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COMMENTAIRE DU PSAUME 37

1 Psaume de David, en souvenir touchant le sabbat.

2 Seigneur, ne me reprends dans ta fureur, et ne me corrige pas dans ta colère.

3 Parce que tes flèches se sont fixées en moi, et que tu as appesanti sur moi ta main. 4 Il n'est rien de sain dans ma chair à la face de ta colère ; Il n'y a pas de paix dans mes os en présence de mes péchés. 5 Parce que mes iniquités se sont élevées au-dessus de ma tête ; et comme un fardeau pesant, elles se sont appesanties sur moi. 6 Mes plaies se sont putréfiées et corrompues en présence de ma folie.

7 Je suis devenu misérable, et j'ai été courbé jusqu'à la fin ; tout le jour je marchais contriste. 8 Parce que mes reins ont été remplis d'illusions, et il n'y a rien de sain dans ma chair.

9 J'ai été affligé et j'ai été humilié à l'excès, je rugissais par suite du gémissement de mon coeur.

10 Seigneur, devant toi est tout mon désir, et mon gémissement ne t'est point caché.

11 Mon coeur a été troublé, ma force m'a abandonné ; et la lumière de mes yeux elle-même n'est plus avec moi.

12 Mes amis et mes proches contre moi se sont approchés, et ils se sont arrêtés. Et ceux qui étaient près de moi se sont arrêtés au loin ; 13 et ceux qui cherchaient mon âme me faisaient violence. Et ceux qui me cherchaient des maux ont dit des choses vaines, et tout le jour ils ne méditaient que des ruses.

14 Mais moi, comme un sourd, je n'entendais pas ; et [j'étais] comme un muet n'ouvrant pas la bouche. 15 Et je suis devenu comme un homme n'entendant pas, et n'ayant pas dans sa bouche de répliques.

16 Parce qu'en toi, Seigneur, j'ai espéré ; toi, tu m'exauceras, Seigneur mon Dieu.

17 Parce que j'ai dit : Que jamais mes ennemis ne se gaussent de moi ; et tandis que mes pieds sont ébranlés, ils ont dit sur moi de grandes [insolences]. 18 Parce que moi je suis prêt à [recevoir] des châtiments, et ma douleur est en ma présence toujours.

19 Parce que je proclamerai mon iniquité, et je penserai à mon péché. 20 Mais mes ennemis vivent, et se sont fortifiés contre moi ; et ceux qui me haïssent iniquement se sont multipliés. 21 Ceux qui rendent les maux pour les biens me dénigraient parce que je recherchais le bien.

22 Ne m'abandonne pas, Seigneur mon Dieu ; ne t'écarte pas de moi. 23 Sois attentif à me secourir, Seigneur Dieu de mon salut.

1 Psaume de David, en souvenir touchant le sabbat.

2 Seigneur, ne me reprends dans ta fureur, et ne me corrige pas dans ta colère.

Plus haut le psalmiste a imploré le secours divin contre ses persécuteurs : « Juge, Seigneur, ceux qui me nuisent : combats ceux qui me combattent » ; il a montré aussi leur méchanceté : « L'homme injuste a dit en lui-même qu'il pécherait ; la crainte de Dieu n'est pas devant ses yeux » ; enfin il a enseigné à mépriser la prospérité des impies dans le psaume précédent : « N'envie pas. » Mais dans ce psaume il confesse qu'il est affligé à cause de ses propres péchés. Et à ce propos il fait deux choses.

Il commence par exposer son affliction.

Puis sa prudence pour l'avenir : « J'ai dit : Je garderai mes voies. »

Ce psaume s'intitule : Psaume de David, en souvenir. Augustin ajoute : « In rememoratione sabbati (en souvenir touchant le sabbat). » Et il faut savoir que ce psaume est le troisième psaume pénitentiel : et ces diversités de psaumes se réfèrent à divers actes de pénitence et au souvenir des péchés. Et c'est pourquoi il dit pour se souvenir, c'est-à-dire des péchés : « Je repasserai devant toi toutes mes années dans l'amertume de mon âme. » Mais si on ajoute le mot sabbat, cela regarde la fin de ce souvenir, c'est-à-dire pourquoi il faut s'affliger et se souvenir, à savoir à cause du sabbat, autrement dit à cause du repos promis : « Si tu éloignes ton pied du sabbat, [et] de faire ta volonté dans le jour qui m'est consacré ; si tu appelles le sabbat délicieux », c'est-à-dire un repos délicieux, « jour du Seigneur saint et glorieux ; si tu le glorifies en ne suivant pas tes voies, et si tu ne mets pas ta volonté à dire des paroles [vaines], alors tu trouveras des délices dans le Seigneur... »

Ce psaume se divise en deux parties.

I) Dans la première partie, le psalmiste demande la miséricorde.

II) Puis, dans la seconde il expose sa misère : 3 Parce que tes flèches se sont fixées en moi.

I. La miséricorde est demandée par le juge, dont le châtiment est craint. Le juge reprend d'abord en paroles : « Je ne te reprendrai pas pour tes sacrifices. » Puis il corrige par des faits.

Le psalmiste ne demande donc pas de n'être pas repris, mais il demande de ne pas l'être dans la fureur ; aussi dit-il : Seigneur, ne me reprends pas dans ta fureur. La fureur et la colère en Dieu ne signifient pas un mouvement passionnel, car il est écrit : « Il juge avec tranquillité. » Mais quant à leur effet elles sont attribuées à Dieu, car lorsqu'il est furieux il n'épargne pas. Voilà pourquoi il demande d'être corrigé, mais non dans la colère ; aussi dit-il : et ne me corrige pas dans ta colère, car il est écrit : « La jalousie et la fureur du mari ne pardonneront pas au jour de la vengeance. » C'est pourquoi il reprend dans la fureur lorsqu'il n'épargne pas, comme l'écrit Matthieu : « J'ai eu faim, et vous ne m'avez point donné à manger ; j'ai eu soif, et vous ne m'avez point donné à boire... » Et de même : « Allez loin de moi, maudits au feu éternel. » Ainsi donc je demande d'être corrigé, mais non dans la fureur.

