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COMMENTAIRE DU PSAUME 46

1 Pour la fin. Des fils de Coré. Psaume.

2 Toutes les nations, battez des mains, jubilez à Dieu avec une voix d'exultation.

3 Parce que le Seigneur est très élevé et terrible, grand roi sur toute la terre. 4 Il nous a soumis des peuples, et [il a mis] des nations païennes sous nos pieds.

5 Il nous a choisis pour son héritage ; c'est la beauté de Jacob qu'il a aimée. 6 Dieu est monté avec jubilation, et le Seigneur à la voix de la trompette. 7 Chantez en l'honneur de notre Dieu, chantez : chantez en l'honneur de notre roi, chantez.

8 Parce que Dieu est le roi de toute la terre, chantez avec sagesse. 9 Dieu régnera sur les nations : Dieu est assis sur son trône saint. 10 Les princes des peuples se sont réunis avec le Dieu d'Abraham ; parce que les dieux puissants de la terre ont été souverainement élevés.

1 Pour la fin. Des fils de Coré. Psaume.

2 Toutes les nations, battez des mains, jubilez à Dieu avec une voix d'exultation.

Dans les psaumes précédents, le psalmiste a exposé la gloire du roi et du royaume ; mais ici il exhorte les nations étrangères à se convenir à Dieu. Et il exhorte d'abord à la louange divine. Puis à mettre leur espérance en Dieu : « Écoutez ces choses, [vous] toutes, nations. » Enfin il leur enseigne le culte divin : « Le Dieu des dieux, le Seigneur a parlé, et il a appelé la terre. »

Le titre de ce psaume est déjà connu, puisqu'il a été commenté plus haut : Pour la fin. Des fils de Coré. Psaume de David. Au sujet de la première exhortation il fait deux choses. Il exhorte d'abord toutes les nations à la louange de Dieu. Puis il expose la matière de cette louange : « Le Seigneur est grand. »

En exhortant toutes les nations à la louange de Dieu il fait trois choses.

I. Car il expose d'abord son invitation à la louange de Dieu.

II. Puis sa cause : 3 Parce que le Seigneur est très élevé.

III. Enfin il manifeste cette cause : 6 Dieu est monté.

I. La louange de Dieu doit procéder de la joie du coeur, et il en est de même dans la Patrie : « On y trouvera la joie et l'allégresse, l'action de grâce et la voix de la louange. » Cette allégresse du coeur est manifestée par un signe extérieurement, c'est-à-dire par celui d'une action ou d'une parole.

A) Le psalmiste introduit donc à la louange d'abord par des actions.

B) Puis par des paroles.

A. Ainsi dit-il : Toutes les nations, autrement dit : Dieu a fait tant de bien à notre égard, donc louez-le en action : battez des mains. Le battement des mains se fait en signe d'exultation : « Les prêtres battaient des mains », autrement dit : applaudissez, c'est-à-dire montrez l'exultation du coeur par le battement des mains. Et cela a lieu lorsque l'homme se met extérieurement au service de Dieu avec joie : « Servez le Seigneur avec allégresse. Entrez en sa présence avec exultation. » - « Tous les arbres du pays battront des mains », c'est-à-dire tous les peuples applaudiront.

B. Semblablement, louez-le par la parole ; aussi dit-il : jubilez à Dieu avec une voix d'exultation, c'est-à-dire en montrant par la voix extérieure le sentiment intérieur. Selon la Glose, la jubilation est une joie ineffable qui ne peut être tue, mais qui ne peut être exprimée, parce qu'elle dépasse la compréhension. Et telle est la bonté de Dieu qui ne peut pas être exprimée ; et si elle est exprimée, elle est cependant imparfaitement exprimée. Et c'est pourquoi Jérémie disait : « A, a, a, Seigneur Dieu ; vois, je ne sais point parler, parce que moi, je suis un enfant. » Et l'Église signifie cette jubilation, lorsque sur un même mot elle multiplie des notes musicales : « Jubilate Deo, Jubilez à Dieu, toute la terre, dites un psaume à son nom ; donnez gloire à sa louange. »

3 Parce que le Seigneur est très élevé et terrible, grand roi sur toute la terre. 4 Il nous a soumis des peuples, et [il a mis] des nations païennes sous nos pieds.

