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COMMENTAIRE DU PSAUME 44

1 Pour la fin, pour ceux qui seront changés, des fils de Coré, pour l'intelligence, cantique pour le bien-aimé.

2 Mon coeur a émis une bonne parole ; moi je dis mes oeuvres au roi. Ma langue est une plume de scribe écrivant rapidement.

3 Admirable en beauté par-dessus les enfants des hommes, la grâce est répandue sur tes lèvres ; c'est pourquoi Dieu t'a béni pour l'éternité.

4 Ceins ton glaive sur ta cuisse, ô très puissant, dans ton aspect et ta beauté.

5 Sois attentif, avance avec prospérité et règne. Pour la vérité et la mansuétude ; et ta droite te conduira admirablement. 6 Tes flèches sont acérées, des peuples tomberont à tes pieds, [elles pénétreront] aux coeurs des ennemis du roi.

7 Ton trône, ô Dieu, [est établi] dans les siècles des siècles ; [c'est un] sceptre de droiture [que] le sceptre de ton règne. 8 Tu as aimé la justice et haï l'iniquité ; c'est pour cela que Dieu, ton Dieu, t'a oint d'une huile d'allégresse de préférence à tes compagnons.

9 La myrrhe, la goutte et la casse [s'exhalent de] tes vêtements, [et] de tes palais d'ivoire, dont t'ont délecté 10a des filles de roi en ton honneur.

10b La reine s'est tenue debout à ta droite, dans un vêtement orné d'or, environnée d'ornements divers.

11 Écoute ma fille, et vois, et incline ton oreille ; et oublie ton peuple, et la maison de ton père. 12 Et le roi désirera ta beauté ; parce que lui-même est le Seigneur ton Dieu et ils l'adoreront. 13 Et les filles de Tyr [viendront] avec des présents ; tous les riches du peuple imploreront ton visage.

14 Toute la gloire de la fille du roi est à l'intérieur, avec des franges d'or, 15a elle est enveloppée d'ornements variés.

15b Des vierges seront amenées au roi après elle ; ses proches te seront présentées. 16 Elles te seront présentées dans l'allégresse et l'exultation, elles seront conduites dans le temple du roi.

17 À la place de tes pères des fils te sont nés ; tu les établiras princes sur toute la terre. 18 Ils se souviendront de ton nom, Seigneur, dans toute la suite des générations. C'est pour cela que les peuples te confesseront éternellement, et dans les siècles des siècles.

Plus haut le psalmiste a exposé sa prière à cause de l'opposition au royaume et au roi ; ici il semble exposer la gloire du royaume et du roi en mentionnant le bienfait divin.

Il commence par exposer ce bienfait divin ; ensuite il invite par cet exemple les autres nations à servir Dieu : « Toutes les nations, battez des mains. »

À propos du bienfait divin il fait deux choses. Il expose en premier lieu la gloire du roi et la magnificence du royaume ; ensuite il expose la paix du royaume : « Dieu est notre refuge et notre force. »

Ce psaume est appelé épithalame. En effet, il était habituel de chanter au cours des noces quelques chants à la louange de l'époux et de l'épouse, et ces chants sont appelés épithalamiques. La matière de ce psaume traite donc des épousailles du Christ et de l'Église, qui furent entamées tout d'abord lorsque le Fils de Dieu s'unit à la nature humaine dans le sein virginal : « En lui comme un époux qui sort de la chambre nuptiale. » C'est pourquoi la matière de ce psaume et celle du livre appelé le Cantique des Cantiques est la même.

1 Pour la fin, pour ceux qui seront changés, des fils de Coré, pour l'intelligence, cantique pour le bien-aimé.

2 Mon coeur a émis une bonne parole ; moi je dis mes oeuvres au roi. Ma langue est une plume de scribe écrivant rapidement.

Ce psaume est intitulé : Pour la fin, pour ceux qui seront changés, des fils de Coré, pour l'intelligence, cantique pour le bien-aimé. Cela peut s'entendre de deux manières. Selon une manière, comme complément au psaume, afin d'expliquer son sens. Ce psaume, en nous conduisant au Christ comme fin, s'adresse à ceux qui seront changés, c'est-à-dire à ceux qui passeront de l'état d'infidélité au Christ. Aussi dit-il : À la place de tes pères des fils te sont nés. De même, ce psaume convient à la Passion du Christ, c'est-à-dire à ceux qui croient dans le Christ qui a souffert ; et cela afin de comprendre le mystère du Christ et de l'Église. Et il ne s'agit pas seulement d'un psaume, mais aussi d'un cantique pour le bien-aimé, c'est-à-dire pour le Christ : « Celui-ci est mon fils bien-aimé en qui j'ai mis mes complaisances. » Une version de Jérôme lit ainsi : « Victoria pro liliis filiorum Core, canticum pro dilectissimo (Victoire pour les lis des fils de Coré, cantique pour le très bien-aimé. » En disant : « pour les lis », il montre que ce psaume traite des délices de l'époux et de l'épouse. Et cela est signifié par les fleurs, les roses et les lis : « Soutenez-moi avec des fleurs, fortifiez-moi avec des pommes, parce que je languis d'amour » Ceci s'applique aux vierges qui sont comme des lis.

Ce psaume se divise en trois parties.

I) Le psalmiste commence par exposer le préambule à ce cantique.

II) Puis il fait l'éloge de l'époux : 3 Admirable en beauté.

III) Enfin il fait l'éloge de l'épouse : 11 Écoute ma fille.

I. En exposant le préambule à ce cantique il fait trois choses.

A) Il expose d'abord la publication du psaume.

B) Ensuite il fait connaître son destinataire : moi je dis mes oeuvres au roi.

C) Enfin il désigne son auteur : Ma langue est une plume.

A. La publication de ce psaume est désignée par ces mots : Mon coeur a émis (eructavit) une bonne parole. L'éructation est due à une trop grande abondance, ou rassasiement : ce qui signifie qu'il parle ici avec une dévotion et une sagesse abondantes : « C'est de l'abondance du coeur que la bouche parle. » Il faut noter que la publication de ce psaume est attribuée au coeur qui l'a composé avec une grande dévotion ; car David n'est pas de ceux dont il est dit : « Ce peuple m'honore des lèvres, mais son coeur est loin de moi » ; mais il proclame avec le coeur les louanges du Christ : « Je chanterai d'esprit des cantiques, mais je les chanterai aussi avec l'intelligence. » ce coeur a émis une parole, c'est-à-dire de ce psaume : parole qui est bonne, parce qu'elle apporte la consolation ; en effet elle exprime les mystères du Christ et de l'Église : « Elle est sûre cette parole », et aucune parole n'est meilleure que celle-là. - « Le Seigneur répondit à l'ange qui parlait en moi de bonnes paroles, des paroles de consolation. »

B. moi je dis, c'est-à-dire j'annonce, mes oeuvres au roi, c'est-à-dire en l'honneur du Christ roi : « Voici que dans la justice régnera un roi », autrement dit : je chante ce psaume pour honorer le Christ auquel nous devons dédier toutes nos oeuvres : « Quoi que vous fassiez en parole ou en oeuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus-Christ, en rendant grâces par lui à Dieu et Père. »

C. Ma langue est une plume de scribe. Ici il expose l'auteur du psaume, qui est une langue, autrement dit : il ne faut pas comprendre que j'ai écrit ce psaume de moi-même, mais avec le secours de l'Esprit-Saint, qui se sert de ma langue comme le scribe se sert de sa plume. Et c'est pourquoi l'auteur principal de ce psaume est l'Esprit-Saint : « L'Esprit du Seigneur a parlé par moi », comme par un instrument : « Ce n'est pas par la volonté des hommes que la sagesse a jamais été apportée ; mais c'est inspirés par l'Esprit-Saint qu'ont parlé les saints hommes de Dieu. » Et de qui est la plume ? D'un scribe écrivant rapidement, du Saint-Esprit qui écrit rapidement dans le coeur de l'homme. Car ceux qui cherchent la sagesse par l'étude étudient pendant longtemps ; mais ceux qui l'obtiennent de l'Esprit-Saint, l'acquièrent rapidement : « Tout à coup il y eut un bruit comme le souffle d'un violent coup de vent, et il remplit toute la maison où ils se tenaient. » Ceux qui acquièrent la science par la révélation divine, sont subitement remplis de sagesse, comme le sont ceux qui sont remplis de l'Esprit-Saint : « Aussitôt court sa parole. » - « Il est facile aux yeux du Seigneur d'enrichir soudain le pauvre. » Ou bien c'est la plume de celui qui oeuvre rapidement, car « il a dit, et les choses ont été faites. » Mais la langue peut se rapporter à une autre chose, car non seulement elle a voulu dire, mais elle a d'abord pensé dans le coeur, puis elle a exprimé par la bouche, et enfin elle a écrit, autrement dit non seulement elle fut utile à ceux qui sont présents, mais aussi aux générations futures : « Prends-toi un grand livre et écris sur celui-ci en style d'homme. » - « Écris la vision, et expose-la sur des tablettes. » Tel est donc le sens littéral de cette exposition. Mais certains affirment que ces paroles sont dites pour louer le Christ selon sa divinité, comme si ces paroles étaient de Dieu le Père. Mais Augustin et Jérôme n'approuvent pas cette exposition ; il faut toutefois noter que Denys se réfère à cette exposition dans son livre des Noms divins, là où il commente cette parole : mon coeur a émis (eructavit).