Ensuite il traite du châtiment du juge. Et il y a un double châtiment. L'un est infligé en vue de l'extermination, et il est relatif à l'enfer : et il demande que ce châtiment ne lui soit pas infligé, lorsqu'il dit : Seigneur, ne me reprends pas dans ta fureur. L'autre est infligé en vue de la correction : et il demande que ce châtiment lui soit infligé. Mais il demande de n'être pas corrigé dans la colère : et dans ta colère, c'est-à-dire avec un châtiment accablant, ne me corrige pas. - « Corrige-moi Seigneur, mais cependant dans ta justice, et non dans ta fureur, de peur que tu ne me réduises au néant. »

3 Parce que tes flèches se sont fixées en moi, et que tu as appesanti sur moi ta main. 4 il n'est rien de sain dans ma chair à la face de ta colère ; il n'y a pas de paix dans mes os en présence de mes péchés. 5 Parce que mes iniquités se sont élevées au-dessus de ma tête ; et comme un fardeau pesant, elles se sont appesanties sur moi. 6 Mes plaies se sont putréfiées et corrompues en présence de ma folie.

II. La miséricorde ne trouve de place que là où il y a de la misère. Et c'est pourquoi le psalmiste fait deux choses à ce propos.

A) Il rappelle d'abord que sa misère est considérable.

B) Puis il demande le secours divin : 22 Ne m'abandonne pas.

A. Il commence par montrer sa misère, et :

1) D'abord celle dont il souffre en vertu d'une cause supérieure, c'est-à-dire sous l'action de Dieu qui l'inflige.

2) Puis il montre la misère dont il souffre intérieurement, c'est-à-dire par le remords de la conscience : il n'y a pas de paix.

3) Enfin celle dont il souffre extérieurement, c'est-à-dire à cause de l'homme méprisant : 12 Mes amis.

1. En parlant de la misère dont il souffre sous l'action de Dieu il fait deux choses.

a) Il expose d'abord le coup divin.

b) Puis l'effet de ce coup : 4 Il n'est rien de sain dans ma chair.

a. Il parle ici en tant qu'il se réfère, selon une première manière, au coup de la tribulation que Dieu envoie ; selon une autre manière, au mouvement de la contrition.

Selon une première manière, ces trois modes de souffrance ont une raison de convenance. Le coup est grave pour deux raisons : à savoir parce qu'il pénètre en profondeur : et à cause de cela l'homme se convertit. À ce propos il est écrit d'abord que le coup parvient jusqu'aux profondeurs, aussi dit-il : tes flèches, c'est-à-dire ton coup, se sont fixées en moi, c'est-à-dire jusqu'à l'intime de mon être : « Les flèches du Seigneur sont en moi ; et leur indignation a épuisé mon esprit. »

Puis, que de tels coups ne passent pas aussitôt, mais qu'ils demeurent ; aussi dit-il : tu as appesanti sur moi ta main. - « Le passage de la verge sera affermi ; le Seigneur la fera reposer sur lui au milieu des tambours et des harpes, et dans des guerres considérables il les vaincra. » - « Il est terrible de tomber aux mains du Dieu vivant. »

Enfin, que ces coups sont graves, et c'est la raison pour laquelle il dit : ne me reprends pas dans ta fureur, car je suis déjà assez criblé de flèches.

b. Il n'est rien de sain. Ici il expose l'effet de son criblement de flèches. Ma chair est désordonnée, sujette à la corruption et à l'infection : « Je sais que n'habite pas en moi », c'est-à-dire dans ma chair, « le bien ».

Selon une autre manière cela peut s'entendre du souvenir de la contrition, et il donne ainsi la raison pour laquelle il ne veut pas être puni par Dieu. Parce que tes flèches. Les flèches de Dieu sont les paroles de Dieu : « Il a disposé ma bouche comme un glaive aigu ; à l'ombre de sa main il m'a protégé, et il m'a disposé comme une flèche choisie ; il m'a caché dans son carquois. » Mais lorsque le pécheur écoute les paroles de Dieu, et qu'elles se sont fixées à son coeur, alors il les met dans son coeur ; et cependant il n'est pas touché de componction par elles ; il est alors digne de fureur, parce qu'il n'a pas été touché de componction par les paroles de Dieu. Et comme le dit Grégoire : La langue du prédicateur peine extérieurement en vain, si intérieurement la force du Rédempteur n'opère pas. Et c'est pourquoi il faut que la main de Dieu fixe ces flèches jusqu'à l'intime de l'être ; aussi dit-il : tu as appesanti sur moi ta main.

dans ma chair. - « La chair convoite contre l'esprit, et l'esprit contre la chair : en effet, ils sont opposés l'un à l'autre de sorte que vous ne faites pas tout ce que vous voulez. » Lorsque la chair possède la santé, l'esprit est faible, et vice versa, c'est-à-dire que lorsque l'esprit est sain et fort, la chair, elle, est faible : car tout ce qui est sans force concerne la chair : « Ma chair a été changée à cause de l'huile qui m'a manqué. »

Donc l'effet de la parole de Dieu envoyée, ou inculquée, c'est qu'elle fait perdre la force à la concupiscence de la chair : « Faites mourir vos membres qui sont sur la terre : la fornication, l'impureté, la luxure, les mauvais désirs, et l'avarice, qui est une idolâtrie. » Origène commente cela en se conformant à la première exposition : à la face, c'est-à-dire à la considération de ta colère, car par tes paroles la colère du jugement futur est prise en considération. Et à cause de cela la chair perd de sa force.

2. Et il n'y a pas de paix dans mes os. Ici le psalmiste montre sa misère intérieure, c'est-à-dire le péché en raison duquel il souffre la tribulation, autrement dit : la santé de la chair est ôtée à la considération de ta colère ; mais en reconnaissant mes péchés, l'esprit est également frappé ; aussi dit-il : il n'y a pas de paix dans mes os, c'est-à-dire pour mon esprit : « Il n'est pas de paix pour les impies, dit le Seigneur Dieu. » Et cela en présence de mes péchés, c'est-à-dire je ne puis garder la paix de l'esprit à cause de la multitude et de la gravité de mes péchés. Mais éprouves-tu la tribulation ? Et il dit que oui. Aussi a-t-il mentionné qu'il l'a éprouvée.

a) Et il expose d'abord ses péchés.

b) Puis son absence de paix.

a. Il y a trois choses qui aggravent les péchés : leur multitude, leur gravité et leur réitération ; car si on pèche fréquemment, le péché devient grave.

