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COMMENTAIRE DU PSAUME 38

1 Pour la fin, à Idithun lui-même, cantique de David.

2 J'ai dit : « Je garderai mes voies, afin que je ne pèche point par ma langue. » J'ai mis une garde à ma bouche, lorsque le pécheur s'élevait contre moi. 3 Je suis devenu muet, et je me suis humilié, et j'ai passé sous silence de bonnes choses ; et ma douleur a été renouvelée. 4 Mon coeur s'est échauffé au-dedans de moi ; et dans ma méditation un feu s'est embrasé.

5 J'ai dit par ma langue : « Seigneur, fais-moi connaître ma fin. Et le nombre de mes jours, quel il est ; afin que je sache ce qui me manque. »

6a Voilà que tu as fait mes jours mesurables, et mon être est comme rien devant toi.

6b En vérité, tout homme vivant est une vanité universelle.

7 En vérité, comme une image passe un homme ; et c'est bien en vain qu'il se trouble.

Il thésaurise, et il ignore pour qui il rassemblera ces [trésors].

8 Et maintenant quelle est mon attente ? N'est-ce pas le Seigneur ? Et mon bien est en toi.

9 Arrache-moi à toutes mes iniquités ; tu m'as rendu un objet d'opprobre pour l'insensé. 10 Je suis resté muet, et je n'ai pas ouvert ma bouche, parce que c'est toi qui l'as fait. 11 Détourne de moi tes blessures. 12 Par la force de ta main, moi j'ai défailli au milieu de tes réprimandes : À cause de [son] iniquité tu as puni l'homme. Et tu as fait dépérir son âme comme une araignée : en vérité, c'est en vain que tout homme se trouble.

13 Exauce ma prière, Seigneur, et mon imploration : prête l'oreille à mes larmes. Ne garde pas le silence. Parce que je suis auprès de toi un étranger et un pèlerin comme tous mes pères. 14 Remets-moi, afin que je sois rafraîchi, avant que je m'en aille et que je ne sois plus.

1 Pour la fin, à Idithun lui-même, cantique de David.

2 J'ai dit : « Je garderai mes voies, afin que je ne pèche point par ma langue. » J'ai mis une garde à ma bouche, lorsque le pécheur s'élevait contre moi. 3 Je suis devenu muet, et je me suis humilié, et j'ai passé sous silence de bonnes choses ; et ma douleur a été renouvelée. 4 Mon coeur s'est échauffé au-dedans de moi ; et dans ma méditation un feu s'est embrasé.

Le psalmiste a confessé qu'il a souffert l'affliction pour son propre péché ; mais ici il promet sa prudence pour l'avenir. Ce psaume s'intitule : Pour la fin, à Idithun lui-même, cantique de David. Et ceci n'est pas nouveau, bien que ce soit un nouveau titre, car on rapporte dans l'histoire du premier livre des Chroniques ce qui suit : David, après avoir ramené l'Arche d'alliance qui avait été prise par les Philistins, institua quatre mille chantres ; parmi ceux qu'il établit à l'intérieur, il appela Asaph, Ethan, et Idithun, et ce dernier figure sur ce titre. Et comme Origène le dit, cette coutume se pratiquait aussi chez les Grecs, à savoir que si parfois il se trouvait des poètes récitant des poèmes dans le peuple, lorsque ces poèmes n'étaient pas écrits par les récitants eux-mêmes mais par d'autres, la victoire n'était pas attribuée au récitant mais au poète. Ainsi en est-il également pour les psaumes ; car David composa tous les psaumes, et en chanta lui-même certains devant l'Arche, comme on le rapporte au second livre de Samuel, et il en donna d'autres pour être chantés ; et c'est pourquoi ceux auxquels ils étaient donnés, étaient comme des chantres et figuraient sur ces titres : tantôt à cause de leur dignité, parce qu'ils furent des prophètes, tantôt à cause du mystère. C'est pourquoi cela s'applique au mystère d'Idithun, qui veut dire « homme qui connaît intérieurement », ou « qui franchit », et signifie celui qui franchit la vanité du monde, dont il est beaucoup question dans ce psaume.

Ce psaume se divise en deux parties.

I) Dans la première le psalmiste expose la prudence dont il use pour échapper aux dangers.

II) Dans la seconde il montre la nécessité de la prudence : 6a Voilà que tu as fait mes jours mesurables.

I. Dans cette première partie il fait deux choses.

A) Il fait d'abord mention de la prudence.

B) Puis il montre le danger occasionné par cette prudence : 3 Je suis devenu muet.

A. En parlant de cette prudence il fait deux choses.

1) Il commence par la mentionner.

2) Puis il en donne la justification : J'ai mis une garde à ma bouche.

