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COMMENTAIRE DU PSAUME 48

1 Pour la fin. Pour les fils de Coré. Psaume.

2 Écoutez ces choses, toutes les nations ; percevez de vos oreilles, vous tous qui habitez l'univers ; 3 gens de la terre et fils des hommes, ensemble et de concert, le riche aussi bien que le pauvre.

4 Ma bouche proférera la sagesse, et la méditation de mon coeur la prudence. 5 J'inclinerai mon oreille à une parabole, je découvrirai mon propos sur le psaltérion.

6 Pourquoi craindrai-je au jour mauvais ? L'iniquité de mon talon m'environnera. 7 Ceux qui se confient en leur propre force, et se glorifient dans la multitude de leurs richesses. 8 Le frère ne rachète point, un homme rachètera-t-il ? Il ne donnera pas à Dieu sa rançon ; 9 ni le prix du rachat de son âme, et il peinera éternellement, 10 et vivra encore jusqu'à la fin.

11 Il ne verra pas la mort, lorsqu'il aura vu les sages mourir. L'insensé et le sot périront également.

12 Et ils laisseront à des étrangers leurs richesses, et leurs sépulcres [seront] leurs demeures pour toujours. Leurs tentes [subsisteront] de génération en génération, ils invoqueront leurs noms dans leurs terres.

13 Et l'homme, lorsqu'il était en honneur, n'a pas compris ; il fut comparé aux bêtes sans raison, et il est devenu semblable à elles.

14 Telle est leur voie, [qui] leur est [une occasion de] scandale ; et après cela ils se complairont dans leurs discours.

15 Comme des brebis ils ont été mis dans l'enfer, la mort les fera paître. Et les justes domineront sur eux dès le matin ; et leur secours vieillira dans l'enfer après leur gloire. 16 Mais Dieu rachètera mon âme de l'enfer, lorsqu'il m'aura pris.

17 Ne crains pas lorsqu'un homme sera devenu riche, et que la gloire de sa maison se sera accrue. 18 Parce que, lorsqu'il sera mort, il ne prendra pas tous ces [biens], et sa gloire ne descendra pas avec lui.

19 Car son âme, pendant sa vie, sera bénie : il te confessera lorsque tu lui auras fait du bien. 20 Il ira rejoindre les générations de ses pères, et jusque dans l'éternité, il ne verra pas la lumière. 21 L'homme, lorsqu'il était en honneur, n'a pas compris ; il fut comparé aux bêtes sans raison, et il est devenu semblable à elles.

1 Pour la fin. Pour les fils de Coré. Psaume.

2 Ecoutez ces choses, toutes les nations ; percevez de vos oreilles, vous tous qui habitez l'univers ; 3 gens de la terre et fils des hommes, ensemble et de concert, le riche aussi bien que le pauvre.

Plus haut le psalmiste a invité les nations à la joie et à l'action de grâce pour les bienfaits donnés au peuple de Dieu ; mais ici il les exhorte à mettre leur confiance en Dieu, et à ce propos il fait deux choses.

1) Il éveille d'abord leur attention.

II) Puis il poursuit son propos.

I. Le titre n'est pas nouveau. Mais selon ce titre l'homme est rendu doublement attentif. Ou bien on dit de quelqu'un qu'il est rendu attentif en considérant les auditeurs ; ou bien en considérant ce qui doit être dit, lorsqu'il promet qu'il dira de grandes choses : « Ecoutez[-moi], car je vais parler de grandes choses, et mes lèvres s'ouvriront pour annoncer ce qui est droit. » Et c'est de cette manière qu'il parle ici.

A) Il les rend donc d'abord attentifs en considérant ceux à qui il s'adressait.

B) Puis en considérant les choses à dire : 4 Ma bouche.

A. Il dit donc que ces paroles s'appliquent à chaque catégorie d'hommes et à tous les hommes ; ce qu'il va développer. Et il traite de quatre différences chez les hommes. La première différence consiste en la diversité des peuples ; car autre était le peuple des Juifs, et autre celui des païens. Une autre différence est due aux lieux. Une autre vient de l'origine. Car certains étaient nobles et distingués, d'autres non.

