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COMMENTAIRE DU PSAUME 45

1 Pour la fin, des fils de Coré, pour les secrets, psaume.

2 Dieu est notre refuge et notre force, notre aide dans les tribulations qui nous ont par trop assaillis. 3 C'est pour cela que nous ne craindrons pas, tandis que la terre sera bouleversée, et que les montagnes seront transportées au coeur de la mer.

4 Leurs eaux ont retenti et ont été agitées ; les montagnes ont été ébranlées par sa force.

5 L'impétuosité d'un fleuve réjouit la cité de Dieu ; le Très-Haut a sanctifié son tabernacle.

6 Dieu est au milieu d'elle, elle ne sera pas ébranlée ; Dieu la secourra des le matin, au point du jour.

7 Des nations ont été troublées et des royaumes ont chancelé ; il a fait entendre sa voix, [et] la terre a été ébranlée.

8 Le Seigneur des armées est avec nous : notre soutien est le Dieu de Jacob.

9 Venez et voyez les oeuvres du Seigneur, les prodiges qu'il a opérés sur la terre, 10 en faisant cesser les guerres jusqu'à l'extrémité de la terre. Il brisera l'arc et mettra les armes en pièces ; et il brûlera les boucliers au feu.

11 Vaquez au repos et voyez que je suis Dieu, je serai exalté dans les nations et je serai exalté sur la terre. 12 Le Seigneur des armées est avec nous : notre soutien est le Dieu de Jacob.

1 Pour la fin, des fils de Coré, pour les secrets, psaume.

2 Dieu est notre refuge et notre force, notre aide dans les tribulations qui nous ont par trop assaillis. 3 C'est pour cela que nous ne craindrons pas, tandis que la terre sera bouleversée, et que les montagnes seront transportées au coeur de la mer.

Le psalmiste, après avoir demandé le secours divin face aux adversités qu'il endure de la part de ses ennemis, en disant : « Ô Dieu, nous avons entendu de nos oreilles I » ) et montré, comme s'il avait déjà été exaucé, la gloire du roi, en disant : « Mon coeur a émis une bonne parole » ; maintenant qu'il a été exaucé en faveur du peuple, montre le bienfait donné au peuple. Et de même que dans le psaume précédent est signifiée la gloire du Christ, ainsi dans ce psaume sont signifiés les bienfaits attribués aux fidèles du Christ. D'où la même signification contenue dans le titre de ce psaume, lequel comporte une double version.

« In finem Psalmus David pro arcanis (Pour la fin, psaume de David, pour les secrets). » Les secrets, qui sont dans le principe, sont cachés, à savoir que le Fils de Dieu s'est fait homme, que le Fils de Dieu est mort, que les nations païennes se sont converties au Christ. Ces vérités furent très secrètes : « Mon secret est pour moi. » - « Mystère [du Christ] qui, dans les autres générations, n'a pas été découvert aux enfants des hommes. » Et ces vérités ont été révélées par le Christ : « Je dirai des choses cachées depuis la fondation du monde. » - « Il a produit à la lumière des choses cachées. » Donc ce psaume tend à la fin, c'est-à-dire au Christ. Il est de David, pour les secrets, c'est-à-dire en vue de la manifestation des secrets. L'autre version lit : « Pro filiis Core (Pour les fils de Coré). » Par Coré, qui veut dire calvaire, on entend la croix du Christ. Donc ce psaume est attribué aux fidèles de la croix du Christ pour la révélation des secrets. La iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « Pro viventibus (Pour les vivants). » Car le psalmiste traite ici de la tribulation et de la conservation de la vie en eux. Il est donc destiné aux vivants, c'est-à-dire à ceux qui sont conservés en vie ; et ceux qui sont gardés par le secours de Dieu, sont dits être dans le secret : « Tu les cacheras dans le secret de ta face, contre la persécution des hommes. »

Ce psaume se divise en deux parties.

I) Le psalmiste traite d'abord du secours divin contre les tribulations.

II) Puis de la paix accordée après ces tribulations : 9 Venez et voyez.

I. En traitant du secours divin contre les tribulations il fait deux choses.

A) Il commence par parler de la cause de ces bienfaits.

