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COMMENTAIRE DU PSAUME 40

1 Pour la fin. Psaume de David.

2 Bienheureux celui qui comprend les nécessités de l'indigent et du pauvre ; au jour mauvais, le Seigneur le délivrera.

3 Que le Seigneur le conserve, et qu'il lui donne vie, et le fasse bienheureux sur la terre ; et qu'il ne le livre point à l'âme de ses ennemis.

4 Que le Seigneur lui porte secours sur le lit de Sa douleur ; tu as retourné toute sa couche dans son infirmité. 5 Moi j'ai dit : « Seigneur, aie pitié de moi, guéris mon âme, parce que j'ai péché contre toi. »

6 Mes ennemis m'ont dit de mauvaises choses : « Quand mourra-t-il, et [quand] périra son nom ? » 7 Et si [quelqu'un d'eux] entrait pour [me] voir, il tenait de vains discours : son coeur s'est amassé l'iniquité. Il sortait dehors, et il parlait de même.

8 Contre moi murmuraient tous mes ennemis : contre moi ils formaient de mauvais desseins. 9 Ils ont élevé une parole inique contre moi : Est-ce que celui qui dort n'ajoutera pas qu'il ressuscite ?

10 Car l'homme de ma paix, en qui j'ai espéré, qui mangeait mon pain, m'a tendu un grand piège.

11 Mais toi, Seigneur, aie pitié de moi et ressuscite-moi, et je leur rendrai [ce qu'ils méritent].

12 J'ai connu que tu m'as voulu, en ce que mon ennemi ne se réjouira pas à mon sujet. 13 Pour moi, à cause de mon innocence tu m'as pris sous ta protection, et tu m'as affermi en ta présence à jamais.

14 Béni le Seigneur Dieu d'Israël, d'un siècle jusqu'à un autre siècle ! Ainsi soit-il, ainsi soit-il.

1 Pour la fin. Psaume de David.

2 Bienheureux celui qui comprend les nécessités de l'indigent et du pauvre ; au jour mauvais, le Seigneur le délivrera.

Au psaume précédent, le psalmiste a montré sa confiance à l'égard de Dieu ; mais ici de Dieu il demande sa miséricorde constante. Ce psaume est intitulé : Pour la fin. Psaume de David. Ce titre a déjà été présenté plus haut ; il signifie en effet que David a composé ce psaume, et qu'il nous conduit vers la fin, c'est-à-dire vers le Christ : car il traite de sa Passion, en certains de ses passages. On rapporte cependant dans la Glose que son titre original d'après Jérôme serait : « Intellectus filiis Core (Intelligence des fils de Coré) », et il s'agirait d'un nouveau titre dans les intitulés des psaumes. Or il faut savoir, comme le rapporte le livre des Nombres, que lorsque Dathan et Abiron se révoltèrent contre Moïse pour se rendre maîtres du peuple, alors Coré se dressa contre Aaron pour se rendre maître du sacerdoce ; et qu'ainsi lui-même fut brûlé : cependant tous les membres de sa tribu ne consentirent pas à ses vues : et c'est pourquoi demeurèrent en vie ceux d'entre eux qui ne donnèrent pas leur assentiment ; cette conduite fit qu'au temps de David des fonctions leur furent données parmi les chantres. On comprend que ce psaume fut prescrit pour être chanté en ce temps-là . Mais il faut noter que dans les titres où il est dit : « Intellectus filiis Core (Intelligence des fils de Coré) » - et ceci se dit littéralement dans tous les cas où figure le mot intellectus (intelligence) - il est donné de comprendre par ce psaume que le peuple est exhorté à la compréhension des bienfaits divins, ou de quelques mystères, par exemple lorsque le psalmiste dit : « Comprenez (Intelligite), insensés du peuple » ; ou encore : « Appliquez-vous (Attendite) à ma loi, ô mon peuple. »

Au sens mystique, Coré veut dire calvaire, et le Christ fut crucifié sur le lieu du calvaire ; et c'est pourquoi ce psaume est attribué aux fils de la Passion, c'est-à-dire de la croix du Christ. Et ce sont ceux « qui ont crucifié leur chair », comme le rapporte l'épître aux Galates. L'intention du psalmiste est de demander la miséricorde divine.

Ce psaume se divise en deux parties.

I) Dans la première partie, le psalmiste demande la miséricorde divine en général.

II) Dans la seconde partie, en particulier : 11 Mais toi, Seigneur.

I. En parlant de la miséricorde divine en général il fait deux choses.

A) Il commence par demander la miséricorde.

B) Puis il introduit la nécessité de demander la miséricorde : 8 Contre moi murmuraient tous mes ennemis.

A. En sollicitant la miséricorde il fait deux choses.

1) Il montre d'abord à qui est due la miséricorde.

2) Puis sentant en lui-même qu'il mérite la miséricorde, il la demande : 5 Moi j'ai dit. Car il est écrit dans saint Matthieu : « Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. »

1. Ainsi la miséricorde est due aux miséricordieux pour une double raison.

D'abord, en vertu de l'agrément divin : car Dieu agrée la miséricorde qui fait de l'homme un imitateur de Dieu : « Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux. »

Puis, en vertu de la prière des saints : « Renferme l'aumône dans le coeur du pauvre, et cette [aumône] priera pour toi [te préservant] de tout mal ». Et [le psalmiste] fait cela ici : 3 Que le Seigneur le conserve.