- En parlant de leur multitude il dit donc : Parce que mes iniquités se sont élevées au-dessus de ma tête. C'est une manière de parler. Par iniquités est signifiée la multitude des péchés ; car de même que l'eau recouvre l'homme, ainsi les péchés le submergent. Et l'eau ne fait pas cela, excepté seulement dans la mesure où elle s'accroît au point de dépasser la tête. Autrement dit : elles se sont accrues tellement qu'elles sont montées au-dessus de ma tête : « Je suis enfoncé dans une boue profonde et sans consistance. » - « J'ai péché plus que la quantité de sable de la mer, et mes péchés se sont multipliés. » Et il dit : au-dessus de ma tête, c'est-à-dire au-dessus de mon esprit entraîné au consentement du péché. L'homme se comporte de trois manières dans le péché.

· Parfois il est en état de concupiscence, et son esprit résiste ; et alors il n'atteint pas sa tête.

· Parfois il consent, mais sous la contrainte de la passion, et alors bien qu'il parvienne à la tête, il ne la dépasse cependant pas.

· Mais lorsqu'ils se réjouissent d'avoir mal fait, et tressaillent de joie dans les choses les plus mauvaises », alors les iniquités s'élèvent au-dessus de leur tête.

- En parlant de la deuxième cause d'aggravation, il dit : comme un fardeau pesant, elles se sont appesanties sur moi. Et les péchés sont dits accabler, parce qu'ils oppriment à la manière d'une chose lourde. Donc plus l'homme est accablé, plus il s'éloigne de Dieu : « L'iniquité est assise sur une masse de plomb. » - « Malheur à la nation pécheresse, au peuple chargé d'iniquité. » Une autre version lit : « Sustulit in altum (Il s'est élevé) », car parfois les péchés graves mènent au mépris, et l'impie s'enorgueillit, « lorsqu'il est venu au fond des péchés ».

- En parlant de la troisième cause d'aggravation il dit : Mes plaies se sont putréfiées et corrompues, à cause de la récidive. Une plaie résulte d'une blessure ; ainsi de même lorsque quelqu'un pèche et que le péché lui a été remis, mais qu'il a encore une propension à pécher, il y a comme une plaie résultant de la blessure. Mais parfois Dieu la guérit par la satisfaction et l'exercice des bonnes oeuvres : « Je fermerai ta plaie, et je te guérirai de tes blessures. » Mais parfois nous ne nous surveillons pas bien ; et de même que par l'incapacité d'un médecin, une maladie engendre quelquefois intérieurement de la putréfaction, et corrompt un membre, ainsi en est-il dans le pécheur : car lorsque son péché n'est pas soigné par la correction, ou par la pénitence, la pourriture se manifeste intérieurement, c'est-à-dire la délectation du péché commis dans le passé ; et il consent à en commettre un autre semblable : « Les bêtes de somme ont pourri dans leur ordure. »

Il en résulte de la corruption lorsque le péché s'étend à l'acte. Ou bien il y a corruption lorsque non seulement les pécheurs sont pourris en eux-mêmes, mais qu'ils répandent sur les autres leur pourriture par leur mauvaise réputation : en présence de ma folie. Lorsqu'un médecin soigne, il arrive qu'une blessure pourrisse à cause de sa sottise ; ainsi, l'homme qui ne sait pas bien prendre garde à lui-même à cause de sa sottise souffre de récidiver dans son péché : « Ils s'égarent, ceux qui opèrent le mal. »

7 Je suis devenu misérable, et j'ai été courbé jusqu'a la fin ; tout le jour je marchais contristé. 8 Parce que mes reins ont été remplis d'illusions, et il n'y a rien de sain dans ma chair.

b. Plus haut le psalmiste a dit : il n'y a pas de paix dans mes os, et il a montré quels sont ses propres péchés, car ils sont nombreux, graves et répétés ; ici il traite de la suppression de la paix et à ce propos il fait deux choses.

- Il commence par exposer l'inquiétude qui s'oppose à la paix.

- Puis il expose le remède de la consolation et de l'espérance : 10 Seigneur, devant toi est tout mon désir.

- Il montre l'inquiétude de son âme de deux manières.

· D'abord quant à l'humiliation, et quant à l'irascible.

· Puis quant à l'humiliation du coeur, ce qui regarde le mouvement du concupiscible : tout le jour.

· En parlant de l'humiliation et de l'irascible il fait deux choses.

Il fait d'abord connaître la cause de l'humiliation ;

puis l'humiliation elle-même.

La cause de l'humiliation c'est que Je suis devenu misérable, c'est-à-dire que moi je reconnais ma misère. La misère s'oppose à la félicité ; et c'est pourquoi elle consiste en son contraire. La félicité humaine consiste dans les biens de ce monde : « On a dit bienheureux le peuple à qui sont ces avantages. » La vraie félicité consiste dans l'adhésion à Dieu ; et d'où ce qui suit : mais plutôt » bienheureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu ». Donc il est misérable parce qu'il s'est détourné de Dieu par son péché : « La justice élève une nation ; mais le péché fait les peuples malheureux. »

Ainsi celui qui sait qu'il est séparé de Dieu par son péché se considère misérable ; et à cause de cela son âme est dite humiliée ; c'est pourquoi le psalmiste dit : j'ai été courbé. Cette action de se courber peut être appliquée à l'oppression de l'âme, à cause du poids du péché, car de même que les péchés créent un poids tel qu'ils courbent l'homme, et le font regarder à terre, ainsi font-ils regarder les choses basses et ne permettent pas de tendre par l'affection vers les réalités supérieures : « Je suis tellement courbé sous une pesante chaîne de fer. » Ou bien elle peut être appliquée à l'humilité, autrement dit : J'ai été courbé à cause de l'humilité, car lorsque l'homme reconnaît son péché, il ne goûte pas les réalités d'en haut. C'est l'attitude du publicain de l'Èvangile, « qui n'osait pas même lever les yeux au ciel ». Et cet acte de se courber ne doit pas être momentané, mais il doit durer toute la vie ; aussi dit-il : jusqu'à la fin, c'est-à-dire de la vie, aussi longtemps que dure la corruption du corps : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort ? »

· Ensuite le psalmiste traite de la tristesse du coeur, et il fait trois choses.

Il commence par faire connaître cette tristesse.

Puis il mentionne la cause de cette tristesse.

Enfin son intensité.

