1 Pour la fin, intelligence des fils de Coré.
2 Comme le cerf désire les sources des eaux, ainsi mon âme te désire, ô Dieu. 3 Mon âme a eu soif de Dieu source vive : quand viendrai-je, et paraîtrai-je devant la face de Dieu ?
4 Mes larmes m'ont servi de pains le jour et la nuit : pendant qu'on me dit chaque jour : « Où est ton Dieu ? »
5a Je me suis souvenu de ces choses, et j'ai répandu en moi mon âme ; parce que je passerai dans le lieu de la tente admirable, jusqu'à la maison de Dieu ;
5b au milieu d'un chant d'exultation et de louange, [pareil] au bruit d'un festin. 6 Pourquoi es-tu triste, mon âme, et pourquoi me troubles-tu ? Espère en Dieu, parce que je le louerai encore ; il est le salut de mon visage, 7 et mon Dieu. Mon âme a été troublée sur moi-même ; c'est pourquoi je me souviendrai de toi de la terre du Jourdain et d'Hermoniim, de [cette] petite montagne.
8 Un abîme appelle un [autre] abîme, à la voix de tes cataractes. Toutes tes hauteurs et tes flots ont passé sur moi.
9 Pendant le jour, le Seigneur a commandé à sa miséricorde [de m'environner], et pendant la nuit [il m'a donné] son cantique. En moi la prière au Dieu de ma vie ; 10 je dirai à Dieu : « Tu es mon soutien. Pourquoi m'as-tu oublié et pourquoi faut-il que je marche tout contristé, tandis qu'un ennemi m'afflige ? » 11 Tandis qu'on brise mes os, mes ennemis, qui me tourmentent, m'ont accablé de reproches, en disant tous les jours : « Où est-il ton Dieu ? » 12 Pourquoi es-tu triste mon âme ? et pourquoi me troubles-tu ? Espère en Dieu, parce que je le louerai encore : il est le salut de mon visage, et mon Dieu.
1 Pour la fin, intelligence des fils de Coré. 2 Comme le cerf désire les sources des eaux, ainsi mon âme te désire, ô Dieu. 3 Mon âme a eu soif de Dieu source vive : quand viendrai-je, et paraîtrai-je devant la face de Dieu ?
Ici commence la cinquième décade des cinquante premiers psaumes ; et elle est ainsi établie en vue d'implorer le secours divin contre les maux présents. Et c'est une figure des maux temporels qui arrivèrent à David, lui qui a souffert la persécution de la part d'Absalom : et ce fut l'objet de la première décade. Semblablement de la part de Saül : ce fut l'objet de la deuxième décade. Pareillement de la part de tout le peuple : ce fut l'objet de la troisième décade. Également de la part d'une multitude de rivaux : ce fut l'objet de la quatrième décade : « Juge, Seigneur, ceux qui me nuisent. » Reste la cinquième décade, dans laquelle le psalmiste parle en particulier de ce qui concerne son royaume. Et dans cette décade il demande le secours divin contre ceux qui combattent le royaume. Et si on réfère cela au mystère, l'homme juste demande le secours divin contre ceux qui combattent le royaume de l'Église.
Cette décade se divise en deux parties :
Dans la première le psalmiste formule une demande à propos de l'état du royaume ; dans la seconde, étant donné que le royaume semble être troublé par le péché, il demande pardon pour le péché : « Aie pitié de moi, ô Dieu. »
En formulant une demande au sujet de l'état du royaume il fait deux choses : il fait d'abord connaître sa demande contre les ennemis du royaume ; puis, exaucé, il rend grâce au sujet de la gloire du royaume : « Mon coeur a émis une bonne parole. »
Et parce que toute demande résulte d'un désir, il fait deux choses en faisant connaître sa demande : il commence par faire connaître son désir ; puis il y ajoute une prière : « Ô Dieu, nous avons entendu de nos oreilles. »
Il fait deux choses en faisant connaître son désir : il montre d'abord le désir qu'il a de Dieu. Puis il demande l'accomplissement de son désir : « Juge-moi, ô Dieu. »
Le titre de ce psaume est : In finem intellectus filiis Core (Pour la fin, intelligence des fils de Coré). On a déjà donné une explication de ce titre au psaume précédent ; cependant une autre version lit : « In finem intellectu (Pour la fin, par l'intelligence) », c'est-à-dire que ce psaume est attribué aux fils de Coré, « par l'intelligence », c'est-à-dire par l'intelligence qui nous conduit vers la fin. Coré veut dire calvaire. Aussi ceux-là sont appelés fils de Coré qui souffrent de la raillerie à cause de la croix. Et l'on rapporte au quatrième livre des Rois que des enfants se moquaient d'Élisée en disant : « Monte, chauve ; monte, chauve ; et Élisée [...] les maudit ; et deux ours sortirent du bois, et les mangèrent. » Ceux-là montent de Bethel - qui autrefois était appelé maison de Dieu - qui se convertissent finalement au Christ parmi les habitants de Juda. Et ceux-ci sont raillés par des enfants, c'est-à-dire par des Juifs ayant une mentalité puérile, puisqu'ils sont encore sous le pédagogue, et outragent la croix du Christ : et ces deux ours les ont dévorés, à savoir Titus et Vespasien.