1. Trois choses sont à considérer dans la prudence : l'intention de prendre garde ; aussi dit-il : J'ai dit, c'est-à-dire j'ai établi et je me suis proposé dans mon coeur avec délibération : « J'ai dit, moi, dans mon coeur : J'irai et je nagerai dans les délices, et je jouirai des biens. » Puis il faut considérer quelle est son intention : car je garderai mes voies, c'est-à-dire mes progrès. Et l'homme doit garder les voies de Dieu afin qu'il soit imité : « Mon pied a suivi ses traces ; j'ai gardé sa voie, et je ne m'en suis pas détourné. » Semblablement, il doit garder ses voies afin de ne pas errer : « Gardez vos voies et vos oeuvres. » Enfin, il faut considérer le fruit qui en résulte : afin que je ne pèche point par ma langue. L'homme doit se garder avec un soin attentif de tout péché, et principalement du péché de la langue, car il se laisse entraîner facilement à ces péchés : car la langue est mobile et fait facilement éclater le mal. Ou bien une autre raison est due au fait que la langue est l'organe immédiat qui doit exposer ce qui est conçu intérieurement dans le coeur. C'est pourquoi aussitôt que la parole est conçue dans le coeur, elle est sur la langue ; et il faut donc qu'elle soit gardée avec un soin attentif.

2. Puis il donne la raison de cette vigilance : J'ai mis une garde à ma bouche, lorsque le pécheur s'élevait contre moi, autrement dit : la raison pour laquelle je garde mes voies, c'est qu'il y a toujours un adversaire contre moi. Il est écrit ailleurs que l'homme mette une garde à son coeur : « Garde ton coeur en toute vigilance, parce que c'est de lui que la vie procède. » Ici il dit qu'il met une garde à sa bouche, qu'elle n'est pas totalement fermée, mais elle doit être gardée, c'est-à-dire préservée des paroles mauvaises quant au temps, et quant à ce qu'il dit : « À toute chose est son temps et son opportunité. »

Et pourquoi ai-je mis une garde à ma bouche, lorsque le pécheur s'élevait contre moi ? Cela s'explique de trois manières.

Selon un premier sens comme suit : contre moi, pour me tendre un piège ; et dès lors la prudence est davantage nécessaire : « Si tu as l'intelligence, réponds à ton prochain ; mais sinon que ta main droite soit sur ta bouche. » - « Ils se concertèrent pour le surprendre en parole. » Selon un deuxième sens comme suit : contre moi, pour m'injurier ou pour m'attaquer : car c'est alors même qu'il t'attaque, que tu dois prendre garde à toi, puisque là se trouve la vertu : « Lui, qui était maudit, ne maudissait point. » Selon un troisième sens comme suit : contre moi, c'est-à-dire en ma présence, afin qu'il soit instruit : et alors la prudence est nécessaire pour qu'il ne publie pas toutes choses à tous. Car certaines choses doivent être exprimées aux justes qui ne doivent pas être dites aux pécheurs : « Je n'ai pas pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des hommes charnels. » - « Ne donnez pas les choses saintes aux chiens », autrement dit : J'ai mis une garde, afin de ne pas divulguer les secrets de la doctrine aux pécheurs.

B. 3 Je suis devenu muet. Ici le psalmiste expose le danger de la prudence, c'est-à-dire ce qu'elle peut occasionner ; voilà pourquoi il dit : voyant les pécheurs se battre contre moi, je me suis proposé de me taire complètement ; aussi dit-il : Je suis devenu muet, c'est-à-dire je me suis tu tout à fait. Mais il arrive parfois qu'une personne se taise exagérément par prudence, et parfois qu'elle se taise extérieurement et soit troublée intérieurement : « Le coeur de l'insensé est comme la roue d'un char. » Mais celui-ci n'est pas troublé intérieurement ; c'est pourquoi il dit : je me suis humilié, c'est-à-dire au fond du coeur, mais il y a un danger : car tandis que j'ai voulu me taire sur mes maux, j'ai aussi passé sous silence de bonnes choses ; ou bien de bonnes paroles que je n'ai pas dites, ou bien des hommes bons à qui je n'ai pas voulu parler : « Qu'aucun discours mauvais ne sorte de votre bouche, que s'il en sort quelqu'un, qu'il soit bon pour édifier la foi, et donner la grâce à ceux qui l'écoutent. » D'où ce qui suit : et ma douleur a été renouvelée, autrement dit : J'ai d'abord souffert de la parole indiscrète, à présent je souffre de la taciturnité indiscrète, comme s'il disait : la douleur s'est renouvelée en moi. Mais le remède de la charité intérieure est appliqué ; et c'est pourquoi il dit : Mon coeur s'est échauffé au-dedans de moi, c'est-à-dire la chaleur de la charité a fait irruption dans mon coeur : « Est-ce qu'un homme peut cacher du feu dans son sein, sans que ses vêtements s'embrasent ? » Ainsi il est impossible à l'homme de cacher les paroles de Dieu lorsque son coeur s'enflamme de charité : « Ta parole a été éprouvée par le feu, et ton serviteur l'a aimée. » Et la cause de cette irruption est la méditation des réalités divines ; aussi dit-il : et dans ma méditation un feu s'est embrasé. Il n'est rien d'aimable excepté le bien et le beau. C'est pourquoi dans les affections sensibles la vision corporelle est cause de l'amour. Et par conséquent si tu veux atteindre les réalités spirituelles, il faut que ton coeur s'enflamme de l'amour de Dieu. L'effet de cette irruption est que celui qui s'est proposé de se taire, est poussé à parler ; aussi dit-il : J'ai dit. - « Ils furent tous remplis de l'Esprit-Saint, et ils commencèrent à parler diverses langues, selon que l'Esprit-Saint leur donnait de parler. » Selon Grégoire : « Ceux que l'Esprit remplit, il leur communique en même temps la ferveur et la parole. » - « Qui peut retenir les paroles qu'il a conçues ? » Et de même il est écrit dans Jérémie : « La parole du Seigneur est devenue pour moi un sujet d'opprobre et de dérision durant tout le jour. Et j'ai dit : "Je ne ferai pas mention de lui, et je ne parlerai plus en son nom" ; et alors il s'est allumé dans mon coeur comme un feu ardent, et renfermé dans mes os ; et j'ai défailli, ne pouvant [le] soutenir. » Ou bien selon le commentaire de la Glose : obsurdui (je suis devenu sourd), c'est-à-dire j'ai fait la sourde oreille. Dieu ne donne sa grâce à l'homme que dans la mesure où il en fait usage ; et c'est pourquoi lorsque quelqu'un ne fait pas usage de la grâce qui lui a été donnée, Dieu [la] lui enlève, comme on le voit à propos du talent : « Ôtez-lui la mine, et donnez-la à celui qui a dix mines. » Et c'est pourquoi il dit : Je suis devenu muet et je me suis humilié, c'est-à-dire j'ai été rejeté ; et alors cela n'a pas une consonance de vertu, mais de péché ; aussi dit-il : Mon coeur s'est échauffé, à cause de ma sollicitude. Origène expose d'une autre manière ces versets. Il les ponctue comme suit : « J'ai dit : "Je garderai mes voies." Afin que je ne pèche point par ma langue, j'ai mis une garde à ma bouche. » Et ensuite : « Lorsque le pécheur s'élevait contre moi, je suis devenu muet. » Or il y a, à cet égard, trois catégories d'hommes. Il y a ceux qui se trouvant dans les tribulations maudissent ceux qui les persécutent ; d'autres les bénissent ; d'autres enfin ont une attitude intermédiaire, ce sont ceux qui parviennent au moins à se taire. Ainsi, le psalmiste a-t-il échappé à la première catégorie, parce qu'il a mis une garde à sa bouche, et ne maudissait pas. Mais parce qu'il est devenu muet, et ne bénissait pas, il a échappé à la deuxième catégorie : car il éprouvait de la douleur et était tourmenté en lui-même à cause de son indignation, etc.