B) Puis il fait connaître les maux et les bienfaits donnés contre les maux : 4 Leurs eaux ont retenti.

A. En faisant connaître la cause de ces bienfaits il fait deux choses.

1) Il expose d'abord le secours de Dieu contre les tribulations passées.

2) Puis il expose sa confiance conçue a propos des [tribulations] futures : 3 C'est pour cela que nous ne craindrons pas.

1. En exposant d'abord le secours de Dieu contre les tribulations passées il fait deux choses.

a) Il traite en premier lieu du secours de Dieu.

b) Puis de la tribulation contre laquelle le secours divin est donné.

a. Si quelqu'un veut secourir un affligé, il fait cela de trois manières. D'abord, en accueillant le fuyard lui-même : et cela est peu de chose ; ensuite, en l'assistant dans la tribulation où il se trouve ; enfin, en lui offrant son secours extérieurement.

Et Dieu, qui est un refuge, accomplit ces trois choses ; c'est pourquoi le psalmiste dit : Dieu est notre refuge.- « C'est une tour très forte que le nom du Seigneur. »

De même, il aide et fortifie ceux qui combattent et sont affligés ; c'est pourquoi il dit : notre force.- « [C'est lui] qui donne la force à [l'homme] las. »

Semblablement, il aide extérieurement de lui-même et par les autres ; aussi dit-il : notre aide.- « Et le Seigneur s'est fait le refuge du pauvre, son aide dans les nécessités, dans les tribulations. »

b. Ce secours est nécessaire dans les tribulations qui nous ont par trop assaillis. Ces tribulations sont et spirituelles et corporelles. Les tribulations spirituelles sont les péchés : et celles-ci arrivent beaucoup aux hommes, car la douleur de la pénitence est la plus grande de toutes les douleurs : « J'ai été affligé et j'ai été humilié à l'excès. » Et dans cette tribulation le Christ est un refuge : car dans celle-ci l'homme est consolé, et fortifié par lui, ainsi qu'aidé. Les tribulations corporelles furent réservées aux saints dans l'Église primitive : « Le poids [de la tribulation] a été excessif et au-dessus de notre force, au point que nous étions las de vivre. » Et c'est pourquoi il dit : par trop. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « Auxilium inventum est in tribulationibus validum (Le secours a été trouvé efficace dans les tribulations). » Et ainsi ce mot nimis (par trop) se rapporte à l'aide divine.

2. C'est pour cela que nous ne craindrons pas. - « Le Seigneur est ma lumière et mon salut : qui craindrai-je ? » Autrement dit : Je ne craindrai nullement. Et à juste titre, parce que lui-même est Dieu, notre refuge et notre force, notre aide dans les tribulations qui nous ont par trop assaillis.

Il montre ensuite ce qui doit être craint. Or deux choses sont à craindre : la tribulation générale, et l'oppression des grands. Il y a tribulation générale lorsque tous sont massacrés. L'autre a lieu lorsque les princes sont pris. Dans ces deux cas la crainte se produit. Mais moi je ne craindrai pas tandis que la terre sera bouleversée, c'est-à-dire si tout le peuple est dans la tribulation, et que des montagnes seront transportées au coeur de la mer. Je rie craindrai même pas si des grands sont pris. Mais au sens mystique, par la terre qui est ferme, on entend la Judée, qui fut ferme dans la connaissance du Dieu unique, et elle était bien établie et entourée de nations païennes, comme la terre est entourée par la mer et ceinturée par les eaux : « Votre terre est déserte », et elle signifie ainsi la persécution que les fidèles ont soufferte de la part des Juifs, autrement dit : je ne craindrai pas tandis que la Judée sera bouleversée par la prédication du Christ : « Ayant appris cela, le roi Hérode se troubla, et tout Jérusalem avec lui. » Et je ne craindrai pas, parce que les montagnes, c'est-à-dire les Apôtres, se transporteront vers les nations païennes : « Voilà que nous nous tournons vers les nations païennes. » au coeur de la mer, c'est-à-dire dans l'étendue des nations païennes, car elles tinrent les Apôtres en grand respect. Ou bien, au coeur de la mer, c'est-à-dire jusqu'aux profondeurs et aux extrémités de la terre : « Je t'enverrai bien loin vers les nations. »