1. Il expose la première différence lorsqu'il dit : Ecoutez ces choses, toutes les nations, non seulement des Juifs, car il appartient à tous d'écouter ces choses ; et c'est nécessaire : « En écoutant le sage deviendra plus sage, et celui qui est intelligent acquerra l'art de gouverner. »

2. Il expose la deuxième lorsqu'il dit : percevez de vos oreilles, vous tous qui habitez l'univers, c'est-à-dire en toute partie de l'univers ; et il dit : percevez de vos oreilles, car il faut écouter et percevoir : « Que celui qui a des oreilles écoute », c'est-à-dire soit attentif La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « Auribus percipite universi habitatores Occidentis (Percevez de vos oreilles tous les habitants de l'Occident). » Comme si c'était une prophétie : car la foi au Christ prospère surtout chez les peuples d'Occident ; car dans le Nord il y a encore beaucoup de païens, et en Orient beaucoup de schismatiques et d'infidèles. Ou bien : Ecoutez ces choses, toutes les nations, se réfère aux méchants ; et vous tous qui habitez l'univers se réfère aux bons qui dominent la terre.

3. Il expose la troisième différence lorsqu'il dit : gens de la terre, c'est-à-dire de basse origine, et fils des hommes, c'est-à-dire nobles. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « Tam filii Adam quam filii singulorum (Tant fils d'Adam que fils de chaque [homme]) », car certains n'ont rien reçu d'extraordinaire de leurs parents. Au sens mystique, les gens de la terre, ce sont les pécheurs qui adhèrent à la terre par leur passion ; aussi sont-ils comparés au serpent : « Pour le serpent », c'est-à-dire pour les mondains, « la poussière [sera] son pain ». Les fils des hommes sont appelés bons, eux qui possèdent l'image de Dieu et du Christ, qui est le fils de l'homme.

4. Il expose la quatrième différence lorsqu'il dit : ensemble et de concert, le riche aussi bien que le pauvre, autrement dit : écoutez tous ces instructions, car elles sont utiles pour tous. Et quelles sont-elles ? « Bienheureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est a eux. » - « Bienheureux le riche qui a été trouvé sans tache, et qui n'a pas couru après l'or, et qui n'a pas mis son espérance dans l'argent et dans les trésors. » Cependant un tel est riche en acte, mais non par attachement, et celui-ci peut être saint, comme Abraham et Louis roi de France. Un autre est riche en acte et en attachement ; et celui-là n'est pas saint. Il est écrit à ce propos : « Il est plus facile à un chameau d'entrer par le trou d'une aiguille, qu'à un riche d'entrer dans le royaume des cieux », car de même qu'il est contre nature qu'un chameau entre par le trou d'une aiguille, ainsi l'entrée d'un riche dans le royaume des cieux s'oppose à la justice divine. Et tels sont les gens de la terre, mais les premiers sont les fils des hommes.

4 Ma bouche proférera la sagesse, et la méditation de mon coeur la prudence. 5 J'inclinerai mon oreille à une parabole, je découvrirai mon propos sur le psaltérion.

B. Ici il les rend attentifs à la promesse des choses à dire. Quiconque enseigne, enseigne ou bien des choses, ou bien des paroles. Lorsque nous prêchons la foi et les moeurs, nous enseignons, des choses ; lorsque nous expliquons l'Ecriture, nous enseignons des paroles.

1) Il parle donc d'abord du premier enseignement.

2) Puis du second : J'inclinerai mon oreille.

1. Quant à la connaissance des choses, elle est nécessaire pour deux raisons : pour la connaissance de la vérité, et pour la pratique des oeuvres. Donc toute connaissance de la vérité, qui nous est nécessaire pour d'autres choses, doit se référer à la connaissance de la vérité des réalités divines. C'est pourquoi Augustin dit : « Celui qui scrute ces choses sans se référer aux réalités éternelles est oiseux. » Par conséquent toute connaissance de la vérité appartient à la sagesse, et d'où ces paroles : Ma bouche proférera la sagesse. - « C'est de sagesse que nous parlons parmi les parfaits, mais non d'une sagesse de ce monde ni des princes, voués à la destruction. » Or ce qui est nécessaire à la pratique des oeuvres appartient à la prudence, par laquelle est donnée la direction des choses humaines ; et c'est pourquoi il dit : et la méditation de mon coeur la prudence, c'est-à-dire énoncera : « La sagesse est la prudence pour l'homme », car la sagesse comparée aux choses humaines et matérielles est la prudence.