Ce psaume se divise en deux parties.
I) Dans la première partie le psalmiste expose son désir.
II) Dans la seconde la tristesse qui stimule ce désir : 4 Mes larmes m'ont servi de pains le jour et la nuit.
I. En exposant son désir il fait trois choses.
A) Il fait connaître son désir en usant d'une comparaison.
B) Puis il donne la raison de cette comparaison : 3 Mon âme a eu soif.
C) Enfin il mentionne la réalité désirée : quand viendrai-je ?
A. Il prend la comparaison du cerf qui a notamment cette propriété d'écraser de ses pattes les serpents ; et quand il veut éprouver un changement il les mange : et ainsi brûlant de soif sous l'action du venin, il court alors vers l'eau, et s'en trouve restauré. De même que le cerf désire en général les eaux, ainsi le fidèle désire Dieu ; cependant cette comparaison s'applique plus spécialement aux catéchumènes et aux hommes parfaits. Car le catéchumène est comme un cerf qui éprouve l'ardeur du venin en lui, parce qu'il a été distillé par la suggestion du serpent. Le péché originel résulte de ce venin : « Le péché est entré dans ce monde par un seul homme. » Et ce venin est la souillure de la concupiscence, et la souillure du premier péché. C'est pourquoi le catéchumène doit désirer la source du baptême : « Il y aura une source ouverte à la maison de David pour laver les pêches. » - « Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés de toutes vos souillures, et je vous purifierai de toutes vos idoles. » Et l'homme a été affermi comme le cerf établi sur un rocher : « Qui a affermi mes pieds comme ceux des cerfs. »
B. Mon âme a eu soif. Celui-ci a déjà mangé, c'est-à-dire détruit le péché :
« Comme à la vue d'un serpent fuis le péché. » C'est pourquoi n'ayant rien en ce monde à convoiter, il désire venir à la source de la vie. Et voilà pourquoi, étant donné que cette comparaison convient à ceux-ci, c'est-à-dire aux catéchumènes et aux hommes parfaits, ce psaume est chanté à l'office du baptême le Samedi saint et à la Pentecôte, lorsqu'un baptême solennel est célébré pour les catéchumènes. Semblablement, il est chanté aux obsèques des morts, parce qu'il convient aux hommes parfaits d'aller vers la source de la vie éternelle.
ainsi mon âme te désire, ô Dieu. Ici il applique sa comparaison. Mon âme te désire avec un élan intérieur : « Mon âme t'a désiré pendant la nuit. » - « Mon partage est le Seigneur, a dit mon âme ; à cause de cela je l'attendrai. » Mais n'y a-t-il pas en Dieu une source d'eaux ? Oui, aussi dit-il : « Mon âme a eu soif de Dieu source vive. » On appelle source, celle qui fait jaillir et qui produit des eaux vives, et qui laisse échapper des eaux continuellement et indéfiniment. Toute l'eau des grâces émane de cette source, à savoir de Dieu le Père : « Ils m'ont abandonné, moi, la source d'eau vive. » Semblablement, elle émane du Fils, en tant qu'il est également Dieu : « En toi est la source de la vie. » - « La source de la sagesse est le Verbe de Dieu dans les cieux. » Pareillement de l'Esprit-Saint : « L'eau que moi je lui donnerai deviendra en lui source d'eau jaillissant en vie éternelle. » Et encore : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive, celui qui croit en moi. Comme dit l'Écriture, de son sein couleront des fleuves d'eau vive. Or il disait cela de l'Esprit, que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui. » Donc, puisque lui-même est la source, mon âme a soif de lui. La soif signifie un désir accompagné d'anxiété. Ainsi cette soif signifie qu'il endure l'anxiété, non seulement à cause du retard de l'objet désiré, mais encore à cause des maux qui affligent ici-bas : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés. »
C. Mais à propos de cette source il formule ce désir : quand viendrai-je, et paraîtrai-je devant la face de Dieu ? Ces paroles sont le propre de celui qui désire, et elles expriment le désir du catéchumène de recevoir le baptême ; et le sens est le suivant : quand viendrai-je au baptême sacré du Christ ? - « Venez à moi, vous tous qui prenez de la peine et qui êtes chargés, et je vous soulagerai. » - « Venez, mes enfants, écoutez-moi : je vous enseignerai la crainte du Seigneur. » Comme le dit Augustin, cela convient aux catéchumènes, car depuis le début de leur initiation et jusqu'à ce qu'ils deviennent adultes, ils n'étaient pas admis aux saints mystères, mais pouvaient seulement y participer jusqu'à l'Évangile. Voilà pourquoi le psalmiste dit : quand viendrai-je, et paraîtrai-je, au sens littéral, puisque tu nourris, devant la face de Dieu, c'est-à-dire quand participerai-je aux sacrements du Christ ? De même, cela convient aux hommes parfaits ; et en voici le sens : quand viendrai-je et paraîtrai-je ?, c'est-à-dire pour que je te voie face à face, car à présent je suis loin de toi, puisque je te vois par la foi. Mais quand je te verrai par une claire vision, alors je serai proche : « Désirant d'être dissous et d'être avec le Christ, chose bien meilleure [pour moi]. » Et il ne dit pas : le Seigneur m'apparaîtra, mais je paraîtrai devant la face du Seigneur : car du fait que je verrai la face du Seigneur, je serai rendu visible aux yeux de tous beaucoup plus que Moïse qui l'a vu en cette vie : « Ce que nous serons n'est pas encore apparu. Car nous savons que lorsqu'il apparaîtra nous serons semblables à lui ; parce que nous le verrons tel qu'il est. » - « Les souffrances du temps présent ne sont pas dignes de la gloire future qui sera révélée en nous. » Autrement dit : Je fais partie de la société de ceux qui voient Dieu ; et par conséquent je serai visible et glorieux. Mais l'hypocrite est exclu de cette vision : « Aucun hypocrite ne viendra en sa présence. »