4 Leurs eaux ont retenti et ont été agitées ; les montagnes ont été ébranlées par sa force.

B. Leurs eaux ont retenti et ont été agitées.

1. Ici le psalmiste montre quelles sont ces tribulations.

a) Et il les fait d'abord connaître par une métaphore.

b) Puis il en donne l'explication.

a. Ainsi dit-il : Leurs eaux ont retenti et ont été agitées. Selon une version de Jérôme on lit : « aquae ejus (ses eaux) ». Et cette version est meilleure. En voici le sens : ses eaux, c'est-à-dire de la mer, « seront transportées au coeur de la mer », c'est-à-dire les peuples « ont retenti », à cause de leur colère contre nous : « Sur moi s'est appesantie ta fureur, et tu as fait passer tous tes flots sur moi. » Mais les montagnes, c'est-à-dire les princes comme Néron et d'autres, ont été ébranlées par sa force, c'est-à-dire de Dieu, car en vertu de cette force les montagnes aussi ont été ébranlées. L'hébreu lit : « par son orgueil ».

b. Au sens mystique il s'exprime ainsi : les montagnes [...] ont retenti, c'est-à-dire les Apôtres qui sont appelés montagnes. [Les] eaux [...] ont été agitées, c'est-à-dire les peuples des nations païennes, ont été agités au bruit des montagnes, c'est-à-dire à la prédication des Apôtres. Les eaux signifient la sagesse, autrement dit les eaux, c'est-à-dire les prophéties des nations païennes, ont été agitées : « Je perdrai la sagesse des sages, et, la prudence des prudents, je la réprouverai. » Ou bien les montagnes, c'est-à-dire les Apôtres, ont été ébranlées, à savoir extérieurement par les tribulations, par [la] force de la mer.

Mais il semble qu'il dit le contraire ailleurs : « Le juste ne sera pas troublé. »

Il faut dire que c'est vrai intérieurement, parce que la tribulation n'affligera pas le juste, quoi qu'il lui arrive.

5 L'impétuosité d'un fleuve réjouit la cité de Dieu ; le Très-Haut a sanctifié son tabernacle.

2. Le psalmiste a exposé par une similitude les tribulations que les saints ont endurées ; mais ici il recourt à une autre similitude pour faire connaître la consolation divine à l'égard de deux choses : quant à l'abondance de la grâce divine, et quant à l'assistance de la présence divine : 6 Dieu est au milieu d'elle.

De même que la tribulation est exprimée par la similitude des eaux qui mugissent et qui s'agitent, ainsi la consolation est exprimée par la similitude d'un fleuve, parce qu'il signifie la grâce en raison de l'abondance de l'eau, puisque dans la grâce est contenue l'abondance des dons : « Le fleuve de Dieu a été rempli d'eaux, tu as par là préparé la nourriture des hommes. » Et puisque le fleuve dérive de son principe, c'est-à-dire de sa source, mais non point la source du fleuve, car la source est dans son principe, ainsi l'Esprit-Saint est du Père et du Fils : « Il me montra aussi un fleuve d'eau vive, brillant comme du cristal, sortant du trône de Dieu et de l'Agneau. » Semblablement, puisqu'un fleuve déplace du sable et des pierres, ainsi l'Esprit-Saint meut le coeur en vue d'agir : « Celui qui croit en moi, de son sein, comme dit l'Écriture, couleront des fleuves d'eau vive. » Mais il y a des fleuves qui ont un débit lent ; ce n'est pas le cas de celui-ci ; puisqu'il est rapide ; aussi dit-il : L'impétuosité d'un fleuve. Et cela se rapporte à deux choses. D'abord au fait que l'Esprit-Saint envahit soudainement le coeur de sa grâce : « Il se fit soudain un bruit du ciel, comme celui d'un vent impétueux qui arrive, et il remplit toute la maison où ils demeuraient. » Ou bien autrement : l'Esprit-Saint meut le coeur par un élan d'amour : « Lorsqu'il viendra comme un fleuve impétueux. » - « Ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu. » - « Source de jardin, puits d'eaux vives, qui coulent avec impétuosité du Liban. » La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « fluminis divisiones (les canaux du fleuve) ». Et ces canaux sont les grâces du Saint-Esprit ; car « à la vérité, il y a des grâces diverses, mais c'est le même Esprit ». L'effet est double.