2. J'inclinerai mon oreille. Ici le psalmiste traite du deuxième enseignement, à savoir des paroles obscures ; et il y a à cet égard deux choses nécessaires :

a) D'abord, que l'homme s'applique à les comprendre.

b) Puis qu'il s'applique à les expliquer aux autres.

a. En parlant de la compréhension il dit : J'inclinerai mon oreille à une parabole. La parabole est une sentence, lorsqu'elle a une similitude obscure, autrement dit, je mettrai mon application à comprendre les paroles des autres : « Il appliquera son esprit aux proverbes et à leur interprétation ; aux paroles des sages et à leurs énigmes. » Ou bien : J'inclinerai mon oreille à une parabole que Dieu dit, car il parle d'une manière énigmatique, autrement dit, j'inclinerai mon intelligence à la voix du Seigneur, qui parle en parabole.

b. je découvrirai mon propos sur le psaltérion. Le propos se dit de deux manières. Ou bien, c'est ce que je souhaite de préférence aux autres choses, et c'est ce que je désire davantage ; ce que je découvrirai sur le psaltérion, c'est-à-dire dans mes oeuvres, parce que c'est le meilleur moyen de découvrir son propos : car si toi tu te proposes d'entrer dans la vie éternelle, tu ne manifestes pas ton propos si tu n'as pas une oeuvre bonne. Ou bien, le propos est une parole soit obscure, soit présentée comme une épreuve ; ainsi Samson dans le livre des Juges proposa-t-il une énigme en disant : « Si vous n'aviez pas labouré avec une génisse, vous n'auriez pas trouvé mon énigme », et c'est dans ce sens que se comprend ici le mot propos. Et voilà pourquoi Jérôme dit que c'est une parole obscure. Les versions hébraïques lisent : « ma prophétie », ce qui veut dire la même chose.

6 Pourquoi craindrai-je au jour mauvais ? L'iniquité de mon talon m'environnera. 7 Ceux qui se confient en leur propre force, et se glorifient dans la multitude de leurs richesses. 8 Le frère ne rachète point, un homme rachètera-t-il ? il ne donnera pas à Dieu sa rançon ; 9 ni le prix du rachat de son âme, et il peinera éternellement, 10 et vivra encore jusqu'à la fin.

II. Après avoir exposé le préambule du psaume dans lequel le psalmiste a suscité l'attention du peuple, il aborde ici le propos principal qui est d'amener les hommes à ne pas craindre les maux présents, pour qu'ils ne mettent pas leur confiance dans les biens présents ; mais que leur crainte et leur confiance soient en Dieu seul : et à cet égard le psalmiste fait deux choses.

A) Il montre d'abord sur quoi doit porter la crainte.

B) Puis il montre sur quoi ils ne doivent pas la porter : 17 Ne crains pas.

A. En montrant sur quoi doit porter la crainte il fait deux choses.

1) Il manifeste d'abord son intention.

2) Puis il prouve son propos : Ceux qui se confient.

1. En manifestant son intention il fait deux choses.

a) Il pose d'abord une question.

b) Puis il établit une conclusion.

a. La question est : Pourquoi craindrai-je au jour mauvais ? Ici il faut voir d'abord quels sont ces jours mauvais, car tous les jours sont créés par Dieu. Mais ils sont dits mauvais à cause des maux qui surviennent en eux : « Rachetez le temps, car les jours sont mauvais. » On peut donc parler de jour mauvais quand un danger y survient, et surtout quand menace le danger de la damnation éternelle, et tel est le jour du jugement : « Le bruit du jour du Seigneur est amer ; là le fort sera dans la tribulation. » Donc, pourquoi craindrai-je au jour mauvais ? c'est-à-dire qu'est-ce qui me fera craindre en ce jour-là ?

b. Et il répond : L'iniquité de mon talon m'environnera. En effet, il ne faut rien craindre excepté le péché : car aucune adversité ne nuira, dans la mesure où ne règne aucune iniquité : « L'impie prend la fuite sans que personne le poursuive. » - « Celui qui craint le Seigneur ne redoutera rien, et il n'aura point peur, parce que lui-même est son espérance » ; et c'est pourquoi il dit : L'iniquité de mon talon. Par talon on peut comprendre trois choses. - D'abord, qu'il s'agit de l'extrême partie du corps. Et c'est pourquoi L'iniquité de mon talon, c'est l'iniquité qui persévère jusqu'à la fin de la vie ; et le mot talon se comprend alors de cette manière : « Elle-même », c'est-à-dire la femme, « te brisera la tête », à savoir la raison supérieure brisera la tête du serpent, « et toi tu lui dresseras des embûches au talon », c'est-à-dire tu lui dresseras des embûches jusqu'à la fin de la vie.