Selon cette exposition le Christ est loué par le Père de trois manières.

1) On décrira d'abord son émanation.

2) Puis sa puissance : moi je dis.

3) Enfin son opération : Ma langue.

1. À propos de son émanation du Père il expose quatre choses :

a. D'abord sa procession naturelle, lorsqu'il dit : a émis : ce qui est une émanation de la plénitude ; aussi la procession du Fils par rapport au Père est-elle une émission (eructatio) divine, puisqu'il procède de la plénitude la nature divine : « Le Père aime le Fils et il a tout remis dans sa main. »

b. Puis il expose le mode de son émanation, car ce n'est pas d'une manière corporelle ni d'une autre nature, mais par mode spirituel. Mon coeur, non pas comme si c'était de rien, ni venant d'une autre essence, mais de mon coeur : « De mon sein avant l'étoile du matin je t'ai engendré. »

c. Ensuite il expose la propriété de celui qui procède, car il est le Verbe : « Dans le principe était le Verbe. »

d. Enfin il expose la perfection de celui qui procède, car il est bon, comme ayant toute la bonté de la divinité : « Nul n'est bon si ce n'est Dieu seul. »

2. Il montre sa puissance lorsqu'il dit : moi je dis, c'est-à-dire j'agis par le verbe, toutes mes oeuvres au roi, c'est-à-dire en l'honneur du roi, à savoir du Fils, qui est un seul Dieu avec moi : « Toutes choses ont été faites par lui. »

3. Son opération propre est désignée lorsqu'il dit : Ma langue est une plume de scribe, autrement dit, puisque lui-même est ma langue, il est aussi une plume de scribe. Dans l'Écriture sainte les opérations sont désignées de manière métaphorique par les instruments ou par les membres, qui sont les principes des opérations ; et ainsi par la langue et la plume est désignée l'opération de Dieu qui convient à la langue et à la plume. L'opération de la langue est de répandre par elle la sagesse du coeur chez les autres ; tandis que celle de la plume est de traduire en matière sensible, c'est-à-dire sur un parchemin, la sagesse qui est dans le coeur. Or Dieu parle et écrit. Il parle lorsqu'il répand sa sagesse dans les âmes raisonnables : « J'écouterai ce que dira au-dedans de moi le Seigneur Dieu. » Et cette opération est appelée Verbe, parce que par lui-même se fait toute illumination : « Et la vie était la lumière des hommes. » Il écrit, parce qu'il imprime les jugements de sa sagesse dans les créatures raisonnables : « Ses perfections invisibles, rendues compréhensibles depuis la création du monde par les choses qui ont été faites, sont devenues visibles aussi bien que sa puissance éternelle et sa divinité. » - « [Dieu] a répandu sa [sagesse] sur toutes ses oeuvres et sur toute chair, selon le don qu'il en a fait ; or, il l'a donnée à ceux qui l'aiment. » Car de même que celui qui regarde un livre reconnaît la sagesse de l'écrivain, ainsi lorsque nous, nous considérons les créatures, nous reconnaissons la sagesse de Dieu. La plume est donc le Verbe de Dieu.

3 Admirable en beauté par-dessus les enfants des hommes, la grâce est répandue sur tes lèvres ; c'est pourquoi Dieu t'a béni pour l'éternité.

II. Après avoir exposé le prologue en lui conférant un premier sens, ou bien selon un autre sens en le référant au Christ selon sa divinité, le psalmiste loue ici le Christ selon son humanité. Et en disant : moi je dis mes oeuvres au roi, il loue le Christ sous la représentation d'un roi, c'est-à-dire du roi David, en considérant quatre choses : sa gracieuseté, sa force à la guerre, son pouvoir judiciaire, la multitude de ses délices. La deuxième considération se rapporte à : 4 Ceins ton glaive. La troisième à : 7 Ton trône. La quatrième à : 9 La myrrhe.

A. En parlant de sa gracieuseté il fait deux choses.

1) Il commence par décrire la gracieuseté du roi.

2) Ensuite la cause ou l'effet de sa gracieuseté : c'est pourquoi.

1. Notons qu'il y a deux sens qui exercent principalement leur puissance dans l'homme : ce sont la vue et l'ouïe. Et ces deux sens font apparaître la beauté de quelqu'un : la beauté à la vue ; la parole gracieuse à l'ouïe. Or ces deux qualités furent avant tout dans le Christ ; d'où ces paroles du Cantique : « Montre-moi ta face, que ta voix retentisse à mes oreilles ; car ta voix est douce et ta face gracieuse. » Car le Christ fut beau, et il fut éloquent dans les choses qui illustrent son éloquence. Concernant la première qualité il dit : « beau dans sa forme ».

Et il faut noter qu'il y a dans le Christ quatre sortes de beauté.

La première est selon sa forme divine : « [Le Christ Jésus] qui, étant dans la forme de Dieu, n'a pas cru que ce fut une usurpation de se faire égal à Dieu. » Et selon celle-ci il fut beau par-dessus les enfants des hommes : car tous ont seulement la grâce par dérivation et participation, tandis que lui l'a de lui-même et en plénitude : « En lui toute la plénitude de la divinité habite corporellement. » - « Lui qui, étant la splendeur de sa gloire et l'empreinte de sa substance, et soutenant toutes choses par la substance de sa parole, après avoir opéré la purification des péchés, est assis à la droite de la majesté, au plus haut des cieux. » - « Il est l'éclat de la lumière éternelle, le miroir sans tache de la majesté de Dieu. »

La deuxième est la beauté de la justice et de la vérité : « Que le Seigneur te bénisse, beauté de justice, montagne sainte. » - « Le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire comme la gloire qu'un Fils unique reçoit de son Père, plein de grâce et de vérité. »

La troisième est la beauté de la conduite honnête, et il est écrit à ce propos : « Faites-vous le modèle (forma) du troupeau. » Et selon ce modèle (forma) il fut beau par-dessus les enfants des hommes, car sa conduite fut plus honnête et vertueuse que quiconque : « Lui qui n'a pas commis de péché, et en la bouche de qui n'a pas été trouvée la tromperie. » Augustin commente ce passage en disant : « Pour nous qui le contemplons il est toujours beau : beau dans les bras de ses parents, beau dans ses miracles, beau sous les coups de fouet, beau lorsqu'il dépose son âme, beau au gibet, beau sur la croix, beau dans le ciel. »

La quatrième sorte de beauté est la beauté du corps : et cette dernière fut aussi inhérente au Christ : « Vois que toi, tu es beau, mon bien-aimé, et plein de grâce. »

Mais, selon cette beauté, fut-il beau pardessus les enfants des hommes ? Il semble que non, car il est écrit dans Isaïe : « Nous l'avons vu, et il n'avait en lui ni éclat ni beauté. » De même on prouve par un argument de raison que le Christ a voulu avoir la pauvreté, et non jouir des richesses, afin de nous enseigner à mépriser celles-ci. Mais tout comme ces richesses sont méprisables, ainsi en est-il de la beauté corporelle : « Trompeuse est la grâce, et vaine est la beauté. »

Réponse : la beauté, la santé, et autres choses du même genre sont dites en quelque sorte en considération de quelque chose : car un certain mélange d'humeurs qui donne la santé à l'enfant ne la donne pas au vieillard ; car ce qui fait la santé du lion engendre la mort pour l'homme. C'est pourquoi la santé consiste dans une proportion équilibrée des humeurs en fonction de telle ou telle nature. Et semblablement la beauté consiste dans le rapport harmonieux des membres et des couleurs. Et c'est pourquoi différente est la beauté de l'un, différente celle de l'autre : et ainsi le Christ eut-il cette beauté corporelle selon qu'elle convenait à l'état et au rapport de sa condition. Il ne faut donc pas comprendre que le Christ eut des cheveux blonds, ou bien qu'il aurait été roux, parce que cela ne lui aurait pas convenu ; mais qu'il eut cette beauté corporelle par excellence, celle qui convenait à l'état, au respect et au charme de son aspect : il rayonnait sur son visage quelque chose de tellement divin que tous le révéraient, comme le dit Augustin.

En résumé, pour répondre à la première objection, il faut dire que le prophète Isaïe veut exprimer le mépris [dont le] Christ [fut l'objet] dans sa Passion, au cours de laquelle la forme de son corps fut déformée à cause d'une multitude de tourments. Pour répondre à l'autre objection, il faut dire que doivent être méprisées ces richesses et ces beautés dont nous faisons mauvais usage.