Ainsi dit-il : non seulement j'ai été humilié face à mon orgueil, mais j'ai aussi été contristé face à ma délectation du péché ; et telle est la bonne tristesse : « Car la tristesse qui est selon Dieu » est bonne. Et il traite de deux choses à propos de la tristesse.

Il souligne d'abord le fait qu'elle doit être continuelle ; aussi dit-il : tout le jour. - « Il y a une grande tristesse en moi, et une douleur continuelle dans mon coeur. » - « Je laverai chaque nuit mon lit [de mes pleurs] ; j'arroserai ma couche de mes larmes. » - « Je pleurerai jour et nuit les morts de la fille de mon peuple. » Augustin commente : « Qu'il souffre toujours, et qu'il se réjouisse toujours de sa douleur. »

Puis, qu'il y a une tristesse qui préoccupe, celle qui mène au désespoir : « Vous devez au contraire user avec lui d'indulgence et le consoler, de peur qu'il ne soit préoccupé par une trop grande tristesse, se trouvant dans une pareille situation. » Il y a une tristesse qui accable, et c'est la paresse spirituelle qui abat de telle sorte qu'elle ne permet pas de faire le bien. Mais la tristesse de celui qui se repent n'est pas ainsi ; au contraire, elle est accompagnée de l'espérance et de l'exercice des bonnes oeuvres ; c'est pourquoi il dit : je marchais, c'est-à-dire dans la vie, et je progressais dans les bonnes oeuvres. Le bien progresse, parce que les biens spirituels vers lesquels tend l'homme bon sont intérieurs : « Oubliant ce qui est en arrière », c'est-à-dire les biens temporels, vers lesquels tendent les pécheurs, biens qui sont extérieurs, « et m'avançant vers ce qui est devant, je tends au terme, au prix de la vocation céleste de Dieu dans le Christ Jésus ». - « Je te conduirai par les sentiers de l'équité ; lorsque tu y seras entré, tes pas ne seront pas gênés. »

8 Parce que mes reins ont été remplis d'illusions. Ici il expose la cause de cette tristesse. Selon le commentaire de la Glose, par reins on entend l'âme. Et il dit : les reins, parce que là se trouve la jouissance, et il n'y a rien de sain dans ma chair, afin de montrer qu'il est faible intérieurement et extérieurement. Mais il est préférable de l'expliquer autrement, en disant qu'il est affligé par le péché, lorsqu'il reconnaît sa propre misère. Et la misère se reconnaît principalement dans la corruption de la sensualité : « Je vois dans mes membres une autre loi qui combat la loi de mon esprit, et me captive sous la loi du péché, laquelle est dans mes membres. » Et il ajoute : « Malheur à moi homme, qui me libérera du corps de cette mort ? » Autrement dit : je me reconnais misérable, et j'ai été contristé, parce que mes reins [sont] remplis d'illusions. Au sens littéral, la jouissance charnelle me remplit d'illusions, parce que le diable se sert de notre sensualité comme d'un instrument, et là où il nous voit faibles, là il nous combat : « L'insensé se jouera du péché. » Et ces illusions de choses variées résultent d'une double cause.

Elles sont parfois dues à la corruption, car la chair cherche toujours ce qui lui convient, en tant que cela lui est naturel ; et à moins que l'esprit ne la retienne, il faut qu'elle trouve sa jouissance dans ces choses. Et il est impossible à l'esprit d'être toujours vigilant, c'est pourquoi il faut bien qu'il soit dans l'illusion.

Parfois ces illusions résultent de l'esprit propre, à savoir lorsque quelqu'un inculque toujours en lui des pensées charnelles : et cet acte constitue un péché véniel dans un premier temps ; enfin, s'il consent, cet acte devient un péché mortel ; et le pécheur reconnaît cela, non comme si c'était dû à sa chair, mais comme venant de lui-même ; aussi dit-il : il n'y a rien de sain dans ma chair. - « Je sais que le bien n'habité pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair. »

9 J'ai été affligé et j'ai été humilié à l'excès, je rugissais par suite du gémissement de mon coeur.

Ici le psalmiste expose l'intensité de la tristesse.

Et il commence par exposer cette intensité.

Puis il en donne le signe : je rugissais.

Il a exposé deux choses dans la tristesse. D'abord, qu'il a été contristé. Puisqu'il a été courbé. Par la première chose il désigne la tristesse, mais par la seconde l'abattement. Et il tient à répéter ces deux choses ici.

En relation avec le fait qu'il a été courbé il dit : j'ai été humilié. En relation avec le fait qu'il a été contristé il dit : J'ai été affligé, et à l'excès pour l'un comme pour l'autre ; et cela en raison de l'intensité du mal qu'il encourait, car le péché est le mal souverain. Et c'est pourquoi il est affligé de multiples douleurs. Également, en raison de la perte d'un bien considérable : « Sache et vois combien il est mal et amer d'avoir abandonné le Seigneur ton Dieu, et de n'avoir plus ma crainte auprès de toi, dit le Seigneur Dieu des armées. » Semblablement, selon Origène, à cause du passage de l'état de grâce et de vertu à l'état de péché. Selon Boèce, il n'est de sorte d'infélicité plus grande que celle d'avoir goûté la félicité. - « Qui m'accordera que je sois comme dans des anciens mois, comme aux jours dans lesquels Dieu me gardait ? »

Le signe de sa grande tristesse est le rugissement ; c'est pourquoi il dit : je rugissais par suite du gémissement de mon coeur. On appelle rugissement le cri des bêtes, à savoir celui du lion et de l'ours, en raison de la véhémence de la douleur ou de la faim. C'est pourquoi le rugissement est la véhémence des larmes : « Comme les eaux qui débordent, ainsi sont mes rugissements » ; aussi dit-il : je rugissais, c'est-à-dire je pleurais amèrement. Mais il arrive parfois que quelqu'un pleure extérieurement, non cependant sous l'ébranlement de l'âme. Mais moi je ne pleure pas ainsi, au contraire ce rugissement procède du rugissement de mon coeur : « Mes gémissements sont nombreux, et mon coeur est triste. » - « Nous rugirons tous comme les ours, et comme les colombes, méditant, nous gémirons. »

10 Seigneur, devant toi est tout mon désir, et mon gémissement ne t'est point caché.

- Ici le psalmiste expose le remède de la consolation.

· Et il montre d'abord que le remède de sa consolation est en Dieu seul.