- De même, par talon on peut comprendre l'infirmité de la chair : car lorsque l'homme tombe en faiblesse, son talon glisse. Et ainsi L'iniquité [du] talon, c'est-à-dire le péché procédant de l'infirmité de la chair, m'environnera.

- Enfin la persécution injuste que quelqu'un mène contre un autre, selon ces paroles de Jean : « Celui qui mange le pain avec moi, a levé le talon contre moi. » Et ainsi L'iniquité [du] talon, c'est-à-dire la persécution injuste, se retourne contre celui qui persécute : « L'impie est pris dans ses iniquités, et il est lié par les chaînes de ses péchés. »

2. Ceux qui se confient en leur propre force. Le psalmiste expose ici la raison pour laquelle il faut craindre ; car c'est à cause du péché. Et il y a deux raisons pour lesquelles le péché doit être craint.

D'abord, à cause de l'impossibilité d'échapper au châtiment du péché : « Pour eux point de refuge, et ce que l'âme a eu en abomination, voilà leur espérance. »

L'autre raison est due aux maux qui menacent les méchants.

a) Il expose donc d'abord l'impossibilité d'échapper à la peine.

b) Puis il montre les maux qui menacent les méchants : 11 Il ne verra pas.

a. Quelqu'un échappe à des châtiments : d'abord par un secours extérieur, puis par sa propre sollicitude, enfin par absence de sujet, comme lorsqu'il meurt.

Et il montre qu'il n'y échappe par aucun de ces moyens.

- En premier lieu, ni par un secours.

- Ensuite, ni par un remède venant de lui.

- Enfin, ni par absence de sujet.

- Celui qui veut être libéré par un secours est parfois libéré par la puissance de son armée : « Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour que je ne fusse pas livré aux Juifs. » Parfois par ses richesses : « Il donnera tout le bien de sa maison », et se libérera. Parfois par ses amis. Et il montre qu'aucun de ces secours ne peut le libérer de la peine du péché. Et bien que la lecture de la Glose soit différente, cependant celle des Hébreux est la suivante : parce que Dieu libère ceux qui se confient en lui, Le frère ne rachètera point, autrement dit, le frère ne rachètera point ceux qui se confient en lui. C'est pourquoi le psalmiste montre d'abord que par le secours des amis il n'est pas aidé pour échapper à la peine du péché, car la force des amis est insignifiante. Et par conséquent il ne faut pas se confier dans la force matérielle des amis. Aussi dit-il : Ceux qui se confient en leur propre force, c'est-à-dire en leurs amis, ou bien en leur propre force spirituelle ; car « telle voie paraît droite à un homme, mais son issue c'est la voie de la mort ».

Semblablement ceux qui se confient dans la force de leurs richesses ne sont pas libérés par tous ces biens de la peine du péché, parce que « ceux qui se confient dans leurs richesses se flétriront ». Car il ne faut pas se confier dans les richesses matérielles ou spirituelles ; mais que l'homme cherche son salut comme il peut : « Que le sage ne se glorifie pas dans sa sagesse ; que le fort ne se glorifie pas dans sa force ; que le riche ne se glorifie pas dans ses richesses. »

Et aucune personne unie à lui n'est en mesure de le racheter, c'est-à-dire de le libérer du péché, ou de la peine : « Si ces trois hommes, Noé, Daniel et Job, se trouvent au milieu de lui, ils délivreront leurs âmes par leur justice. » Mais puisqu'un frère ne peut racheter malgré sa proximité, un homme rachètera-t-il ? Non, parce qu'un homme ne peut délivrer quiconque de la main de Dieu, mais seul Dieu ainsi que l'homme, c'est-à-dire le Christ, les rachètera ; lui qui est un homme, en tant que prix, c'est-à-dire en qui la mort peut avoir place, et qui est Dieu ayant la puissance de racheter. Ou bien autrement : Le frère, c'est-à-dire le Christ, qui est notre véritable frère : « Je raconterai ton nom à mes frères ; je te louerai au milieu de l'assemblée. » - « Qui me donnera de t'avoir pour frère, suçant les mamelles de ma mère, afin que je te trouve dehors, que je t'embrasse, et que désormais personne ne me méprise ? » Si celui-ci ne rachète pas, qui d'autre rachètera ? Autrement dit : personne.