Le Christ fut aussi gracieux dans sa parole, aussi le psalmiste dit-il : la grâce est répandue sur tes lèvres. - « La langue gracieuse produit dans l'homme de bien des fruits abondants. » Et sa parole est gracieuse. Une parole de quelqu'un est considérée comme gracieuse en trois circonstances : Lorsqu'il dit des choses qui plaisent et sont utiles ; ainsi la parole du Christ fut gracieuse, parce qu'elle imposait des choses faciles et promettait le repos : « Venez à moi, vous tous qui prenez de la peine et qui êtes chargés, et je vous soulagerai. » - « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. » Semblablement on dit de quelqu'un qu'il a la parole gracieuse à cause de sa manière ordonnée et chaleureuse de s'exprimer ; ainsi le Christ s'exprima-t-il d'une manière ordonnée et chaleureuse : « Ta parole a été très éprouvée par le feu et ton serviteur l'a aimée. » De même on dit de quelqu'un qu'il a la parole gracieuse à cause de son efficacité à persuader ; pareillement le Christ s'exprima de cette manière : « Il les instruisait [dans le Temple] comme ayant autorité, et non comme leurs scribes et les pharisiens. » Et c'est pourquoi Luc dit que « tout le peuple venait de grand matin vers lui au Temple pour l'écouter. » Et Jean écrit : « Jamais homme n'a parlé comme cet homme. »

2. c'est pourquoi Dieu t'a béni pour l'éternité. Ici le psalmiste expose la cause ou l'effet de sa beauté. Comme on l'a déjà dit, quand Dieu bénit, cela signifie l'effet de sa bonté, ou qu'il fait le bien en la prodiguant. Ainsi donc Dieu donna au Christ un double bienfait. Le bienfait de la gloire ou du royaume : et c'est la récompense des mérites du Christ : « C'est pourquoi Dieu l'a exalté et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom. » Et ainsi ce mot c'est pourquoi indique une cause méritoire, autrement dit, parce que tu es beau dans ta forme, gracieux dans ton enseignement, c'est pourquoi Dieu t'a béni pour l'éternité, de la bénédiction spirituelle du royaume : « En ta postérité toutes les nations de la terre seront bénies. » L'autre bienfait est celui de la grâce ; et en voici le sens : c'est pourquoi Dieu t'a béni pour l'éternité, étant donné que toi tu étais beau, et que la grâce s'était répandue sur tes lèvres.

4 Ceins ton glaive sur ta cuisse, ô très puissant, dans ton aspect et ta beauté.

B. Ici le psalmiste le décrit puissant dans sa force.

1) Et d'abord sa force dans la guerre.

2) Puis sa marche au combat : Sois attentif

3) Enfin son effet : ta droite te conduira.

1. Sa force dans la guerre consiste dans sa force naturelle et dans la préparation des armes.

Il présente ainsi d'abord le fort armé lorsqu'il dit : Ceins ton glaive. Selon une autre version il dit : « Super femur tuum potentissime (Sur ta cuisse, ô très puissant) », et ici est signifiée la force des armes : « Chacun a son glaive sur sa cuisse. » Mais selon la Glose, autre chose est d'être ceint (accingi) être attaché par une ceinture), parce que ceux qui sont ceints de cette manière se préparent à la guerre, à savoir les soldats : « Ceignez-vous, et soyez des fils puissants, et soyez prêts pour le matin [...] ; parce que mieux vaut pour nous de mourir dans le combat, que de voir les maux de notre nation et des choses saintes. » Autre chose est d'être ceint (praecingi, être entouré d'une ceinture), car sont ceints de cette manière ceux qui se préparent à servir : « Il se ceindra, et les fera mettre à table, et passant de l'un à l'autre, il les servira. » Autre chose est d'être ceint par-dessous (succingi) ; parce que sont court-vêtus ceux qui se préparent à marcher : « Le voleur ayant retroussé son vêtement par la ceinture (succinctus) erre de cité en cité. » Autre chose est d'ôter sa ceinture (discingi), parce qu'ôtent leur ceinture ceux qui vont se reposer : « Que celui qui a mis sa ceinture (accinctus) ne se glorifie point comme celui qui a ôté sa ceinture (discinctus). » Ton glaive. Le glaive du Christ est sa doctrine. À propos de ce glaive, il est écrit dans les Éphésiens : « Le glaive de l'Esprit est la parole de Dieu. » Par ce glaive le Christ a mis la division dans ce monde, afin que le bien soit discerné du mal : « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. » Ce glaive est « à deux tranchants », comme l'atteste l'Apocalypse, car le Christ enseigne au sujet des réalités éternelles et temporelles. Et sur ta cuisse, parce que par l'instrument de son humanité il s'est servi de la parole de sa doctrine : « Moi-même qui parlais, me voici présent. »

ô très puissant. Le psalmiste montre ici sa force ou sa puissance naturelle : « Il n'est pas de fort comme notre Dieu. » - « Si j'ai recours à la force, il est très puissant. » Selon Jérôme et les versions hébraïques, dans ton aspect est relié à ô très puissant, et le tout ne fait qu'un seul verset ; et c'est de cette manière qu'on le lit dans la Glose  ; et si on relie ainsi ce mot avec ô très puissant, en voici le sens : toi, ô Christ, tu es très puissant, dans ton aspect, c'est-à-dire celui de ton humanité, selon laquelle tu es aussi très grand en force : « Son aspect est comme celui du Liban. » et [dans] ta beauté, c'est-à-dire celle de ta divinité : « Si, ravis de leur beauté, ils les ont crus des dieux, qu'ils sachent combien est plus beau leur dominateur ; car c'est l'auteur de la beauté qui a établi toutes ces choses. » Ou bien, tu es très puissant dans ton aspect, c'est-à-dire dans ta beauté éclatante. C'est pourquoi une version de Jérôme lit : laude tua (dans ta louange), car tu es louable et glorieux, parce que tu es armé et fort.

5 Sois attentif, avance avec prospérité et règne. Pour la vérité et la mansuétude et la justice ; et ta droite te conduira admirablement 6 Tes flèches sont acérées, des peuples tomberont à tes pieds, [elles pénétreront] aux coeurs des ennemis du roi.

2. Plus haut le psalmiste a loué le Christ en exposant sa force et sa magnificence royale, mais ici il traite de la marche du roi ; et à ce propos il fait deux choses.

a) Il parle d'abord de la marche du roi.

b) Puis il en donne la cause.

a. À propos de la marche du roi, il faut savoir qu'à la place des trois choses qui sont mentionnées ici : Sois attentif avance avec prospérité et règne, dans la iuxta Hebraeos de Jérôme on lit seulement : « Prospere ascende (Monte avec prospérité). » Dans l'ascension est signifiée la marche : « Comme un lion, il montera de l'orgueil du Jourdain vers une beauté puissante. »

Il est donc manifeste que ces trois choses se rapportent à une certaine perfection et élévation.

Dans l'escalade de celui qui guerroie il y a trois choses : le début, le milieu et la fin.

Le début doit être une considération attentive et accompagnée de discernement : « Parce que c'est avec réflexion que s'entreprend une guerre. » Et dans Luc il est écrit : « Quel est le roi qui, devant aller faire la guerre à un autre roi, ne s'assied pas auparavant, et ne songe pas en lui-même, s'il peut, avec dix mille hommes, aller à la rencontre de celui qui vient contre lui avec vingt mille ? » C'est pourquoi Sois attentif, c'est-à-dire considère avec attention. Et dans le Christ être attentif (intendere) signifie l'économie de sa miséricorde avec laquelle il se rend attentif au salut du genre humain : « Sois attentif à venir à mon aide. »

Le milieu est la marche prospère. Quant à la marche du Christ, elle s'entend de deux manières. Ou bien, en tant qu'il procéda du sein de la Vierge dans sa nativité : « Comme un époux sortant de sa chambre nuptiale. » Et cela fut une procession prospère, car il naquit sans péché et n'enleva pas la virginité à sa mère ni ne lui causa de la douleur. Ou bien, en tant qu'il procéda de l'homme pour convertir l'homme, un tel et un tel. Et en cela sa marche fut prospère, puisqu'il parvint finalement à la conversion du monde entier : « [Ma parole] fera tout ce que j'ai voulu, et elle réussira dans toutes les choses pour lesquelles je l'aurai envoyée. » - « Ô Seigneur, fais-moi bien prospérer. » Le mot Sois attentif peut être relié à dans ton aspect, autrement dit : Sois donc attentif dans la force éclatante de ton humanité, etc., et dans la beauté de ta divinité.

Sa fin, c'est son règne : « Dieu régnera sur [toutes] les nations. » Sa fin, c'est qu'il règne par la foi dans tous les coeurs : « Et il régnera éternellement sur la maison de Jacob. » Et c'est pourquoi il dit : et règne.

b. La cause de sa marche est la vérité. Et c'est une cause ou dispositive ou finale. Si ce propter (pour) est mentionné en tant que cause dispositive, suivant cette version de Jérôme : « Propter verbum veritatis et mansuetudinem justitiae (À cause de la parole de la vérité et de la mansuétude de la justice) », il faut noter que deux choses sont nécessaires pour qu'un roi agisse avec prospérité. D'abord, qu'on lui donne la confiance ; car si on ne lui donne aucune confiance et que lui-même accorde sa confiance aux autres, il ne pourrait rien faire de plus qu'un homme : « Les paroles graves ne conviennent pas à un. » Puis qu'il soit aimé, car s'il n'est pas aimé il ne peut prospérer dans son règne ni dans ses affaires ; et la mansuétude et la clémence du roi suscitent cet amour : « Mon fils, accomplis tes oeuvres avec mansuétude, et tu seras encore plus aimé que glorifié par les hommes. » Et ainsi ces deux choses contribuent à la prospérité du roi : « La miséricorde et la vérité gardent le roi. » - « Les hommes doux hériteront de la terre, et ils jouiront d'une abondance de paix. » Mais d'après notre version, pour qu'un roi puisse prospérer dans ses affaires, il doit avoir trois choses : la vérité, la mansuétude, et la justice. Et ces trois choses firent prospérer le Christ : car il fut vrai dans son enseignement, doux dans sa souffrance, juste dans ses actes.

