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COMMENTAIRE DU PSAUME 47

1 Psaume du Cantique des fils de Coré pour le deuxième jour de la semaine. 2 Grand est le Seigneur et louable hautement, dans la cité de notre Dieu, et sur sa montagne sainte.

3 La montagne de Sion est fondée pour l'exultation de toute la terre, le côté de l'aquilon, la cité du grand roi. 4 Dieu sera connu dans ses demeures, quand il en prendra la défense.

5 Car voilà que les rois de la terre se sont réunis, ils se sont assemblés dans l'unité. 6 Eux-mêmes, voyant, furent ainsi dans l'étonnement, ils furent troublés, ils ont été émus, 7 un tremblement les a saisis. Là [ils ont ressenti] comme les douleurs de celle qui enfante ; 8 par un vent véhément tu briseras les vaisseaux de Tharsis.

9 Comme nous l'avons entendu, de même nous l'avons vu dans la cité du Seigneur des armées, dans la cité de notre Dieu : Dieu l'a fondée pour l'éternité.

10 Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde, au milieu de ton temple. 11 Selon ton nom, ô Dieu, ainsi ta louange s'étend jusqu'aux extrémités de la terre. Ta droite est pleine de justice. 12 Que la montagne de Sion se réjouisse, et que les filles de Juda tressaillent d'allégresse, à cause de tes jugements, Seigneur.

13 Entourez Sion, et embrassez-la ; racontez sur ses tours. 14 Appliquez vos coeurs sur sa force, et distribuez ses demeures, afin que vous [le] racontiez à l'autre génération. 15 Parce que tel est Dieu, notre Dieu pour l'éternité, et dans les siècles des siècles : lui-même nous conduira dans les siècles.

1 Psaume du Cantique des fils de Coré pour le deuxième jour de la semaine. 2 Grand est le Seigneur et louable hautement, dans la cité de notre Dieu, et sur sa montagne sainte.

Plus haut le psalmiste a invité les nations à chanter en l'honneur de Dieu pour ses bienfaits ; mais ici il décrit la grande exultation du peuple ou de la cité.

Ce psaume est intitulé : Psaume louange du Cantique des fils de Coré pour le deuxième jour de la semaine. Chez les Juifs le sabbat était regardé comme un jour très solennel : et ils nommaient tous les jours de la semaine à partir du jour du sabbat, de telle sorte que le jour du Seigneur était appelé premier jour de la semaine ; le jour de la lune était appelé deuxième jour de la semaine ; et ainsi en était-il pour les autres jours.

Il dit : pour le deuxième jour de la semaine, car il est écrit dans le récit de la création de la Genèse que le premier jour Dieu a dit : « Que la lumière soit » ; le deuxième jour il a dit : « Qu'il y ait un firmament. » Par la lumière on entend le Christ ; par le firmament est désignée l'Église. Donc parce qu'il traite ici de la grandeur de l'Église, il sied de dire pour le deuxième jour de la semaine. Cependant la mention pour le deuxième jour de la semaine ne figure ni dans l'hébreu, ni dans la iuxta Hebraeos de Jérôme.

Ce psaume se divise en deux parties.

I) Car le psalmiste décrit d'abord la grandeur de la cité.

II) Puis il ajoute l'action de grâce : 10 Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde.

I. En décrivant la grandeur de la cité il fait deux choses.

A) Il commence par la décrire.

B) Puis il introduit un témoignage : 5 Car voilà que les rois de la terre.

A. La dignité de la cité dépend de son Seigneur.

1) Et c'est pourquoi il fait d'abord l'éloge du Seigneur.

2) Puis de la cité : 3 est fondée.

1. Il décrit le Seigneur par sa propre dignité, et par ses oeuvres.

Par sa dignité, car grand est le Seigneur. - « Quel dieu est grand comme notre Dieu ? » Et sa grandeur est l'immensité de sa bonté. Selon Augustin, dans les réalités qui ne sont point grandes par leur masse, être grand c'est être bon.

