituel et par l'action de grâce : « J'ai nourri des fils et je les ai élevés, mais eux m'ont méprise. »
L'homme reçoit aussi un emprunt d'un ministre de Dieu. Car les dignitaires de l'Église et les docteurs sont des prêteurs. Il est aussi écrit dans Luc : « Appelant dix de ses serviteurs, il leur remit dix mines et leur dit : "Faites-les valoir jusqu'à mon retour". » Ils sont donc des négociants. Et donc le docteur donne un enseignement au peuple, comme s'il donnait de l'argent : « Les paroles du Seigneur sont des paroles pures, un argent éprouvé par le feu, purifié dans la terre, raffiné sept fois. » Mais il donne les paroles du Seigneur, non les siennes. Et les bons restituent, parce qu'ils font ce qu'ils entendent ; tandis que les méchants, non, parce qu'ils ne satisfont pas en obéissant : « Ils écouteront tes paroles, et ils ne les accompliront pas. » Mais le juste, parce qu'il reçoit de Dieu, donne à autrui quoi que ce soit et de n'importe quelle manière : « Chacun de vous mettant au service des autres la grâce qu'il a reçue, comme de bons dispensateurs de la grâce multiforme de Dieu » : et ainsi il sera compatissant ; pareillement il sera remercié par Dieu, et ainsi il rendra : « Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens qu'il m'a faits ? »
Ensuite il en donne la raison : Car ceux qui le bénissent.
Cela a trois sens selon la Glose.
ceux qui le bénissent, c'est-à-dire ceux qui rendent grâce à Dieu en toutes choses et suivent ses ordres, hériteront de la terre, c'est-à-dire de la terre des vivants : « Qui sème dans les bénédictions moissonnera aussi dans les bénédictions », la vie éternelle.
Ou bien, selon le sens littéral : hériteront de la terre, c'est-à-dire la terre de la promesse. Et il s'adresse à un peuple charnel : « Si vous voulez, et que vous m'écoutez, vous mangerez les biens de la terre. » Au contraire, ceux qui maudissent Dieu, c'est-à-dire non seulement en parole, mais en acte, ou bien occasionnellement, disparaîtront : « La voie des impies périra. »
Origène explique cela autrement : Ceux qui le béniront, c'est-à-dire le juste, seront bénis. Car tout ce qui arrive au juste, Dieu l'accueille comme fait à lui-même : « Qui vous méprise, me méprise ; mais qui me méprise, méprise celui qui m'a envoyé. » - « Dans la mesure où vous avez fait à l'un de ces plus petits d'entre mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. » Ils hériteront de la terre, due au juste : « Celui qui reçoit un juste en qualité de juste, recevra la récompense d'un juste. » mais ceux qui le maudissent, à savoir le juste, « périront totalement ».
- « Que celui qui te maudira soit lui-même maudit. » Mais une version de Jérôme lit autrement : « Peccator deficit, ut non solvat ; sed justus miseretur et retribuet (Le pécheur disparaît, puisqu'il ne paye pas ; tandis que le juste a compassion et il rendra). » Ceux qui sont bénis par Dieu hériteront la terre : « La bénédiction du Seigneur fait les riches, et l'affliction ne s'alliera pas à eux. » Mais les justes qui sont maudits par Dieu, c'est-à-dire punis, périront totalement ; et c'est pourquoi ils sont stériles : « Maudite sera la terre en ton oeuvre. »
23 Par le Seigneur les pas de l'homme seront dirigés, et il voudra sa voie. 24 Lorsqu'il tombera, il ne sera point brisé, parce que le Seigneur met sa main sous [lui].
Ensuite quand il dit : Par le Seigneur, il montre la fécondité des biens quant aux oeuvres. Or dans les oeuvres deux choses sont montrées.
En premier lieu leur prospérité.
Ensuite leur effet de relèvement : Lorsqu'il tombera.
Mais parce que la prospérité est due à l'élection de Dieu, on montre d'abord que c'est à cause de l'amour de Dieu. Puis à cause de l'homme aimé : et il voudra sa voie.
Ainsi dit-il : Par le Seigneur les pas de l'homme seront dirigés, c'est-à-dire que le cheminement de l'homme est dirigé par Dieu, parce que l'homme se dirige directement vers sa fin ultime. Or cela n'est pas naturel à l'homme : « Je sais, Seigneur, qu'à l'homme n'appartient pas sa voie, et qu'il n'est pas [donné] à l'homme de marcher et de diriger ses pas », mais à Dieu : « C'est à l'homme de préparer son âme, et au Seigneur de gouverner sa langue. Toutes les voies de l'homme sont ouvertes à ses yeux. » - « Affermis mes pas dans tes sentiers, afin que mes pieds ne soient point ébranlés. » Mais Dieu dirige les pas de l'homme dans la voie de la vérité à connaître, afin qu'il ne tombe pas dans l'erreur : « Dirige-moi dans ta vérité, et instruis-moi ; parce que c'est toi qui es mon Sauveur, et que je t'ai attendu avec constance durant tout le jour. » Et il dirige aussi dans la voie de la justice afin qu'il se détourne du mal et fasse le bien : « Dirige-moi dans une voie droite à cause de mes ennemis. »
En parlant de la seconde cause il dit : et il voudra sa voie. Cela peut se comprendre de deux manières. Soit que l'on dise d'abord : l'homme dirigé par Dieu voudra sa voie, c'est-à-dire celle de Dieu, autrement dit : Dieu dirige l'homme, parce qu'il ne le contraint pas, mais il le fait marcher avec droiture et choisir le bien, et cela appartient à Dieu : « Car c'est Dieu qui opère en vous et le vouloir et le faire, selon sa bonne volonté. » Ou bien autrement : et [le Seigneur] voudra, c'est-à-dire acceptera et récompensera sa voie, c'est-à-dire nos bonnes oeuvres : « Les voies qui sont à droite, le Seigneur les connaît. »
Ensuite quand il dit : Lorsqu'il tombera, il montre la fécondité des biens dans les oeuvres quant à leur effet de relèvement : et à ce propos il fait deux choses.