Au sujet de sa véracité dans son enseignement, il est écrit dans Matthieu : « Nous savons que tu es vrai, que tu enseignes la voie de Dieu dans la vérité, et que tu n'as égard à qui que ce soit ; car tu ne considères point la face des hommes. »

Au sujet de sa douceur dans sa souffrance il est écrit : « Lui qui, maltraité, ne menaçait point. » - « Et moi, j'ai été comme un agneau plein de douceur que l'on porte pour [en faire] une victime. »

Au sujet de sa justice dans ses actes, il est écrit qu'en aucun cas il ne s'est départi de la justice : « Le Seigneur est fidèle dans toutes ses paroles. »

Mais si ce mot Pour (propter) indique la cause finale, en voici le sens : Sois attentif, avance avec prospérité et règne, c'est-à-dire afin que tu fasses la vérité. Or le Christ fit la vérité de deux manières : en accomplissant les promesses, et en réalisant les figures : « Je dis que le Christ Jésus a été le ministre de la circoncision pour [justifier] la vérité de Dieu et confirmer les promesses faites à nos pères. » - « Toutes les promesses de Dieu ont en effet leur oui en lui. » Et d'autre part pour faire descendre sa mansuétude sur ses disciples : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez du repos pour vos âmes. » Et de même : règne, à cause de la justice : « Le Père a remis tout jugement au Fils. »

3. et ta droite te conduira admirablement. Ces mots signifient avec précision la manière de s'avancer. avance avec prospérité. Et comment ? ta droite te conduira. Et il parle à la manière de celui qui guerroie, lequel, s'il se trouve face à un ennemi, se dit : il faut que ta main te prépare la voie, et ainsi en faisant la guerre tu passeras, autrement dit, avance, si ta main droite te prépare la voie. Et cela de manière admirable, car tous seront dans l'admiration. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « Docebit te dextera tua (Ta droite t'enseignera) », c'est-à-dire tandis que tu feras des exploits, ta main te montrera admirable. Cependant dans un autre psaume on lit : « Manus tua deducet te (Ta main te conduira). » Mais il faut dire que cette version ne s'oppose pas à celle de ce psaume, car le Christ est Dieu et homme. Et c'est pourquoi en tant qu'il est Dieu, sa droite et celle du Père sont la même. Et sa droite a conduit le Christ admirablement dans l'attaque des ennemis : « Ta droite, Seigneur, s'est signalée dans sa force ; ta droite, Seigneur, a frappé l'ennemi. » Et dans l'accomplissement des miracles par la puissance de sa divinité. C'est pourquoi il s'est préparé une voie dans le coeur des hommes : « La droite du Seigneur a exercé sa puissance, la droite du Seigneur m'a exalté, la droite du Seigneur a exercé sa puissance. » Et si nous considérons sa voie, il est admirable : « Seigneur, tu es très admirable, et ta face est pleine de grâces. » Semblablement si nous considérons ses paroles : « Admirables sont tes oeuvres, mon âme le reconnaît parfaitement. »

Tes flèches sont acérées, autrement dit : je te préparerai une voie, parce que tes flèches sont acérées. Et il expose ici la force des armes et leur effet. Les armes du Christ sont les flèches, qui sont les paroles du Christ, et elles sont appelées flèches pour trois raisons.

a. D'abord, parce que la flèche par son acuité pénètre jusqu'au coeur : « Je la conduirai dans la solitude, et je parlerai à son coeur » ; ainsi en est-il des paroles du Christ : « La parole de Dieu est vivante, efficace, et plus pénétrante que tout glaive à deux tranchants. »

b. Semblablement la flèche se déplace rapidement : « Comme une flèche lancée vers un but ; l'air qu'elle sépare se réunit aussitôt, en sorte qu'on ignore son passage. » Ainsi la parole du Christ la soudain rempli toute la terre, puisque, avant la destruction de Jérusalem, la parole du Christ fut presque répandue à travers le monde entier : « C'est lui qui envoie sa parole à la terre. Avec vitesse court sa parole. »

c. Semblablement la flèche atteint des objectifs éloignés ; ainsi en est-il aussi de la parole du Christ : « Leur bruit s'est répandu dans toute la terre, et leurs paroles jusqu'aux confins du globe de la terre. » Et ainsi la parole de Dieu est un glaive, en tant qu'elle a blessé les Juifs, lesquels se sont convertis au Christ qui était proche ; voilà pourquoi il est dit : Ceins ton glaive ; et elle est aussi une flèche en tant qu'elle parvint aux nations éloignées, et elles se sont converties au Christ : « Il a annoncé la paix et à vous qui étiez loin, et la paix à ceux qui étaient près. »

des peuples tomberont à tes pieds. Ici le psalmiste expose l'effet de la parole divine, qui est la conversion du peuple à Dieu ; aussi dit-il : des peuples tomberont à tes pieds, c'est-à-dire tous courent vers toi : « Qu'au nom de Jésus, tout genou fléchisse dans le ciel, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père. » Mais pourquoi ajoute-t-il : aux coeurs des ennemis du roi ? Cela peut se comprendre de deux manières. Ou bien en tant que ces mots sont reliés à la première partie de ce verset, et que : des peuples tomberont à tes pieds est une intercalation ; et en voici le sens : tes flèches acérées entrent dans le coeur des ennemis du roi. Tes paroles sont comme des flèches qui pénètrent les coeurs, etc. Et à cause de cela des peuplés tomberont à tes pieds. Ou bien en tant que cette fin du verset est reliée à des peuples tomberont à tes pieds, c'est-à-dire [dans les] coeurs, ou bien aux coeurs des ennemis du roi, c'est-à-dire de toi qui es roi. Car certaines choses se soumettent avec violence, c'est le cas de la soumission d'ennemis. Et il dit qu'il ne parle pas de cette soumission-là, mais bien de la soumission volontaire ; et c'est pourquoi il dit [dans les] coeurs, autrement dit, en tant que ces coeurs se soumettent, d'ennemis du Christ qu'ils étaient : « Je t'offrirai volontairement un sacrifice. » Ou bien autrement : Tes flèches sont acérées, des peuples tomberont sous tes pieds aux coeurs des ennemis du roi. Des peuples, dis-je, qui étaient ennemis du roi, c'est-à-dire du Christ, autrement dit : ceux qui étaient contre le roi, c'est-à-dire le Christ, se sont soumis à lui. Et littéralement parlant cela eut lieu de cette manière : car les nations païennes qui se sont efforcées de détruire la foi du Christ, servent à présent le Christ : « Voilà que tu appelleras une nation que tu ne connaissais pas ; et les nations qui ne t'ont pas connu accourront vers toi, à cause du Seigneur, ton Dieu, et du saint d'Israël qui t'a glorifié. » - « Leur peuple que je n'ai pas connu m'a servi. »

7 Ton trône, ô Dieu, [est établi] dans les siècles des siècles ; [c'est un] sceptre de droiture [que] le sceptre de ton règne. 8 Tu as aimé la justice et haï l'iniquité ; c'est pour cela que Dieu, ton Dieu, t'a oint d'une huile d'allégresse de préférence à tes compagnons.

C. Plus haut le psalmiste a loué le Christ pour sa gracieuseté et sa force dans la guerre ; ici il le loue pour son pouvoir judiciaire.

a) Et il décrit d'abord son pouvoir judiciaire.

b) Puis l'exécution de son pouvoir : sceptre de droiture.

c) Enfin la raison : c'est pour cela que Dieu, ton Dieu, t'a oint.

a. Ainsi dit-il : Ton trône, ô Dieu. Le mot « trône » signifie dans l'Écriture le pouvoir judiciaire : « Là ont été établis des trônes pour le jugement. » Or le pouvoir judiciaire convient ou s'applique au Christ : « Le Père a remis tout jugement au Fils » ; et c'est pourquoi par le trône on entend son pouvoir : « Lorsque à la régénération le Fils de l'homme sera assis sur le trône de sa gloire, vous aussi vous serez assis sur douze trônes, jugeant les douze tribus d'Israël. » Mais les prélats et les rois jouissent aussi de ce pouvoir judiciaire, mais en vérité en tant que ministres : « Parce qu'étant ministres de son royaume, vous n'avez pas jugé équitablement, vous n'avez pas gardé la loi de la justice, et vous n'avez pas marché selon la volonté de Dieu. » Le Christ, quant à lui, jouit de ce pouvoir en tant que juge principal, et comme vrai Dieu ; et c'est pourquoi il dit : Ton trône, ô Dieu. Car la vengeance appartient au Seigneur ; et le psalmiste parle ici expressément du Christ, parce que sa parole vise le Christ. L'Apocalypse dit à ce sujet : « Celui qui aura vaincu, je le ferai asseoir avec moi sur mon trône ; comme moi j'ai vaincu aussi, et me suis assis avec mon Père sur son trône. » - « J'ai vu le Seigneur assis sur un trône haut et élevé. »

De même, autre est le pouvoir judiciaire temporel, autre le perpétuel, et tel est le pouvoir du Fils de Dieu ; aussi dit-il : dans les siècles des siècles, parce que son jugement porte sur les réalités éternelles : « Son pouvoir [est] un pouvoir éternel, qui ne [lui] sera pas enlevé. » C'est ainsi que le psalmiste décrit donc le pouvoir de Dieu, sa dignité et son éternité.

b. Il traite ensuite de l'exécution de ce pouvoir, lorsqu'il dit : sceptre de droiture.