5 J'ai dit par ma langue : « Seigneur, fais-moi connaître ma fin. Et le nombre de mes jours, quel il est ; afin que je sache ce qui me manque. »

Ici il se tourne vers Dieu, et il s'enflamme : J'ai dit par ma langue : « Seigneur, fais-moi connaître ma fin. Et le nombre de mes jours, quel il est. » Il expose ici une double demande.

Une première en disant : Seigneur, fais-moi connaître ma fin. Le sens du mot fin c'est ici le Christ : « La fin de la loi est le Christ. » Autrement dit : Seigneur, fais-moi connaître le Christ.

L'autre demande est : fais-moi connaître le nombre de mes jours, c'est-à-dire je veux considérer quelle est la vie présente, afin que je puisse la comparer au regard de cette fin : car ces jours sont mauvais, peu nombreux et imparfaits ; tandis que ceux-là sont souverainement parfaits : et alors on sait « que les souffrances du temps présent ne sont pas dignes de la gloire future qui sera révélée en nous », comme l'écrit l'Apôtre aux Romains. Et ainsi : que je sache ce qui me manque, c'est-à-dire combien je suis imparfait pour entrer dans cette vie. Origène dit que le mot fin est pris ici au sens de perfection. Car tout art a une fin qu'il se propose, laquelle est sa perfection ; et ainsi il dit : fais-moi connaître ma fin, c'est-à-dire quel est le chemin le plus haut de perfection, sur lequel tu veux me faire marcher : « J'ai vu la fin de toute perfection. »

Et le nombre de mes jours, c'est-à-dire mes oeuvres, qui sont mes jours, autrement dit : fais-moi juger mes oeuvres avec droiture, selon ce qu'elles valent. Et cela, afin que je sache ce qui me manque, c'est-à-dire à ma perfection. Ou bien, on peut exposer cela simplement en l'appliquant à la fin de la vie : car selon ce qui est écrit dans l'Ecclésiastique : « Dans toutes tes oeuvres, rappelle-toi tes fins dernières. » Et le nombre de mes jours, etc., c'est-à-dire combien de temps je vivrai, afin de me disposer à la pénitence.

6a Voilà que tu as fait mes jours mesurables, et mon être est comme rien devant toi.

II. Plus haut le psalmiste a fait mention de la prudence manifestée dans son silence, du danger imminent exprimé par ce silence, et du remède grâce auquel il s'est protégé contre ce danger ; mais ici il montre la nécessité de la prudence précitée, qui se fonde sur la misère de la vie présente ; et à cet égard il fait deux choses.

A) Il décrit d'abord la misère de la vie présente.

B) Puis il demande un remède contre celle-ci : 8 Et maintenant quelle est mon attente ?

A. Dans sa description il fait deux choses.

1) Il commence par décrire la misère de cette vie en parlant de la vie elle-même.

2) Puis en parlant de l'occupation de cette vie : 7 En vérité, comme une image passe un homme.