En parlant de l'agrément divin il annonce d'abord le mérite ; puis la récompense : au jour mauvais, le Seigneur le délivrera.

Ainsi dit-il : 2 Bienheureux celui qui comprend les nécessités de l'indigent et du pauvre. Est bienheureux celui qui est miséricordieux, qui a pitié de l'indigent et du pauvre : « Celui qui a pitié du pauvre sera bienheureux. » Et il dit : qui comprend, et non : « qui secourt », car, ainsi qu'on l'a dit, il doit être miséricordieux à la manière de Dieu ; et Dieu n'attend pas qu'on lui demande toujours. C'est pourquoi il vient au-devant du désir avant qu'on ne lui demande ; et par conséquent est vraiment miséricordieux celui qui non seulement vient au secours de ceux qui demandent, mais qui se porte aussi au secours de l'indigent avant qu'on ne lui demande : « Si j'ai refusé aux pauvres ce qu'ils voulaient, et si j'ai fait attendre les yeux de la veuve, que mon épaule tombe séparée de sa jointure, et que mon bras avec tous ses os soit entièrement brisé. » Est indigent celui qui a besoin de recevoir d'autrui ; est appelé pauvre celui qui possède peu. Une version de Jérôme lit : « Qui considerat, etc. (Qui considère, etc.) », c'est-à-dire celui qui prend dans sa sollicitude les intérêts des pauvres : « J'ai été un oeil pour l'aveugle, et un pied pour le boiteux. »

Au sens mystique, si on rapporte cela au Christ, bienheureux est le chrétien dans la mesure où il est fils de Coré, c'est-à-dire de la croix du Christ par la méditation. qui comprend, c'est-à-dire celui qui a l'intelligence tournée vers le service, comprend les nécessités de l'indigent et du pauvre, c'est-à-dire le bienfait que le Christ a réalisé par la croix : « Souviens-toi de ma pauvreté et de ma transgression, de l'absinthe et du fiel. »

Il expose la récompense lorsqu'il dit : au jour mauvais, le Seigneur le délivrera. Les jours selon leur nature sont bons, parce qu'ils ont été créés par Dieu : « Par ton ordre persévère le jour » ; mais ils sont dits mauvais à cause des maux qui arrivent dans leur cours : « Rachetant le temps parce que les jours sont mauvais. » Et il dit : au jour mauvais, c'est-à-dire au jour d'une tribulation mauvaise. Or il y a multiplicité de jours mauvais. Le jour du triomphe : « Au jour des biens ne perds pas le souvenir des maux. » Le sommet des mauvais jours est la damnation éternelle, qui menace l'homme au jugement, soit particulier, c'est-à-dire à la mort, soit au jugement universel, c'est-à-dire à la fin du monde. Et ce jour est mauvais au cours duquel a lieu une telle condamnation, c'est-à-dire que ce jour est « un jour de colère ; jour de tribulation et d'angoisse ; jour de calamité et de misère ; jour de ténèbres et d'obscurités, jour de nuage et de tempête ». En ce jour mauvais le Seigneur délivre le miséricordieux : « Alors, le roi dira à ceux qui sont à sa droite : "Venez, les bénis de mon Père ; possédez le royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde : car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire ; j'étais sans asile, et vous m'avez recueilli ; nu et vous m'avez vêtu, malade et vous m'avez visité ; en prison, et vous êtes venus a moi" » ; non point que seule la miséricorde délivre l'homme sans les autres vertus, mais par la miséricorde l'homme satisfait pour ses péchés.

3 Que le Seigneur le conserve, et qu'il lui donne vie, et le fasse bienheureux sur la terre ; et qu'il ne le livre point à l'âme de ses ennemis.

Ici le psalmiste montre comment il mérite la miséricorde en vertu de la prière des saints, eux qui prient pour les miséricordieux.

a) Et il expose la prière pour le miséricordieux se trouvant dans un état de prospérité.

b) Puis pour le miséricordieux se trouvant dans un état d'adversité.

a. Dans l'état de prospérité l'homme manque de deux choses : d'être élevé dans le bien et d'y être conservé ; puis d'être délivré des maux.

Or il y a un triple bien : le bien de la nature, le bien de la grâce et le bien de la gloire.

- Le premier, à savoir le bien de la nature, il demande qu'il lui soit conservé ; aussi dit-il : Que le Seigneur le conserve, c'est-à-dire dans le bien acquis, à savoir dans le bien de la nature : « Conserve-moi, Seigneur », de peur que le bien de la nature ne soit corrompu par le péché, ou par les tribulations imminentes.