a. Le premier est celui de la joie ; et le psalmiste désigne cela lorsqu'il dit : réjouit la cité de Dieu. Et ceci est manifesté par l'autorité de l'Écriture disant : « Le royaume de Dieu n'est ni le manger ni le boire ; mais il est justice, paix et joie dans l'Esprit-Saint. » - « Les fruits de l'Esprit sont : la charité, la joie, la paix, la patience, la douceur, la bonté, la longanimité, la mansuétude, la foi, la modestie, la continence, la chasteté. »

Et puis cela se rapporte au fait que l'Esprit-Saint fait aimer Dieu. Et dans cet amour il y a toujours de la joie, car n'importe qui jouit de la présence de l'aimé ; et celui qui aime Dieu, garde Dieu présent : « Qui demeure dans la charité demeure en Dieu, et Dieu en lui. » Cette cité est l'Église : « Des choses glorieuses ont été dites de toi, cité de Dieu. » Il y a trois choses dans cette cité qui relèvent de son organisation. Il y a d'abord le fait qu'il y a là une multitude de citoyens de condition libre, car s'il n'y en a qu'un seul ou peu, il n'y a pas de cité ; et semblablement s'ils sont esclaves. Et cela se rencontre surtout dans l'Église : « Nous ne sommes pas les fils de la servante, mais de la femme libre. » Puis il y a le fait qu'elle se suffit à elle-même. Car dans un village on ne trouve pas toutes les choses nécessaires à la vie humaine, pour les bien-portants et pour les malades ; tandis que dans une ville il convient de trouver tout ce qui est nécessaire à la vie. Et cette capacité se rencontre dans l'Église ; car on trouve en elle tout ce qui est nécessaire à la vie spirituelle : « Nous serons remplis des biens de ta maison. » La troisième chose est l'unité des citoyens ; car c'est d'elle, c'est-à-dire de l'unité des citoyens, que la cité reçoit sa dénomination ; car le mot cité équivaut à unité de citoyens. Et cette unité est dans l'Église : « Afin qu'ils soient un [en nous,] comme nous sommes un. » Donc cette cité se réjouit par la grâce de l'Esprit-Saint descendant sur elle.

b. Le deuxième effet est celui de la sainteté, aussi dit-il : le Très-Haut [y] a sanctifié son tabernacle. Ce tabernacle est d'une certaine manière la cité elle-même. Dans la cité habitent ceux qui se reposent ; dans le tabernacle est l'Église militante, qui jouit ici-bas de la paix, à savoir de celle qui vient de Dieu ; et cependant elle souffre de l'agitation du monde : « Je vous ai dit ces choses, afin que vous ayez la paix en moi. Dans le monde vous aurez des tribulations ; mais prenez confiance, moi j'ai vaincu le monde. » Et c'est pourquoi, en raison de la première chose, l'Église est appelée cité ; en raison de la deuxième chose elle est appelée tabernacle. Donc le Très-Haut a sanctifié ce tabernacle par son propre sang : « C'est pourquoi Jésus lui-même, pour sanctifier le peuple par son sang, a souffert hors de la porte. » Semblablement, il a sanctifié ce tabernacle par les sacrements dans lesquels opère la vertu du sang du Christ : « Mais vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et par l'Esprit de notre Dieu. » Ou bien d'une autre manière : dans la cité et dans l'armée se trouve la tente principale du roi ou du chef ; ainsi dans cette cité, à savoir dans l'Église, le tabernacle principal est le corps du Christ. Et le corps est appelé tabernacle : « Certain que bientôt se fera l'enlèvement de ma tente (tabernaculum). » Et ainsi le corps du Christ est le tabernacle, parce qu'en lui réside toute la plénitude de la divinité. Le Très-Haut a sanctifié ce tabernacle : non point en ce sens qu'il n'aurait pas été saint autrefois, mais parce que dans sa conception proprement dite lui-même l'a formé saint : sainteté qui fut à un degré unique dans le Christ.