· Puis il montre que cela lui est nécessaire, car il ne trouve en lui-même aucun motif de consolation : Mon coeur.

· « Ta perte vient de toi, Israël ; c'est seulement en moi qu'est ton secours. » Or il y a une double tristesse. Une tristesse qui mène au désespoir ; et cette tristesse ôte le désir et le gémissement, car l'un et l'autre s'expriment en secret ; et c'est pourquoi le désir et le gémissement intérieur sont connus de Dieu ; aussi dit-il : Seigneur, devant toi est tout mon désir. Devant toi a été approuvé ce que je désire, et c'est pourquoi j'espère que cela me sera donné par toi : « L'objet de leur désir sera accordé aux justes. » - « Le Seigneur a exaucé le désir des pauvres. »

Ou bien selon une autre manière d'expliquer : devant toi, c'est-à-dire t'est connu tout mon désir, toi qui scrutes les coeurs : « Dieu regardé le coeur. » - « L'enfer et la perdition [sont à nu] devant le Seigneur ; combien plus le coeur des hommes ? »

Ou encore de la manière suivante : devant toi, etc., c'est-à-dire mon désir est que je sois devant toi : « Mon âme a eu soif du Dieu fort, vivant. »

et mon gémissement ne t'est point caché, c'est-à-dire toi tu l'approuves, ou bien toi tu le reconnais : « J'ai vu l'affliction de mon peuple en Egypte, et j'ai entendu sa clameur à cause de la dureté de ceux qui président aux travaux. »

11 Mon coeur a été troublé, ma force m'a abandonné ; et la lumière de mes yeux elle-même n'est plus avec moi.

Ici il montre que la nécessité de la consolation est telle qu'il n'y a en lui-même aucun motif qui puisse le consoler.

Il y a trois choses dans l'homme, à savoir l'intelligence, la volonté, et la force exécutive : l'intelligence dirige, la volonté commande, la forcé exécute : et ces trois choses font défaut en moi. Car Mon coeur, c'est-à-dire l'affectivité, a été troublé, a été ébranlé par la tristesse et l'émotion : « Tu as ébranlé la terre et tu l'as bouleversée ; guéris ses brisures, parce qu'elle a été ébranlée. »

Ou bien : a été troublé à cause du souci du monde. Semblablement la force exécutive m'a abandonné, celle que j'avais avant le péché.

Ou bien il parle au nom du genre humain. La force que j'ai reçue dans nos premiers parents, de telle sorte que je ne connaisse pas la corruption intérieure ou extérieure, m'a abandonné, à cause du péché : « N'y a-t-il pas en moi de forcé pour délivrer ? » et la lumière de mes yeux n'est plus avec moi, c'est-à-dire ma raison et mon esprit sont privés de la lumière de la raison, grâce à laquelle ils évitent le mal et font le bien. Ou bien la lumière de mes yeux, c'est-à-dire Dieu, n'est pas avec moi à cause du péché, car « vos péchés vous ont caché sa face, afin qu'il ne vous écoutât point ».

12 Mes amis et mes proches contre moi se sont approchés, et ils se sont arrêtés. Et ceux qui étaient près de moi se sont arrêtés au loin ; 13 et ceux qui cherchaient mon âme me faisaient violence. Et ceux qui me cherchaient des maux ont dit des choses vaines, et tout le jour ils ne méditaient que des ruses.

3. Plus haut le psalmiste a exposé avec précision sa propre misère, misère dont il souffre pour une raison supérieure et intérieure ; mais ici il expose la misère dont il souffre à cause de ses semblables. À cet égard il fait deux choses.

a) Il montre d'abord ce qu'il souffre de la part des hommes.

b) Puis il montre quelle en est la cause : 20 Mais mes ennemis.

a. En parlant de ce qu'il souffre de la part des hommes il fait trois choses.

- Il commence par mentionner les maux dont il souffre de la part des hommes.

- Puis il montre sa patience face à ceux-ci : 14 Mais moi.

- Enfin il montre le motif de sa patience : 16 Parce qu'en toi, Seigneur, j'ai espéré.

- Il montre donc qu'il a été affligé par tout le genre humain : et bel et bien, puisqu'il montre d'abord qu'il a souffert de la part de ses amis. Puis de la part de ses ennemis : et me faisaient violence.

Ses amis l'affligent doublement : en le persécutant et en le délaissant : car par le fait même qu'ils ne l'aident pas, ils l'affligent.

Et ceux qui étaient près de moi. Semblablement il y a deux genres d'amis. Il y a des amis personnels et étrangers. Et il y a des amis et des proches ; et il dit avoir été affligé par les uns et par les autres.

En parlant du premier genre il dit : Mes amis. Et cela peut s'entendre de la personne du Christ, qui dans ce psaume parle parfois pour lui-même, parfois pour ses membres ; ou bien cela peut s'entendre de la personne du pénitent.

Si on le lit en l'appliquant à la personne du Christ, il est manifeste que les Juifs, qui sont ses proches, furent ses adversaires ; aussi le psalmiste dît-il : contre moi [ils] se sont approchés, et ils se sont arrêtés.

Ou bien si on l'applique à la personne du pénitent, alors Origèné commente :

Tout homme se trouve en ce monde parmi les pécheurs, et aussi longtemps qu'il vit dans les péchés ils lui montrent de l'amitié ; mais lorsqu'il abandonne le monde et le péché, alors les pécheurs s'opposent à lui ; aussi le psalmiste dit-il : Mes amis, c'est-à-dire ceux qui étaient auparavant mes amis : « Il est tel ami qui se tourne vers l'inimitié. » et mes proches, c'est-à-dire unis par la chair : « Les ennemis de l'homme sont ses serviteurs. » - « J'ai entendu les outrages d'un grand nombre et la terreur tout autour. »

contre moi se sont approchés, et ils se sont arrêtés. Il arrivé parfois qu'un ami s'oppose à la parole ou à l'action de quelqu'un ; mais il a cependant un tel respect pour l'amitié, qu'il ne s'oppose pas à lui en face. Et c'est pourquoi le psalmiste dit que non seulement ils se sont arrêtés au loin, mais qu'ils se sont approchés, c'est-à-dire se sont opposés comme devant un ennemi. Parfois aussi un ami se soulève contre lui en action, cependant il ne persévère pas. Mais il dit à leur sujet qu'ils se sont arrêtés, c'est-à-dire qu'ils furent pour moi des adversaires : « Les rois de la terre se sont levés, et les princes se sont ligués contré le Seigneur et contre son Christ. »