- Il demande que le bien de la grâce lui soit donné, lorsqu'il dit : et qu'il lui donne vie ; car par la grâce l'homme acquiert la vie spirituelle. Et cette vie doit être considérée et acquise par une foi formée : « Le juste qui m'appartient vit de la foi. » - « Si je vis maintenant dans la chair, j'y vis en la foi du Fils de Dieu. » Pareillement, sans cette vie, à savoir de la grâce, la vie naturelle est une mort : « Celle qui vit dans les délices est morte [toute] vivante. »

- En parlant du troisième bien, à savoir du bien de la gloire, il dit : et le fasse bienheureux sur la terre. Si on l'entend de la béatitude parfaite, on dit : sur la terre, à savoir sur la terre des vivants : « Je crois que je verrai les biens du Seigneur dans la terre des vivants. » - « Bienheureux les doux, parce qu'ils posséderont la terre. » Mais si on l'entend de la béatitude de cette vie, dans la mesure où nous goûtons en esprit quelque chose d'éternel, comme le rapporte l'épître aux Philippiens : « Notre vie est dans les cieux », alors on dit : Qu'il le fasse bienheureux sur la terre, à savoir par la participation à cette béatitude.

et qu'il ne le livre point [aux âmes] de ses ennemis. Ici le psalmiste demande qu'il soit délivré des maux. Parmi tous les maux, le mal souverain est de tomber dans les mains de ses ennemis : « Arrache-moi à mes ennemis, ô mon Dieu », parce que les ennemis persécutent et affligent avec haine ; aussi dit-il : « de crainte que tu ne le livres aux âmes », c'est-à-dire aux volontés des ennemis, qui consistent à toujours haïr, ce qui n'est rien d'autre que de vouloir le mal. Donc lorsque quelqu'un se soumet aux maux, il se livre à la volonté de l'ennemi. Ou bien : [aux âmes] de ses ennemis, c'est-à-dire au pouvoir du diable, et de ses ministres.

4 Que le Seigneur lui porte secours sur le lit de sa douleur ; tu as retourné toute sa couche dans son infirmité. 5 Moi j'ai dit : Seigneur, aie pitié de moi, guéris mon âme, parce que j'ai péché contre toi.

b. Le psalmiste expose ici sa prière pour le miséricordieux se trouvant dans l'adversité.

- Et il demande d'abord le secours divin, ou son aide.

- Puis il allègue la nécessité.

- Ainsi dit-il : Que le Seigneur lui porte secours sur le lit de sa douleur. Il demande pour le miséricordieux, ou tout simplement pour l'homme juste, fils de Coré, que le Seigneur lui donne vie, et qu'il le fasse bienheureux sur la terre. Puis qu'il le conserve, et qu'il ne le livre point aux âmes de ses ennemis. Or, en lisant cela, on pourrait en conclure que le miséricordieux n'est affligé en aucune manière. C'est pourquoi, afin d'écarter cela, il dit que son lit est parfois rempli de ses douleurs, et cela arrive quelquefois au miséricordieux lui-même pour sa correction : « Il châtie parfois par la douleur dans son lit. » Ou bien pour son humiliation ; par exemple il fut donné à Paul « un aiguillon de chair ». Ou bien pour le mettre à l'épreuve ; comme ce fut le cas pour Job en toutes choses, ou pour Tobie. Et c'est pourquoi il dit : Que le Seigneur lui porte secours, c'est-à-dire au miséricordieux se trouvant dans la tribulation. sur le lit, c'est-à-dire au sens littéral le lit sur lequel il se trouve, ou bien sur lequel il se repose : « Dieu est fidèle, et il ne souffrira pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces. » Et que tu lui portes secours, une grande nécessité exige cela : car tu as retourné toute sa couche dans son infirmité. Il parle ici en usant de l'image de celui qui, atteint par la fièvre, ne trouve pas de place sur son lit pour pouvoir se reposer, mais se retourne continuellement. Et c'est pourquoi il dit : tu as retourné, autrement dit : il manque de secours, parce que son infirmité est telle qu'il se retourne continuellement sur son lit. Et tel est le sens littéral ; cependant, absolument parlant, toute sa satisfaction dans les choses temporelles se retourne pour lui en amertume : car Dieu a mis l'amertume dans ces choses, de telle sorte qu'en les méprisant il se convertisse à Dieu : « Et lorsque je me suis tourné vers les divers ouvrages qu'avaient faits mes mains, et vers les travaux dans lesquels j'avais sué, j'ai vu dans toutes ces choses vanité et affliction d'esprit, et que rien n'est stable sous le soleil. » Et parce que la miséricorde est due au miséricordieux, conscient de sa miséricorde je demande la miséricorde.

· Il demande donc d'abord la miséricorde en général.

· Puis il montre sur quoi repose principalement cette demande.

· Enfin il donne la cause de cette demande.