- il ne donnera pas à Dieu sa rançon. Ici le psalmiste montre qu'ils n'échappent pas à la peine en raison de ce qu'ils accomplissent en état de péché : car les pécheurs ont besoin d'un double remède à cause d'un double mal qu'ils encourent, c'est-à-dire l'offense à Dieu et l'obligation à la peine. Et c'est pourquoi ils ont besoin d'apaiser Dieu : ce qu'eux-mêmes ne peuvent faire, puisqu'ils ne plaisent pas à Dieu, sont ses ennemis, et qu'il n'agrée pas leurs présents ; aussi dit-il : Il ne donnera pas à Dieu sa rançon, car les choses extérieures ne plaisent pas à Dieu, à moins qu'il ne s'agisse d'une grâce intérieure, ce que l'homme comme tel ne peut donner. Semblablement ils ont besoin d'être absous de la peine, et cela aussi l'homme ne peut l'accomplir, aussi dit-il : ni le prix du rachat de son âme, c'est-à-dire que l'homme comme tel ne peut pas le donner et que par conséquent il ne peut pas libérer de la peine : « Quel est l'homme qui vivra et ne verra pas la mort ? [qui] retirera son âme de la main de l'enfer ? » Mais le Christ, qui est Dieu et homme, a donné sa rançon à Dieu pour nous : « Si, lorsque nous étions ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, à plus forte raison, étant réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie. » De même, il a donné l'unique prix de la rédemption : « Vous avez été affranchis de la vaine conduite héritée de vos pères, mais par un sang précieux, comme d'un agneau sans reproche et sans tache, le Christ. » Ou bien, Il ne donnera pas, c'est-à-dire ne se souciera pas de donner sa rançon, ni le prix du rachat de son âme, à savoir celui qui se confie dans les richesses. Et selon cela une autre interprétation peut y être ajoutée : Le frère, c'est-à-dire le Christ, ne rachète[ra] point, parce que ceux-là ne se soucient pas d'apaiser Dieu par la pénitence, parce que le Christ n'aide pas ceux qui refusent de s'aider.

- et il peinera éternellement. Ici le psalmiste montre qu'il n'y échappe pas par sa propre absence, car il est toujours puni ; aussi dit-il : il peinera éternellement, c'est-à-dire sera puni par un supplice éternel : « Ceux-ci iront au supplice éternel », car ils ont refusé de peiner ici-bas, « mais les justes à la vie éternelle. » - « Ils ne seront pas sujets à la peine des hommes, et avec les [autres] hommes ils ne seront pas frappés. » Et pour autant qu'il se peut, ils péchèrent éternellement, car ils préférèrent le péché à la loi de Dieu ; c'est pourquoi ils ne craignent pas la peine ; mais voudraient toujours commettre le péché. et vivra encore jusqu'à la fin, c'est-à-dire sa vie ne cessera pas dans les peines : « Il expiera tout ce qu'il a fait, et cependant il ne sera pas consumé. »

11 Il ne verra pas la mort, lorsqu'il aura vu les sages mourir. L'insensé et le sot périront également.

b. Plus haut le psalmiste a montré qu'il faut craindre à cause du péché. Car il n'y a aucun remède pour échapper à la peine ; mais ici il traite des malheurs qui les menacent à cause de leur imprévoyance : et à ce propos il fait trois choses.

- Il rappelle d'abord leur imprévoyance à propos des maux futurs.

- Puis il rappelle les maux qui les menacent : 12 ils laisseront à des étrangers leurs richesses.

- Enfin il expose l'espérance en Dieu grâce à laquelle il espère être libéré de ces maux : 16 Mais Dieu rachètera mon âme.

- En rappelant leur imprévoyance il fait deux choses.

· Il commence par montrer leur imprévoyance.

· Puis la cause de l'ignorance : lorsqu'il aura vu.