1. En parlant de la vie elle-même il fait deux choses.

a) Il commence par décrire cette misère quant à la vie.

b) Puis il en donne la raison : 6b En vérité, tout homme vivant est une vanité universelle.

a. Il montre la misère de cette vie quant à sa brièveté, et quant à sa faiblesse. À propos de sa brièveté il dit : Seigneur, j'ai demandé que tu m'annonces le nombre de mes jours. Mais mes jours peuvent-ils être comptés ? Oui, parce que tu as fait mes jours mesurables. L'homme a été créé de telle sorte que s'il n'avait jamais péché, il ne serait pas mort, et ainsi ses jours n'auraient pas été mesurables ; mais en péchant il est devenu mortel, et ainsi ses jours peuvent être comptés : « Les jours de l'homme sont courts, le nombre de ses mois est en tes mains ; tu as marqué son terme, lequel ne pourra être dépassé. » Mais en admettant que la vie soit brève et puisse être si précieuse qu'elle doive être très estimée, cependant cela n'est rien, parce que mon être et ma nature, et ma vie sont comme rien devant toi, c'est-à-dire en comparaison de toi ; bien qu'ils paraissent être quelque chose en comparaison des faibles créatures : « Toutes les nations, comme si elles n'étaient pas, ainsi sont-elles devant lui. » On peut aussi l'expliquer de la manière suivante : mon être, c'est-à-dire tandis que je considère ce qui est devant toi, à savoir les biens éternels que tu donneras aux saints, je regarde mon être comme rien. Ou bien ainsi : ceux qui considèrent les choses de ce monde devant toi, c'est-à-dire avec ton oeil divin, les regardent comme rien.

6b En vérité, tout homme vivant est une vanité universelle.

b. Ici il justifie la description de la misère de la vie selon le sens littéral.

Universa (universelle), selon notre version est ou bien au cas nominatif féminin singulier, ou bien au cas nominatif neutre pluriel.

S'il s'agit du nominatif neutre pluriel, en voici le sens : « En vérité, toutes choses », autrement dit : il n'est pas étonnant que la vie de l'homme ne soit rien devant toi, car « toutes choses universelles », c'est-à-dire toutes les choses inférieures sont vanité. Et c'est pourquoi la version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « Omnia enim vanitas (Car toutes choses sont vanité) », comme pour justifier ce qui précède. Il est écrit dans l'Ecclésiaste : « Vanité des vanités, et tout est vanité. » Et elles sont dites vanité, parce que la vanité s'oppose à la solidité et à la stabilité : car toutes les choses qui sont dans le monde sont sujettes au changement, et c'est pourquoi elles sont vaines ; et même parmi elles, tout homme vivant est sujet au changement, et telle est la vanité : « Car la créature », c'est-à-dire l'homme, « est assujettie à la vanité, non point volontairement ».

Ou bien selon le sens littéral, si universa est pris au nominatif singulier, en voici le sens. « Vanité universelle », c'est-à-dire toute vanité, « est tout homme vivant », c'est-à-dire se trouve en tout homme vivant avec un comportement mondain. On dit d'un homme qu'il est vain parce qu'il suit les choses changeantes : « Ils ont marché après la vanité, et sont devenus vains. » Ou bien : tout homme vivant, c'est-à-dire d'une manière charnelle, est toute, c'est-à-dire parfaite, vanité.

7 En vérité, comme une image passe un homme ; et c'est bien en vain qu'il se trouble. Il thésaurise, et il ignore pour qui il rassemblera ces [trésors].

2. Ici le psalmiste montre la misère de la condition humaine quant à son occupation ; et à ce propos il fait trois choses.

a) Il commence par montrer qu'il y a quelque chose dans l'homme qui doit résister à la vanité.

b) Puis il montre d'une manière générale la vanité de son occupation : et c'est bien en vain.

c) Enfin il montre aussi cela d'une manière particulière : Il thésaurise.

a. Ainsi dit-il : tout homme est vanité ; cependant il y a dans l'homme quelque chose de ferme, qui demeure toujours en lui alors qu'il passe ; et c'est l'image. Et cela peut être expliqué de trois manières.

Selon une première manière en l'appliquant à l'image de Dieu, en tant que l'homme est doué de raison : « Faisons un homme à notre image et à notre ressemblance. » Et cette image, à savoir la raison, doit résister à la vanité, et elle doit écarter celle-ci, c'est-à-dire la vanité. Et tel est ce qu'il dit : bien que l'homme soit sujet à la vanité, il est cependant doué de raison. Mais parce qu'il n'est pas précisé ici de quelle image il s'agit, on notera qu'il y a une double image : l'une de l'homme céleste, mais l'autre de l'homme terrestre : « Comme nous avons porté l'image du terrestre, portons aussi l'image du céleste. » Je dis donc que tout homme est vanité ; cependant tout homme passe comme une image, car ou bien il représente en lui par ses oeuvres l'image de l'homme céleste, ou bien par ses oeuvres mauvaises l'image du terrestre.