4 Mes larmes m'ont servi de pains le jour et la nuit : pendant qu'on me dit chaque jour : Où est ton Dieu ?
II. Ici le psalmiste décrit d'où lui vient ce désir ou cette anxiété.
A) Et il en expose d'abord la cause.
B) Puis il expose le remède qu'il oppose à celle-ci : 5a Je me suis souvenu de ces choses.
A. Et il commence par exposer :
1) La grandeur de sa tristesse ;
2) Puis sa cause.
1. En parlant de la tristesse il procède comme suit :
a) Car il exprime d'abord la grandeur de sa tristesse.
b) Puis son effet.
c) Enfin sa persistance.
a. Il montre sa grandeur lorsqu'il dit : Mes larmes m'ont servi de pains le jour et la nuit, ce qui signifie que par celles-ci l'homme fait éclater avec véhémence l'abondance de sa tristesse. Et cette tristesse provient soit des péchés qui font obstacle à l'obtention du bien désiré, soit des vexations d'autrui.
b. Il montre son effet lorsqu'il dit : de pains. Le pain refait ; et ainsi les larmes refont pour une double raison.
- Selon une première raison, parce que pour chaque chose est délectable l'action qui lui convient : Aussi à la tristesse est délectable l'action qui convient à celle-ci : et l'action de pleurer est une action de la tristesse.
- Selon l'autre raison, parce que lorsque la chaleur s'évapore, elle diminue ; et c'est pourquoi il dit que les larmes lui sont comme un pain, comme si elles le refaisaient. Ou bien comme un pain : car de même que par le pain on est nourri, ainsi lui-même est nourri dans le bien par les larmes.
c. Enfin il montre sa persistance lorsqu'il dit : le jour et la nuit, c'est-à-dire dans la prospérité et l'adversité : « Je pleurerai jour et nuit les morts de la fille de mon peuple. »
2. Et sa cause est : pendant qu'on me dit chaque jour : « Où est ton Dieu ? » S'il s'agit de paroles dites par des païens, on les applique aux catéchumènes : autrement dit : Nous, disent les païens, nous avons un dieu que nous voyons : le soleil. Mais où est votre Dieu, celui que vous inventez ? Répondez : Dieu peut être vu, mais non par vous, parce que vous n'êtes pas purs de coeur. Semblablement, si ces paroles sont dites au juif converti par un juif infidèle : Où est ton Dieu ? Que le juif converti à la foi réponde : Où que soit mon Dieu, il apparaît dans votre châtiment, c'est-à-dire celui des juifs, puisque vous avez été dispersés. Pareillement, ce sont les paroles du pécheur adressées à l'homme juste se trouvant dans l'affliction, autrement dit : Où est[-il] ton Dieu ? Pourquoi ne te libère-t-il pas de l'affliction dont tu souffres ? Que le juste réponde : Parce que ces choses temporelles ne sont pas la récompense que Dieu donne à ses serviteurs, mais bien les réalités célestes.
5a Je me suis souvenu de ces choses, et j'ai répandu en moi mon âme ; parce que je passerai dans le lieu de la tente admirable, jusqu'à la maison de Dieu.
B. Le psalmiste a exposé plus haut son désir, et la cause de ce désir ; mais ici il expose le remède qui s'oppose à cette cause, à savoir la tristesse : et à cet égard il expose ou fait deux choses.
1) Il expose d'abord le remède du côté de sa méditation personnelle.
2) Puis du côté du secours divin : Mon âme a été troublée sur moi-même.
1. Concernant le remède se fondant sur sa méditation personnelle il fait deux choses.
a) Il commence par faire connaître ce remède.
b) Puis il montre par ce remède l'empêchement de céder à la tristesse : 6 Pourquoi es-tu triste, mon âme ?
a. En faisant connaître ce remède,
- il mentionne d'abord sa méditation.
- Puis la délectation de son âme : j'ai répandu en moi mon âme.
- Et il en donne la raison : parce que je passerai.