Par ses oeuvres, car il est louable hautement. La louange concerne en particulier les oeuvres. Et il dit : hautement, car quelle que soit la mesure de ta louange envers lui, elle restera encore insuffisante : « Glorifiez le Seigneur autant que vous pourrez, il sera encore au-dessus [de vos louanges]. » Et cette réalité, bien qu'elle soit manifeste en toute créature, apparaît cependant plus spécialement dans les bienfaits de la grâce pour lesquels l'Église a été établie. Et c'est pourquoi il dit : dans la cité de notre Dieu, c'est-à-dire de l'Église : « Je vis descendre du ciel, d'auprès de Dieu, la cité sainte, la Jérusalem céleste, vêtue comme une nouvelle mariée pour son époux. » Et cette cité, c'est-à-dire l'Église, est fondée sur sa montagne sainte. Cette montagne est le Christ : « La montagne de la maison du Seigneur sera établie au sommet des montagnes. » À propos de cette cité il est écrit dans Matthieu : « Une cité située au sommet d'une montagne ne peut être cachée. »

3 La montagne dé Sion est fondée pour l'exultation de toute la terre, le côté de l'aquilon, la cité du grand roi. 4 Dieu sera connu dans ses demeures, quand il en prendra la défense.

2. Ici le psalmiste fait l'éloge de la cité de trois manières.

a) D'abord par son étendue ou par sa joie.

b) Puis par sa disposition.

c) Enfin par la sagesse de ses citoyens.

a. Ainsi dit-il : fondée pour l'exultation de toute la terre, autrement dit, elle est fondée sur la montagne, c'est-à-dire sur le Christ. Mais cette fondation concerne-t-elle une terre seulement ? Non, mais elle déborde pour la joie de la terre entière, car tous recueillent la joie de cette fondation : « Jubilez à Dieu toute la terre, dites un psaume en l'honneur de son nom : rendez gloire à sa louange. » - « Ils viendront à Sion avec des chants de joie. » - « Est-ce là, disaient-ils, cette ville d'une beauté parfaite, la joie de toute la terre ? » Une autre version lit : fundator (fondateur), autrement dit : grand est le Seigneur. Et je dis : le Seigneur, lui qui est le fondateur de cette cité. Et cela pour l'exultation.

b. La montagne de Sion [...] le côté de l'aquilon, c'est-à-dire établie sur le côté de la montagne de Sion vers l'aquilon. Sion signifie les Juifs, mais l'aquilon signifie les nations idolâtres. Donc cette cité est composée de Juifs et de païens. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit autrement, et cela convient au mystère de l'épouse : « Germinet gaudio universae terrae montis Sion, inlateribus aquilonis civitaculae regis magni (Qu'elle fructifie pour la joie de la terre entière, de la montagne de Sion, sur les côtés de l'aquilon, de la petite cité du grand roi). » On explique cela selon le mystère. Cette cité est louée pour l'ordre civil qu'elle cultive, et pour l'humanité du Christ qu'elle a assumée. Je dis qu'elle est grande ; et cela à cause de son admirable croissance elle-même, c'est-à-dire à cause du Christ. Et telle est la joie de toute la terre. En hébreu on lit : « superbe d'exultation » , à savoir le Christ, et cela sur la montagne de Sion.

c. Dieu sera connu dans ses demeures. Ici le psalmiste fait l'éloge de la cité à cause de la sagesse des citoyens, car la vraie sagesse consiste en la connaissance de Dieu : « Que celui qui se glorifie se glorifie en ceci : d'avoir de l'intelligence et de me connaître. » Et il fait l'éloge de cette cité, parce que Dieu est connu dans celle-ci, et il dit : Dieu sera connu dans ses demeures. Or il y a une triple connaissance de Dieu : car cela peut s'appliquer à l'état de la cité de Jérusalem, à l'Église, et à la gloire future.

- Ainsi la première connaissance de Dieu est figurée et obscure ; cette connaissance eut lieu dans l'Ancien Testament : et une telle connaissance fut dans cette cité, à savoir dans Jérusalem, et dans le peuple juif : « Dieu est connu en Judée, dans Israël son nom est grand. » Et selon cela il est dit : Dieu sera connu dans ses demeures. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « Deus in domibus eius agnitus est (Dieu s'est fait connaître dans ses demeures) », à savoir non point en un seul lieu, mais dans toutes les demeures et les cités. Et il dit : dans ses demeures, car Dieu était connu chez les Athéniens : « C'est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l'être. » - « Les perfections invisibles [de Dieu], son éternelle puissance et sa divinité sont, depuis la création du monde, rendues visibles à l'intelligence par le moyen de ses oeuvres. » Mais en réalité, dans les demeures, il n'était pas connu, sauf pour quelques-uns dans les écoles ; en revanche dans cette nation tous connaissaient Dieu.