Ou bien selon une autre explication : l'image implique une similitude. Or le cours de cette vie est dirigé par une connaissance, car la volonté est mue par ce qui est connu. Mais il y a une double connaissance. L'une se fait par une apparence de vérité ; et cette dernière est comme une connaissance de l'image, car elle n'atteint pas la vérité elle-même mais une similitude de la vérité. Si l'homme atteignait la vérité elle-même telle qu'elle est, il ne se troublerait pas, car il considérerait la condition de cette vie, et ce que nous serons après cette vie ; et ainsi il ne se soucierait pas de cette vie, mais tendrait vers les réalités qui sont dans l'autre vie.

b. Et c'est pourquoi la version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « Quantum ad imaginem pertransit homo, tantum turbatur (Dans la mesure où l'homme passe comme une image, il ne fait que se troubler) », c'est-à-dire dans la mesure où l'homme s'éloigne de la vraie connaissance de la vérité, il se trouble par la préoccupation de cette vie, soit dans les biens, soit dans les maux : « Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu te troubles de beaucoup de choses. » Donc, lorsqu'il accomplit des bonnes oeuvres, alors il ne se trouble pas en vain ; mais lorsqu'il se préoccupe des biens terrestres, alors il se trouble en vain : « Et moi j'ai dit : C'est dans le vide que j'ai travaillé, c'est sans motif et vainement que j'ai consumé ma force. » Et il donne un exemple d'une préoccupation qui trouble les hommes : c'est l'avarice ; et cette dernière trouble surtout les hommes. La concupiscence, elle, préoccupe les hommes pour un temps, tout comme la colère. Mais comme il est écrit dans l'Ecclésiaste : « L'avare ne sera point rassasié d'argent. »

c. Et c'est pourquoi il donne un exemple à ce propos, en disant : Il thésaurise, et il ignore pour qui il rassemblera ces [trésors], c'est-à-dire il rassemble des trésors superflus en cette vie : « Ne vous amassez point de trésors sur la terre », c'est-à-dire illusoirement et vainement, parce que vous ignorez pour qui vous les rassemblez. Pour soi non, car « le riche, lorsqu'il s'endormira, n'emportera rien avec lui ». Donc pour d'autres, mais il ignore pour qui : car parfois il ne rassemble pas pour ses enfants, parce qu'ils ne subsistent pas après lui ; et s'ils subsistent, il ne sait cependant pas comment ils sont, car ils sont parfois opposés à leurs parents.

8 Et maintenant quelle est mon attente ?

N'est-ce pas le Seigneur ? Et mon bien est en toi.

B. Ici le psalmiste demande le secours de Dieu contre la misère :

1) Et il expose d'abord sa confiance, de laquelle procède sa prière.

2) Puis il formule sa prière : 9 à toutes mes iniquités.

3) Enfin il demande qu'elle soit exaucée : 13 Exauce.

1. Parfois l'homme est dans la misère, et alors ou bien il croit avec assurance s'en libérer par lui-même, ou bien par quelqu'un d'autre.

S'il croit avec assurance s'en libérer par lui-même, il n'attend pas quelqu'un d'autre, mais il trouve son secours en lui-même. Si c'est par quelqu'un d'autre, alors il attend, car il espère être aidé par cet autre. Ainsi en est-il dans cette misère, car ses jours sont peu nombreux ; et il ne se confie pas en lui, mais dit avec Job : « Voici que je n'ai pas de secours en moi, et mes amis même se sont retirés de moi », mais il attend le secours de Dieu : aussi dit-il : quelle est mon attente ? N'est-ce pas le Seigneur ? autrement dît : seul il peut me libérer, car lui seul est au-dessus de toute vérité, lui qui seul est la vérité : « Bienheureux tous ceux qui l'attendent. » Dans l'attente aussi il y a un délai, autrement dît : Moi, j'attendrai : « S'il met un [certain] délai, attends-le. »

Et mon bien est en toi. Ici il justifie la confiance qu'il tient de Dieu. Il est naturel à l'homme de se confier en Dieu, auprès duquel il acquiert ce qu'il a. Donc, celui qui met en Dieu tout ce qu'il a peut se confier en Dieu ; et c'est pourquoi il dit : mon bien est en toi, autrement dit : bien que je ne sois rien par moi-même, cependant tout ce que j'espère être, et tout ce que j'ai, est en toi : « Sachant que vous avez un bien meilleur et durable. » - « Amassez-vous des trésors dans le ciel. » - « Je sais à qui je me suis confié, et je suis sûr qu'il est puissant pour garder mon dépôt jusqu'à ce jour. » La Glose l'applique au Christ : « Mon bien est en toi », c'est-à-dire toi, ô Christ, tu assumeras ma chair : car « il est né de la race de David selon la chair ».

9 Arrache-moi à toutes mes iniquités ; tu m'as rendu un objet d'opprobre pour l'insensé. 10 Je suis resté muet, et je n'ai pas ouvert ma bouche, parce que c'est toi qui l'as fait. 11 Détourne de moi tes blessures. 12 Par la force de ta main, moi j'ai défailli au milieu de tes réprimandes : À cause de [son] iniquité tu as puni l'homme. Et tu as fait dépérir son âme comme une araignée : en vérité, c'est en vain que tout homme se trouble.