Et ceux qui étaient près de moi, se sont arrêtés au loin. Ici il montré comment il a été abandonné. Si on exposé cela à propos du Christ, il fut vraiment abandonné :

« Tous les disciples l'abandonnant, s'enfuirent. » Semblablement le pénitent est abandonné, après qu'il s'est converti à Dieu ; d'où ce qui est écrit : Et ceux qui étaient près de moi, c'est-à-dire mes amis par familiarité ou selon la chair, se sont arrêtés au loin. - « Voici que je n'ai pas de secours en moi, et mes amis même se sont retirés de moi. » - « Tu as éloigné de moi amis et proches, et ceux qui m'étaient connus, à cause de ma misère. »

et ceux qui cherchaient mon âme, me faisaient violence. Et non seulement il est ainsi affligé par ses amis, mais aussi par ses ennemis. Et il y a deux genres d'ennemis. Certains sont des ennemis mortels, et ils tuent. Il y en a d'autres qui ne sont pas mortels, parce qu'ils ne cherchent pas a tuer : et il parle des uns et des autres ici.

Au sujet des premiers il dit : ceux qui cherchaient mon âme me faisaient violence, c'est-à-dire cherchaient à me tuer. Au sens littéral on l'applique au Christ que les Juifs cherchaient à tuer ; aussi dit-il : faisaient violence, c'est-à-dire causaient de la violence : « Ne fais point violence au pauvre, parce qu'il est pauvre. » Selon une version de Jérôme : « Ut vim facerent (Afin de faire violence). » Ou bien : cherchaient, à savoir les démons ou les amis, qui voulaient m'amener au mal après que je me fus converti à Dieu, et qui me faisaient violence.

À propos des seconds il dit : Et ceux qui me cherchaient des maux ont dit des choses vaines, c'est-à-dire ont proféré le mensonge contré moi. Ainsi arriva-t-il aux Juifs contré le Christ ; eux qui, proférant le mensonge, disaient : « Nous avons trouvé celui-ci pervertissant notre nation, défendant de payer le tribut à César, et disant qu'il est Christ et roi. » - « Et tout le jour ils ne méditaient que des rusés, pour le surprendre dans ses paroles. »

Semblablement cela arrive à n'importe quel pénitent : car un pénitent, comme le dit Origène, confesse son péché, et si c'est nécessaire, il accomplit une pénitence publique ; et il est raillé par les autres qui persévèrent dans le péché. - « La simplicité du juste est tournée en dérision. »

- Et ils disent beaucoup de choses vaines et fausses contré lui : « Ils ont dit des paroles vaines, chacun à son prochain. » Et de même ils dressent des embûches, s'ils trouvent de quoi le confondre : « Né dresse pas d'embûches, et ne cherché pas l'impiété dans la maison du juste. »

14 Mais moi ; comme un sourd, je n'entendais pas ; et [j'étais] comme un muet n'ouvrant pas la bouche. 15 Et je suis devenu comme un homme n'entendant pas, et n'ayant pas dans sa bouche de répliques.

- Ici le psalmiste montre la patience qu'il a manifestée de lui-même.

· Et il expose d'abord sa patience.

· Puis l'effet de sa patience : je suis devenu comme un homme.

· Les hommes, lorsqu'ils sont affligés, à moins qu'ils ne supportent avec patience, commencent par être ébranlés dans leur âme, puis deviennent désordonnés dans leurs paroles. Mais le remède pour que l'homme ne soit pas ébranlé dans son âme, c'est qu'il soit comme un sourd qui n'écoute pas les paroles iniques. Et c'est pourquoi il dit : Mais moi, comme un sourd, je n'entendais pas, c'est-à-dire quant à moi je feignais d'entendre : « Jusqu'à un certain temps souffrira [l'homme] patient. » Et il est écrit semblablement dans le même livre : « Entoure tes oreilles d'une haie d'épines, et n'écoute pas la langue méchante. » Et le remède pour qu'il ne soit pas désordonné dans ses paroles, c'est qu'il soit muet : « Je suis devenu muet, et je me suis humilié, et j'ai passé sous silence de bonnes choses. » Voilà pourquoi il dit : et [j'étais] comme un muet n'ouvrant pas la bouche. Et le Christ réalise cela parfaitement, comme le rapporte Matthieu : « Mais il ne lui répondit à aucune de ses paroles, de sorte que le gouverneur en était extrêmement étonné. » - « Comme une brebis il sera conduit à la tuerie, et comme un agneau devant celui qui le tond, il sera muet, et il n'ouvrira pas la bouche. » Ainsi doivent aussi se comporter les hommes justes : « J'ai mis à ma bouche une garde, lorsque le pécheur s'élevait contre moi. »

·Et je suis devenu comme un homme n'entendant pas.

Ici le psalmiste expose l'effet de sa patience ; mais ce comportement s'oppose à la pensée des méchants, qui attribuent cela à la lâcheté et non à la vertu. Et il dit : je suis devenu, c'est-à-dire selon l'opinion, comme un homme n'entendant pas, et non vertueux. D'où ce qui est écrit au sujet du Christ : « Tu ne me parles pas ? »

et n'ayant pas dans sa bouche de répliques, c'est-à-dire comme s'il n'était pas sage pour répondre. Aussi il est écrit à propos du Christ qu'Hérode se joua de lui et le méprisa.

16 Parce qu'en toi, Seigneur, j'ai espéré ; toi, tu m'exauceras, Seigneur mon Dieu.

- Ici le psalmiste montre le motif de sa patience. Il est triple : du côté de Dieu, du côté des ennemis, et de son propre côté.