- Autre est la connaissance réelle, mais obscure et imparfaite ; et telle est la connaissance par laquelle Dieu est connu par la foi : « Maintenant nous voyons dans un miroir, d'une manière obscure, mais alors [nous verrons) face à face », et ainsi Dieu est connu dans ses demeures par une connaissance réelle, celle de la foi : « Pour nous tous, le visage découvert, réfléchissant comme dans un miroir la gloire du Seigneur. » Et il dit : dans ses demeures, parce que toute l'Église universelle renferme en elle de nombreuses Églises et de nombreuses communautés, dont chaque demeure est dite avoir la connaissance de Dieu : « Ils me connaîtront tous, depuis le plus petit jusqu'au plus grand. »

- Autre est la connaissance réelle, qui est parfaite et claire : « Alors je connaîtrai comme je suis connu », dans les demeures de la Jérusalem céleste. Et on dit qu'il y a plusieurs demeures à cause des divers ordres de saints, à savoir des Apôtres, des martyrs, des confesseurs et des vierges, etc. : « Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père. » Et selon cela il est écrit dans le Psautier romain : « Deus in gradibus ejus cognoscetur (Dieu sera connu dans ses degrés) » ; car tous ne le connaîtront pas également, mais il y aura divers degrés de connaissance selon certains : « Une étoile diffère en éclat d'une autre étoile. » Mais cela aura lieu, quand il en prendra la défense, pour lui donner son aide, car lui-même est notre défenseur et notre secours. Une autre version de Jérôme lit : in auxiliando (en aidant).

5 Car voilà que les rois de la terre se sont réunis, ils se sont assemblés dans l'unité. 6 Eux-mêmes, voyant, furent ainsi dans l'étonnement, ils furent troublés, ils ont été émus, 7 un tremblement les a saisis. Là [ils ont ressenti] comme les douleurs de celle qui enfante ; 8 par un vent véhément tu briseras les vaisseaux de Tharsis.

B. Ici le psalmiste prouve la dignité de la cité par un témoignage.

1) Et il commence par présenter les témoins.

2) Puis il expose leur probité.

3) Enfin leur confession.

1. Pour qu'un témoignage soit crédible, trois choses sont nécessaires : la dignité des témoins, en tant qu'ils sont les témoins de l'autorité ; car s'ils sont légers, leur témoignage ne doit pas être approuvé. Semblablement il faut qu'il y ait un grand nombre de témoins, et la concordance de leurs témoignages ; et ces trois choses sont chez ces témoins.

Car ils sont d'une grande dignité, puisqu'il est écrit : les rois de la terre. L'un fut Constantin, un autre fut Justinien, ou encore Charlemagne, lesquels affermirent l'Église par leurs privilèges.

De même ils furent nombreux, puisqu'ils se sont réunis [venant] de nations diverses et à des moments divers. Par les rois on peut aussi entendre les sages et les justes, qui rendirent témoignage à l'Église en se convertissant à la foi : « les princes des peuples ».

Pareillement, ils sont concordants, car ils se sont assemblés dans l'unité, à savoir pour donner leur témoignage et prononcer leur sentence : « En y rassemblant dans l'unité les peuples et les rois pour qu'ils servent le Seigneur. »

On peut encore donner une autre explication ; cependant le premier commentaire est littéral, puisqu'on lit dans une version de Jérôme : testati sunt (ont attesté).En grec on lit : « ils la prendront », c'est-à-dire pour la défendre. Et c'est nécessaire, car voilà que les rois de la terre se sont réunis, ils se sont assemblés dans l'unité, à savoir contre l'Église. Et ceux qui enfin rendent témoignage furent autrefois contre l'Église, la persécutèrent, et par la suite l'affermirent.