- Ainsi dit-il : Je me suis souvenu de ces choses, c'est-à-dire des outrages des infidèles disant : Où est[-il] ton Dieu ? - « J'en conserverai toujours la mémoire, et mon âme séchera en moi [de douleur]. »
- Et j'ai la consolation de l'âme, parce que j'ai répandu en moi mon âme. Lorsqu'un liquide se répand, il s'étend. Étant donné que la disposition du coeur se rapporte à l'allégresse, qui est comme une délectation, c'est pourquoi dans l'effusion de l'âme est désignée la délectation : « Répandez devant lui vos coeurs : Dieu est notre aide pour l'éternité. » Une autre version lit : « Effudi super me animam meam (j`ai répandu sur moi mon âme). » Et d'après cette version on lit d'une autre manière ; en voici le sens. Ils disent : Où est ton Dieu ? Et moi je me suis souvenu de ces choses, et j'ai commencé par rechercher dans les créatures sans raison si je trouvais mon Dieu ; mais j'ai découvert en elles des traces de Dieu : « Les perfections invisibles [de Dieu], rendues compréhensibles depuis la création du monde par les choses qui ont été faites, sont devenues visibles aussi bien que sa puissance éternelle et sa divinité. » Mais j'ai poussé mon enquête plus loin dans le domaine des réalités intellectuelles de l'âme. Et j'ai répandu [sur] moi mon âme, c'est-à-dire j'ai recherché avec un examen attentif ce qui est en elle, comme si je disposais toutes choses devant moi, à la manière de celui qui extrait toutes les choses d'un récipient, afin d'examiner ce qu'il y a à l'intérieur : et cependant mon Dieu n'y est pas.
- Mais il y a encore une démarche plus haute ; et je l'ai entreprise : parce que je passerai dans le lieu de la tente admirable, jus qu'à là maison de Dieu, autrement dit, toute la consolation que je pourrais avoir, c'est l'espérance de tendre vers Dieu. Et il dit deux choses : où il tend, et comment : au milieu d'un chant d'exultation et de louange, etc. Où il tend, il faut l'imaginer de la manière suivante. Dans l'Ancien Testament il y avait deux lieux assignés au culte divin, à savoir la tente, dont parle l'Exode. Et par la suite, l'état du peuple s'accroissant ainsi que la religion, on construisit la maison de Dieu, c'est-à-dire le Temple : non point comme une tente, mais comme un édifice stable. David voulut réaliser cela, mais il en fut empêché par Dieu : : « Est-ce que tu ne me bâtiras point une maison pour l'habiter ? » C'est aussi ce que rapporte le premier livre des Chroniques. Mais il lui a promis que son fils construirait la maison de Dieu, aussi lui-même fit-il des économies ; et c'est pourquoi il dit : [Ils me disent :] « Où est[-il] ton Dieu ? » Et moi, m'étant souvenu de ces choses, je me suis délecté de l'avoir trouvé ; et c'est pourquoi je tendrai vers lui de tout mon coeur. Et je passerai dans le lieu de la tente admirable, autrement dit : Je ne me reposerai pas jusqu'à ce que je le trouve. Et il dit : je passerai, parce que par la tente, qui était mobile, est signifiée la condition de l'Église présente, laquelle n'est ni perpétuelle, ni stable si ce n'est qu'elle durera jusqu'à la fin du siècle, et qu'alors elle sera transférée dans les cieux. C'est ce que rapporte le livre de l'Apocalypse : « Voici la tente de Dieu avec les hommes », c'est-à-dire l'Église présente avec les hommes, à savoir tant que les hommes seront en cette vie. Et de cette tente je passerai à la maison stable de Dieu : « Nous serons remplis des biens de ta maison. » - « Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père ; sinon je vous l'aurais dit, car je vais vous préparer un lieu. » Et ainsi il indique le chemin pour aller dans la tente admirable et la maison de Dieu. Et on dit dans la tente admirable à cause des merveilles qu'il fait pour les saints.
5b au milieu d'un chant d'exultation et de louange, [pareil] au bruit d'un festin. 6 Pourquoi es-tu triste, mon âme, et pourquoi me troubles-tu ? Espère en Dieu, parce que je le louerai encore : il est le salut de mon visage, 7 et mon Dieu. Mon âme a été troublée sur moi-même ; c'est pourquoi je me souviendrai de toi de la terre du Jourdain et d'Hermoniim, de [cette] petite montagne.
Ici sera décrite la manière de passer à la maison de Dieu. Et il y faut pareillement une certaine imagination. Il y avait en effet une coutume selon laquelle, lorsque certains se rendaient à la tente parmi les foules, ils y allaient avec joie : « Vous chanterez comme [dans] la nuit d'une sainte solennité, et la joie de votre coeur sera comme celui qui marche joyeusement avec la flûte » ; et c'est pourquoi il dit : j'irai dans le lieu de la tente admirable, jusqu'à la maison de Dieu. Et avec joie, car il dit : au milieu d'un chant d'exultation et de louange, [pareil] au bruit d'un festin. Une autre version lit : « Sonus epulantis (Du bruit d'un festin) », autrement dit, je marcherai au milieu du bruit d'un festin, car dans les festins on entend résonner la joie, et cela d'autant plus qu'il y a là d'autres motifs d'allégresse. Ainsi nous rapportons cela à l'entrée dans la joie ; car il y aura là trois sortes de joie.