* Car il expose d'abord le relèvement lui-même.
* Puis il en donne la cause et la raison : parce que le Seigneur met sa main sous [lui].
* Ainsi dit-il : Lorsqu'il tombera. La direction du voyageur est telle qu'il tombe quelquefois, mais celle du « compréhenseur » est telle qu'il ne tombe pas. Mais le voyageur, s'il vient à tomber, Dieu le relève ; et c'est ce qu'il dit : il ne sera point brisé. Mais cela peut s'entendre d'une deuxième chute, c'est-à-dire de celle qui est due à l'adversité temporelle : « Comment des forts sont-ils tombés dans la bataille ? » Et ainsi si le juste tombé, il ne sera point brisé, parce qu'il supporte sa chute avec patience : « La patience rend les oeuvres parfaites, de manière que vous soyez parfaits, accomplis, et ne manquant de rien. » Mais le pécheur, tandis qu'il tombe, sera brisé, parce qu'il est impatient. Ou bien il s'agit de la chute due au péché véniel, car il n'est personne qui ne commette quelquefois un tel péché : « Nous faisons tous beaucoup de fautes. » Et en voici le sens : s'il vient à tomber de cette chute, il ne se brisera pas étant donné qu'il ne pèche pas mortellement ; aussi est-il écrit : « Le juste tombera sept fois et se relèvera. » Mais si l'on réfère cela à la chute due au péché mortel, dont le juste tombe parfois, comme David par l'adultère et l'homicide, et comme Pierre en niant le Christ, alors les pécheurs sont brisés par cette chute, tandis que désespérés ils ne veulent pas retourner à la pénitence. C'est pourquoi il est écrit : « Ayant perdu tout espoir, ils se sont livrés à l'impudicité, à toutes sortes de dissolutions, à l'avarice. » - « Que venant de nouveau, Dieu ne m'humilie parmi vous, et que je n'aie à pleurer beaucoup de ceux qui, ayant déjà péché, n'ont point fait pénitence des impuretés, des fornications, et des impudicités qu'ils ont commises. »
Mais le juste n'est pas brisé par le désespoir, mais retourne à la pénitence ; c'est pourquoi David dit à Nathan : « J'ai péché contre le Seigneur. Et Nathan répondit à David : Le Seigneur aussi a transféré ton péché ; tu ne mourras point. » Semblablement, « Pierre pleura amèrement. » - « Ne te réjouis pas sur moi, mon ennemie, parce que je suis tombée ; je me relèverai lorsque je me serai assise dans les ténèbres, le Seigneur est ma lumière. »
* Et la raison pour laquelle il ne sera pas brisé, c'est que le Seigneur met sa main sous [lui], c'est-à-dire le conforte de sa grâce : « La main du Seigneur était avec moi, me confortant. » - « Et ta droite me retiendra. »
25 J'ai été jeune et j'ai vieilli ; et je n'ai point vu le juste abandonné, ni sa race cherchant du pain. 26 Tout le jour il a pitié et il prête ; sa race sera en bénédiction.
· Ensuite lorsqu'il dit : J'ai été jeune, il montre par l'expérience que les biens des justes sont fructueux, mais non ceux des méchants. Et il expose que cet état est durable à partir de deux constatations.
D'abord à partir de la préservation des bons contre les méchants.
Puis à partir de leur progrès dans le bien : Tout le jour.
En parlant de leur préservation il fait deux choses.
Car il montre d'abord la préservation du mal quant au juste lui-même.
Puis quant à sa race : ni sa race cherchant du pain.
Concernant la préservation du mal quant au juste lui-même, il fait deux choses. Car il expose d'abord le caractère durable de l'expérience. Puis l'expérience elle-même : je n'ai point vu.
Ainsi dit-il : J'ai été jeune. Comme si quelqu'un lui disait : d'où tiens-tu tout ce que tu dis à propos des biens des justes, etc. ? Il répond qu'il les tient de l'expérience : J'ai été jeune et j'ai vieilli. On peut expliquer cela de deux manières.
D'abord en l'appliquant à l'âge corporel suivant lequel l'homme commence par s'épanouir dans la jeunesse, et ensuite devient âgé : « Que le matin, comme l'herbe, l'homme passe ; que le matin il fleurisse et passe : que le soir il tombe, il durcisse et se dessèche. »
Mais Augustin objecte : Toi, David, tu fus toujours sur ta terre : et si sur cette portion de terre un juste ne fut pas abandonné, il n'est cependant pas étonnant qu'ailleurs il l'ait été.
Et c'est pourquoi Augustin veut que l'on parle dans la personne de l'Église. Et cette dernière a son âge d'enfant en Abel, son âge de jeunesse dans les Patriarches, son âge avancé dans les Apôtres, sa vieillesse à la fin du monde. Il mentionne d'abord les deux âges intermédiaires, et expose les derniers : et ainsi en fut-il dès l'origine du monde, et cela sera jusqu'à la fin. Et cette distinction est exposée dans l'épître aux Galates.