II. Ici le psalmiste expose la cause de la louange, et les biens qui proviennent de la grandeur de Dieu.

A) Il expose d'abord la grandeur de Dieu.

B) Puis le signe de sa grandeur.

A. La grandeur de Dieu est manifestée de deux manières.

1) D'abord par la hauteur de sa puissance.

2) Puis par la majesté de sa domination.

1. Ainsi dit-il : Dieu doit être loué à cause de la hauteur de sa nature, car le Seigneur est très élevé - « Il est élevé au-dessus de toutes les nations, le Seigneur, et au-dessus des cieux est sa gloire. » Et parce que les choses élevées nous sont éloignées, on pourrait croire que Dieu ne doit pas être craint, et qu'il n'exerce pas sa providence sur nous, comme certains insensés l'ont prétendu, et au nom desquels le livre de Job rapporte : « Il parcourt les pôles du ciel, il ne s'occupe pas de ce qui nous regarde. » Et c'est pourquoi il disait : dans la mesure où cela dépend de toi, tu as aboli la crainte. Mais il n'en est pas ainsi. Celui-ci est très élevé, parce qu'il est terrible, parce qu'il voit toutes choses, punit toutes choses.

2. Semblablement il doit être craint à cause de sa domination, car il est grand roi sur toute la terre. - « Au Seigneur est la terre et toute sa plénitude ; le globe du monde et tous ceux qui l'habitent. » Il est grand par l'universalité de sa domination, car « son règne est un règne de tous les siècles ». Pareillement par sa durée, car il est éternel. De même par son autorité, parce qu'il est le roi de tous les rois.

B. Le signe de la grandeur de ce roi se fonde sur ce qu'il a fait envers nous, et ce sont les bienfaits de Dieu.

1) D'abord dans la soumission des autres.

2) Puis dans le don des bienfaits.

1. Ainsi dit-il : Il nous a soumis des peuples. Ce sont les paroles de l'Église, à laquelle même ses ennemis se sont soumis temporellement. Selon Augustin d'après la Glose, combien à présent qui, sans être encore chrétiens, accourent vers l'Église, demandent son assistance, veulent être secourus temporellement, bien qu'ils refusent encore de régner éternellement avec nous. » Ce sont aussi les paroles des Apôtres : Il nous a soumis des peuples, c'est-à-dire des Juifs, et des païens, c'est-à-dire des nations, sous nos pieds. Il est écrit dans Isaïe : « Qu'ils sont beaux sur les montagnes, les pieds de celui qui annonce et qui prêche la paix. » Et encore : « Afin d'assujettir devant sa face les nations. » Certains se sont convertis à la foi, et ceux-ci se sont soumis par leur propre volonté. D'autres ne se sont pas convertis, mais vivent à la façon des païens ; mais ceux-ci ont été soumis sous nos pieds, parce que finalement ils seront écrasés sous notre pouvoir judiciaire.

5 Il nous a choisis pour son héritage ; c'est la beauté de Jacob qu'il a aimée. « Dieu est monté avec jubilation, et le Seigneur à la voix de la trompette. 7 Chantez en l'honneur de notre Dieu, chantez : chantez en l'honneur de notre roi, chantez.

2. Ici le psalmiste expose l'autre bienfait du don des biens. Il faut noter à ce propos que le choix implique une acceptation de l'un envers l'autre. Or le choix de Dieu peut être accueilli selon un double point de vue.

a. D'abord, en considérant les biens qui sont conférés ; et dans ce cas il faut faire la distinction suivante : car certains d'entre ces biens sont temporels, d'autres spirituels. Les pécheurs impies, eux, reçoivent en partage les biens temporels qui leur échoient : « Tel est notre partage et notre sort. » Mais les justes reçoivent en partage Dieu lui-même : « Le Seigneur est la part de mon héritage et de mon calice. » Tandis que Dieu s'est choisi des biens spirituels, c'est-à-dire nous a fait choisir des biens spirituels. Il nous a choisis pour son héritage, autrement dit : alors qu'il y a diverses parts de biens, il a choisi de nous donner son héritage.