Ainsi dit-il : 5 Moi j'ai dit : « Seigneur, aie pitié de moi », autrement dit : je ne recours pas à la justice, mais à la miséricorde, parce que le salut n'est pas dans nos propres justices : « Comme un linge souillé est toute notre justice. »

· Mais sur quoi repose la demande de sa miséricorde ? Principalement là où il y a de la misère. Et cela est donné, à savoir la miséricorde, là où se trouve la plus haute béatitude : parce que la béatitude n'est pas dans les choses temporelles, car ces choses temporelles sont ordonnées à la béatitude ultime. Donc la misère la plus importante n'est pas dans les choses matérielles, mais dans ce qui porte en soi une disposition qui s'oppose à la béatitude : par exemple dans les adultères, les vols, les homicides, et autres péchés ; et celui qui commet de pareilles actions n'obtiendra point le royaume de Dieu, comme le dit l'Apôtre, mais est condamné : « Le péché fait les peuples malheureux. » Car le péché a désordonné le corps, et le corps a désordonné l'âme : « Le corps qui se corrompt appesantit l'âme. » Et cette guérison est obtenue par Dieu seul : « Ce n'est ni une herbe, ni un émollient, qui les a guéris, mais ta parole, Seigneur, qui guérit toutes choses. »

· Et la raison de cette demande est due au fait que j'ai péché contre toi. Mais les péchés méritent-ils la miséricorde ? Non. Ce verset est donc construit de telle manière que ce quia (parce que) désigne la matière de la miséricorde, non le mérite. Il n'est pas question de misère, s'il n'y a pas de place pour la miséricorde. Et par conséquent puisque je suis misérable, je demande la miséricorde. Ou bien, en tant que ce quia (parce que) indique la cause méritoire : et parce que la confession du péché est le mérite de la miséricorde, ainsi dit-il : je demande la miséricorde, parce que je confesse que j'ai péché contre toi : « Celui qui cache ses crimes ne sera pas dirigé ; mais celui qui les confesse, et les abandonne, obtiendra miséricorde. » Ou bien d'une autre manière : [parce que] j'ai péché contre toi, autrement dit : pourquoi je demande la miséricorde ? Parce que toi seul es celui qui peut guérir : car c'est envers toi que se font l'injure et le péché, aussi est-ce toi que la rémission concerne. Et en tout péché Dieu est offensé. Cette partie du verset se chante en troisième lieu, parce que par la foi et l'opération de la Trinité le péché est remis.

6 Mes ennemis m'ont dit de mauvaises choses : « Quand mourra-t-il, et [quand] périra son nom ? » 7 Et si [quelqu'un d'entre eux] entrait pour [me] voir, il tenait de vains discours : son coeur s'est amassé l'iniquité. Il sortait dehors, et il parlait de même.

- Plus haut le psalmiste a demandé la miséricorde qui guérit ; mais ici il expose la nécessité de cette demande, qui est causée par ses ennemis : et selon le sens mystique - car le sens littéral est clair -, ces paroles sont dites ici au sujet de la personne du Christ.

À ce propos, le psalmiste fait trois choses.

· Il expose d'abord le sentiment des méchants voulant son mal.

· Puis l'application de ceux qui dressent des embûches : Et si [quelqu'un d'entre eux] entrait.

· Enfin le conseil de ceux qui discutent : 8 Contre moi : car l'ennemi commence par désirer offenser. Ensuite il dresse des embûches. Puis il pense à la manière de mettre un terme à son dessein.

· Ainsi dit-il : Mes ennemis m'ont dit, dans leur coeur, ou dans leur bouche, de mauvaises choses : « L'homme mauvais tire du mauvais trésor de mauvaises choses » ; et ces paroles mauvaises expriment leur désir de la mort du Christ, ou de l'homme juste. Aussi est-il dit : Quand mourra-t-il ? C'est le mode expressif du désir : « Quand viendrai-je, et paraîtrai-je devant la face de Dieu ? » - « Condamnons-le à la mort la plus honteuse. » Et ils voulaient la mort du Christ pour que sa renommée, qui était alors célèbre, soit anéantie : « Rayons-le de la terre des vivants, et que son nom ne soit plus rappelé dans la mémoire. » Aussi disent-ils : et [quand] périra son nom ?. Mais il arriva le contraire : car par sa mort il fut davantage exalté, et un grand nombre se convertirent après la mort du Christ : « Si le grain de froment, tombant sur la terre, ne meurt pas, il reste seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruits », quand bien même les méchants dressent des embûches aux bons, dans le dessein d'anéantir leur nom. Mais, comme le rapporte le livre des Proverbes, « la mémoire du juste sera accompagnée de louanges ; mais le nom des impies pourrira ».

· Et les pécheurs travaillent à cela en dressant des embûches.

Voilà pourquoi le psalmiste expose d'abord leur manière de dresser des embûches.

Puis il montre l'effet de ces embûches : Il sortait dehors, et il parlait de même.

En parlant d'abord de leur manière de dresser des embûches il fait trois choses.

Car il fait d'abord connaître leur entrée cachant leur fourberie.

Puis leur parole mensongère.

Enfin leur coeur perfide.