Ou bien on peut l'interpréter au sens spirituel : car aussi longtemps que l'homme met son plaisir dans les frivolités et les vanités, il garde une mentalité d'enfant ; mais lorsqu'il met son plaisir dans des choses raisonnables, il devient un homme mûr. Et cette distinction est exposée dans la première épître aux Corinthiens : « Quand j'étais petit enfant, je parlais comme un petit enfant ; mais quand je suis devenu homme, je me suis dépouillé de ce qui était de l'enfant. » Aussi dit-il : soit dans la condition d'enfant, soit dans celle du vieillard j'ai jugé à l'expérience que le juste lui-même est préservé des maux, et quant à lui-même et quant à sa race. C'est pourquoi en disant : je n'ai point vu le juste abandonné, il montre cela quant à lui-même.
Objection : si on applique cela aux biens temporels, il ne semble pas que ce soit vrai, car il est écrit à propos des justes : « Les autres ayant souffert les moqueries, les verges, et de plus les prisons, ont été lapidés, sciés, mis à la question, sont morts frappés par le glaive, ont couru çà et là sous des peaux de brebis et des peaux de chèvres, dans le besoin, dans l'angoisse, dans l'affliction. »
On répondra à cette objection en disant : quoique les biens temporels leur soient ôtés, ils ne sont cependant pas abandonnés par Dieu, car tout cela est utile à leur propre bien, ou pour leurs biens, ou pour que la cause du mal soit enlevée, comme le dit Augustin : « Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses », c'est-à-dire les biens spirituels, « vous seront données par surcroît. » C'est vrai, mais dans la mesure où Dieu voit que c'est utile à notre salut.
Quant à sa race il dit : ni sa race cherchant du pain. - « C'est moi qui suis le Seigneur ton Dieu fort, jaloux, visitant l'iniquité des pères dans les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent, et faisant miséricorde des milliers de fois à ceux qui m'aiment et gardent mes préceptes. » - « Sa miséricorde se répand d'âge en âge sur ceux qui le craignent. » Et c'est pourquoi, de même que ceux-ci ne sont pas abandonnés, ainsi en est-il de leur race.
Et cela peut se rapporter au pain temporel quant à l'Ancien Testament ; mais selon le sens spirituel ce pain s'entend de la participation au Christ, c'est-à-dire à la vérité, à la sagesse et à la justice : « Moi, je suis le pain vivant qui suis descendu du ciel. » C'est le pain « qui fournit des délices aux rois. » Et il dit : cherchant du pain, car ce pain est à la disposition de ceux qui le cherchent.
Objection : Abraham fut juste, Isaac aussi ; mais Ismaël et Esaü, qui furent des fils de justes, n'eurent pas le pain spirituel.
L'Apôtre résout cette objection en disant que les fils de la promesse sont comptés au nombre des fils des justes. Donc on appelle race (semen) celui qui imite le juste. C'est pourquoi tant les fils selon la chair qui imitent leurs pères dans le bien, que les disciples qui imitent leur maître, sont une race spirituelle, à savoir ceux qui imitent leur enseignement en acte.
26 Tout le jour. Ici le psalmiste montre un autre signe de cette expérience, ou une autre expérience ; et il dit qu'il a fait une autre constatation à propos de l'homme juste, car tout le jour, c'est-à-dire durant tout le temps de sa vie, il a pitié des misères d'autrui, et prête, c'est-à-dire des biens spirituels et temporels : « Agréable est l'homme qui a de la pitié et qui prête », ou en acte, ou dans sa disposition. Et c'est pourquoi sa race sera en bénédiction. - « Je multiplierai ta race comme les étoiles du ciel, et comme le sable qui est sur le rivage de la mer ; ta race possédera les portes de ses ennemis. »
27 Détourne-toi du mal et fais le bien, et tu auras une habitation dans les siècles des siècles. 28a Parce que le Seigneur aime la justice, et il ne délaissera pas ses saints : ils seront conservés éternellement.
· Plus haut le psalmiste a montré que les biens des justes sont meilleurs quant au fruit ; mais ici il lance une exhortation à leur sujet. Et à ce propos il fait deux choses.
Car il commence par exposer son exhortation à l'égard de ceux-ci.
Puis il expose leur fruit : Parce que le Seigneur aime la justice.
La justice comprend deux parties intégrantes : s'éloigner du mal, et faire le bien. Et c'est pourquoi il dit : Détourne-toi du mal et fais le bien. Et ces deux parties intégrantes de la justice correspondent aux préceptes de la loi : car la justice est réglée par la loi.
Dans la loi certains préceptes sont affirmatifs, lesquels sont accomplis en faisant le bien ; et d'autres sont négatifs, lesquels sont accomplis en se détournant du mal. Semblablement par ces deux préceptes trouvé son achèvement l'inclination de l'appétit naturel, qui a un double objet : le bien et le mal. Car l'appétit tend naturellement vers le bien, et fuit le mal qui est faux. Mais il dit : Détourne-toi du mal. Or il y a un double mal. L'un qui rend les hommes mauvais, et celui-ci est véritablement appelé mal ; l'autre mal est celui qui ne rend pas les hommes mauvais, c'est le mal lié au châtiment.