b. Puis le choix de Dieu est considéré du côté de ceux à qui l'héritage est donné ; et ainsi a lieu le partage, car tous les damnés sont dans le péché originel, cependant certains sont sauvés par le choix de Dieu. Et c'est pourquoi il dit : Il nous a choisis, etc. Et quel est cet héritage, il le montre en disant : c'est la beauté de Jacob qu'il a aimée. Une version de Jérôme lit : « gloriam, vel superbiam Jacob (c'est la gloire, ou l'orgueil de Jacob). » Et ici le mot superbia (orgueil) a le sens d'excellence : « Je ferai de toi l'orgueil », c'est-à-dire l'excellence, « des siècles ». De même avec le mot « gloire », c'est-à-dire avec l'aspect ou la beauté ; car dans ce même héritage éternel ils seront excellents, glorieux et beaux : « Que le Seigneur te bénisse, beauté de justice, montagne sainte. » qu'il a aimée, ou bien que Jacob aima, autrement dit : cet héritage est la gloire de Jacob, c'est-à-dire du fidèle ; cette gloire que Dieu a aimée, parce que « le Seigneur a aimé les portes de Sion plus que toutes les tentes de Jacob ». Ou bien : l'aspect de Jacob, c'est-à-dire ce qui est représenté par Jacob ; car lui ont été représentés des biens spirituels, pour lesquels nous avons été choisis ; ainsi en est-il de l'échelle qu'il a vue, et d'autres choses semblables. Mais la première lecture est meilleure.

III. Dieu est monté avec jubilation. Ici le psalmiste manifeste la cause et l'ordre de la louange divine. Il dit qu'il est très élevé et qu'il est un grand roi : et pour cette raison il doit être loué. Mais est-il vraiment très élevé ? Oui vraiment.

A) Et il commence par montrer son excellence.

B) Puis il montre l'étendue de son règne : 8 Parce que Dieu.

A. En montrant son excellence il fait deux choses.

1) Il expose d'abord son excellence.

2) Puis il conclut sur une exhortation : 7 chantez.

1. Ainsi je dis qu'il est très élevé, parce qu'il monte. Mais s'il est très élevé, comment est-il monté ? Parce qu'il est descendu : « Que signifie : "Il est monté", sinon qu'il était descendu d'abord dans les régions inférieures de la terre ? Celui qui est descendu est celui-là même qui est monté au-dessus de tous les cieux, afin de tout remplir. » Mais comment est-il monté ? avec jubilation. La jubilation est une joie immense, et cette jubilation signifie la connaissance imparfaite. Il y eut deux genres de chants dans l'Ascension du Christ : celui des Apôtres et celui des Anges. Les Apôtres, eux, ont une connaissance imparfaite des réalités divines ; et c'est pourquoi la jubilation exprimant la joie de l'Ascension du Christ en gloire leur convient. Semblablement il y eut les Anges qui, eux, eurent une connaissance claire ; mais à ces derniers ne convient pas la jubilation, mais l'annonce manifeste ; et c'est pourquoi le psalmiste dit : et le Seigneur à la voix de la trompette. D'où ces paroles des Anges : « Hommes de Galilée, pourquoi vous tenez-vous là, regardant au ciel ? Ce Jésus, qui au milieu de vous a été enlevé au ciel, viendra de la même manière que vous l'avez vu s'en aller au ciel. »

2. Donc, s'il est très élevé, chantez en l'honneur de notre Dieu, de bouche, chantez en l'honneur de notre roi, de coeur : « Je chanterai d'esprit des cantiques, mais je les chanterai aussi avec l'intelligence. »

8 Parce que Dieu est le roi de toute la terre, chantez avec sagesse. 9 Dieu régnera sur les nations : Dieu est assis sur son trône saint. 10 Les princes des peuples se sont réunis avec le Dieu d'Abraham ; parce que les dieux puissants de la terre ont été souverainement élevés.

B. Ensuite le psalmiste montre qu'il est un grand roi ; et il montre cela dans un ordre inverse.

1) Car il les amène d'abord à chanter en l'honneur du roi.

2) Puis il en assigne la cause.

3) Enfin il la manifeste.