Ainsi dit-il : si [quelqu'un d'eux] entrait pour [me] voir. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « Ut visitaret (Pour me visiter) », autrement dit : ils ne venaient pas à cause de leur amitié, mais en vue d'espionner. Ainsi les chefs des Juifs venaient pour se saisir de Jésus. Et pareillement, après la mort du Christ, beaucoup sont entrés dans l'Église afin de se saisir des hommes saints et de leur dresser des embûches. C'est ce que l'Apôtre dit dans son épître aux Galates : « La considération de quelques faux frères, qui s'étaient furtivement introduits pour espionner la liberté que nous avons dans le Christ Jésus, et nous réduire en servitude, ne nous fit pas consentir, même un seul instant, à nous soumettre à eux, afin que la vérité de l'Évangile demeurât parmi nous. »

En parlant de leur parole mensongère, il dit : il tenait de vains discours, c'est-à-dire le peuple des Juifs disait des choses fausses contre le Christ, parce qu'il simulait dans sa bouche des paroles de douceur : « Maître, nous savons que tu es vrai, que tu enseignes la voie de Dieu dans la vérité, sans souci de personne ; car tu ne regardes pas à l'apparence des hommes » ; mais intérieurement il machinait sa mort : « Chacun dit à son prochain des paroles vaines ; lèvres trompeuses, avec un coeur et un coeur, ils parlent. »

En parlant de leur coeur perfide, il dit : son coeur s'est amassé l'iniquité. Le coeur perfide est celui qui rassemble des paroles avec lesquelles il offense l'homme juste. Ceux-ci en effet n'agissent pas comme les abeilles qui rassemblent le miel, mais comme les scarabées qui rassemblent des déchets. Les bons, eux, rassemblent du miel, car ils remplissent les autres de la douceur divine. Et c'est pourquoi il dit : son coeur s'est amassé l'iniquité. Et il dit : s'est, c'est-à-dire contre lui : « Eux aussi à leur propre sang dressent des embûches, et machinent des fraudes contre leurs propres âmes. » Ou bien : s'est, c'est-à-dire pour obtenir son désir : car s'ils le surprennent dans quelque malheur, ils s'en réjouissent beaucoup : « Si tu accordes à ton âme ses désirs, elle te rendra la joie de tes ennemis. » Ainsi parlaient-ils contre le Christ : « Nous nous sommes rappelé que ce séducteur a dit, lorsqu'il vivait encore : "Après trois jours je ressusciterai." »

Ensuite est montré l'effet de leurs embûches, car en sortant dehors ils dénigraient. Aussi dit-il : Il sortait dehors et il parlait de même. Il sortait dehors, ou par simulation, ou par malice, ou par familiarité, ou par amitié : car auparavant il était un ami et semblait se comporter comme un ami, et ainsi il parlait de même, c'est-à-dire faussement, comme avant et en disant des paroles de fausseté. Ou bien il sortait hors du sein de la vérité, ou de l'amitié qu'il simulait, ou de l'Église, ou de la société du Christ : « Beaucoup de ses disciples se retirèrent. » La Glose lit : Egrediebatur (Il sortait). Et puis ce qui suit : in idipsum, etc. (de même, etc.). On lit aussi cela dans une version de Jérôme, mais cela n'a pas de sens.

8 Contre moi murmuraient tous mes ennemis : contre moi ils formaient de mauvais desseins. 9 Ils ont élevé une parole inique contre moi : Est-ce que celui qui dort n'ajoutera pas qu'il ressuscite ?

B. · Ici le psalmiste montre leur mauvais conseil, c'est-à-dire comment ils nuisent :

1) Et il expose d'abord le conseil des ennemis.

2) Puis il montre que quelques amis donnèrent aussi leur assentiment à ce conseil : 10 Car l'homme de ma paix.

1. Et il commence par exposer le déroulement de leur conseil.

a) En montrant qu'ils se rassemblent d'abord pour comploter.

b) Puis qu'ils discutent sur l'objet de leur complot.

c) Enfin qu'ils déterminent ce qu'il faut faire.

Et le psalmiste décrit ces trois choses ici.

a. tous mes ennemis murmuraient contre moi. Le psalmiste dit : murmuraient, c'est-à-dire parlaient silencieusement ; et c'est la manière de procéder en particulier chez les conseillers, et principalement à propos des mauvais conseils et des hommes mauvais, qui font cela en cachette : « Tu ne seras point accusateur ni murmurateur parmi le peuple. » - « Le murmurateur et l'homme à deux langues est maudit ; car il troublera beaucoup de personnes qui vivent en paix. » Et il dit : Contre moi : et tels ne sont pas les bons conseils, mais les mauvais : « Il a médité l'iniquité sur son lit. »

b. Et c'est pourquoi ils formaient de mauvais desseins. - « Bienheureux l'homme qui n'est pas allé au conseil des impies, etc.. »

c. Ils ont élevé une parole inique contre moi, c'est-à-dire une parole injuste. Ils déterminèrent donc cela dans leur conseil : « Il vous est avantageux qu'un seul homme meure pour tout le peuple, et non pas que toute la nation périsse. Dès ce jour donc ils pensèrent à le faire mourir. » - « Celui-ci est l'héritier ; venez, tuons-le, et nous aurons son héritage. » - « Condamnons-le à la mort la plus honteuse. » Cette parole est tenue pour inique : « Toi, Seigneur, tu connais tout leur conseil de mal et de la mort contre moi. »