Le premier est un péché, et c'est de cela dont il est question lorsqu'il dit : Détourne-toi du mal, c'est-à-dire du péché : « Ne jalouse point la gloire et les richesses du pécheur ; car tu ne sais pas quelle sera sa ruine. » Et il ne dit pas qu'il ne fasse pas le mal, parce qu'en cela il ne serait question que de négation seulement, mais détourne-toi du mal, c'est-à-dire pour qu'il n'ait pas la volonté de l'accomplir : « Cessez d'agir avec perversité ; apprenez à bien faire. » Ces deux préceptes sont souvent représentés dans la Sainte Écriture. Mais parfois c'est le bien qui est d'abord mentionné, comme ici : « Tu as aimé la justice et haï l'iniquité. » Parfois c'est l'évitement du mal qui est d'abord mentionné, comme ici : « Il mangera du beurre et du miel, en sorte qu'il sache réprouver le mal et choisir le bien. »
Et la raison est due au fait qu'il y a un double ordre.
Le premier ordre est celui de l'intention ; et selon cet ordre le bien doit toujours être mis avant l'évitement du mal, parce que le juste évite le mal en vue de faire le bien.
Le second ordre est celui de l'exécution ; et selon cet ordre il est d'abord prescrit d'éviter le mal : car tous nous naissons fils de la colère, et nous ne pouvons devenir justes sans repousser le mal.
et tu auras une habitation dans les siècles des siècles. Ici le psalmiste expose le fruit de la justice, autrement dit : dans la mesure où tu te détourneras du mal, et que tu feras le bien, tu auras une habitation ; mais il ne dit pas explicitement où, mais combien de temps, car c'est pour les siècles des siècles. Mais habite (inhabita) signifié in tus habita (habite à l'intérieur). Les réalités sensibles sont appelées biens extérieurs, lesquels sont appréhendés par le sens extérieur. Les biens intérieurs sont spirituels et intelligibles. Donc lorsqu'il dit : inhabita, il dit tu habiteras à l'intérieur de la possession des biens spirituels : « Le roi m'a introduite dans ses celliers. » Et il dit : [pour] les siècles des siècles, c'est-à-dire à jamais : « Tu les introduiras, et tu les planteras sur la montagne de ton héritage, dans ta demeure inébranlable que tu as faite, Seigneur ; c'est ton sanctuaire, Seigneur, qu'ont affermi tes mains. »
Parce que le Seigneur aime la justice, etc. Ici le psalmiste expose la raison pour laquelle il habitera pour les siècles des siècles, autrement dit : il habitera parce que cela a été établi par le jugement divin. Il prouve cela, à savoir qu'il habitera toujours et avec plaisir, parce que le Seigneur aime la justice. - « Parce que moi, le Seigneur, j'aime la justice. » Et cette formulation est exprimée pour une double raison. Ou bien il dit : Détourne-toi du mal et fais le bien, c'est-à-dire afin que tu sois l'imitateur de Dieu, Parce que le Seigneur aime la justice, et cela c'est se détourner du mal et faire le bien. Ou bien cela se réfère à ce qui suit : et tu auras une habitation dans les siècles des siècles, parce que c'est juste. Et Dieu aime la justice. Car il est juste que, dans la mesure où l'homme ne veut pas abandonner Dieu, il ne soit pas abandonné de lui, qui est éternel. Et c'est pourquoi les justes qui veulent être avec lui ne seront pas abandonnés de lui. Et voilà pourquoi il dit : il ne délaissera pas ses saints. Et en conséquence ils seront conservés éternellement, parce qu'il est éternel et puissant : « C'est toi, Seigneur, qui nous sauveras, et qui nous préserveras de cette génération éternellement. » - « Regarde, Sion, la ville de nos solennités ; tes yeux verront Jérusalem, habitation opulente, tente qui en aucune manière ne pourra être transportée ; et ses pieux ne seront jamais enlevés, et aucun de ses cordages ne sera rompu. »
28b Les injustes seront punis, et la race des impies périra. 29 Mais les justes hériteront de la terre ; et ils y habiteront dans les siècles des siècles.
Ici le psalmiste expose la procédure du jugement qui sera utilisée pour les bons et les méchants.
Il commence donc par exposer ce qui sera donné aux méchants lors du jugement.
Puis ce qui sera donné aux bons : les justes.
Aux méchants il enverra une punition, car les injustes seront punis. - « La voie des pécheurs est pavée de pierres ; mais à leur fin, sont les enfers, et les ténèbres et le châtiment. » - « Ils subiront les peines de la perdition éternelle à la vue de la face du Seigneur et de la gloire de sa puissance. » Semblablement il enverra l'extermination, car la race des impies périra. Ici il parle selon le jugement des hommes. Or les méchants, lorsqu'ils meurent, croient au moins survivre dans leurs enfants. Mais il dit que leur race périra, c'est-à-dire soit les fils charnels qui imitent à proprement parler leur malice, soit les sectateurs de la fausse doctrine, comme la race d'Arius.
Aux justes en revanche, il donnera deux choses. Au lieu d'une punition il donnera une récompense, aussi dit-il : Mais les justes hériteront de la terre, comme s'ils la possédaient par héritage : « Ils y habiteront, et l'acquerront en héritage. »
- « Béni soit Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui selon sa grande miséricorde, nous a régénérés pour une vive espérance, par la résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts, pour un héritage incorruptible, qui n'est pas souillé, qui ne peut se flétrir, réservé dans les cieux pour vous. » Au lieu de l'extermination de leur héritage, ils y habiteront dans les siècles, c'est-à-dire seront toujours sur cette terre des vivants.
30 La bouche du juste méditera la sagesse, et sa langue dira l'équité. 31 La loi de Dieu est dans son coeur, et ses pas ne chancelleront pas.