- Et il expose d'abord l'exécution de son pouvoir.

- Puis il en donne l'explication.

- Il est en effet nécessaire qu'un roi réprouve des délits : car, comme le dit le Philosophe, si les êtres humains étaient ordonnés à Dieu au point d'obéir à sa monition paternelle, les rois et les juges ne seraient pas nécessaires ; aussi, pour que les semeurs de trouble soient corrigés, les rois sont-ils nécessaires, d'où la possession de leur sceptre : « La folie est liée au coeur de l'enfant, et la verge de la discipline la fera fuir. » D'autre part il a une verge pour châtier les ennemis : « Tu les gouverneras avec une verge de fer, et tu les briseras comme un vase de potier. » Pareillement, pour gouverner ses sujets : « Seigneur, pais avec ta verge ton peuple, le troupeau de ton héritage, qui demeure seul dans la forêt, au milieu du Carmel » ; et c'est pourquoi le psalmiste dit : [c'est un] sceptre de droiture que le sceptre de ton règne, c'est-à-dire pour conduire le peuple sur la voie droite, car telle est la fin de la loi comme du gouvernement, non point de meurtrir les hommes, mais de les rendre vertueux ; telle est aussi la fin de la politique, et cela convient au Christ : « Dirige-moi dans ta vérité, et instruis-moi ; parce que c'est toi qui es mon Sauveur, et que j'ai attendu avec constance durant tout le jour. » Mais cette direction consiste en ce que l'homme délaisse le mal et adhère au bien : « Voici la voie, marchez-y ; et ne vous détournez ni à droite ni à gauche », c'est-à-dire ni par excès ni par manquement. - Et c'est pourquoi il dit : Tu as aimé la justice. Semblablement il doit haïr l'iniquité, car s'il n'aime pas la justice, il ne conduit pas au bien : et le Christ réalisa parfaitement cela, car « le Seigneur est juste et il aime la justice. » Semblablement, s'ils ne haïssent pas l'iniquité, ils ne punissent pas : et parce que le Christ hait principalement l'iniquité, il punit les méchants.

c. c'est pour cela que Dieu, ton Dieu, t'a oint. Ici le psalmiste expose la cause, ou finale, ou efficiente, de son pouvoir ; autrement dit : tu as opéré la justice afin que Dieu t'oigne. Mais le Christ a-t-il mérité cette onction ? Non, mais il a mérité la manifestation de cette onction. Et dans l'Écriture on dit que Dieu fait quelque chose quand il se fait connaître. Le Christ par sa Passion a mérité son exaltation dans la foi de tous les peuples. Et ainsi, au sens littéral, c'est pour cela que désigne la cause finale. Mais s'il s'agit de la cause efficiente, on le comprend de la manière suivante : puisque ton trône, ô Dieu, est établi dans les siècles des siècles, puisque ton sceptre est un sceptre de droiture, etc., voilà pourquoi Dieu t'a oint. Dans l'Ancien Testament, les prêtres et les rois étaient oints, comme on le voit pour David et Salomon. Les prophètes aussi étaient oints, comme on le voit à propos d'Élisée, qui fut oint par Élie ; et ces onctions conviennent au Christ, qui fut roi : « Il régnera éternellement sur la maison de Jacob. » Semblablement il fut prêtre, lui qui s'offrit lui-même en sacrifice à Dieu. Il fut également prophète, lui qui annonça la voie du salut : « Le Seigneur ton Dieu te suscitera un prophète d'entre les fils d'Israël. Mais comment oignit-il ? Non avec de l'huile visible, car son « royaume n'est pas de ce monde. » De même il ne s'est pas acquitté du sacerdoce matériel, et c'est pourquoi il fut oint non d'une huile matérielle, mais de l'huile de l'Esprit-Saint ; et c'est pourquoi il dit : d'une huile d'allégresse. Et l'Esprit-Saint est appelé huile ; car de même que l'huile émerge au-dessus de tous les liquides, ainsi en est-il de l'Esprit-Saint au-dessus de toutes les créatures : « L'Esprit de Dieu était porté sur les eaux », c'est-à-dire qu'il doit être au-dessus de toutes choses dans les coeurs des hommes, d'abord parce qu'il est l'amour de Dieu, puis à cause de sa suavité. La miséricorde et toute suavité de l'âme viennent de l'Esprit-Saint : « Montrons-nous, en toutes choses, comme des ministres de Dieu » par la mansuétude, « par la suavité, par l'Esprit-Saint, par une charité sans feinte. » Enfin, de même que l'huile se répand, ainsi l'Esprit-Saint se communique : « Que la communication du Saint-Esprit soit avec vous tous. Amen. » - « La charité de Dieu a été répandue dans nos coeurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné. » Pareillement, l'huile alimente le feu et la chaleur, et l'Esprit-Saint réchauffe et nourrit la chaleur en nous : « Ses lampes sont des lampes de feu et de flammes. » Semblablement l'huile éclaire, et ainsi en est-il de l'Esprit-Saint : « L'Esprit est dans les hommes, et l'inspiration du Tout-Puissant donne l'intelligence. » Mais il dit : Dieu, ton Dieu. Ce mot Dieu est ou au nominatif, ou au vocatif ; et c'est pourquoi en latin il y a un doute ; tandis qu'en grec ce n'est pas le cas, car l'un est au nominatif et l'autre au vocatif, puisqu'il dit : « Theé, ho Theôs sou élaion charâs (O Deus, Deus tuus unxit te oleo laetitiae - O Dieu, ton Dieu t'a oint d'une huile d'allégresse). » Il nous est donné de comprendre par là que le psalmiste parle du Christ qui est Dieu, et qui ne peut être oint en tant que Dieu, car en tant que Dieu il ne peut être élevé ; et c'est pourquoi il faut que le Christ assume quelque chose qu'il n'a pas en tant que Dieu et qui fasse l'objet d'une onction : et c'est sa nature humaine. Selon cette nature il a l'onction divine, car en tant que Dieu il ne l'a pas.

Enfin cette huile est appelée huile d'allégresse, parce qu'au temps de l'allégresse les Orientaux s'oignaient d'huile : « Pour disposer et donner à ceux qui pleurent dans Sion une couronne au lieu de cendre, de l'huile de joie au lieu de deuil. » L'Esprit-Saint est cause de la joie : « Le royaume de Dieu n'est ni le manger ni le boire ; mais il est justice, paix et joie dans l'Esprit-Saint. » - « Les fruits de l'Esprit-Saint sont : la charité, la joie, la paix, la patience, la douceur, la bonté, la longanimité, la mansuétude, la foi, la modestie, la continence, la chasteté. Contre de pareilles choses, il n'y a point de loi » ; car l'Esprit-Saint ne peut être en quelqu'un sans qu'il ne se réjouisse du bien et de l'espérance du bien futur ; aussi dit-il : de préférence à tes compagnons, car le Christ fut oint de préférence à tous les autres saints : « Nous avons vu sa gloire comme la gloire qu'un Fils unique reçoit de son Père, plein de grâce et de vérité. » Ses compagnons sont dits être oints, car tout ce qui vient de cette huile, c'est-à-dire de la grâce de l'Esprit-Saint, découle de la surabondance du Christ : « Nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce. » - « C'est comme un parfum [répandu] sur la tète, qui descend sur la barbe, la barbe d'Aaron. »

9 La myrrhe, la goutte et la casse [s'exhalent de] tes vêtements, et de tes palais d'ivoire, dont t'ont délecté 10a des filles de roi en ton honneur.

D. Ici il traite des délices du roi, et il décrit ces délices de quatre manières : par son vêtement, sa demeure, son service et son union nuptiale.