6 Dieu est au milieu d'elle, elle ne sera pas ébranlée ; Dieu la secourra dès le matin, au point du jour.

3. Ici le psalmiste expose la consolation de la présence divine.

a) Et il expose d'abord le bienfait de cette présence.

b) Puis son effet : elle ne sera pas ébranlée.

a. Ainsi dit-il : Dieu est au milieu d'elle, c'est-à-dire de l'Église : « Il publiera que Dieu est vraiment au milieu de vous. » Et il dit : au milieu, afin de montrer qu'il ne fait pas acception des personnes, comme le rapportent les Actes des Apôtres et l'épître aux Éphésiens. Or on appelle milieu ce qui est à distance égale des extrémités. Et Dieu en tant que tel se comporte avec équité vis-à-vis de tous : « Jésus se tint debout au milieu » de ses disciples. - « L'arbre de vie [était] au milieu du paradis. » Ou bien il dit : au milieu, parce qu'on dit que le coeur est au milieu de l'homme. Donc, puisque Dieu habite dans nos coeurs, il est dit être au milieu.

b. L'effet est double : la stabilité contre les maux, et la fermeté en vue des biens.

Ainsi il est dit que Dieu est au milieu d'elle, c'est-à-dire de cette cité ; elle ne sera pas ébranlée, c'est-à-dire qu'elle est rendue ferme et stable : « Ceux qui se confient dans le Seigneur sont comme la montagne de Sion : il ne sera jamais ébranlé, celui qui habite dans Jérusalem. » - « Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. »

À propos de la fermeté en vue des biens il dit : Dieu la secourra, parce que non seulement il faut que la stabilité lui soit donnée contre les maux, mais aussi le secours pour accomplir les biens. Ainsi dit-il : Dieu la secourra, c'est-à-dire l'Église, au point du jour. Par le matin on entend le principe d'une bonne oeuvre. Certains disent que le principe du bien résulte d'un principe naturel, mais sa fin et son achèvement résultent de Dieu. Mais c'est le contraire, puisqu'il dit ici : le matin, c'est-à-dire dès le début d'une bonne oeuvre. Il y a un commencement d'une bonne oeuvre qui se fonde sur l'intelligence, autrement dit sur la pensée, et un autre commencement qui se fonde sur la volonté : et ces deux choses appartiennent à Dieu, car « nous ne sommes pas suffisants pour donner une pensée par nous-mêmes, comme [venant] de nous », ainsi que l'écrit l'apôtre Paul dans sa seconde épître aux Corinthiens, « mais notre suffisance vient de Dieu ». Et de même, « c'est [Dieu] lui-même qui opère en vous et le vouloir et le faire », comme l'écrit encore l'Apôtre dans son épître aux Philippiens. Et par le fait que le psalmiste ajoute : au point du jour, il signifie que l'Église est aidée par l'illumination spirituelle de l'Esprit-Saint : « Lève-toi, reçois la lumière, Jérusalem, parce que ta lumière est venue, et que la gloire du Seigneur sur toi s'est levée. » Une autre version lit : « vultu suo (par son visage) », et cela se réfère à la condition présente ; et ainsi ce mot signifie la présence de son secours, comme s'il lui venait en aide en tant qu'agent principal, selon ce verset du psaume 79 : « Montre[-nous, Seigneur,] ta face, et nous serons sauvés. » Ou bien cela se réfère à la condition présente, autrement dit : à présent il est au milieu d'elle, et il permet qu'elle soit ébranlée, mais dans le futur il lui offrira son secours par la vue de son visage : « Tu le rempliras de joie par [la vue de] ton visage. » On lit cette version en hébreu. Et ainsi mane (dès le matin) et diluculo (au point du jour) ont le même sens, à savoir le sens d'observation du point du jour, car l'heure matinale est la meilleure pour contempler : « Dès le matin je me présenterai devant toi, et je verrai que tu n'es pas un Dieu qui veut l'iniquité. » Et de même : « Je méditerai les matins sur toi, parce que tu as été mon aide », autrement dit : « Dieu la secourra par son visage », c'est-à-dire par la contemplation de sa hauteur. Et ces paroles peuvent être rapportées à la Vierge bienheureuse, car elle est elle-même la cité, et dans cette cité habita l'impétuosité du fleuve, c'est-à-dire l'Esprit-Saint, qui réjouit le Christ, et le sanctifia dans le sein de sa mère, après que son corps fut formé et son âme créée. Dès ce moment-là la gloire du Seigneur commença à couvrir la tente (tabernaculum) du Seigneur, comme on le rapporte dans l'Exode. Mais autre est la sanctification de la Vierge bienheureuse et celle des saints ; car ces derniers furent sanctifiés de telle sorte qu'ils n'ont jamais péché mortellement, mais bien véniellement : « Si nous disons que nous n'avons pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n'est pas en nous. » Mais la Vierge, elle, n'a jamais péché, ni mortellement, ni véniellement : « Tu es toute belle, mon amie, et aucune tache n'est en toi. » Et c'est pourquoi il dit : elle ne sera pas ébranlée, pas même par le péché véniel. Aussi dit-il : Dieu la secourra dès le matin, au point du jour, c'est-à-dire tandis qu'elle est encore dans le sein. Et c'est ce qu'il dit, puisque le Seigneur lui porta secours dans sa propre naissance matutinale.