- Ici le psalmiste montre que les biens des justes sont plus grands quant à l'usage de la vertu, car les injustes ont leur bouche inclinée au mal.
· Il traite donc d'abord des biens spirituels des justes.
· Puis de la perversité des méchants : 32 Le pécheur considère le juste.
· Concernant les biens spirituels des justes il fait deux choses.
Car il expose d'abord la supériorité des biens spirituels des justes.
Puis il expose le fruit de leurs biens : ses pas ne chancelleront pas.
Les biens spirituels consistent en deux choses : selon qu'ils sont dans la bouche ou selon qu'ils sont dans le coeur.
Dans la bouche du juste ils ne sont que bien et vérité : « Quittant le mensonge, que chacun dise la vérité avec son prochain, parce que nous sommes membres les uns des autres. » Et il y a une double vérité ; et l'une et l'autre obtiennent au juste des récompenses.
La première porte sur les réalités divines.
La seconde porte sur les réalités humaines.
En parlant de la première il dit : La bouche du juste méditera la sagesse.
Mais le psalmiste ne semble pas s'exprimer comme il sied : car méditer est un acte du coeur, non de la bouche.
On répondra à cette objection en faisant remarquer qu'il a dit : il méditera, c'est-à-dire exprimera des choses méditées, ou les modulera. Et il y a plusieurs manières de méditer la sagesse. Certains méditent le Christ, qui est sagesse de Dieu le Père, au moins en croyant : « Vous observerez [les préceptes et les lois] et les accomplirez par vos oeuvres. Car telles sont votre sagesse et votre intelligence devant les peuples, qu'en entendant parler de tous ces préceptes ils diront : "Voici un peuple sage et intelligent, une grande nation." » D'autres la méditent en l'acquérant auprès d'hommes intelligents : « Si tu aimes écouter, tu seras sage. » D'autres la méditent en lui chantant des psaumes : « Chantant et psalmodiant du fond de vos coeurs le Seigneur. » - « Elle a ouvert sa bouche à la sagesse, et la loi de la clémence est sur sa langue. » Mais la bouche du juste méditera la sagesse en instruisant : « Cependant nous prêchons la sagesse parmi les parfaits, non la sagesse de ce siècle, ni des princes de ce siècle qui périssent ; mais nous prêchons la sagesse de Dieu dans le mystère. » Mais Origène commente cela en disant : Les ignorants ont un vice très pernicieux, puisqu'ils traitent d'inutiles ceux qui s'adonnent à l'étude de la doctrine : en imitant leurs dénominations des choses, ils méprisent leur étude, et font preuve de bavardage, d'incapacité et d'ignorance.
En parlant de la seconde il dit : et sa langue. On explique cela de trois manières.
sa langue dira l'équité, c'est-à-dire proférera une parole avec jugement et discernement : « Il réglera ses discours avec jugement. » - « Les paroles des prudents seront pesées dans la balance. »
Selon une autre maniéré, en tant qu'on réfère cela aux juges : car le juge, ou la bouche du juste, ou la langue du juge, profère un juste jugement dans sa sentence.
Ou bien la langue du juste énonce les jugements de Dieu, et convertit les pécheurs à la pénitence en considérant le jugement divin : « Fuyez à la face du glaive, parce qu'il y a un glaive vengeur des iniquités. »
Mais pourquoi dit-il au futur : il méditera, et dira ?
On répondra en disant qu'il parle au futur pour indiquer la continuité de la méditation, autrement dit : il parle continuellement et médite. Ou bien il dit cela au futur, parce que présentement nous ne pouvons dire que peu de choses à propos de la sagesse, tandis que dans le futur nous pourrons méditer de grandes choses sur la sagesse, et parler davantage des jugements de Dieu. Mais il arrive qu'on n'ait pas dans le coeur ce qu'on exprime par la bouche : « Ce peuple m'honore des lèvres ; mais son coeur est loin de moi. » Il n'en est pas ainsi pour l'homme juste : au contraire il parle selon ce qu'il a dans le coeur, parce qu'il grave la loi de Dieu dans sa mémoire par la méditation, dans sa volonté par l'amour. Voilà pourquoi il dit : La loi de Dieu est dans son coeur, c'est-à-dire il énonce la loi ainsi que le jugement, et médite. Il en résulte que ses pas ne [chancellent] pas.
Et le psalmiste expose ici le fruit des bonnes oeuvres, car ils ne défailliront pas, ni ne seront trompés : car celui qui a l'Écriture sainte et la loi de Dieu dans son coeur n'est pas trompé par le diable : « Dans mon coeur j'ai caché tes paroles, afin que je ne péche pas contre toi. » Car la loi est une lampe : et c'est pourquoi ceux qui la connaissent, ne commettent pas de faute.
32 Le pécheur considère le juste ; et il cherche a le faire mourir. 33 Mais le Seigneur ne l'abandonnera pas dans ses mains ; et ne le condamnera pas quand on le jugera.
Ici le psalmiste traite de la considération des mauvais.
Et il expose d'abord les pensées des mauvais contre les bons.
Puis il fait mention de la défense des bons.