1. En parlant de son vêtement il dit : La myrrhe, la goutte et la casse [s'exhalent de] tes vêtements. Les vêtements du Christ peuvent être de deux sortes. Son corps : « Pourquoi donc rouge est ta robe, et tes vêtements comme le vêtement de ceux qui foulent dans un pressoir ? » Semblablement, le vêtement du Christ, ce sont tous les saints : « Je vis, moi, dit le Seigneur : de tous ceux-ci, comme d'un vêtement, tu seras revêtue, et t'en pareras comme une épouse. » Et de ceux-ci émane une odeur de myrrhe, de goutte et de casse, soit du vêtement qui est son corps, soit des saints. La myrrhe contient de l'amertume ; et si on la met en relation avec le corps du Christ, elle signifie l'amertume de sa Passion : « Ses doigts », fixés à la croix, « étaient pleins de la myrrhe la plus pure ». Mais si l'on met la myrrhe en relation avec les saints, elle signifie la pénitence : « Comme la myrrhe de choix j'ai exhalé une odeur suave. » Là où en latin nous lisons le mot gutta (goutte), le grec lit : alôf (aloès), et les hébreux lisent : « stactes (le stacte) ». La goutte est une liqueur extraite d'une herbe ayant la vertu de chauffer, elle est un remède contre les enflures et signifie l'humilité qui fut surtout dans le Christ : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez du repos pour vos âmes. » Semblablement elle fut aussi dans les saints : « Vers qui porterai-je mes regards, sinon vers le pauvre et celui qui a l'esprit contrit, et qui tremble à mes paroles ? » L'aloès est le suc d'une herbe, mais ce n'est pas dans ce sens qu'il est pris ici, mais bien au sens d'un arbuste, et on l'appelle aloès, parce qu'il est odoriférant. Le stacte est la gomme de la myrrhe, et il est plus beau que la myrrhe. Il y a trois sortes de casses. L'une se présente comme de la canne aromatique ; et cette dernière est la même que la myrrhe quant à son odeur ; une autre est le fruit d'un arbre, et ce n'est pas d'elle qu'il est question ici, parce qu'elle n'est pas aromatique ; mais il existe une tige de casse qui est aromatique, et c'est a cette troisième sorte de casse que se réfère ce qui est dit ici. Ou bien, selon la Glose, il s'agit d'un arbuste qui pousse dans les marécages ; et par cela est signifiée l'eau des larmes, ou bien l'eau du baptême, autrement dit : l'odeur de tous ces derniers émane des saints et de ton corps : « Nous sommes pour Dieu la bonne odeur du Christ à l'égard de ceux qui se sauvent. »

2. En parlant de sa demeure il dit : de tes palais d'ivoire, autrement dit il s'exhale aussi de tes palais d'ivoire l'odeur que les aromates exhalent. Dans l'Antiquité les murs étaient recouverts de bois, chez nous ils sont recouverts de marbre. Et chez les Hébreux et les Orientaux, les murs étaient recouverts d'ivoire : « Les maisons d'ivoire périront. » La maison signifie les fidèles : « Soyez vous-mêmes posés sur lui, comme pierres vivantes, maison spirituelle, sacerdoce saint, pour offrir des hosties spirituelles à Dieu par Jésus-Christ. » Ces maisons d'ivoire sont froides en raison de la chasteté : « Son ventre est d'ivoire. » Elles sont aussi blanches à cause de la pureté, rouges à cause de la chasteté : « Ses Nazaréens étaient plus blancs que la neige, plus éclatants que le lait, plus vermeils que l'ivoire antique ; plus beaux que le saphir. »

3. En parlant de son service il dit : dont t'ont délecté 10a des filles de roi en ton honneur, autrement dit : il est si délicieux qu'il a des filles de roi à son service, c'est-à-dire tes vêtements ont préparé des filles de roi qui te servent. Au sens littéral, des filles des rois de ce monde nous délectent pour l'honneur du Christ, car elles se consacrèrent au Christ et moururent pour le Christ, et cela en ton honneur, c'est-à-dire pour ton honneur, autrement dit : non seulement des filles de roi servent un roi, mais bien plus le Christ. Ou bien autrement : les rois sont les Apôtres, leurs filles sont les âmes fidèles. Ou bien les rois sont les docteurs : « Vous avez fait de nous un royaume et des prêtres pour notre Dieu ; et nous régnerons sur la terre. » Leurs filles sont le peuple chrétien et fidèle : « C'est moi qui par l'Évangile vous ai engendrés en Jésus-Christ. » Celles-ci sont des filles en l'honneur du Christ, non en l'honneur des rois, à savoir de Pierre et de Paul, mais du Christ : « Nous, nous prêchons le Christ crucifié. » Celles-ci se sont délectées de ses aromates.

10b La reine s'est tenue debout à ta droite, dans un vêtement orné d'or, environnée d'ornements divers.

4. Plus haut le psalmiste a loué le Christ pour sa gracieuseté, sa force à la guerre, et ses délices ; mais ici il le loue lui-même par son épouse qu'il décrit de quatre manières : quant à la présence de l'époux, quant à sa dignité, quant à sa gloire, et quant à sa parure.

L'épouse du Christ est l'Église, et les épouses du roi sont appelées reines : telle Esther qui fut établie reine. Et cette reine est l'Église : « Je vous ai fiancés à un époux unique, au Christ, pour vous présenter à lui comme à une vierge pure. »

Sa dignité est d'être reine. Celle-ci se tient toujours attachée à Dieu et unie à lui, c'est pourquoi les anges qui ne sont pas envoyés sont qualifiés d'assistants de Dieu : « Des milliers de milliers [d'anges] assistaient devant lui. » - « Dès le matin je me présenterai devant toi. » Selon Grégoire, « on voit par la foi, on s'élève par l'espérance, on s'unit par la charité ».

La gloire de cette reine est la prérogative qu'elle a, car elle s'est tenue debout à ta droite, c'est-à-dire dans les biens supérieurs. Par conséquent le Fils aussi, en tant qu'il est dans les biens supérieurs du Père, selon qu'il est homme, est dit être à sa droite : « Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel, et il s'assit à la droite de Dieu. » Et ces biens sont les meilleurs ; mais si les biens spirituels sont comparés aux biens temporels, les biens spirituels sont supérieurs. Cette reine s'est tenue debout dans les biens spirituels : « La longueur des jours est dans sa droite ; et dans sa gauche sont les richesses et la gloire. » De même, si par la droite sont signifiées les bonnes oeuvres, celles-ci l'emportent sur les péchés : « Les voies qui sont à ta droite, le Seigneur les connaît : mais perverses sont celles qui sont à ta gauche. » Et cette reine s'est tenue debout dans ces bonnes oeuvres.

Sa parure est décrite lorsqu'il dit : dans un vêtement orné d'or. Ni Jérôme dans le Psautier romain, ni les versions hébraïques ne lisent « revêtue d'habits brodés » ; en revanche Jérôme, dans la iuxta Hebraeos, lit : « in diademate deaurato (Avec un diadème d'or) ». En hébreu on lit : « avec une masse d'or ». Et selon notre version l'Église est revêtue d'un double vêtement. Le premier est la doctrine des deux Testaments : « Toutes les personnes de sa maison ont un double vêtement. » Et ce vêtement n'est pas seulement d'or, mais il est orné d'or, parce qu'il est un reflet de la sagesse divine, dont cette doctrine est remplie. Cependant elle est environnée d'ornements divers. Et cela peut se rapporter aux divers genres de langues, ou à un mode plus profond de la sagesse. L'autre vêtement est l'acte vertueux : « Je revêtirai ses prêtres de salut. » Et par l'or est signifiée la charité : « L'or de cette terre est excellent. » Car la charité est lumineuse et vermeille. Et c'est pourquoi ce vêtement est dit orné d'or, parce qu'il est informé par la charité : « Que toutes vos oeuvres se fassent dans la charité. » Ou bien : environnée d'ornements divers, c'est-à-dire des divers actes des vertus ; car les uns furent revêtus d'or par le martyre, les autres furent revêtus de vermeil par le gémissement de la pénitence : « Revêtez-vous donc, comme élus de Dieu, saints et bien aimés, d'entrailles de miséricorde, de bonté, d'humilité, de modestie, de patience. » Et tout cela peut être exposé à propos de la Vierge bienheureuse, qui est la reine et la mère du roi, qui se tient debout au-dessus de tous les choeurs avec un vêtement orné d'or, c'est-à-dire orné de l'or de la divinité : non en tant que Dieu, mais parce qu'elle est mère de Dieu.

11 Écoute ma fille, et vois, et incline ton oreille ; et oublie ton peuple, et la maison de ton père. 12 Et le roi désirera ta beauté ; parce que lui-même est le Seigneur ton Dieu et ils l'adoreront. 13 Et les filles de Tyr [viendront avec des présents ; tous les riches du peuple imploreront ton visage.

III. Ici l'épouse est louée de quatre manières. Pour sa beauté, pour l'excellence de sa gloire : Toute la gloire de la fille du roi est à l'intérieur Pour sa compagnie : 15b Des vierges seront amenées. Et pour sa descendance : 17 À la place de tes pères.

A. En parlant de sa beauté il fait deux choses.

1) Il expose d'abord comment elle acquiert sa beauté ou sa gracieuseté.

2) Ensuite il traite de la gracieuseté proprement dite : Et le roi désirera ta beauté.