1. Ainsi je dis : Chantez en l'honneur de Dieu, et de nouveau : chantez en l'honneur [du] roi, car il est grand. Et il dit deux fois : chantez, chantez, parce que dans ce même honneur nous honorons l'humanité et la divinité dans le Christ, et que ce même honneur est signifié dans ce verset de l'évangile de Jean : « Afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père : qui n'honore point le Fils n'honore point le Père qui l'a envoyé. »

2. Et qu'on doive chanter en son honneur, il le montre, puisque 8 Dieu est le roi de toute la terre. Et c'est pourquoi vous, habitants de la terre, chantez en son honneur. Et il dit : de toute la terre, non seulement de la Judée, ou de la Grèce, mais du monde entier. Mais chantez avec sagesse, c'est-à-dire avec discernement. Et chantez non seulement de bouche, mais de coeur, renouvelés intérieurement : car « la louange n'est pas belle dans la bouche du pécheur », comme le dit l'Ecclésiastique. Semblablement, ne chantez pas avec un esprit troublé : « Quelqu'un de vous est-il triste ? qu'il prie. Est-il content ? qu'il chante des cantiques. » De même, chantez de manière continue : « Chante bien, réitère souvent ton chant. »

3. Ensuite il manifeste comment il est roi de toute la terre.

a) Et il prédit d'abord que le règne du Christ s'étendra sur toutes les nations.

b) Puis sur tous les princes des nations.

a. Autrement dit : je dis qu'il est roi de toute la terre ; car même si à présent il règne seulement sur la Judée, il régnera cependant sur toutes les nations, puisque toutes les nations se convertiront à Dieu : « Toutes les nations louez le Seigneur, louez-le tous les peuples. » Et cela se justifie par le fait que le Christ est Dieu, et qu'il est déjà monté à la droite du Père : il est assis sur son trône saint, c'est-à-dire à la droite de Dieu ; et ainsi il ne lui reste plus rien à accomplir si ce n'est que tous lui soient soumis : « On lui donnera le royaume, et l'honneur, et l'empire. »

b. Non seulement les nations lui sont soumises, mais aussi les princes ; aussi dit-il : Les princes des peuples, c'est-à-dire de tous les peuples, se sont réunis, par la foi et l'amour, avec le Dieu d'Abraham. Et il dit Abraham parce que lui-même fut le fondement de la foi et au Père et au Fils : « Dieu peut de ces pierres mêmes susciter des enfants à Abraham. » - « Les rois d'Arabie et de Saba lui apporteront des dons, et tous les rois de la terre l'adoreront ; toutes les nations le serviront. » Et la raison pour laquelle ils se sont réunis, c'est parce que les dieux puissants de la terre ont été souverainement élevés. Et cela peut se comprendre de deux manières. Selon une première manière en l'appliquant aux Juifs : car eux-mêmes furent des dieux, puisqu'ils furent instruits par Dieu : « [votre] loi appelle dieux ceux à qui la parole de Dieu a été adressée ». De même ils furent puissants, parce que constants dans la foi au Dieu unique, mais de la terre, parce que leurs yeux et leurs affections étaient tournés vers la terre. Ceux-ci ont été élevés, par leur orgueil, souverainement, en tant qu'ils ont refusé la doctrine du Christ. Et c'est pourquoi les Apôtres allèrent vers les nations. Selon une autre manière de comprendre, les dieux puissants, ce sont les Apôtres. Et ils sont appelés dieux à cause de leur pouvoir judiciaire. Les juges aussi étaient appelés dieux dans l'Ancien Testament : « Tu ne parleras point mal des dieux. » Et : « Sois conduit aux dieux », c'est-à-dire aux juges. Et ils sont appelés puissants à cause de leur constance dans la souffrance : « Qui donc nous séparera de l'amour du Christ ? » de la terre, c'est-à-dire vivant encore dans les choses terrestres : « Nous avons ce trésor en des vases d'argile. » Et ils ont été élevés souverainement par la prédication : « Et eux, étant partis, prêchèrent partout, le Seigneur coopérant avec eux, et confirmant leur parole par des signes qui l'accompagnaient. » Semblablement, par l'accomplissement des miracles. Pareillement par l'acquisition de la gloire. Une version de Jérôme lit : « Quoniam dii scuta terrae (Parce que les dieux boucliers de la terre) », car les Apôtres furent les protecteurs de tous les peuples.


Éditions du Cerf

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