Est-ce que celui qui dort n'ajoutera pas qu'il ressuscite ? Ici il expose la raison de leur mauvaise détermination. Cette négation non (ne pas) est superflue, autrement dit : celui qui dort, ne ressuscitera pas. Ou bien : Si nous le tuons, il ne ressuscitera pas : « Il n'est personne qu'on sache être revenu des enfers. » Et c'est pourquoi ils croyaient que sa résurrection était une tromperie. Ou bien d'une autre manière : Est-ce que celui qui dort n'ajoutera pas, etc., en tant que cette négation ne pas se construit avec ce verbe ajoutera, et signifie les paroles de l'assemblée qui m'insulte, autrement dit : vous vous êtes décidés à le tuer, mais vous faites cela en vain, parce qu'il ressuscitera ; aussi dit-il : Est-ce que celui qui dort n'ajoutera pas qu'il ressuscite ? Et il dit : qui dort, parce que cette expression est aussi employée dans le livre de Daniel : « Beaucoup de ceux qui dormirent dans la poussière de la terre s'éveilleront » : car absolument parlant la mort du Christ fut une dormition, puisque lui-même s'offrit à la mort, et ne mourut pas par la violence mais par sa propre volonté. Et c'est pourquoi il a eu le pouvoir de reprendre son âme par la puissance de sa divinité : « Quoiqu'il soit mort selon la faiblesse, il vit cependant par la puissance de Dieu. »

10 Car l'homme de ma paix, en qui j'ai espéré, qui mangeait mon pain, m'a tendu un grand piège.

2. Plus haut le psalmiste a exposé en détail le conseil des ennemis machinant la mort du Christ ; mais ici il dépeint le conseil des faux amis. Et puisque dans l'évangile de Jean le Christ lui-même reprend cette parole en l'appliquant à Judas, nous la commentons quant à nous en l'appliquant ici au Christ. Le psalmiste fait ici deux choses.

a) Il commence par décrire sa condition.

b) Puis sa faute.

a. La condition de la personne de Judas sera décrite par trois qualités qui aggravent son péché : car il est ami, familier, et bénéficiaire.

- En parlant de sa qualité d'ami il déclare : Car l'homme de ma paix. Il a dit plus haut qu'il dormait, le traître lui fournissant l'occasion d'exprimer cela. Ou bien : Mes ennemis ont élevé une parole inique contre moi. Mais ce n'est pas étonnant, parce que l'homme de ma paix, parce que Judas était compté parmi mes amis. Et cette prophétie s'est réalisée, puisque Judas a trahi le Christ par un baiser, qui est le signe de l'amitié et de la paix. D'où ces paroles du Seigneur dans l'évangile de Luc : « Judas, c'est par un baiser que tu trahis le Fils de l'homme ? » Et il est écrit dans un psaume : « Ne me perds pas avec ceux qui opèrent l'iniquité : qui parlent paix avec leur prochain, et qui ont le mal dans leur coeur. » Et dans Jérémie : « J'ai entendu les outrages d'un grand nombre et la terreur tout autour de moi : "Poursuivez-le, et nous le poursuivrons" ; j'ai entendu aussi de tous les hommes qui vivaient en paix avec moi, et qui se tenaient à mes côtés : "S'il se laisse séduire, nous prévaudrons contre lui, et nous tirerons vengeance de lui." »

- Semblablement, il était son familier ; aussi dit-il : en qui j'espérais. Mais le Christ fut-il trompé dans son espérance ? Non. Et c'est pourquoi il dit : en qui j'espérais, c'est-à-dire en qui je paraissais espérer, mettre ma confiance, car le Christ lui avait confié l'administration de ses biens matériels. Ou bien : en qui j'espérais, c'est-à-dire d'une telle condition : et ainsi je me comportais vis-à-vis de lui parce que je devais espérer en lui. Mais parfois quelqu'un croit espérer en celui qu'il estime être son ami, et en qui il devrait se confier, et cependant il est trompé : « Que chacun se garde de son prochain, et qu'il ne donne sa confiance à aucun de ses frères. » - « Ne crois pas à un ami, et ne te confie pas à un guide. » Ou bien : en qui j'espérais, c'est-à-dire dans mes membres qui espéraient dans le Christ : « Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus petits d'entre mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. »

- En parlant de la troisième qualité il dit : qui mangeait mon pain, parce que le Christ l'a désigné avec le signe du pain : « C'est celui à qui je présenterai du pain trempé. » Et bien que Judas ait mangé le pain du Christ, il marcha contre lui : « Il donnera à manger et à boire à des ingrats. » Ou bien : mon pain, c'est-à-dire ma doctrine : « Aser, gras est son pain, et il fournira des délices aux rois. » Ce pain est le pain du Christ, qui est gras à cause de la douceur de la doctrine : « Que tes paroles sont douces à mon palais. »

b. Il m'a tendu un grand piège. Tel est le péché. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « Levavit contra me calcaneum suum (Il a levé contre moi son talon). » Et il parle en employant la comparaison de celui qui veut absolument écraser quelqu'un, autrement dit : il a entrepris de me briser totalement. Et il semble qu'une diversité de traductions soit due à cette équivoque : car ce qui est élevé en hauteur est agrandi. Ou bien :11 m'a tendu un grand piège, c'est-à-dire a fait un grand complot contre moi, puisqu'il m'a causé la mort : « Tout frère supplantant supplantera [son frère]. » - « Ils ont eu en haine celui qui les reprenait à la porte. »