7 Des nations ont été troublées et des royaumes ont chancelé ; il a fait entendre sa voix, [et] la terre a été ébranlée.

4. Plus haut le psalmiste a exposé l'affliction des autres ainsi que sa propre consolation par une similitude ; mais ici il explique :

a) D'abord ce qu'il a dit à propos de l'affliction.

b) Puis ce qu'il a dit à propos de la consolation : 8 Le Seigneur des armées ; et il explique toutes ces choses avec ordre.

a. En parlant plus haut de la tribulation il a dit : Leurs eaux ont retenti et ont été agitées ; il y traitait de son trouble et de sa cause : par sa force. Semblablement, de l'agitation de l'eau ; et il explique cela lorsqu'il dit : Des nations ont été troublées. - « Les eaux que tu as vues, et où la prostituée est assise, sont des peuples, des nations et des langues. » Ils ont été troublés, dans le mal, parce qu'ils ont agi en insensés contre le Christ. Ou dans le bien : car celui qui se tourne vers le bien éprouve de l'affliction à l'égard de son habitude passée. Semblablement, les montagnes ont été ébranlées. Et il dit : des royaumes ont chancelé, c'est-à-dire les rois de la terre se sont humiliés en se tournant vers la foi au Christ : « La face contre terre, ils se prosterneront devant toi, et ils lécheront la poussière de tes pieds. »

Et il explique la cause de la tribulation lorsqu'il dit : il a fait entendre sa voix. Il a dit plus haut : par sa force ; ainsi dans l'Ancien Testament il dit : il a fait entendre sa voix, mais par les prophètes ; ensuite cependant par lui-même : « Et le Seigneur a tonné du ciel, et le Très-Haut a fait entendre sa voix ; [et il est tombé] de la grêle et des charbons de feu. » - « Que ta voix retentisse à mes oreilles. » À cette voix, la terre a été ébranlée, d'abord la terre de Judée, ensuite toute la terre de manière universelle : « Par l'ébranlement sera ébranlée la terre. » Mais certains ont été ébranlés pour le mal par la voix du Christ : par exemple les pharisiens et beaucoup d'autres. D'autres ont été ébranlés en vue du bien, comme les Apôtres et ceux qui se sont convertis à la foi.

8 Le Seigneur des armées est avec nous : notre soutien est le Dieu de Jacob.

b. Ici il explique ce qu'il dit de la consolation : Dieu est au milieu d'elle. Et il décrit Dieu aidant, et sa présence et son secours.

Il décrit Dieu de deux manières : car il est le Seigneur des armées, parce qu'il ne domine pas seulement sur les créatures inférieures, mais aussi sur les puissances célestes. Il ne suffisait pas à l'homme que des anges lui soient envoyés - ces anges que Dieu envoya pour donner l'Ancienne Alliance -, mais il fallait que lui-même vînt, pour faire connaître que l'âme de l'homme est d'une excellence telle qu'elle ne peut être béatifiée, si ce n'est dans le Dieu des armées : « Dieu des armées, reviens, regarde du haut du ciel et vois, et visite cette vigne. »