Il dit donc : Le pécheur considère le juste, c'est-à-dire pour voir de manière perfide comment il peut lui nuire : « Ils m'ont eux-mêmes considéré et regardé attentivement. » - « Ne dresse pas d'embûches, et ne cherche pas l'impiété dans la maison du juste, et ne détruis pas son repos. » - et il cherche à le faire mourir. Ici est montrée sa cruauté, ou son intention : « Leurs pieds courent au mal, et ils se hâtent afin de verser le sang. » - « Condamnons-le à la mort la plus honteuse. »
Mais les justes sont défendus. D'abord, parce qu'ils échappent à leur persécution ; aussi dit-il : Mais le Seigneur ne l'abandonnera pas dans ses mains ; car bien que les impies aient pour un temps le pouvoir sur eux, ils ne l'auront pas toujours cependant : « Parce que le Seigneur ne laissera pas la verge des pécheurs sur l'héritage des justes, afin que les justes n'étendent point leurs mains vers l'iniquité. » Puis, parce qu'ils sont libérés par le jugement divin. Aussi dit-il que non seulement ils sont libérés ici-bas, mais qu'ils ne seront pas condamnés.
quand on le jugera, c'est-à-dire le juste, à savoir pour le bien du juste. Ou bien illi (le), c'est-à-dire quand on condamnera le pécheur : « Les impies ne ressusciteront pas au jugement », c'est-à-dire parce qu'il sera rendu pour leur condamnation.
34 Attends le Seigneur, et garde sa voie ; et il t'exaltera, afin que tu prennes la terre en héritage : Lorsque les pécheurs auront péri, tu [le] verras.
2. Précédemment le psalmiste s'est entretenu longuement sur la louange des justes et l'abaissement des mauvais : et il a rapporté toutes ces choses dans le dessein de nous faire rechercher la justice et de nous détourner du mal ; mais ici il introduit une exhortation à la justice.
La justice est observée dans deux domaines :
a) Dans ce qui appartient à Dieu,
b) et dans ce qui appartient au prochain : 37 Garde l'innocence.
a. En exhortant à la justice qui concerne Dieu, le psalmiste fait trois choses :
- Il expose d'abord son exhortation.
- Puis il montre une récompense : et il t'exaltera.
- Enfin il donne une preuve de ce qu'il a exposé : 35 J'ai vu l'impie.
- Il ordonne donc par une exhortation [de se tourner] vers Dieu.
· D'abord par l'attente.
· Puis par l'obéissance.
· Ainsi dit-il : Attends le Seigneur. Ici il dit deux choses.
D'abord, que si on subit une difficulté, on ne doit pas aussitôt désespérer, ni se soulever contre Dieu, mais attendre jusqu'à ce qu'il secoure : « Attendant, j'ai attendu le Seigneur, et il a fait attention à moi. » Et ainsi exhorté-t-il à la sagesse.
Ensuite il exhorté à la longanimité, autrement dit : si tu n'es pas encore récompensé pour tes bonnes oeuvres, ne te laisse pas abattre, mais attends la récompense : « S'il met un certain délai, attends-le ; car il va venir, et il ne tardera pas. » - « Le laboureur espère recueillir le fruit précieux de la terre, attendant patiemment jusqu'à ce qu'il reçoive celui de la première et de l'arrière-saison. »
· L'attente a lieu dans les maux, la garde dans les biens. Donc garde les voies, c'est-à-dire de la charité et des préceptes, et garde-les avec une soumission aimante : « Garde ton coeur en toute vigilance, parce que c'est de lui que la vie procède. » - « Mon pied a suivi ses traces ; j'ai gardé sa voie, et je ne m'en suis pas détourné. » - « Je scruterai ta loi, et je la garderai dans tout mon coeur. »
- et il t'exaltera. Ici le psalmiste montre la récompense ou le fruit des bons. Ce fruit consiste en ce qu'ils soient exaltés par lui : Il « t'exaltera parmi ses proches ». - « En toutes choses, tu as glorifié ton peuple, Seigneur, tu l'as honoré. » Et en vue de quoi ? afin que tu prennes la terre en héritage. Ce qu'il dit est étonnant. Puisque la terre est basse, comment t'exaltera-t-il pour que tu la prennes ? Il faut dire que la terre dont il parle, c'est la terre des vivants ; et cette dernière est en haut, elle se présente comme la stabilité des biens éternels et spirituels : et à cette terre l'esprit ne parvient aussi longtemps qu'il se trouve dans les réalités d'en bas, mais il faut qu'il soit exalté : « Je t'élèverai sur les hauteurs de la terre. »
Ou bien on peut aussi l'entendre de cette terre. Ceux-là prennent donc la terre en héritage, qui règnent sur elle : et tels sont ceux qui ont le coeur élevé au-dessus de la terre, parce qu'ils n'ont pas le coeur ancré à la terre, à la manière de ceux qui sont assujettis à la terre et à ses possessions. Et c'est pourquoi il faut, pour qu'ils la prennent, qu'ils soient exaltés : « Saisis-la et elle t'exaltera ; tu seras glorifié par elle, lorsque tu l'auras embrassée. »
lorsque les pécheurs auront péri, tu [le] verras. Ceux-ci se réjouiront de la perdition des méchants : « Le juste se réjouira, lorsqu'il aura vu la vengeance ; il lavera ses mains dans le sang du pécheur. » - « Les justes verront et ils se réjouiront. » Mais ils ne se réjouiront pas à cause de la perdition des impies en tant que telle, parce que Dieu ne se réjouit pas à cause de celle-ci : « Dieu ne se réjouit pas de la perdition des vivants », mais ils se réjouiront de l'accomplissement de la justice divine : « Ils sortiront, et ils verront les cadavres des hommes qui ont prévariqué contre moi. » Semblablement ils se réjouiront de voir la miséricorde divine se manifester en eux-mêmes, et grâce à laquelle ils ont été libérés des méchants, ou des châtiments des damnés. Et pour voir cela il faut qu'il soit aussi exalté : car si tu es abaissé, tu ne verras pas leur propre perte : « Une peine est devant mes yeux », c'est-à-dire les faits des pécheurs, « jusqu'à ce que j'entre dans le sanctuaire de Dieu. »
35 J'ai vu l'impie exalté et élevé comme les cèdres du Liban. 36 Et j'ai passé, et voilà qu'il n'était plus : Je l'ai cherché, et son lieu n'a pas été trouvé.