Il y aura d'abord l'exultation résultant des biens acquis : « Ils obtiendront la joie et l'allégresse, et la douleur fuira ainsi que le gémissement. »
Ensuite la louange pour les bienfaits de la grâce ; parce qu'ils reconnaîtront avoir obtenu ces bienfaits par la grâce de Dieu ; et c'est pourquoi ils loueront les merveilles de Dieu : d'où leur action de grâce et leur louange.
Enfin la réfection spirituelle : « Mes serviteurs mangeront, et vous, vous aurez faim ; voilà que mes serviteurs se réjouiront et vous, vous serez confus ; voilà que mes serviteurs chanteront des louanges dans l'exultation de leur coeur, et vous, vous jetterez des cris dans la douleur de votre coeur, etc. » - « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés » ; et c'est pourquoi en ce lieu résonnera le bruit du festin. Pareillement le bruit de la joie d'un jour de fête, c'est-à-dire l'exultation ininterrompue : « Jérusalem, regarde vers l'orient, et vois la joie qui te vient de Dieu. » Et parce que toutes ces choses sont imparfaites dans l'Église, il ajoute : Pourquoi es-tu triste, mon âme ?
b. Le psalmiste applique ici le remède contre la cause de la tristesse.
- Et il commence par écarter ce sentiment.
- Puis son effet.
- Ainsi dit-il : Pourquoi es-tu triste, mon âme ?, alors que tu dois te réjouir, puisque tu es dans la tente, et que tu iras à la maison du Seigneur. Pourquoi donc es-tu triste ? Car les petits maux ne doivent pas être considérés au regard des biens éternels : « Chasse la tristesse », à savoir celle du siècle, « loin de toi ». - « La tristesse du siècle produit la mort. »
- L'effet de la tristesse est le trouble, car à cause du dérèglement de l'appétit sensible la raison elle-même est troublée. Et qui parle ? L'âme selon cette connaissance sensible. L'âme a deux parties : la partie sensitive, qu'il nomme ici âme à cause de son caractère animal ; et la raison supérieure, qui se nomme elle-même ; car chacun excelle par ce qu'il a de meilleur en lui : et c'est pourquoi la raison supérieure dit à l'inférieure : pourquoi me troubles-tu ? Et quelle en est la cause ? Il montre qu'il ne doit pas être triste, parce qu'il y a l'espérance de la louange future ; et c'est pourquoi il dit : Espère [dans le Seigneur], parce que je le louerai encore, autrement dit : Espère en Dieu lui-même, parce que tu viendras encore vers ce que tu désires, à savoir je le louerai encore, c'est-à-dire j'espère encore voir son visage, soit en cette vie, soit dans la Patrie, ce qui constitue la matière principale de la joie : « Quelqu'un de vous est-il triste ? Qu'il prie. Est-il content ? Qu'il chante des cantiques. »
le salut de mon visage. Ce mot salut est ici au nominatif selon la Glose, et en voici le sens : Moi je dis que je le louerai. Et ce pronom le s'adresse à qui ? Au Christ, en qui il y a deux natures, à savoir la nature humaine qui est semblable à une mère ; et c'est pourquoi il dit : le salut de mon visage, c'est-à-dire portant mon visage : « Mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé à la face de tous les peuples ; pour être la lumière qui éclairera les nations, et la gloire d'Israël ton peuple. » - « C'est ton salut que j'attendrai, Seigneur. » Pareillement la nature divine, et selon celle-ci, il est mon Dieu ; aussi dit-il : mon Dieu. - « De qui est sorti, selon la chair, le Christ même qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni dans tous les siècles. Amen. » Ou bien selon Jérôme, ce mot salut est à l'accusatif, autrement dit : je le louerai comme salut, c'est-à-dire la rédemption grâce à laquelle il me sauva. Et ce qui suit, mon Dieu, est relié à ce qui précède.
2. Ensuite le psalmiste applique le remède, c'est-à-dire celui du secours divin.
a) Il commence par exposer ce remède.
b) Puis il en donne une explication.
a. Ainsi dit-il : sur moi-même. Une autre version lit : « À me meipso anima mea conturbata (Mon âme a été troublée en moi-même). » La première version est meilleure, autrement dit : Quelle en est la raison, je cherche à savoir : pourquoi me troubles-tu [mon âme] ? Et ce trouble vient parce que, de quelque manière que je me tourne vers moi-même, je rencontre pour moi la tribulation : « Ta perte vient de toi, Israël ; c'est seulement en moi qu'est ton secours. » Et c'est pourquoi la version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « Deus meus in meipso (Mon Dieu en moi-même). » Selon cette version le sens est le suivant, autrement dit : la cause du trouble vient de moi-même : car si nous nous référons au genre humain, la corruption des sens vient de la raison, c'est-à-dire de la corruption de l'intelligence de nos premiers parents. Semblablement, tout homme en péchant corrompt sa nature ; et c'est pourquoi après le péché la sensualité résiste davantage à la raison. Et parce qu'il ne se trouve en moi que la cause du trouble, c'est pourquoi je me souviendrai de toi, c'est-à-dire je recourrai à toi : « Son souvenir sera comme le vin du Liban ». Et d'où ? de la terre du Jourdain et d'Hermoniim. Le Jourdain est un fleuve qui coule sur la Terre promise. L'Hermon est une montagne proche du Jourdain. Et selon l'histoire rapportée au livre des Rois, lorsqu'Absalom marcha sur Jérusalem, et tint conseil en vue de poursuivre David qui se tenait en deçà du Jourdain, alors Chusai l'en empêcha ; et c'est pourquoi il dit : Si je me trouvais dans une tribulation telle que celle que j'ai endurée alors, je dirais face à celle-ci : je me souviendrai de toi.