Et il est avec nous d'abord par la ressemblance de la chair : « Il s'est anéanti lui-même, prenant la forme d'esclave, ayant été fait semblable aux hommes, pour son aspect. » De même il est avec nous par sa conversation familière : « Après cela, il a été vu sur la terre, et il a conversé avec les hommes. » De même, il habite en nous par sa grâce : « Que le Christ habite par la foi dans vos coeurs, et qu'enracinés et fondés dans la charité, vous puissiez comprendre avec tous les saints quelle est la largeur et la longueur, la hauteur et la profondeur, et connaître aussi la charité du Christ, qui surpasse toute science, afin que vous soyez remplis de toute la plénitude de Dieu. » Et c'est pourquoi on dit Emmanuel, c'est-à-dire « Dieu avec nous ».

notre soutien est le Dieu de Jacob. Il montre ici le secours qu'il obtient de Dieu, car lui-même est notre soutien, lui qui nous accueille dans sa sollicitude : « Mais toi, Seigneur, tu es mon soutien, ma gloire, et tu élèves ma tête. » Ou bien il montre comment il est avec nous, puisqu'il assume notre nature : « Nulle part il ne prend les anges, mais c'est la race d'Abraham qu'il prend. » Voilà pourquoi il est appelé Dieu de Jacob. Il est appelé [Dieu] des armées à cause des nations païennes, de crainte qu'elles ne croient que nous n'avons pas un autre Dieu qu'eux-mêmes : « Il ne rougit pas de les appeler frères, disant : "J'annoncerai ton nom à mes frères ; je te louerai au milieu de l'assemblée." »

9 Venez et voyez les oeuvres du Seigneur, les prodiges qu'il a opérés sur la terre, 10 en faisant cesser les guerres jus qu'à l'extrémité de la terre. Il brisera l'arc et mettra les armes en pièces ; et il brûlera les boucliers au feu.

II. Le psalmiste exprime ici la tranquillité qui résulte de la présence et de l'aide divines ; et il fait trois choses.

A) Il commence par éveiller l'attention.

B) Puis il expose ce qu'est la tranquillité.

C) Enfin il introduit une conclusion.

A. Il commence donc par amener à la considération des oeuvres divines ; et c'est pourquoi il dit : Venez par la foi : « C'est par la foi que nous marchons, et non par une claire vision. » et voyez, par le zèle et l'attention aimante : « Venez à moi, vous tous qui prenez de la peine et qui êtes chargés, et je vous soulagerai. » et voyez, c'est-à-dire considérez, les oeuvres du Seigneur. - « L'oeuvre du Seigneur, vous n'y avez pas égard, et les ouvrages de ses mains, vous ne les considérez pas. » Cela s'adresse aux pécheurs. - « Merveilleuses sont tes oeuvres, mon âme le reconnaît parfaitement. »

les prodiges qu'il a opérés sur la terre. Ces oeuvres sont des prodiges qui annoncent un événement à venir. Et ce sont des merveilles qui eurent lieu au temps du Christ, soit autour de sa mort, soit celles qu'il accomplit au cours de sa vie : toutes choses qui furent des signes d'un événement futur. Et ils ont lieu sur la terre, c'est-à-dire sur toute puissance naturelle.

Et quelles sont ces oeuvres, il le montre en disant : en faisant cesser les guerres.

1) Ce fut d'abord une oeuvre de paix.

2) Puis il montre la grandeur de cette oeuvre.

3) Enfin son utilité.

1. Il fit cesser les guerres, parce qu'au temps de la nativité du Christ la paix se fit dans le monde entier : « Dans ses jours s'élèvera la justice, et une abondance de paix : jusqu'à ce que la lune disparaisse entièrement. » - « Là il a brisé la puissance des arcs, le bouclier, le glaive et la guerre. » Et ces oeuvres signifiaient la paix que le Christ vint établir entre Dieu et la nature humaine.