2. Eux-mêmes. Ici le psalmiste décrit leur probité ; et à ce propos il y a sept choses à considérer.

a. D'abord la vision, c'est-à-dire la connaissance de la foi, aussi dit-il : Eux-mêmes, c'est-à-dire reconnaissant par la foi des miracles que le Christ et les Apôtres accomplissaient : « Les nations verront ta justice et tous les rois ta gloire. »

b. La deuxième chose est l'étonnement dû à ce qu'ils voient, car cela dépasse le sens et la raison humaine : « Tu verras et tu seras dans l'abondance, et ton coeur s'étonnera et se dilatera. » - « Étonnantes sont tes oeuvres, mon âme le reconnaît parfaitement. »

c. La troisième chose est le trouble dû aux péchés. Concernant l'étonnement il dit : furent dans l'étonnement. Et à propos du trouble il dit : ils furent troublés. - « Tu as ébranlé la terre, et tu l'as troublée. »

d. Là quatrième chose est l'émotion. Il arrive que quelqu'un soit troublé à cause de son péché et tombe dans le désespoir, ou bien persiste dans le mal ; mais ceux-ci sont émus jusqu'au repentir : « La terre sera ébranlée par des secousses. »

e. La cinquième chose est que cette émotion doit être accompagnée de la crainte de Dieu, afin de ne pas s'attribuer le fait d'être mû par soi vers le bien, mais à Dieu ; et il dit : un tremblement les a saisis. - « Servez le Seigneur dans la crainte. »

f. Cette douleur et ce tremblement sont fructueux, aussi dit-il : Là [ils ont ressenti] comme les douleurs de celle qui enfante, douleurs qui se changent en joie à cause de l'espérance de la descendance et du fruit : « En te craignant, Seigneur, nous avons conçu et nous avons enfanté un esprit de salut. » Telle est la sixième chose.

g. La septième chose est : par un vent véhément tu briseras les vaisseaux de Tharsis, c'est-à-dire la mer au sens universel, et ainsi tu briseras les vaisseaux de la mer.

Ou bien il faut dire que désigne une province, qui est appelée Cilicie, et que Tharse en est la métropole. En ce lieu naquit Paul, et cette cité de Tharse donna son nom à toute la région, et il y a là beaucoup de navires ; ou bien, comme les premiers navigateurs en mer Méditerranée édifièrent Carthage, ainsi se battant avec les gens de Tyr, ils l'emportèrent. Et c'est pourquoi Tharsis désigne toute la mer du monde. Par les vaisseaux, qui s'en vont faire du commerce, est signifiée la cupidité, et c'est l'abondance des biens du monde. Et comme les vaisseaux flottent sur la mer, ainsi les riches nagent dans les biens du monde. Mais quand l'homme se convertit en faisant pénitence, alors les vaisseaux, c'est-à-dire les cupidités de ce monde, seront brisés ; mais par un vent véhément, c'est-à-dire par l'Esprit-Saint : « Proche est le jour du Seigneur pour toutes les nations. » - « Hurlez, vaisseaux de la mer, car le lieu d'où les navires avaient coutume de venir a été détruit. » Mais, selon Cassiodore, dans ce qui vient d'être dit est signifié tout le temps de l'incarnation du Christ. Dieu sera connu dans ses demeures, quand il en prendra la défense, c'est-à-dire la nature humaine assumée dans l'unité de sa personne : « C'est pourquoi mon peuple connaîtra mon nom en ce jour-là, car moi qui parlais, me voici. » Et pourquoi ? Car voilà que les rois de la terre se sont réunis, ils se sont assemblés dans l'unité. Les rois, c'est-à-dire les princes des Juifs et des scribes du peuple se sont réunis à la demande d'Hérode, afin de s'enquérir auprès d'eux du lieu où était né le Christ. « Et ils se firent unanimes » pour dire qu'il était né à Bethléem. Et voyant bien cela, comme l'ont dit les prophètes, ils furent ainsi dans l'étonnement, et en ont été émus ; car « Hérode en fut troublé et tout Jérusalem avec lui ». Et ils ont été émus, pour certains jusqu'à la foi. La peur fut Si grande que le corps fut saisi de tremblement : un tremblement les a saisis ; et Là [ils ont ressenti] comme les douleurs de celle qui enfante, à cause du meurtre des enfants tués par Hérode ; et par un vent véhément, parce que dans sa fureur il envoya tuer tous les enfants depuis l'âge de deux ans et au-dessous. Et dans sa fureur il fit brûler tous les vaisseaux de Tharsis, c'est-à-dire dans la cité de Tharse de Cilicie, vaisseaux qu'il croyait avoir été emportés par les mages, quand ils s'en étaient retournés par un autre chemin vers leur patrie. Voilà pourquoi il dit : par un vent véhément.

9 Comme nous l'avons entendu, de même nous l'avons vu dans la cité du Seigneur des armées, dans la cité de notre Dieu : Dieu l'a fondée pour l'éternité.