2. Plus haut le psalmiste a exposé la confiance qui lui vient de Dieu, en disant : Et maintenant quelle est mon attente ? N'est-ce pas Seigneur ? Mais ici il formule sa demande à Dieu : et à ce propos il fait trois choses.

a) Il commence par demander à Dieu l'éloignement de sa faute.

b) Puis celui du châtiment : Détourne de moi tes blessures.

c) Enfin il donne la raison qui lie ces demandes : À cause de [son] iniquité.

a. En demandant à Dieu l'éloignement de sa faute il fait deux choses.

- Il formule d'abord sa demande.

- Puis il allègue le mérite de l'exaucement : un objet d'opprobre.

- Ainsi dit-il : Arrache-moi à toutes mes iniquités. Ici il faut savoir que cette demande est louable à cause de la chose demandée et cela est nécessaire, à savoir sa libération du péché : « Si tu ôtes de toi l'iniquité qui est dans ta main, et que l'injustice ne demeure pas dans ta tente, tu pourras lever ta face. » Puis, parce qu'il demande non point à cause de ses propres mérites, mais que cela lui soit donné à cause de Dieu : « C'est moi-même qui efface tes iniquités à cause de moi ; et de tes péchés je ne me souviendrai plus. » Enfin, parce qu'il demande d'être libéré de toutes ses iniquités, car il est impie de demander à Dieu le pardon de ses péchés sans espérer de lui une totale libération : « J'ai rendu sain un homme tout entier le jour du sabbat. » Voilà pourquoi il dit : Arrache-moi à toutes mes iniquités, autrement dit : je ne demande pas d'être libéré d'un seul péché, mais de tous : « Vous serez purifiés de toutes vos souillures. »

- « Remets-moi tous mes péchés. »

- Le mérite se fonde sur celui qui souffre : « Toi qui au temps de la tribulation remets tous les péchés des hommes. »

· Et c'est pourquoi il montre d'abord ce qu'il souffre.

· Puis il montre la patience qu'il a eue.

· Enfin il en donne la raison.

· Ainsi dit-il : tu m'as rendu un objet d'opprobre pour l'insensé ; ce qui peut se comprendre de deux manières.

Selon une première manière, en tant que l'opprobre est un châtiment qui lui est infligé par Dieu : car de même que la récompense propre à un acte vertueux est l'honneur, ainsi le châtiment du péché est l'opprobre : « Vous avez scandalisé le plus grand nombre dans la loi. »

Selon une autre manière, en tant que Dieu l'a favorisée, c'est-à-dire la patience, non l'opprobre mais la cause de l'opprobre, du fait que le mépris des choses terrestres est déjà commencé ; parce que les sots et les insensés considèrent comme opprobre la patience à laquelle je m'exerce.

· La patience qu'il a eue, il la montre en disant : Je suis devenu muet. Le signe de la patience se manifeste lorsque l'homme, tandis que des paroles d'opprobre lui sont infligées, ne rend pas le mal pour le mal, comme le Christ : « Lui qui étant maudit, ne maudissait point. » Et c'est pourquoi il dit : Je suis resté muet, et je n'ai pas ouvert ma bouche. Et cela peut se référer à deux choses.

Selon une première manière en tant que ces mots : je n'ai pas ouvert, désignent la continuité de sa patience : car bien qu'un homme paraisse être patient pour un moment, et qu'il se taise, par la suite devenu impatient il parle beaucoup : « Comme une brebis, il sera conduit à la tuerie, et comme un agneau devant celui qui le tond, il sera muet, et il n'ouvrira pas la bouche. » - « Mais moi, comme un sourd, je n'entendais pas, et j'étais comme un muet qui n'ouvre pas la bouche », autrement dit : J'ai eu de la patience. Ou bien : Je suis resté muet, loin des opprobres contre le prochain, et je n'ai pas ouvert ma bouche, contre Dieu.

· La raison est que c'est toi qui l'as fait. Et cela peut se référer au mot opprobre. La raison pour laquelle il souffre patiemment les injures, c'est qu'il pense que cela lui est infligé par le jugement divin. David a fait cela quand il a dit : « Laissez-le maudire ; car le Seigneur lui a ordonné qu'il maudisse David. » - « Ne rejette pas, mon fils, la discipline du Seigneur : et ne te décourage pas, lorsque par lui tu es châtié. » Ou bien ce qu'il dit : Je suis resté muet, [...] parce que c'est toi qui l'as fait, peut se référer à la patience.

b. La deuxième demande est faite à propos de l'éloignement du châtiment.

- Et il commence par exposer sa demande.

- Puis il expose la raison de sa demande.

- Il dit : Détourne de moi tes blessures, c'est-à-dire tes châtiments ; et cela peut être expliqué de deux manières.

Ou bien en l'appliquant aux châtiments corporels : et ces derniers sont extérieurs, comme les châtiments et autres adversités par lesquels l'homme est puni par Dieu pour ses péchés : « Je t'ai frappé d'une blessure d'ennemi, d'un châtiment cruel. » Donc éloigne de moi ces châtiments. Il y a aussi les blessures spirituelles, c'est-à-dire intérieures, comme le remords de la conscience : « Je te reprendrai, et t'établirai contre ta face. » Et il demande que ces blessures soient écartées.