11 Mais toi, Seigneur, aie pitié de moi et ressuscite-moi, et je leur rendrai [ce qu'ils méritent].

II. Le Christ a déjà explicité sa demande d'une manière générale ; mais ici il montre sur quoi porte la demande de la miséricorde, autrement dit : eux-mêmes m'ont troublé, mais il me reste le recours à Dieu ; et c'est pourquoi le psalmiste dit : Mais toi, Seigneur, aie pitié de moi. La miséricorde doit être là où il y a de la misère ; or le Christ a pris part à notre misère non quant à notre faute, mais quant à notre peine ; et principalement quant à la peine de la mort. Et c'est pourquoi le psalmiste dit : aie pitié de moi. - « Je ne retirerai pas ma miséricorde de lui. » Mais sur quoi porte la demande de sa miséricorde, il le montre lorsqu'il dit : ressuscite-moi, autrement dit : Ceux-là disent : Est-ce que celui qui dort n'ajoutera pas qu'il ressuscite ? mais toi ressuscite-moi.

Mais le Christ ne serait-il pas ressuscité par sa propre puissance, puisqu'il dit : ressuscite-moi ? Il semble au contraire que si, car le psalmiste dit. au nom du Christ : « J'ai dormi et je me suis relevé. »

Il faut dire que le Christ en tant qu'homme n'a pas le pouvoir de ressusciter, mais bien selon la puissance de sa divinité, qui est la même dans le Père et dans le Fils. Et c'est pourquoi s'il ressuscita par le pouvoir du Père, il ressuscita par son propre pouvoir. Et il demande au Père en tant qu'homme, puisqu'il avait ce pouvoir en tant que Dieu, afin de montrer que sa résurrection se fit par la puissance de sa divinité.

et je leur rendrai [ce qu'ils méritent]. Ici il expose l'effet [de sa résurrection]. Le Christ eut un double pouvoir après sa résurrection : au ciel et sur la terre ; et c'est pourquoi il leur rendit ce qu'ils méritaient, à savoir la captivité temporelle, parce qu'ils ont été dispersés à travers le monde, et il les punira par la damnation au jugement dernier : « Il lui a donné le pouvoir d'exercer le jugement. » Une version de Jérôme lit : « Resuscita me et retribuam tibi (Ressuscite-moi et je te rendrai) », autrement dit : ce fruit de ma résurrection, c'est qu'une fois ressuscité j'amènerai des multitudes à la connaissance de ton nom : « Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens qu'il m'a faits ? »

12 J'ai connu que tu m'as voulu, en ce que mon ennemi ne se réjouira pas à mon sujet. 13 Pour moi, à cause de mon innocence tu m'as pris sous ta protection, et tu m'as affermi en ta présence à jamais.

Ici le psalmiste expose sa confiance dans l'exaucement. Et il commence par exposer le fait que Dieu l'a voulu, c'est-à-dire que la volonté paternelle s'est complu en lui ; c'est pourquoi il dit : que tu m'as voulu. - « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis mes complaisances. » - « Voici mon serviteur, je le soutiendrai ; mon élu, en qui s'est complu mon âme. » Semblablement il dit : mon ennemi ne se réjouira pas à mon sujet, c'est-à-dire Judas : et s'il s'était réjoui de ma mort, cependant il ne se réjouira pas à la fin, car il sera contristé à la résurrection : « Ne te réjouis pas sur moi, mon ennemie, parce que je suis tombée ; je me relèverai. » Et ce verset peut s'ordonner de deux manières. Ou bien, en tant que la première partie est un argument de la seconde ; et d'où la signification suivante : en considérant que je suis agréé par toi, J'ai [re] connu que tu m'as voulu. Ou bien, en tant que la seconde partie est la cause de la première ; et d'ou la signification suivante : puisque mon ennemi n'aura pas pu se réjouir sur moi, J'ai connu que tu m'as voulu. Mais parce qu'il manquait d'un signe, il dit : J'ai connu, c'est-à-dire j'ai fait connaître, ou bien parce que d'autres ont connu ce signe.

Pour moi, à cause de mon innocence tu m'as pris sous ta protection, et tu m'as affermi en ta présence à jamais. Ici exaucé, le psalmiste rend grâce.

A) Et il commence par proclamer le bienfait reçu.

B) Puis il y ajoute la louange :14 Béni le Seigneur.

A. En parlant du bienfait il proclame tout ce qui a trait à lui.

1) Car il fait d'abord connaître son mérite.

2) Puis il montre le bienfait de sa résurrection.

3) Ensuite il montre la condition de celui qui ressuscite.

4) Enfin son exaltation.