3. Ici le psalmiste expose la confession et le témoignage des témoins. Ils confessent d'abord la vérité de ce qu'ils ont entendu : Comme nous l'avons entendu, par la prédication des Apôtres, de même nous l'avons vu, c'est-à-dire nous avons perçu que c'était vrai. Ils dirent cela après s'être convertis au Christ. Ou bien en tant qu'il s'agit de la conversion des Juifs. Nous, nous avons entendu par les prophètes, et voici que déjà nous avons vu. Mais il arrive parfois que quelqu'un entende quelque chose de grand, et qu'il n'y croie pas jusqu'à ce qu'il en fasse l'expérience : et Jacob dit cela dans la Genèse : « Vraiment ce lieu est saint, et je ne le savais pas. » On rapporte dans le premier livre des Rois que la reine de Saba vint constater ce qu'elle avait appris, mais elle ne croyait pas que la sagesse de Salomon fût aussi grande ; et elle vit un grand nombre de choses incroyables touchant ce qu'elle avait appris. Tels sont ceux qui voient plus de choses qu'ils n'en entendent, avant d'en venir à la foi. Et où voyons-nous cela ? dans la cité du Seigneur des armées, c'est-à-dire dans la cité des cieux. Là il montre qu'il peut t'y conduire. Et pour qu'on ne croie pas qu'il est élevé de manière à ce que toi tu ne puisses aller vers lui, il dit : dans la cité de notre Dieu, autrement dit : le Dieu des armées est tel qu'il est cependant notre Dieu. Celui-ci l'a fondée, à savoir cette cité, non pour un temps mais pour l'éternité : « Comme des fondations éternelles sur un rocher solide, ainsi sont les préceptes divins dans le coeur d'une sainte femme. »

10 Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde, au milieu de ton temple. 11 Selon ton nom, ô Dieu, ainsi ta louange s'étend jus qu'aux extrémités de la terre. Ta droite est pleine de justice. 12 Que la montagne de Sion se réjouisse, et que les filles de Juda tressaillent d'allégresse, à cause de tes jugements, Seigneur.

II. Le psalmiste a exposé plus haut la grandeur de la cité ; mais ici il expose l'action de grâce : et à cet égard il fait deux choses.

A) Il commence par exposer l'action de grâce.

B) Puis les hommes sont invités à considérer encore les grandeurs de cette cité : 13 Entourez.

A. Puisqu'il est écrit ailleurs : « Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité »,

1) c'est pourquoi l'action de grâce concerne d'abord les effets de la miséricorde divine ;

2) puis elle concerne les effets de la justice divine : Ta droite est pleine de justice.

1. En parlant des effets de la miséricorde divine il fait deux choses.

a) Il fait connaître d'abord la perfection de la miséricorde divine.

b) Puis l'effet de cette perfection : Selon ton nom.

a. Selon une lecture superficielle, cela se lit non point dans la personne des Juifs, mais de celles qui s'étonnent et qui disent : Comme nous l'avons entendu [...]. Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde. Cependant cela peut aussi être lu dans la personne des Juifs. Mais le psalmiste dit : Nous avons reçu, ô Dieu, ta miséricorde, etc. La miséricorde du Seigneur a deux interprétations :

- C'est l'effet de la grâce, effet qui est conféré dans les sacrements : « Il nous a sauvés, non à cause des oeuvres de justice que nous faisions, mais selon sa miséricorde, par le bain de la régénération et en nous renouvelant par le Saint-Esprit. » Et dans l'Église tous reçoivent en général la miséricorde : mais les bons avec les sacrements reçoivent la miséricorde, c'est-à-dire la grâce, et l'effet du sacrement ; tandis que les mauvais reçoivent seulement le sacrement. Ainsi les bons disent : Nous avons reçu ta miséricorde, c'est-à-dire ta grâce, au milieu de ton temple. Dans le temple, à l'extrémité duquel sont les pécheurs, et au milieu duquel sont les vertueux et les justes.