- Mais, selon Origène, la raison de cette demande est due à sa force. Le châtiment extérieur est très utile dans la mesure où on le supporte avec patience, mais lorsqu'il n'est pas patiemment supporté, l'homme s'affaiblit et se désespère, et il est alors nuisible : « Consolez-le de peur qu'il ne soit accablé par une trop grande tristesse. » Et c'est pourquoi craignant cela, il demande que les plaies soient écartées, parce qu'il défaille sous la force, c'est-à-dire à cause de la violence du coup : « Avec une main puissante le Seigneur m'a instruit. » - « La main de Dieu devenait extrêmement pesante. »

L'homme s'affaiblit de trois manières dans les châtiments.

· La première manière est commune aux bons et aux méchants : il s'agit de la défaillance corporelle : « Par ta colère nous avons défailli. »

· Une autre est due à l'impatience ; et c'est le propre des méchants : « Maintenant la plaie est venue sur toi, et tu as défailli. »

· La troisième manière est le propre des bons, et suivant cette manière on s'affaiblit de soi-même, et on tend vers Dieu : « Mon âme a défailli dans [l'attente de] ton salut, et en ta parole j'ai beaucoup espéré. » Et ce qui est dit ici peut être compris selon n'importe laquelle de ces manières, autrement dit : je demande que tu éloignes de moi tes châtiments, parce que je suis corrigé selon la troisième manière de défaillir ; puisque par la force de ta main, moi j'ai défailli au milieu de tes réprimandes. Ou bien parce que je désespère, selon la deuxième manière de défaillir. Ou bien parce que je ne puis souffrir, selon la première manière de défaillir.

c. Cela n'a plus de sens si on le lit selon une autre version : « In increpationibus ego defeci, etc. Propter iniquitatem corripuisti hominem (Dans les réprimandes moi j'ai défailli, etc. À cause de son iniquité tu as puni l'homme). » Telle est la raison pour laquelle il formule une double demande : car la cause est d'abord ôtée, et ensuite l'effet. La faute est la cause des plaies : et c'est pourquoi il dit que l'homme est châtié à cause de ses péchés. Aussi dit-il : toi, tu as puni, c'est-à-dire châtié l'homme, à cause de [son] iniquité, c'est-à-dire à cause de ses péchés. Et c'est pourquoi il demande d'abord que ses péchés soient écartés, car les châtiments futurs sont en vue de la damnation, mais les châtiments de cette vie sont en vue de la purification, cela va de soi, et ils servent à la correction : « De nombreux châtiments sont réservés au pécheur. »

Et tu as fait dépérir son âme comme une araignée. Le psalmiste expose ici le mode ou le terme de la correction en disant : dépérir, c'est-à-dire dessécher. On peut donc l'interpréter au sens matériel, lorsqu'on se réfère à la tribulation corporelle ; parce que l'humidité et la graisse corporelle se dessèchent, et alors la vie dépérit : « Sa chair dépérira. » Et de même : « Sa chair est consumée par les supplices. » Selon une autre manière, on peut l'interpréter en référant cela à l'âme. Il y a dans l'homme deux sortes de graisses au sens spirituel. L'une, mauvaise, est due aux jouissances corporelles : « Il s'est engraissé, a grossi, il a abandonné Dieu, son créateur. » Et il est bon de se dessécher de cette graisse ; et c'est ce qu'il dit : tu as fait dépérir, c'est-à-dire dessécher, mon âme comme une araignée, en la détournant de l'amour des choses charnelles : car l'araignée est un animal vif, et il n'est pas gras, puisqu'il tisse des fils très subtils ; ainsi l'âme séparée des jouissances charnelles adhère par affection aux réalités invisibles, et accomplit des actes et témoigne des sentiments d'amour invisibles : « Nous ne considérons point les choses qui se voient, mais celles qui ne se voient pas ; car les choses qui se voient sont passagères, mais celles qui ne se voient pas sont éternelles. » Ou bien : dépérir, c'est-à-dire se dessécher de la graisse de la dévotion, comme le dit le psalmiste : « Que mon âme soit remplie comme d'une graisse abondante » ; et tel est le mauvais dessèchement. Cela arrive, parce que l'âme perd sa dévotion et adhère aux péchés, et perd la graisse de la dévotion, comme l'araignée. De même que la toile de l'araignée est fragile, ainsi les pensées des pécheurs sont vaines : « Ils ont ourdi », c'est-à-dire ont fait, « des toiles d'araignée », c'est-à-dire des choses inutiles et vaines. De même que l'araignée fabrique ses propres fils, parce qu'elle meurt, ainsi les hommes meurent spirituellement à cause des propres péchés qu'ils commettent : « Le péché, quand il a été consommé, engendre la mort. » Et on interprète cela de la manière suivante : tu as fait dépérir son âme en vie, comme l'araignée, c'est-à-dire tu l'as fait dessécher d'une bonne sécheresse.

En vérité, c'est en vain que tout homme se trouble. Telle est la limite de la punition : car bien qu'il fasse ainsi dépérir, cependant beaucoup demeurent dans leur malice, ou retournent au mal. Et que certains ne se troublent pas en vain n'est pas dû au fait qu'ils sont hommes, mais bien au fait qu'ils sont élevés par Dieu des choses terrestres à la considération des réalités célestes.