- Ici le psalmiste prouve deux choses à propos de la perdition de l'impie.
· Il expose d'abord leur prospérité.
· Puis il fait mention de leur perdition.
· Ainsi dit-il : J'ai vu l'impie, c'est-à-dire tout pécheur, exalté, c'est-à-dire au-dessus de l'état de sa propre condition, et au-dessus des autres hommes quant à la situation qu'il occupe dans le monde : « Pourquoi donc les impies vivent-ils, sont-ils élevés et affermis dans les richesses ? Leur race se perpétue devant eux, une troupe de leurs proches et de leurs petits enfants est en leur présence. »
et élevé comme les cèdres du Liban. On peut lire cela de deux manières. Ou bien : au-dessus des cèdres du Liban, qui parmi tous les autres arbres ont la hauteur la plus élevée, autrement dit : je l'ai vu plus éminent que tous les autres : « J'ai vu [...] l'insensé élevé », c'est-à-dire le pécheur, « à une haute dignité. » - « Sa hauteur était la hauteur des cèdres, et il était fort lui-même comme un chêne. » Mais il y a une double raison pour laquelle les impies vivent. La première, c'est que parfois les méchants sont exaltés à cause des péchés des hommes. » C'est lui qui fait régner un homme hypocrite à cause des péchés du peuple. » Et c'est pourquoi les méchants sont comme des châtiments de Dieu à l'égard de son peuple, lorsqu'ils dominent : « Malheur à Assur ! la verge et le bâton de ma fureur, c'est lui ; dans sa main est mon indignation. » Une autre raison est due au fait que les méchants quand ils dominent, périssent plus douloureusement : « Tu m'as élevé, et me posant comme sur le vent, tu m'as brisé entièrement. » C'est pourquoi il arrive que dans ce qu'ils convoitent le plus, ils soient le plus rejetés. Une autre raison encore, c'est qu'ils vivent pour l'instruction des justes, afin qu'ils ne prennent pas beaucoup en considération ces biens temporels, que les bons possèdent aussi bien que les méchants, comme le rapporte Augustin. - « Puisque leurs biens ne sont pas en leur main », comme les biens de l'âme, je ne me soucie pas d'eux. De même, afin que soient justement condamnés ceux qui abusent des biens donnés : « J'ai nourri des fils et je les ai élevés, mais eux m'ont méprisé. » Ou bien cela peut être appliqué à l'hérétique, qui s'élève dans son propre sentiment.
· Et enfin il dit : Et j'ai passé.
Ici il montre d'abord le renversement du pécheur.
Puis il montre la destruction de son lieu.
Ainsi dit-il : j'ai passé. Il ne dit pas : « Il a passé », autrement dit : j'ai donc passé en considérant : « Je passerai et je verrai cette grande vision. » Aussi longtemps que l'homme tient ses yeux fixés sur les réalités de ce monde, il lui semble que les méchants sont puissants ; mais lorsque par l'esprit il passe aux réalités spirituelles et aux jugements de Dieu, il les tient pour rien. C'est pourquoi il dit : j'ai passé, par la conversion : car aussi longtemps que l'homme vit en ce monde avec attachement et de façon matérielle, les choses de ce monde lui plaisent, mais lorsque son affection se détache d'eux, il tient pour rien ceux qui en ce monde vivent dans l'abondance : « Seigneur, qui habitera dans ton tabernacle, et qui reposera sur ta montagne sainte ? [... Celui] en présence de qui le méchant est regardé comme un néant, mais qui glorifie ceux qui craignent Dieu. » Et c'est pourquoi les hommes saints sont tenus pour orgueilleux, parce qu'ils n'apprécient et ne considèrent les hommes à cause de leurs richesses et de leurs dignités que s'ils sont pourvus de vertus ; d'où ce qui suit : et voilà qu'il n'était plus, même dans le présent, parce que l'homme juste tient pour rien la gloire des pécheurs, qui semble être quelque chose selon ces paroles de l'Écriture : « Les paroles d'un homme pêcheur, ne les craignez point, parce que sa gloire c'est de la boue et un ver ; aujourd'hui il s'élève, et demain on ne le trouvera pas, parce qu'il est retourné dans la poussière, et sa pensée s'est évanouie. » - « J'ai regardé la terre », c'est-à-dire la gloire terrestre, « et voici qu'elle était vide et néant ». Ou bien selon Origène, « il n'était plus », car lorsque l'homme s'élève vers les réalités divines, il se conforme à l'intelligence divine : et les réalités qui sont futures lui sont comme présentes. C'est pourquoi celui qui voit que le temps de cette vie est bref, voit la condamnation des impies comme présente : « Dieu a choisi ce qui est vil et méprisable selon le monde, et les choses qui ne sont pas, pour détruire les choses qui sont ; afin que nulle chair ne se glorifie en sa présence. »
Aussi dit-il : je l'ai cherché, et son lieu n'a pas été trouvé, c'est-à-dire ses dignités, ou sa famille et sa maison, autrement dit : non seulement lui-même, mais tout ce qui le concerne est détruit : « L'oeil qui l'avait vu ne le verra pas ; et son lieu ne le regardera plus. » Ou bien : son lieu, c'est-à-dire le monde dans lequel il demeure, parce que le monde passe ainsi que sa convoitise : « Car elle passe la figure de ce monde. »
37 Garde l'innocence, et vois l'équité ; parce que des restes sont [assurés] à l'homme pacifique. 38 Mais les injustes périront entièrement tous ensemble ; les restes des impies mourront. 39 Mais le salut des justes vient du Seigneur, et [il est] leur protecteur au temps de la tribulation. 40 Et le Seigneur les aidera, et les libérera ; il les arrachera aux pécheurs, et il les sauvera, parce qu'ils ont espéré en lui.