Trois éléments figurant dans le baptême sont ici désignés. Par le Jourdain est désignée la descente des grâces dans le baptême : « Toute grâce excellente et tout don parfait vient d'en haut et descend du Père des lumières, en qui il n'y a ni changement, ni ombre de vicissitudes. » Et de la terre, parce que par l'influx de la grâce la terre du coeur est fécondée. Hermon veut dire « anathème », et désigne la renonciation que nous faisons au diable et à ses pompes au baptême ; car en cette circonstance n'importe qui anathématise, c'est-à-dire se sépare du diable. de [cette] petite montagne, car cette renonciation et la grâce résultent d'un coeur humble, puisque « Dieu donne sa grâce aux humbles. » Et le diable « est le roi de tous les fils de l'orgueil. »
8 Un abîme appelle un [autre] abîme, à la voix de tes cataractes. Toutes tes hauteurs, et tes flots ont passé sur moi.
b. Il explique le remède quant aux choses qui ont été mentionnées, quant au trouble qu'il a en lui et quant au souvenir qu'il a de Dieu : Pendant le jour, le Seigneur a commandé.
En parlant de son trouble il donne une comparaison et en,fait connaître la cause.
L'abîme dans l'Écriture signifie la multitude des eaux : « Des ténèbres étaient sur la face de l'abîme. » Il arrive aussi que les eaux, lorsqu'elles sont engendrées en abondance dans les airs, puissent être appelées abîme. Et dans ces pluies il y a un certain mouvement circulaire : car elles descendent vers la terre, et d'elles s'élèvent des vapeurs qui génèrent d'autres eaux ; et dans l'intervalle il y a souvent du tonnerre résultant du mouvement des nuages, lesquels sont engendrés par les vapeurs et les pluies. Il arrive également que des éclairs succèdent au tonnerre : « Il a changé des éclairs en pluie. »
Le psalmiste dit donc : Un abîme, c'est-à-dire la multitude des eaux, appelle un [autre] abîme, c'est-à-dire à lui la multitude des autres eaux ; et cela, à la voix de tes cataractes, c'est-à-dire qu'il y a des lieux cachés dans lesquels les eaux sont engendrées, et dont elles descendent. C'est pourquoi les cataractes, c'est-à-dire les nuages qui sont comme des cataractes, sont engendrées à partir de ces lieux. Et ces choses dans l'Écriture, à savoir l'abîme et la tempête, causent le mal : « Les abîmes les ont couverts » ; d'où un abîme, autrement dit une punition de Dieu appelle un [autre] abîme, c'est-à-dire en amène une autre, autrement dit : le jugement de Dieu qui cause les maux présents, appelle le jugement qui cause les maux futurs : « Tes jugements sont un abîme profond. » Et cela de la manière suivante : à la voix de tes cataractes, c'est-à-dire par la voix de tes Écritures, ou de tes prédicateurs. Et cela se réfère à ce qu'il dit : Mon âme a été troublée. Pourquoi ? À cause de l'abîme, en ce sens que d'un seul mal ou d'un seul péché résulte un grand châtiment. Ou bien autrement : c'est pourquoi je me souviendrai de toi, etc., en supposant que par le mot abîme on comprenne la doctrine sacrée ; et le sens est alors le suivant : Un abîme, c'est-à-dire l'Ancien Testament en appelle un [autre], c'est-à-dire le Nouveau Testament. Et il introduit ces deux choses ensemble pour que je me [souvienne] de toi, parce que dans l'une et l'autre chose il promet le secours de Dieu à l'homme : et cela, à la voix de tes cataractes, c'est-à-dire à la voix de tes prédicateurs et docteurs. Ou encore autrement : c'est pourquoi je me souviendrai de toi, etc., parce que l'abîme c'est l'homme : « Qui des hommes sait ce qui est dans l'homme, sinon l'esprit de l'homme qui est en lui ? » Selon un autre passage de l'Écriture il est écrit : « Le coeur de l'homme est un abîme et il est inscrutable. » Donc un abîme, c'est-à-dire un homme, en appelle un [autre] au Christ. Et cela ne se fait pas par sa propre puissance, mais à la voix de tes cataractes, c'est-à-dire sous l'inspiration de l'Esprit-Saint, d'où la langue du prédicateur reçoit son efficacité. Toutes tes hauteurs. Plus haut le psalmiste a exposé une comparaison relative à sa tribulation, mais ici il explique cette comparaison. Il a dit plus haut : Un abîme appelle un [autre] abîme, et il se réfère à cela pour signifier qu'il a enduré non seulement un châtiment, mais une multitude de châtiments ; et à cela fait suite sa comparaison : l'homme est affligé par l'eau, soit descendant de l'air, soit étant dans l'air, ou se trouvant sur la terre. Et ce dernier dit être affligé de l'une et de l'autre manière. Selon la première manière lorsqu'il dit : Toutes tes hauteurs ; selon la seconde [manière] lorsqu'il dit : et tes flots ont passé sur moi. Ces hauteurs, ce sont les supplices futurs, et ils concernent le jugement dernier, à l'image de celui qui eut lieu dans la mer quand « [les Égyptiens] se sont enfoncés comme le plomb dans des eaux impétueuses ». Les flots sont les châtiments présents qui appellent ce jugement ; et c'est pourquoi je suis troublé : « Ils se sont fait un chemin au travers de moi. » Selon la Glose : tes flots ont passé, c'est-à-dire se sont éloignés de moi. Et telle est selon ce commentaire la raison de sa consolation, autrement dit : je me souviendrai de toi, parce que Toutes tes hauteurs et tes flots se sont éloignés de moi, autrement dit des châtiments plus grands, qui sont signifiés par les flots, ont passé sur moi, c'est-à-dire semblaient dépasser la mesure de mes forces. Cependant le premier commentaire est meilleur.