· Du côté de Dieu le motif de sa patience est dû au fait que toute sa cause est abandonnée à Dieu : « À moi la vengeance, et c'est moi qui ferai la rétribution. » Et c'est pourquoi il dit : mais moi en toi j'ai espéré, Seigneur, autrement dit : en toi est ma cause : « Mon espérance, c'est toi, au jour de l'affliction. » Et qu'espères-tu de Dieu ? J'ai dit : toi, tu m'exauceras, Seigneur mon Dieu. Selon Origène, lorsqu'un homme prie Dieu et n'est pas exaucé, c'est parce que lui-même n'écoute pas celui qui le commande. - « Celui qui détourne ses oreilles pour ne pas écouter sa loi, sa prière sera exécrable » ; mais celui qui obéit à Dieu et à sa loi, celui-là est alors exaucé : « La prière assidue du juste peut beaucoup. » Or Dieu recommande surtout la patience : « Si quelqu'un te frappe sur la joue droite, présente-lui encore l'autre. » Et c'est pourquoi ceux-là sont exaucés par Dieu, qui ont su prier pour leurs ennemis, comme le fait l'Eglise ; c'est pourquoi le prophète Jérémie écrit : « Quand même Möise et Samuel se présenteraient devant moi » - car ces derniers dans l'Ancien Testament ont prié pour leurs ennemis, - « mon âme ne serait pas pour ce peuple », c'est-à-dire je ne les exaucerais pas pour ce peuple, autrement dit : car si je souffre avec patience, toi, tu m'exauceras.

17 Parce que j'ai dit : Que jamais mes ennemis ne se gaussent de moi ; et tandis que mes pieds sont ébranlés, ils ont dit sur moi de grandes [insolences]. 18 Parce que moi je suis prêt à [recevoir] des châtiments, et ma douleur est en ma présence toujours.

Plus haut le psalmiste a exposé les maux qu'il a soufferts de la part des hommes ; et il a montré aussi sa patience, et il a donné un motif de sa patience du côté de Dieu.

· Ici à présent il donne un motif de sa patience du côté de ses ennemis. Il arrive parfois que, par la miséricorde de Dieu, celui qui souffre une tribulation, souffre des maux qui sont infligés par d'autres, en vue d'avoir la paix avec ses ennemis : « Lorsque plairont au Seigneur les voies de l'homme, il convertira même ses ennemis à la paix. » - « Les bêtes de la terre seront pacifiques pour toi. » Et ce comportement est aussi naturel, car il n'est personne qui soit à ce point violent ou cruel que lorsqu'il voit quelqu'un humilié, il l'afflige davantage. Même le chien ne mord pas un homme qui est étendu. Donc lorsque quelqu'un résiste à un ennemi, il provoque l'ennemi à le nuire, et Dieu ne l'aide pas : « Si j'ai rendu le mal à ceux qui m'en avaient fait, que je tombe sous mes ennemis sans défense ; je l'ai mérité. » Et c'est pourquoi il donne ici un motif de sa patience qui consiste à ne pas tomber dans leurs mains ; et à ce propos il fait deux choses.

Il commence par mentionner au sujet de ses ennemis leur joie corporelle.

Puis leur insulte.

Ainsi dit-il : j'ai dit : Que jamais mes ennemis ne se gaussent de moi ; si Dieu ne veut pas me défendre, qu'il ne me prenne pas en considération, et ainsi mes ennemis l'emporteront sur moi et se réjouiront.

En parlant de leur insulte il dit : et tandis que mes pieds sont ébranlés. Une version de Jérôme lit : deficio (je tombe en faiblesse), et notre version lit : « Super me magna locuti sunt (Ils ont dit sur moi de grandes [insolences]). » Et tandis que mes pieds glissent, etc., ils disent. Si on l'entend au passé, en voici le sens : j'ai dit : Que jamais, etc. Cela peut se référer à son expérience ; autrement dit : je sais par expérience qu'ils se réjouiraient. Mais si mes pieds glissaient, etc. Certains tombent, d'autres vacillent mais ne tombent pas, d'autres sont faibles. Les méchants insultent parfois un homme religieux, et ils parlent surtout contre lui : « Ne multipliez point des paroles hautaines en vous glorifiant. » - « Que le Seigneur perde entièrement toutes les lèvres trompeuses, et la langue qui profère des discours superbes. »

· Le troisième motif [de sa patience] est de son propre côté, c'est-à-dire du côté de celui qui souffre. Il fait d'abord connaître la promptitude de son âme, puis sa cause.

Ainsi dit-il : Parce que moi je suis prêt à recevoir] des châtiments. Nul n'est impatient si ce n'est de ce qu'il souffre à contre-coeur. Il faut considérer deux genres d'hommes. Il y en a qui ne sont pas châtiés ici-bas, mais qui sont réservés au feu éternel : « Ils n'ont point de part au labeur des hommes, et ils ne sont pas frappés comme les autres hommes », c'est-à-dire ne sont pas corrigés ici-bas. Il y en a d'autres qui sont châtiés en ce monde, parce que Dieu les corrige comme des fils : « Le Seigneur châtie celui qu'il aime, et il frappe de verges tout fils qu'il reçoit. » Selon Grégoire, « le signe de la réprobation éternelle, c'est lorsque Dieu n'inflige aucun châtiment à un homme en ce monde ». Ainsi Ambroise a-t-il refusé d'être reçu dans la maison de quelqu'un qui avait toujours vécu dans la prospérité. Et c'est pourquoi il dit : Parce que moi je suis prêt [à recevoir] des châtiments.

Il expose d'abord la douleur.

Puis la cause de la douleur.

En effet on remarque habituellement que lorsque quelqu'un souffre d'une douleur violente, il supporte alors une autre douleur : comme lorsqu'un homme supporte l'extraction d'une dent afin d'être délivré de la douleur dentaire. Et c'est pourquoi il dit : je suis prêt [à recevoir] des châtiments, parce que j'ai une autre douleur que je veux soigner. Et c'est pourquoi il dit : ma douleur, à savoir celle des péchés, est en ma présence toujours. - « Il y a une grande tristesse en moi, et une douleur continuelle dans mon coeur. » - « Ô vous tous qui passez par la voie, prêtez attention, et voyez s'il est une douleur comme ma douleur. » Et cette douleur est plus grande que toute douleur ; non en vérité d'après le sentiment, mais selon la vérité objective. Augustin dit que toutes les affections de l'âme sont causées par l'amour. L'homme trouve sa jouissance dans ce qu'il aime, et craint le contraire de ce qu'il aime, et souffre pareillement. Donc plus grand est l'amour, plus grande est la douleur résultant de son contraire. Mais la charité la plus petite est l'amour le plus grand. Donc la douleur résultant du péché est la plus grande ; mais elle n'est pas perçue par l'homme, parce que son appétit sensible n'est mû qu'à partir de l'appréhension des réalités sensibles, à travers la réflexion de la raison. Et de là vient que l'homme éprouve plus la douleur à propos d'autres choses que le péché : cependant selon sa raison il voudrait la souffrir plus que la douleur due au péché.