2. La grandeur de la paix est montrée quant au lieu, car il dit : jusqu'à l'extrémité de la terre, puisque ce fut comme une paix universelle. Au sens littéral, cela eut lieu au temps de la nativité du Christ, car, les guerres civiles ayant alors cessé, Octave dominait sur le monde entier. Et cette paix annonçait que la paix du Christ devait descendre sur tous les hommes : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté. » Puis la grandeur de la paix est montrée quant au temps, car elle est de longue durée. Et il décrit cette longue durée, car si l'homme craint la guerre, il conserve les armes ; et c'est pourquoi il dit : Il brisera l'arc et mettra les armes en pièces, autrement dit, aussi longtemps que durera la paix, que tous livrent leurs armes à l'oubli ; car cette paix durera longtemps : « De leurs glaives ils forgeront des socs de charrue, et de leurs lances des faux. » Et il décrit les armes de combat qui frappent à distance, aussi dit-il : il brisera l'arc. - « Je briserai l'arc d'Israël dans la vallée de Jezrahel. » Et il décrit les armes qui frappent parfois de près : tels le glaive et la lance. Semblablement il décrit les armes de défense, car il brûlera les boucliers au feu. Et ces oeuvres signifiaient la perpétuité de la paix qui doit être réalisée par le Christ : « Son empire s'accroîtra et la paix n'aura pas de fin. » Il brisera l'arc, c'est-à-dire les machinations trompeuses : « Que leur arc soit brisé. » Et il mettra les armes en pièces, c'est-à-dire les embûches manifestes : « Lorsque le fort armé garde l'entrée de sa maison, ce qu'il possède est en sûreté. » et il brûlera les boucliers au feu, c'est-à-dire les défenses des esprits obstinés, au moyen desquelles ils s'efforcent de résister à la volonté divine : « Son corps est comme des boucliers jetés en fonte et couverts d'écailles épaisses et serrées. » Et il brûlera ces armes avec le feu de l'Esprit-Saint, qui dissout la dureté des coeurs : « Je suis venu jeter un feu sur la terre ; et que veux-je, sinon qu'il soit allumé ? »

11 Vaquez au repos et voyez que je suis Dieu, je serai exalté dans les nations et je serai exalté sur la terre. 12 Le Seigneur des armées est avec nous : notre soutien est le Dieu de Jacob.

B. Vaquez au repos et voyez. Telle est la fin de la paix. La fin de la paix temporelle, selon le Philosophe, est la contemplation de la vérité. C'est pourquoi la paix est la fin utile de la vie active, et la paix est ordonnée à la contemplation. Et, selon Augustin, le Christ a ménagé la paix à l'Empire romain afin que les Apôtres parcourent le monde entier. Et c'est pourquoi il dit en quoi consiste une si grande paix : Vaquez au repos et voyez. Il est donc manifeste que Dieu donne la paix afin qu'ils ne vaquent pas aux oeuvres mauvaises, mais à la contemplation de la vérité : « Que le mari rende à la femme ce qu'il lui doit, et pareillement la femme à son mari [...] Ne vous refusez point l'un à l'autre ce devoir, si ce n'est de concert, pour un temps, afin que vous vaquiez à la prière. » - « Le sage vaquera à l'étude des prophètes. » voyez. Il dit deux choses :

1) D'abord que le Christ est le vrai Dieu.

2) Puis que sa foi doit être répandue à travers le monde entier.

1. Il dit d'abord qu'il est Dieu : « Voyez que moi je suis seul, et qu'il n'y a point d'autre Dieu que moi. »

2. Quant à l'extension de la foi, il dit : je serai exalté dans les nations, je me révélerai pleinement dans la foi des nations : « Depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher, grand est mon nom parmi les nations ; et en tout lieu l'on sacrifie, et une oblation pure est offerte à mon nom, parce que grand est mon nom parmi les nations, dit le Seigneur des armées. » Et il expose cela une seconde fois : je serai exalté sur la terre, c'est-à-dire sur la terre des Juifs, qui est appelée terre à cause de sa stabilité : « Une partie d'Israël est tombée dans l'aveuglement, jusqu'à ce que la plénitude des nations soit entrée ; et qu'ainsi tout Israël soit sauvé. »

C. En mentionnant ces choses il montre la grandeur de Dieu, lorsqu'il dit : Le Seigneur des armées est avec nous, autrement dit, par ces grandes oeuvres de Dieu alors manifestées, nous pouvons dire que le Seigneur des armées est avec nous. Ce verset a été commenté plus haut.


Éditions du Cerf

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