9 Pendant le jour, le Seigneur a commandé à sa miséricorde [de m'environner], et pendant la nuit, [il m'a donné] son cantique. En moi la prière au Dieu de ma vie ; 10 je dirai à Dieu : « Tu es mon soutien. Pourquoi m'as-tu oublié et pourquoi faut-il que je marche tout contristé, tandis qu'un ennemi m'afflige ? » 11 Tandis qu'on brise mes os, mes ennemis, qui me tourmentent, m'ont accablé de reproches, me disant tous les jours : « Où est ton Dieu ? » 12 Pourquoi es-tu triste, mon âme ? et pourquoi me troubles-tu ? Espère en Dieu, parce que je le louerai encore : il est le salut de mon visage et mon Dieu.
Comme on l'a déjà dit, il a mentionné deux choses : le trouble vis-à-vis de lui-même et sa confiance : c'est pourquoi je me souviendrai de toi. Et il a exposé la cause de son trouble ; à présent il explicite la raison pour laquelle il se souvient de Dieu.
- Et il expose d'abord son expérience de la miséricorde divine ;
- puis il y ajoute sa prière : En moi la prière.
- Il fait deux choses selon le caractère ambivalent de la miséricorde divine ; car la miséricorde de Dieu apporte la paix aussi bien dans la prospérité que dans l'adversité. Et c'est pourquoi en parlant de la prospérité il dit : Pendant le jour, le Seigneur a commandé à sa miséricorde [de m'environner], c'est-à-dire au temps de la prospérité, autrement dit : Tout ce que je possède au temps de la prospérité, je l'attribue à la miséricorde divine : « C'est grâce aux miséricordes du Seigneur que nous n'avons pas été consumés ; c'est parce que ses bontés n'ont pas fait défaut. » En parlant de l'état d'adversité il dit : et pendant la nuit, c'est-à-dire au temps de l'adversité, il m'a donné son cantique, à savoir l'allégresse, c'est-à-dire que pour moi qui suis dans la tribulation une très grande miséricorde m'est donnée par la miséricorde divine. C'est pourquoi une autre version lit : « In die declaravit (Pendant le jour il a déclaré) », à savoir la miséricorde s'est déclarée, c'est-à-dire s'est manifestée au temps de l'adversité : « Belle est la miséricorde de Dieu au temps de la tribulation, comme la nuée au temps de la sécheresse. » - « Selon la multitude de tes bontés, efface mon iniquité, et purifie-moi de mon péché. » Cependant selon Jérôme ce verset se lit comme suit : « In die mandavit Dominus misericordiam suam, et nocte canticum ejus apud me (Pendant le jour, le Seigneur a commandé à sa miséricorde [de m'environner], et pendant la nuit son cantique est en moi. »
- Et telle est la prière du Seigneur, etc., autrement dit : je reçois la miséricorde de Dieu, etc., pendant le jour naturel, ou au temps de l'adversité ; pendant la nuit le cantique de Dieu, et je prie de nouveau au Dieu de ma vie. Cette dernière version est plus claire. Mais nous suivons le commentaire de la Glose et nous disons : « Apud me orataio (En moi la prière). »
Ici le psalmiste explicite sa prière, et il fait trois choses à ce propos.
· Il commence par décrire sa manière de prier.
· Puis le temps de sa prière.
· Enfin l'effet de sa prière.