1. Elle est ainsi d'abord rendue attentive à l'admonition ; aussi dit-il : Écoute ma fille. Il appelle l'Église future fille pour une double raison.

Selon une première raison, comme si David parlait en son nom, car dans la mesure où nous adhérons au Christ fils d'Abraham, nous sommes fils d'Abraham ; et pareillement nous sommes fils de David dont le Christ est le fils.

Ou bien il parle au nom des Apôtres, grâce auxquels nous sommes enfantés dans le Christ Jésus par l'Évangile. Aussi dit-il : Écoute ma fille. - « Que tout homme soit prompt à écouter », c'est-à-dire l'Évangile, ou la parole du Christ : « Bienheureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent. » Ou bien les écrits des prophètes, afin de croire au Christ : « Qui a cru à ce qu'il a entendu de nous ? » et vois, ici-bas par la foi, mais dans la vie future tu verras face à face : « Nous voyons maintenant à travers un miroir en énigme ; mais alors nous verrons face à face. » Ou bien vois le Christ né : « Après cela, il a été vu sur la terre, et il a demeuré avec les hommes. » - « Le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire comme la gloire qu'un Fils unique reçoit de son Père, plein de grâce et de vérité. »

et incline ton oreille, c'est-à-dire par humilité, afin que tu obéisses : « Si tu prêtes l'oreille, tu recevras la doctrine ; et si tu aimes à écouter, tu seras sage. »

oublie ton peuple. Avertissement allégorique, puisque cette reine viendra à David ou à Salomon depuis un peuple étranger. Et c'est pourquoi elle est avertie de se souvenir de lui. Cela s'applique à l'Église, qui est appelée au Christ depuis un peuple étranger, soit des Juifs, soit des païens, parce que, selon Augustin, personne ne peut venir à la vie nouvelle du Christ, s'il ne se repent de sa vie ancienne, c'est-à-dire du péché. Et c'est pourquoi il dit : oublie ton peuple. - « Et ils passèrent de nation en nation, et d'un royaume à un autre peuple. » et la maison de ton père, c'est-à-dire la maison du diable : « Vous, vous êtes issus du diable, votre père, et voulez accomplir les désirs de votre père. » - « Ton père [était] Amorrhéen. » Ou bien la maison du péché, ou de l'affection charnelle : « Dieu m'a fait oublier toutes mes peines, et la maison de mon père. » Et le Deutéronome indique cela à propos de la fille des captifs, qui doit être rasée et qui doit pleurer son père et sa mère comme on pleure un mort.

2. et le roi désirera ta beauté. Ici il promet à l'épouse elle-même la gracieuseté du roi.

a) D'abord du roi, et cela relève de l'amour.

b) Puis du peuple, et cela relève de l'honneur : imploreront ton visage.

a. Il promet donc l'amour du roi et il montre sa dignité. Ainsi dit-il : Si tu oublies ton peuple et la maison de ton père, alors tu acquerras la beauté spirituelle : « Seigneur, j'ai aime la beauté de ta maison. » Et cette beauté est désirée par l'époux spirituel, voilà pourquoi il dit : Et le roi désirera ta beauté. Et ici, la beauté est celle de la justice : « Que le Seigneur te bénisse, beauté de justice. » désirera, c'est-à-dire se délectera en elle : « Parce que le Seigneur s'est complu en toi. » Et cette beauté doit être désirée, parce que ce roi est grand dans son pouvoir, dans sa nature, dans son honneur.

Il a le pouvoir parce qu'il est roi, aussi est-il Seigneur : « Sachez que le Seigneur est Dieu. »

Puis il a la nature, parce que lui-même est Dieu : « Parce que le Seigneur est le grand Dieu. »

Enfin, parce qu'ils l'adoreront, à savoir ceux qui sont éloignés, et tous les peuples du monde entier : « Toutes les nations que tu as faites viendront, et adoreront devant toi, Seigneur. » - Tous « les hommes l'adoreront, [chacun] en son lieu, [ainsi que] toutes les îles des nations ». Pareillement les proches l'adoreront, parce que les filles de Tyr [viendront avec des présents, c'est-à-dire parce que Tyr est à proximité de la Terre promise.

b. C'est pourquoi les filles, c'est-à-dire les habitants de cette terre, imploreront ton visage, c'est-à-dire te seront soumises avec des présents : car cela s'est accompli quand une femme cananéenne, sortie du territoire de Tyr, vint à Jésus. Ou bien, tous les riches du peuple imploreront ton visage, c'est-à-dire les hommes qui sont dans Tyr. Tyr veut dire « angoisse » ; aussi tous ceux qui sont dans l'angoisse te supplieront. Au sens littéral, tous venaient au Christ : « Lorsque le soleil fut couché, tous ceux qui avaient des infirmes atteints de diverses maladies les lui amenaient. » - « Seigneur, dans l'angoisse ils t'ont recherché, dans la tribulation du murmure ta doctrine [était] avec eux. » Et ils offriront des présents, c'est-à-dire eux-mêmes, ou des aumônes : « Ils voueront des voeux et ils les acquitteront. »

14 Toute la gloire de la fille du roi est à l'intérieur, avec des franges d'or, 15a elle est enveloppée d'ornements variés.

B. Plus haut le psalmiste a loué l'épouse pour sa beauté ; mais ici il la loue pour sa gloire et intérieure et extérieure.

1. Il fait mention de la gloire intérieure lorsqu'il dit : Toute [sa] gloire. Ce pronom possessif ejus (sa) est superflu ; aussi est-il mis comme un explicatif : de la fille du roi est à l'intérieur ; et cela de trois manières.

a. D'abord, parce qu'elle est dans la conscience intérieure, non dans la réputation extérieure des hommes, comme il en est de la réputation des pécheurs : « Notre gloire, la voici : c'est ce témoignage de notre conscience que nous nous sommes conduits dans ce monde, et plus particulièrement envers vous, avec simplicité et sincérité devant Dieu, non avec une sagesse charnelle, mais avec la grâce de Dieu. »

b. Puis parce qu'elle est dans la justice intérieure, non dans l'observance extérieure, comme dans l'Ancien Testament : « La circoncision est celle du coeur », non de la chair, « en esprit et non selon la lettre ; et [ce juif] tire sa louange non des hommes, mais de Dieu ».

c. Enfin, parce qu'il s'agit de la gloire qui est dans l'espérance éternelle, laquelle est intérieure ; non dans l'espérance des choses temporelles, laquelle est à l'extérieur : « Prenez garde à ne pas faire votre justice devant les hommes, pour être vus d'eux ; autrement vous n'aurez point de récompense de votre Père qui est dans les cieux. Lors donc que tu fais l'aumône, ne sonne pas de la trompette devant toi, comme font les hypocrites dans les synagogues et dans les rues, afin d'être honorés des hommes. »

2. Il fait mention de la gloire extérieure lorsqu'il dit : avec des franges d'or. Par ces franges, on entend la doctrine de l'Église.

Dans le livre de l'Exode, le Seigneur prescrit que des sonnettes soient attachées sur les franges du vêtement du prêtre, afin que le son en soit entendu. Ainsi par le son est désignée la doctrine. Donc, dans la doctrine de la sagesse divine, qui est désignée par l'or, se trouve une grande gloire ; et cependant elle est enveloppée d'ornements variés, c'est-à-dire ornée et vêtue d'autres langues, c'est-à-dire de diverses manières d'enseigner, mais qui font entendre la même vérité : « Les Apôtres disaient les merveilles de Dieu en diverses langues. » Ou bien autrement : avec des franges d'or, et cela se réfère à la pureté intérieure et à l'ornement des vertus ; elle est enveloppée, a l'extérieur, autrement dit : toute sa gloire vient de l'intérieur ; et ces deux choses se trouvent principalement sur les franges d'or. C'est la raison pour laquelle on entend par là la fin de la vie, soit en relation avec l'Église entière, soit en relation avec tout le genre humain, car les franges sont les extrémités d'un vêtement ; et il ne dit pas qu'elles sont ornées d'or mais qu'elles sont d'or. La Glose dit en effet, a propos de ceux qui seront trouvés à la fin du monde, qu'ils seront parfaits et saints. De même l'homme, aussi longtemps qu'il progresse, est comme orné d'or ; mais quand il sera parvenu à la fin de sa vie, alors il sera totalement rempli de la clarté divine : « Mais le sentier des justes s'avance comme une lumière éclatante, et croît jusqu'au jour parfait. » Et il dit : enveloppée[s] d'ornements variés, à l'extérieur, c'est-à-dire des nations diverses, ou des grâces diverses et des vertus.

15b Des vierges seront amenées au roi après elle ; ses proches te seront présentées. 16 Elles te seront présentées dans l'allégresse et l'exultation, elles seront conduites dans le temple du roi.

C. Ici l'épouse est louée pour sa compagnie ; et à cet égard il fait trois choses.

1) Car il commence par décrire sa compagnie.

2) Puis comment on arrive en sa compagnie : seront amenées.

3) Enfin quand commence cette compagnie, et où elle s'achemine : elles seront conduites.

1. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit autrement : « Omnis gloria filiae regis a peifasciis aureis vestita (Toute la gloire de la fille du roi est revêtue de bandes d'étoffe d'or). » Et ici il y a un point, autrement dit : Elle a un vêtement avec des bandes d'étoffe d'or. Et après : « in varietate, etc., adducentur, etc. (d'ornements variés, etc., elles seront conduites, etc.) ». En hébreu on lit autrement : « de vêtements incrustés d'or », c'est-à-dire enveloppée. Et puis ce qui suit : « Insuper cum subtilibus quae sunt plumariae ; quae eam attingunt adducentur sic indutae (Parées d'étoffes fines au plumetis ; celles qui l'accompagnent seront amenées ainsi revêtues). » Et il énumère deux choses, les vierges et les proches. À propos des vierges il dit : seront amenées, parce qu'elles se convertiront au Christ plus facilement. À propos des proches il dit : seront présentées, parce qu'elles sont attirées plus difficilement : « Insiste à temps et à contretemps. » Si l'on considère que ce sont les mêmes, en voici le sens : les vierges intérieurement, c'est-à-dire les âmes fidèles non corrompues par le péché, seront amenées au roi, c'est-à-dire au Christ qui est le Roi des rois. Elles seront amenées, dis-je, parce qu'elles n'y parviendront pas d'elles-mêmes : « Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m'a envoyé ne l'attire. » Et c'est pourquoi l'épouse du Cantique dit : « Entraîne-moi ; après toi nous courrons à l'odeur de tes parfums. »

2. Mais elles seront amenées après elle, c'est-à-dire après l'Église universelle, car nul ne viendra ni ne sera amené au Christ sans qu'il ne suive la doctrine de l'Église. Ou bien après elle, c'est-à-dire après la Vierge bienheureuse, parce qu'à son exemple les vierges seront amenées au Christ pour garder la chasteté et pour pratiquer d'autres vertus. Et ces vierges sont ses proches, c'est-à-dire soit de l'Église, soit de la Vierge bienheureuse, et ces dernières seront présentées. Mais si l'on considère qu'elles sont différentes, alors par les vierges on entend ceux qui sont parfaits ; et ces derniers sont amenés comme s'ils pouvaient y aller d'eux-mêmes : « Il fit sortir son peuple dans l'exultation, et ses élus dans l'allégresse » ; parce qu'elles seront présentées dans l'allégresse, intérieure, et dans l'exultation, extérieure. Car elles s'offrirent volontairement au Christ : « Je t'offrirai volontairement un sacrifice. » Ou bien elles seront présentées par les anges du ciel : « Or il arriva que le mendiant mourut, et fut porté par les anges dans le sein d'Abraham. »

3. Et où seront-elles conduites ? dans le temple du roi. Il est clair qu'il parle ici du Christ roi et Dieu, puisqu'il dit : temple, autrement dit, pour qu'eux-mêmes soient le temple du roi : « Le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple. » Ou bien, afin qu'elles contemplent dans le temple de Dieu, c'est-à-dire vaquent à la contemplation de Dieu ; car c'est en vue de cela que l'assemblée des vierges a été établie, c'est-à-dire afin de vaquer à Dieu : « La femme qui est mariée pense aux choses du monde : comment elle plaira à son mari ; mais celle qui n'est pas mariée et la vierge pensent comment plaire à Dieu. »

17 À la place de tes pères des fils te sont nés ; tu les établiras princes sur toute la terre. 18 Ils se souviendront de ton nom, Seigneur, dans toute la suite des générations. C'est pour cela que les peuples te confesseront éternellement, et dans les siècles des siècles.

D. Ici le psalmiste loue l'épouse pour sa descendance. Et à ce propos il expose quatre choses : l'origine de sa descendance, sa dignité, son ministère et son fruit.

1. Ainsi dit-il : À la place de tes pères des fils te sont nés. Les fils de l'Église primitive sont les Apôtres et leurs successeurs. Des fils sont dits être nés de l'Église par la doctrine du Christ son époux, d'autres par la doctrine des Apôtres, d'autres encore par la doctrine d'autres prédicateurs. Et c'est pourquoi il n'est pas inconvenant de dire que les fils et les pères sont les mêmes : car les Apôtres eux-mêmes sont les pères de ceux qu'ils ont convertis : « C'est moi qui, par l'Évangile, vous ai engendrés en Jésus-Christ. » D'autres sont aussi pères et fils. Ces derniers sont donc les fils nés de l'Église. Ce sont les Apôtres, et les autres hommes saints et les docteurs. Ou bien les bons pères furent les prophètes : « Louons les hommes glorieux dans leur génération, et [qui sont] nos pères. » Et à leur place sont nés les fils de l'Église qui se sont acquittés de leur dignité ; et telle est manifestement la descendance et l'origine de l'épouse.

2. Il expose ensuite la dignité de sa descendance : tu les établiras princes sur toute la terre, c'est-à-dire que tu prendras ceux qui les premiers ont le pouvoir. Ces derniers sont donc appelés princes, parce qu'ils ont reçu les premiers les dons de l'Esprit-Saint : « Non seulement [toutes les créatures], mais aussi nous-mêmes avons [reçu] les prémices de l'Esprit », les premiers dans le temps, et plus abondamment que les autres, dit la Glose. C'est pourquoi, de même qu'aucune femme n'est comparée à la Vierge bienheureuse, ainsi aucun saint ne peut être comparé ou égalé aux Apôtres. De même, ils sont appelés princes, parce qu'ils furent et sont ceux qui gouvernent les Églises. Pareillement, parce qu'ils furent les premiers à être nos docteurs après le Christ : « Des princes joints à des joueurs de psaltérion ont précédé, au milieu de jeunes filles battant du tambour. » Ces princes doivent être aimés : « Votre coeur aime les princes d'Israël. » Tu établiras princes ceux qui ne sont pas établis par eux-mêmes, mais par le Christ : « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis et vous ai établis. » Semblablement, les autres dignitaires de l'Église sont établis par le souverain pontife : « Nul ne s'attribue à lui-même cet honneur, sinon celui qui est appelé de Dieu, comme Aaron. » Et non dans une partie du monde, mais sur toute la terre : « Leur bruit s'est répandu dans toute la terre, et leurs paroles jusques aux confins du globe de la terre. » - « Mais pour moi, ô Dieu, tes amis sont extrêmement honorables. » Et cela convient spécialement à Pierre et à Paul ; car Pierre obtint la primauté universelle de l'Église : « Pais mes brebis. » Paul obtint la primauté sur le monde entier quant aux nations païennes : « Voici que je t'ai établi lumière des nations, afin que tu sois mon salut jusqu'à l'extrémité de la terre. » Et Paul dit lui-même cela, comme le rapporte le livre des Actes des Apôtres.

3. Ils se souviendront de ton nom, Seigneur, dans toute la suite des générations. Ici il expose le ministère des Apôtres, qui est de prêcher le nom de Dieu : « Allez dans le monde entier, et prêchez l'Évangile à toute créature » ; et c'est pourquoi il dit : Ils se souviendront, c'est-à-dire feront en sorte de garder la mémoire, de ton nom dans la suite des générations, quant au lieu, car c'est dans toutes les parties du monde ; des générations, quant au temps, car « le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point » ; - « Voici que je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la consommation du siècle. »

4. C'est pour cela que les peuples te confesseront éternellement, et dans les siècles des siècles. Ici le psalmiste expose le fruit de la descendance de l'épouse, qui consiste en ce que tous les peuples te confesseront, ô Christ ; et il dit : [des] peuples, parce qu'il ne s'agit pas seulement d'un seul peuple, mais de tous les peuples : « Que les peuples te confessent, ô Dieu, que tous les peuples te louent. » - « Que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père. » Ceux-ci te confesseront éternellement. En grec eis aiôna (in aeternum, éternellement) a le même sens que ho aiôn (saeculum, siècle) ou ê aidiôtês (aevum, l'éternité) ; c'est pourquoi la Glose commente : in aeternum (éternellement), à savoir le siècle présent, et in saeculum saeculi (dans les siècles des siècles), c'est-à-dire dans le futur. Et ce souvenir durera éternellement : « Ils obtiendront la joie et l'allégresse, et la douleur fuira ainsi que le gémissement. » Une autre version lit : « Memor ero nominis tui, etc. Je me souviendrai de ton nom). » Et cette version est meilleure : elle s'applique alors au fruit des Apôtres, et elle sera la voix du peuple converti, autrement dit : je dis que tu les établiras princes ; et moi, peuple chrétien, je me souviendrai de ton nom, etc. En cela est signifiée la foi qui est dans le coeur ; et ensuite la louange qui vient après la foi.

Ce psaume se chante en la fête de la Nativité du Seigneur à cause de la louange de l'époux. Il se chante aussi aux fêtes de la Vierge, en raison de sa louange. En relation avec la fête de la Nativité du Seigneur il dit : beauté. Et en relation avec les fêtes de la Vierge il dit : La reine s'est tenue debout. Il se chante pareillement aux fêtes des vierges, car elles seront amenées au roi. Semblablement aux fêtes des Apôtres, car il dit : À la place de tes pères.


Éditions du Cerf

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