13 Exauce ma prière, Seigneur, et mon imploration : prête l'oreille à mes larmes. Ne garde pas le silence. Parce que je suis auprès de toi un étranger et un pèlerin comme tous mes pères. 14 Remets-moi afin que je sois rafraîchi, avant que je m'en aille et que je ne sois plus.

3. Ici le psalmiste demande que sa requête soit admise, et plus loin il demande qu'elle soit exaucée.

Et il mentionne trois choses qui font que sa demande à Dieu soit acceptée.

Il est d'abord question de l'élévation de son esprit vers Dieu : et c'est la prière qui est une élévation de l'intelligence vers Dieu ; aussi dit-il : Exauce ma prière Seigneur. - « Pour moi, je t'adresse ma prière, Seigneur. »

Puis de la continuité de sa demande : et cela lorsqu'il dit : et mon imploration. - « L'imploration assidue du juste peut beaucoup. »

Enfin de la multitude des larmes : et il montre cela lorsqu'il dit : prête l'oreille à mes larmes.

Ne garde pas le silence. Le psalmiste expose ici le signe de l'exaucement, c'est pourquoi il demande que Dieu ne garde pas le silence. En effet on dit parfois que Dieu garde le silence à l'égard des méchants, quand il ne les punit pas, comme l'écrit Isaïe : « Je me suis tu, j'ai toujours gardé le silence, j'ai été patient ; comme la femme au travail, je parlerai ; je détruirai, j'engloutirai tout à la fois. » Ne garde pas le silence, c'est-à-dire ne te tais pas sur la punition. De même Dieu garde parfois le silence en ne consolant pas les bons ; et ainsi dit-il : Ne garde pas le silence à l'égard de mon âme, mais « dis à mon âme : Moi je suis ton salut ». Et Dieu accomplit cela en cette vie, lorsqu'il dit au pécheur : « Tes péchés te sont remis. » Et de même au jugement dernier, lorsqu'il dira : « Venez, les bénis de mon Père ; prenez possession du royaume préparé par vous depuis la fondation du monde. » La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « Ad lacrymas meas non obsurdescas (Ne sois pas sourd à mes larmes) », et cela est en lien avec ce qui précède.

Parce que je suis auprès de toi un étranger. Ici le psalmiste donne la raison de sa demande, autrement dit : Dieu ordonne ce précepte dans l'Exode - « Tu ne contristeras point l'étranger, et tu ne l'affligeras point », à savoir que les étrangers soient exaucés. Et puisque moi je suis un étranger, il est juste que tu m'exauces. Moi, j'ai quitté le monde, et je me suis réfugié chez toi, et je suis auprès de toi comme un étranger, car je ne possède pas de demeure permanente en ce monde, mais je suis comme un pèlerin se dirigeant ailleurs, à savoir vers la Patrie de la vie éternelle, comme [le furent] tous mes pères. Car il y a beaucoup d'étrangers en ce monde qui n'ont pas d'affection pour les choses mondaines.

comme tous mes pères, c'est-à-dire les saints qui furent pèlerins, comme le dit l'Apôtre : « Nous savons que si cette maison de terre que nous habitons présentement se dissout, nous avons une autre maison construite par Dieu, non par la main des hommes, et éternelle dans les cieux. [...] Sachant que, pendant que nous sommes dans ce corps, nous voyageons (peregrinari) loin du Seigneur (car c'est par la foi que nous marchons, et non par une claire vision) ; oui, pleins de confiance, nous aimons mieux sortir de ce corps, et aller jouir de la présence du Seigneur. »

- « Ayant la nourriture et le vêtement, contentons-nous-en. »

Remets-moi. Ici le psalmiste demande l'accélération de son exaucement, autrement dit : que se réalisé rapidement ce que je demande.

a) Et il expose d'abord l'effet de la demandé.

b) Puis il en détermine le temps.

a. Ainsi dit-il : Remets-moi, c'est-à-dire mes péchés : car « bienheureux [sont] ceux dont les iniquités ont été remises et dont les péchés ont été couverts ». Et cela afin qu'ici-bas je sois rafraîchi, à savoir du péché, ou de la peine que le Malin s'efforce de m'infliger : « Mais le juste, s'il est prévenu par la mort, sera dans le lieu du rafraîchissement. »

b. Et que tu fasses cela, à savoir que tu me remettes, avant que je m'en aille, c'est-à-dire avant que je disparaisse de ce monde, car dans l'autre il n'y a pas de rémission : « Avant que j'aille d'où je ne reviendrai pas, dans une terre ténébreuse et couverte d'obscurité de mort ; terre de misère et de ténèbres, où règne l'ombre de la mort, et où il n'y a aucun ordre, mais où habite une éternelle horreur. »

et que je ne sois plus. Cela peut se comprendre de deux manières. Selon une première manière comme suit : Remets-moi, etc., car après m'en être allé, je ne serai plus dans l'état où les péchés peuvent être remis : « Souviens-toi que ma vie est un souffle et que mon oeil ne reviendra pas pour voir le bonheur », c'est-à-dire le bonheur présent.

Selon une autre manière comme suit : Remets-moi, etc., parce que si je m'en vais de ce monde sans que tu ne me remettes mes péchés, je ne pourrai jamais plus être dans le bien : « Qu'ils habitent dans sa tente, les compagnons de ceux qui ne sont plus. »


Éditions du Cerf

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