- Selon une autre interprétation, la miséricorde est le Christ lui-même, qui nous a été donné par la miséricorde de Dieu : « Car il est temps d'avoir pitié d'elle, car le temps est venu. » On peut exposer ces paroles à propos d'un double temple, et d'une double réception. Du temple corporel, et ce sont alors les paroles de Siméon le juste : ô Dieu, nous avons reçu ta miséricorde, c'est-à-dire le Christ, dans nos bras, au milieu de ton temple, matériel. De même, à propos de la réception de la foi ; et en voici le sens : ô Dieu, nous avons reçu le Christ miséricordieusement donné par la foi : « Recevez avec mansuétude la parole qui a été entée en vous, et qui peut sauver vos âmes. » au milieu de ton temple, c'est-à-dire avec le consentement de l'Église : car ceux qui ne reçoivent pas la doctrine commune de l'Église, ne reçoivent pas cette miséricorde : « [La sagesse] lui ouvrira la bouche au milieu de l'assemblée. »

b. Selon ton nom. Le psalmiste expose ici les effets de cette réception, autrement dit : par le fait que nous, nous avons reçu ton nom, ta louange a été répandue à travers toute la terre. Et cela, selon ton nom, ô Dieu, qui est essentiellement bon. Et quiconque connaît Dieu selon cette mesure le loue selon qu'il le connaît ; c'est pourquoi il dit : Selon ton nom, ô Dieu, c'est-à-dire selon la connaissance qu'il a de toi, ainsi ta louange. Et parce qu'il est connu en tout lieu, il dit : jusqu'aux extrémités de la terre. - « Du lever du soleil à son coucher, grand est mon nom parmi les nations. » Ou bien : jusqu'aux extrémités de la terre, dans toute l'Église, qui a été répandue en tout lieu. Ou bien, parce que ta louange véritable ne se trouve que dans les saints qui te louent en vérité, parce qu'ils te connaissent en vérité  : « Moi, je le connais. »

2. Ta droite est pleine de justice. Ici le psalmiste fait l'éloge de la justice.

a) Et il en fait d'abord l'éloge.

b) Puis il expose son effet.

a. Ainsi je dis que nous avons reçu ta miséricorde, et cela non point sans la justi ce ; au contraire, ta droite est pleine de justice. La main de Dieu est appelée sa puissance opérative. Et Dieu a deux mains : la droite avec laquelle il rémunère les bons, et la gauche avec laquelle il punit les mauvais : « Il mettra les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche. » Dans l'une et l'autre main est la justice ; mais dans sa gauche la justice n'est pas pleine, parce qu'elle punit en deçà du mérite ; tandis que dans sa droite la justice est pleine, parce qu'elle rémunère abondamment : « On versera dans votre sein une bonne mesure, pressée, secouée et débordante, car on se servira, pour vous rendre, de la même mesure avec laquelle vous aurez mesure. » - « J'estime que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire à venir qui sera manifestée en nous. » Ta droite, c'est-à-dire la gloire future, est pleine de justice, car nul ne s'y trouve à moins qu'il ne soit juste : « Ton peuple rien que des justes. »

b. Que la montagne de Sion se réjouisse. Ici le psalmiste expose les effets de la justice que sa gauche a accomplis, et c'est un gémissement ; tandis que les effets de la justice que sa droite a accomplis, sont une allégresse : « Les justices du Seigneur sont droites, réjouissant les coeurs. » Plus haut il a dit que l'effet de la miséricorde s'étend jusqu'aux extrémités de la terre ; mais ici il attribue l'effet de la justice à la montagne de Sion et aux filles de Juda. L'Apôtre dit aussi cela : « J'affirme que le Christ a été ministre de la circoncision pour montrer la véracité de Dieu, afin d'accomplir les promesses faites aux patriarches. » Car il fut donc promis à la fille de Sion : « Exulte d'une grande joie, fille de Sion, pousse des acclamations, fille de Jérusalem : voici que ton roi vient a toi. » Que la montagne de Sion se réjouisse, car c'est le propre de la justice que de lui garder sa promesse. Mais parce que la promesse ne fut pas faite aux nations, la miséricorde le fut, puisqu'elle était donnée. On peut dire cependant que la montagne de Sion est appelée Jérusalem prise dans sa totalité. et que les filles de Juda, c'est-à-dire de la confession, exultent, c'est-à-dire tout le peuple des Juifs. Et ils feront cela à cause de tes jugements, Seigneur, car ils sont droits.

13 Entourez Sion, et embrassez-la ; racontez 14 sur ses tours. Appliquez vos coeurs sur sa force, et distribuez ses maisons afin que vous [le] racontiez à l'autre génération. 15 Parce que tel est Dieu, notre Dieu pour l'éternité, et dans les siècles des siècles : lui-même nous gouvernera dans les siècles.