La cause de cette grande douleur est le péché ; et c'est pourquoi il dit :

19 Parce que je proclamerai mon iniquité, et je penserai à mon péché. 20 Mais mes ennemis vivent ; et se sont fortifiés contre moi ; et ceux qui me haïssent iniquement se sont multipliés. 21 Ceux qui rendent les maux pour les biens me dénigraient parce que je recherchais le bien.

Parce que je proclamerai mon iniquité. Autrement dit : je souffre parce que je considère mon péché, et en tant que je le manifeste aux autres. C'est pourquoi moi, je [la] proclamerai, c'est-à-dire je la manifesterai aux autres, comportement que je regarde comme le plus grand des remèdes, car il s'applique surtout dans la confession qui réjouit celui qui se confesse : « Celui qui cache ses crimes ne sera pas dirigé ; mais celui qui les confesse et les abandonne obtiendra miséricorde. » - « Confessez donc vos péchés l'un à l'autre. »

Puis il expose la satisfaction du péché à l'opposé de ceux qui se confessent sans satisfaire : « Je repasserai devant toi toutes mes années dans l'amertume de mon âme. » - « A sa face je suis troublé, et le considérant, je suis agité par la crainte. » Et ici sont mentionnées les trois parties de la pénitence.

Le mot douleur se réfère à la contrition.

Les mots parce que je proclamerai mon iniquité se réfèrent à la confession.

Enfin les mots je penserai, c'est-à-dire je satisferai, à mon péché, se réfèrent à la satisfaction.

b. 20 Mais mes ennemis vivent ; etc. Ici le psalmiste donne la raison de la miséricorde divine, à savoir la prospérité des ennemis ; et il en expose la cause selon trois points de vue.

- D'abord quant à la stabilité de leur coeur : vivent.

- Puis quant à la grandeur de leur puissance : et se sont fortifiés.

- Enfin quant à leur multitude : se sont multipliés.

- Ainsi dit-il : mes ennemis vivent. Et Origène commente ce verset comme suit : parfois un pénitent, après avoir été remis dans la paix, pense à son péché ; mais de si nombreuses tribulations s'élèvent contre lui qu'il lui semble qu'il doive se défendre ; cependant ce dernier dit : bien que mes ennemis vivent et soient prospères, je ne délaisse pourtant pas la douleur de mes péchés ; car l'homme ne doit pas se dérober à la pénitence. Le Christ a eu de nombreux ennemis, et il en a : « Ils m'ont haï gratuitement. » Et Dieu a ses ennemis : « Ils ont haï et moi et mon Père. » Et d'autres justes ont beaucoup d'ennemis, et ils ne vivent pas sans châtiment.

- et se sont fortifiés, c'est-à-dire ont une grande puissance, c'est-à-dire sont très puissants.

- et se sont multipliés ceux qui me haïssent iniquement ; c'est-à-dire injustement, car ils me persécutent en raison de la justice que je recherchais.

21 Ceux qui rendent les maux pour les biens. Or il y a une quadruple rétribution.

La première est celle qui rétribue le bien pour le bien ; une autre est celle qui rétribue le mal pour le mal : et ces dernières sont communes aux bons et aux méchants, parce que même le bon attribue le mal de la peine au mal de la faute ; une autre encore rétribue les biens pour les maux, et cette rétribution est le propre des bons ; la quatrième est celle qui rétribue le mal pour le bien, et cela relève des méchants : « Est-ce que pour le bien est rendu le mal, puisqu'ils ont creusé une fosse à mon âme ? »

me dénigraient. - « Et comme ils n'ont pas montré qu'ils avaient la connaissance de Dieu, Dieu les a livrés à un sens réprouvé, remplis de toute iniquité, malice, fornication, avarice, méchanceté ; pleins d'envie, de meurtre, de l'esprit de contention, de fraude, de malignité ; délateurs, détracteurs, etc. » Il y a une triple détraction : la première de celles-ci, c'est lorsqu'un homme dénigre son prochain à propos de son péché, même si ses péchés sont cachés, car s'ils sont cachés, ils ne doivent pas être publiés en usant du dénigrement. La deuxième est plus mauvaise, c'est lorsqu'il dénigre faussement. La pire, c'est lorsqu'il dénigre non pas le prochain en tant que tel, mais sa vertu, c'est-à-dire si l'on dit par exemple que sa chasteté est souillée. Et tel est le contenu de son propos, car il dit : je recherchais le bien, ils me dénigraient. - « Malheur à vous qui appelez le mal bien, et le bien mal. » - « Nous ne trouvons contre ce Daniel aucun moyen d'accusation, si ce n'est dans la loi de son Dieu. » La Glose [commente] : « Heureuse conscience à laquelle rien ne peut être imputé si ce n'est qu'elle observe la loi de son Dieu. »

22 Ne m'abandonne pas, Seigneur mon Dieu ; ne t'écarte pas de moi. 23 Soit attentif a me secourir, Seigneur Dieu de mon salut.

B. Ici le psalmiste exposé sa prière ; et il demandé que soit écarté de lui ce qu'il craint et que lui soit accordé ce qu'il aime : Sois attentif à me secourir.

Celui-ci demande que ne lui soit pas retiré ce qu'il craint, à savoir la présence de Dieu ; aussi dit-il : Ne m'abandonne pas, Seigneur, mon Dieu, à savoir dans ma tribulation : « Je suis avec lui dans la tribulation. » - « C'est le Seigneur ton Dieu, qui marche avec toi ; il ne té délaissera point et ne t'abandonnera point. » Et si tu sembles m'abandonner un peu, cependant ne t'écarte pas de moi tout à fait, parce que je ne puis subsister par moi-même : « Ma miséricorde ne se retirera pas de toi. »

Sois attentif à me secourir, c'est-à-dire aide-moi pour que je progresse. Et remarquez que l'Eglise dit ce petit verset au début de toutes les Heures, parce qu'il a un pouvoir contre les tentations. Voilà pourquoi lorsque nous commençons à prier, le diable nous tente. Et c'est la raison pour laquelle le psalmiste demandé le secours : aussi dit-il : Soit attentif parce que toi, Dieu, tu ès le donateur et le gardien de mon salut : « Ô toi, qui donnés le salut des rois, qui as racheté David ton serviteur d'un glaive meurtrier. »


Éditions du Cerf

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