· À propos de sa prière il dit deux choses. Comment il est disposé pour prier ; car parfois l'homme prie, et sa prière n'est pas tournée vers Dieu, lorsqu'il ne prie pas pour soi mais afin d'être vu comme s'il était en public : « Mais toi, quand tu pries, entre dans ta chambre, et, la porte fermée, prie ton Père en secret. » Puis comment il se comporte à l'égard de celui qu'il prie, car il dit : au Dieu de ma vie, c'est-à-dire à l'auteur de ma vie naturelle : « C'est le Seigneur qui fait mourir et qui fait vivre. » Semblablement, à l'auteur de la vie de la grâce. Lui-même est ta vie : car l'âme vit par la grâce puisqu'elle vit pour Dieu. Également à l'auteur de la vie de la gloire : « En toi est la source de la vie, et dans la lumière nous verrons la lumière. »
· Puis il expose sa prière : Et je dirai à Dieu : « Tu es mon soutien, etc. » Et il fait deux choses.
Il commence par rendre grâce pour les bienfaits reçus.
Puis il s'interroge sur la raison des maux qu'il endure.
L'homme doit d'abord faire mention des bienfaits qu'il reçoit, parce que s'il n'est pas reconnaissant, il est indigne de les recevoir : « L'espérance de l'ingrat, comme la glace de l'hiver, se fondra ; et elle périra entièrement comme une eau inutile. » Et c'est pourquoi il dit : Tu es mon soutien. La version iuxta Hebraeos lit : petra mea (mon rocher), c'est-à-dire ma force. Et c'est pourquoi il est appelé soutien pour le défendre : « Mais toi, Seigneur, tu es mon soutien. » Ou bien : Tu es mon soutien, c'est-à-dire le soutien de ma nature : « Voici mon serviteur, je le soutiendrai ; mon élu, en qui s'est complu mon âme ; j'ai répandu mon esprit ; il annoncera la justice aux nations. » Ou bien : mon soutien au baptême : « Il m'a retiré d'un gouffre d'eaux. »
Et si tu es mon soutien, je m'étonne des maux que j'endure.
Et il s'interroge d'abord sur le motif de ses maux ;
puis il mentionne certaines choses
qui sont les signes d'un mal et la cause d'un autre mal : tandis qu'un ennemi.
À propos des maux il considère deux choses.
* La première du côté de Dieu, à savoir qu'il l'a oublié.
* L'autre de son côté, puisqu'il était accablé de tristesse.
* Du côté de Dieu, parce qu'il permettait qu'il soit affligé ; et c'est pourquoi il dit : Pourquoi m'as-tu oublié, puisque jadis tu m'as ainsi soutenu ? - « Le Seigneur m'a oublié. »
* Mais en réalité il n'est pas oublié, celui qui était affligé ; aussi dit-il : et pourquoi faut-il que je marche tout contristé ? c'est-à-dire quelle est la raison pour laquelle tu me donnes de la tristesse ?
- « Tout le jour je marchais contristé. »
tandis qu'un ennemi m'afflige. Ici il montre la douleur qu'il endure de la part de son adversaire ; et il montre l'effet de sa persécution, autrement dit le motif pour lequel je marche tout contristé, c'est que je suis affligé parfois par des ennemis temporels, parfois par des ennemis spirituels : « C'est un homme ennemi qui a fait cela. » La cause de la douleur ou son effet, il la montre en disant : Tandis qu'on brise mes os. Les os de l'Église, ce sont les forts, par exemple les dignitaires ou les hommes parfaits. Et ces derniers sont parfois affligés par des adversaires temporels, parfois par des tentations : « Ils ont compté tous mes os. » En chaque homme toute vertu est comme un os ; et s'il arrive à un homme juste et chaste de tomber dans le péché, ses os se brisent.
m'ont accablé de reproches. Ici il traite de la cause de la tristesse qu'il éprouve par des paroles injurieuses ; aussi dit-il : m'ont accablé de reproches, à savoir par des paroles injurieuses : « Je suis devenu un objet de dérision durant tout le jour, [et] tous me raillent. » Et cet outrage est très grave. Un outrage est d'autant plus grave qu'il porte sur l'objet de celui qui a confiance d'en tirer gloire. Or celui-ci se glorifiait surtout de Dieu ; et c'est pourquoi cet opprobre lui est très grave. C'est la raison pour laquelle mes ennemis [me disent] tous les jours : Où est ton Dieu ? - « De peur que mon ennemi ne dise : "J'ai prévalu contre lui »." »
· Pourquoi es-tu triste, mon âme ? et pourquoi me troubles-tu ? Ici il montre l'effet de sa prière. Et sa prière a un double effet. L'un est le bannissement de la tristesse ; l'autre est l'accroissement de l'espérance. Le premier effet est que par la prière l'intelligence de l'homme s'élève vers Dieu ; et parce que Dieu est souverainement bon, lorsque l'âme adhère à lui, elle éprouve une très grande délectation, et la délectation bannit la tristesse ou la diminue ; et c'est pourquoi il dit : Pourquoi es-tu triste, etc. ? c'est la raison pour laquelle j'ai prié. Et cela a été expliqué plus haut. L'autre effet est qu'il croît en espérance : car si un roi admet quelqu'un à son service et à son audience, il donne la confiance de pouvoir demander et d'obtenir. Or dans la prière l'homme s'entretient en particulier avec Dieu : « En lui mon coeur a espéré, et j'ai été secouru » ; et c'est pourquoi il ajoute : Espère en Dieu. Et cela a également été expliqué plus haut.