b. Ici le psalmiste exhorte à la justice qui concerne le prochain ; et à cet égard il fait trois choses.
- Il commence par exposer son exhortation.
- Puis il mentionne une récompense : parce que des restes sont [assurés] à l'homme pacifique.
- Enfin il fait connaître ce qu'il avait dit : le salut.
- Vis-à-vis du prochain l'homme doit d'abord faire en sorte qu'il ne lui nuise pas ; puis qu'il rende ce qui lui est dû.
En parlant de sa première disposition, il dit : Garde l'innocence, en ne nuisant en rien : « L'innocent sera sauvé, mais il sera sauvé à cause de la pureté de ses mains. » et vois l'équité. Une autre version lit : directionem (la direction), c'est-à-dire la rectitude et la justice. vois, c'est-à-dire juge : « Disant ce qui est juste, jugez. »
- parce que des restes sont [assurés] à l'homme pacifique, et c'est la récompense des justes. Origène dit que lorsque l'esprit se sépare de la chair, les os de l'homme sont appelés restes : ainsi lorsque l'âme se retire, ce qui demeure, à savoir le corps, est appelé [restes] ; et c'est pourquoi non seulement il sera récompensé dans son âme, mais son corps sera aussi élevé à l'immortalité. Ou bien on appelle reliquiae (restes), tout ce qui appartient à l'homme après cette vie, lesquels restes sont nombreux, autrement dit : cela ne se terminera pas en cette vie, mais il y a encore une multitude d'autres biens au terme de cette vie. C'est pourquoi une autre version lit : « Extremum vitae ejus est pax (À la fin de sa vie il y a la paix). »
Puis le psalmiste expose la condamnation des méchants. Les méchants reçoivent une double condamnation.
· D'abord, parce qu'eux-mêmes périssent.
· Puis parce qu'ils ne laissent rien après eux.
· C'est pourquoi il dit : Mais les injustes périront. - « Parce que nul n'a l'intelligence, ils périront éternellement. » les restes des impies mourront, c'est-à-dire leurs biens qui restent périront avec eux dans la géhenne.
· Ou bien : les restes, c'est-à-dire tout ce qu'ils ont possédé, à savoir les richesses qui périssent, la renommée qui pourrit, la postérité qui périra : « Est-ce que leur élévation n'a pas été entièrement détruite ? Et leurs restes, un feu ne les a-t-il pas dévorés ? »
- Mais le salut des justes. Il prouve que les restes des justes sont conservés.
· Et il montre d'abord en général en quoi ils consistent.
· Puis il montre l'ordre de l'obtention de ces restes.
· Enfin la cause de ce salut.
· Il y a deux choses à considérer dans ces restes : le salut des bons, et l'arrachement aux méchants.
Concernant le salut des bons il dit : Mais le salut des justes vient du Seigneur seul, en qui ils espèrent, non d'un autre. Origène dit : « Apud Dominum (Auprès du Seigneur), autrement dit : il n'est en aucune créature, mais en Dieu seul : « Israël a été sauvé par le Seigneur d'un salut éternel. »
Concernant l'arrachement aux méchants il dit : [il est] leur protecteur au temps de la tribulation, à savoir de la tribulation présente, afin qu'ils ne soient plus opprimés corporellement : « Il vous fera tirer profit de la tentation même, afin que vous puissiez persévérer », ou bien au jour du jugement, ou bien au moment de la mort : « Bon est le Seigneur, il fortifie au jour de la tribulation, il sait ceux qui espèrent en lui. »
· L'ordre de l'obtention de ces restes est quadruple.
L'homme est d'abord aidé en vue de bien agir. Aussi dit-il : le Seigneur les aidera, c'est-à-dire coopérera : « Mon secours vient du Seigneur. » - « Tu as opéré toutes nos oeuvres pour nous. »
et [il] les libérera, c'est-à-dire des méchants, et les arrachera aux pécheurs, quant à la condition présente, lorsque les justes seront libérés, et ne suivront pas les voies des pécheurs : « Bienheureux l'homme qui n'est pas allé au conseil des impies, qui ne s'est pas arrêté dans la voie des pécheurs, et qui ne s'est pas assis dans la chaire de pestilence. » Ou bien au jour du jugement, lorsqu'il séparera les brebis des boucs. Ou bien aux démons au moment de la mort de tout homme : car à ce moment même les démons viennent, cherchant s'ils trouvent quelque chose qui leur appartient : « Le prince de ce monde vient, et il n'a rien en moi. »
Et enfin il leur donnera le salut final, parce qu'il les sauvera.
· Et la cause est due au fait qu'ils ont espéré en lui, car ce salut est dû à ceux qui espèrent.