1. À propos de son mérite nous considérons son innocence ; aussi dit-il : Pour moi, à cause de mon innocence tu m'as pris sous ta protection. - « Lui qui n'a pas commis de péché. » - « Moi j'ai marché dans mon innocence. » Et il dit qu'en vertu de ce mérite il a été pris sous sa protection, ou assumé. Il ne dit pas cela en se référant à l'assomption dans l'unité de sa personne, car cette assomption ne fut pas due aux mérites du Christ homme lui-même, mais à la pure grâce ; aussi cela se fit-il par l'opération du Saint-Esprit. Mais il dit cela en parlant de sa protection contre les enfers dont il ressuscita : « Mais toi, Seigneur, tu es mon soutien. »

2. Et il dit : tu m'as pris sous ta protection, à savoir tu as protégé mon âme des enfers, et ma chair du tombeau.

3. Mais de quelle manière a-t-il été pris sous sa protection ? Était-ce en vue de la vie mortelle, comme Lazare ? Non, mais il a été pris sous sa protection en vue d'un état d'immortalité ; aussi dit-il : et tu m'as affermi en ta présence à jamais, c'est-à-dire dans l'état d'immortalité : « Le Christ ressuscité d'entre les morts ne meurt plus. »

4. Et plus encore, car il l'a établi en sa présence : « Ce n'est pas dans un sanctuaire fait de main d'homme, image du véritable, que le Christ est entré ; mais [il est entré] dans le ciel même afin de paraître maintenant pour nous devant la face de Dieu. » Et cela à jamais, c'est-à-dire toujours.

14 Béni le Seigneur Dieu d'Israël, d'un siècle jusqu'à un autre siècle ! Ainsi soit-il, ainsi soit-il.

B. Ici le psalmiste expose la louange, et à cet égard il fait deux choses.

1) Il commence par exposer des choses du côté de celui qui est loué.

2) Puis du côté de celui qui loue.

1. Il expose :

a. Une première chose lorsqu'il dit : Béni. Bénir n'est rien d'autre que dire du bien. Nous, nous bénissons Dieu d'une manière, et Dieu nous bénit d'une autre manière. Nous, nous bénissons Dieu, en reconnaissant sa bonté : « Bénissez le Dieu du ciel, et rendez-lui gloire devant tous les vivants, parce qu'il a exercé sa miséricorde envers vous. » - « En bénissant le Seigneur, exaltez-le autant que vous pouvez. » Dieu, lui, nous bénit, en causant sa bonté en nous : car chez lui dire équivaut à faire : « Car lui-même a dit, et les choses ont été faites. »

b. Il expose une deuxième chose lorsqu'il dit : Seigneur. La puissance de Dieu est considérée selon deux choses.

D'abord selon l'oeuvre de son gouvernement : « Mais toi, dominateur de la puissance, c'est avec tranquillité que tu juges, et avec une grande réserve que tu nous gouvernes » ; et puis selon l'oeuvre de sa création. Le psalmiste traite de ces deux choses lorsqu'il dit : Seigneur Dieu : Seigneur, à qui il appartient de gouverner ; puis, lorsqu'il dit : Dieu, il fait allusion à son oeuvre de création : c'est qu'en effet tous pensent que Dieu est le premier principe de l'être pour tous ; mais son oeuvre de gouvernement implique des serviteurs, tandis qu'il ne peut y avoir aucun intermédiaire dans son oeuvre de création. Aussi l'honneur qui est dû à celui qui gouverne, peut-il être communiqué à d'autres : « Vous m'avez reçu comme un ange de Dieu. » Et telle est la dulie. Mais la latrie, qui est due au Créateur, n'est due à personne d'autre. Et c'est pourquoi la Glose commente : « le Seigneur, à qui est due la dulie ; et Dieu, à qui est due la latrie. » Et il dit : d'Israël, c'est-à-dire de ceux qui voient Dieu ; car bien qu'il gouverne toutes choses, cependant seuls les fidèles reçoivent le fruit fécond de son gouvernement, qui est la vie. Et si tous honorent Dieu, cependant seuls les fidèles offrent à Dieu seul un culte de latrie.

c. Il expose une troisième chose lorsqu'il dit : d'un siècle jusqu'à un autre siècle, c'est-à-dire que ta puissance n'est pas matérielle, mais éternelle : « Ton règne est un règne de tous les siècles, et ta domination s'étend à toutes les générations. »

2. Du côté de celui qui loue il dit deux choses : la confession de bouche : « On croit de coeur pour la justice, et on confesse de bouche pour le salut. » Et il fait cela lorsqu'il dit : Béni le Seigneur Dieu d'Israël, d'un siècle jusqu'à un autre siècle ! Il exprime aussi un sentiment de complaisance : « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ; je le dis encore, réjouissez-vous. » Et c'est pourquoi il dit : Ainsi soit-il, ainsi soit-il, autrement dit : il se complaît dans ses bonnes oeuvres : et il réitère cette interjection pour signifier la continuité de cette complaisance : « Seigneur Dieu d'Abraham, d'Isaac et d'Israël, nos pères, garde éternellement cette volonté de leur coeur, et que toujours ce sentiment de vénération pour toi persiste. » En hébreu on lit : Amen, amen. Et étant donné que ces mots amen, amen figurent à la fin des livres de l'Écriture, certains croient que le livre des Psaumes est lui-même divisé en plusieurs livres, et que ce dernier psaume constitue précisément la fin d'un livre. Mais cela n'est pas vrai, car ce fiat (ainsi soit-il), ou amen, est mis ici pour signifier la continuité du consentement, et non pas l'achèvement d'un ouvrage.


Éditions du Cerf

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