B. Ici le psalmiste amène les hommes à une considération plus attentive, c'est-à-dire afin de comprendre que les rois ont déjà vu autrefois de grandes choses ; mais David invite cependant tous les hommes à approfondir leur considération.

1) Et il invite d'abord à cette fin.

2) Puis il ajoute la cause de cette invitation.

1. Il dit donc : Entourez Sion, c'est-à-dire l'Église militante ou triomphante avec un oeil contemplatif : « Je me lèverai, et je parcourrai la ville. » Certains entourent l'Église avec un oeil inique pour la combattre, mais nous, nous l'entourons pour l'aimer ; et c'est pourquoi il dit : embrassez-la, c'est-à-dire en l'aimant : « Seigneur, j'ai aimé la beauté de ta demeure. » La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : circuite (parcourez), autrement dit : allez à l'extérieur, et parcourez les villages, et racontez sur ses tours. Ici le psalmiste amène les hommes à une considération plus spirituelle. Dans une cité il y a trois choses remarquables : les tours, les murs et les places.

À propos des tours il dit : racontez sur ses tours. Une version de Jérôme lit : « Mirate turres ejus (Admirez ses tours). » Il y a des tours pour voir au loin. Ainsi les tours de l'Église sont les chefs de l'Église, et ce furent les Apôtres, autrement dit : admirez les Apôtres et les chefs de l'Église. Ou bien : racontez, c'est-à-dire vous les docteurs, en vous conformant à la doctrine des Apôtres et des docteurs.

Concernant les murs il dit : Appliquez vos coeurs sur sa force. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « Ponite cor vestrum in moenibus ejus (Appliquez votre coeur sur ses remparts). » Telle est la force de l'Esprit-Saint qui protège la cité  : « Demeurez dans la cité jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en haut. » Cette force est l'amour : « L'amour est fort comme la mort. »

À propos des places il dit : et distribuez ses demeures. Une version de Jérôme lit : « Separate domos ejus, distinguite palatia ejus (Séparez ses maisons, distinguez ses palais). » Distinguez, c'est-à-dire avec un jugement droit. Car il en est qui veulent condamner l'Église à cause de quelques méchants. Il dit donc : distribuez, c'est-à-dire vous ne devez pas condamner les bons à cause des méchants : « Loin de toi, Seigneur, de perdre le juste avec l'impie ! » Ou bien : distribuez ses maisons, c'est-à-dire en faisant administrer les diverses Églises par différents ministres, afin qu'il n'y ait pas de confusion dans l'Église : comme Paul fut l'Apôtre des Gentils, et Pierre fut le ministre de la circoncision, c'est-à-dire l'Apôtre des Juifs. Une autre version lit : gradus ejus (ses degrés), c'est-à-dire ses différents ordres ; les uns étant sous-diacres, d'autres diacres, d'autres prêtres : « C'est lui aussi qui a fait les uns apôtres, d'autres évangélistes, d'autres pasteurs et docteurs, en vue du perfectionnement des saints, pour l'oeuvre du ministère, pour l'édification du corps du Christ. »

2. La finalité de cette considération est la louange de Dieu.

a) Et il expose d'abord à qui est annoncée la louange de Dieu.

b) Puis pourquoi elle est annoncée.

a. Il dit donc : afin que vous racontiez, à savoir ce que vous avez entendu : « Ce que j'ai entendu du Seigneur des armées, du Dieu d'Israël, je vous l'ai annonce »  ; car ce que l'un a reçu, il doit le communiquer aux autres. à l'autre génération, c'est-à-dire aux pécheurs. Ou bien : à l'autre, c'est-à-dire à la génération future. Et que raconterez-vous ? Deux choses : que toute prédication doit être ordonnée à deux choses ; à montrer la magnificence de Dieu, comme lorsqu'on prêche la foi, ou bien à annoncer les bienfaits de Dieu, afin que la charité s'enflamme dans leur coeur.

b. En parlant du premier objet de la prédication il dit : Parce que tel est Dieu, notre Dieu. - « Après cela, il a été vu sur la terre et il a conversé avec les hommes. » - « Jésus-Christ est le même hier et aujourd'hui ; et il le sera éternellement. »

En parlant du second objet de la prédication, il dit : lui-même nous conduira dans les siècles. - « Voici que moi je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde. » - « Le Seigneur me conduit, et rien ne me manquera. »


Éditions du Cerf

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