· Ainsi dit-il : tel est celui que tant de maux menacent : Il ne verra pas, c'est-à-dire ne considérera pas sa perte, à savoir sa damnation. Car il appartient aux justes de se souvenir de la fin. Mais à propos de ceux-ci il est écrit dans le Deutéronome : « Le peuple est dénué de sens, et il n'a aucune prudence. »

· Et pourquoi les hommes injustes n'ont-ils pas de prévoyance vis-à-vis d'eux-mêmes ? La raison en est donnée par ce verset de l'Ecclésiastique : « C'est là ce qu'il y a de pire parmi tout ce qui se fait sous le soleil : les mêmes choses arrivent à tous. » Et c'est pourquoi ils ne considèrent pas ce qui peut leur arriver dans le futur. Aussi le psalmiste dit-il : lorsqu'il aura vu [même] les sages mourir ; mais voyant la mort corporelle des justes, ils ne considèrent pas leur gloire : « Ils verront la fin du sage et ne comprendront pas ce que Dieu a décidé à son sujet, et en vue de quoi il l'a mis en sécurité. »

Il y a une différence entre l'insensé et le sot. L'insensé est celui qui possède la connaissance humaine, mais qui ne considère pas les réalités éternelles ; le sot est celui qui ne prend même pas en considération les réalités présentes. Ou bien, l'insensé est celui qui ne fait pas attention aux maux présents, mais aux maux futurs ; le sot est celui qui y fait attention, mais ne les évite pas ; aussi dit-il : L'insensé et le sot périront également. Selon Jérôme, double est la cause du mépris des hommes injustes : la longévité de la vie, et le fait qu'ils voient les sages et les insensés mourir également.

12 Et ils laisseront à des étrangers leurs richesses, et leurs sépulcres [seront] leurs demeures pour toujours. Leurs tentes [subsisteront] de génération en génération, ils invoqueront leurs noms dans leurs terres.

- Ici le psalmiste expose les maux qui arrivent aux pécheurs.

· Et il expose d'abord les maux qui arrivent dans le présent.

· Puis il expose les maux qui arriveront dans le futur : 15 Comme des brebis.

· À propos des maux qui arrivent dans le présent il fait deux choses :

Il expose d'abord les maux qui arrivent dans le présent quant aux biens extérieurs.

Puis quant aux biens intérieurs : 13 Et l'homme, lorsqu'il était en honneur.

Il montre d'abord ce que le méchant perd par la mort. Il dit qu'il perd les richesses ; aussi déclare-t-il : Et ils laisseront a des étrangers leurs richesses.- « Celui qui amasse des richesses, mais d'une façon injuste, au milieu de ses jours il les quittera. » Et il dit : leurs, comme si elles étaient possédées par eux ; ou bien parce qu'ils n'en ont pas usé pour le bien des autres : « Tous cherchent leurs intérêts personnels. » Il dit aussi : à des étrangers, parce que souvent des étrangers, c'est-à-dire des étrangers à la famille selon la chair, reçoivent leurs propres richesses : « Il thésaurise, et il ignore pour qui il les aura amassés. » Que si parfois ils laissent leurs richesses à leurs fils, ils sont cependant étrangers, comme le dit Luc : le prochain est « celui qui a exercé la miséricorde » ? Et il arrive que les fils et les neveux ne fassent rien de bon à l'égard des morts ; au contraire il leur reste deux choses des biens du monde : le tombeau et la réputation des hommes. En parlant de la seconde chose, c'est-à-dire de la réputation des hommes, il dit : Leurs tentes.

En parlant de la première chose, des biens du monde il dit : ils ont eu des maisons, et des vignes et des chars, et beaucoup de biens précieux. Mais qu'auront-ils dans la mort ? Pour palais ils auront un tombeau, et cela éternellement, c'est-à-dire que jusqu'au jour du jugement ils habiteront dans des tombeaux. Ou bien du fait qu'ils se bâtissent des tombeaux recherchés, ils croient y habiter éternellement ; mais ils se font illusion, car leurs tombeaux seront aussi détruits. Aussi, bien que dans leur idée ces tombeaux soient leurs demeures éternellement, il n'en est cependant pas ainsi. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit autrement : « Interiora eorum domus illorum in aeternum (Leurs intérieurs [seront] leurs demeures pour toujours) », car l'homme a une double demeure : extérieure, et cette dernière ne subsiste pas pour toujours : « Mets ordre à ta demeure, car tu vas mourir, et tu ne vivras plus » ; et intérieure, à savoir la conscience, et celle-ci subsiste toujours, soit bonne, soit mauvaise.

Leurs tentes. Ici le psalmiste montre que la réputation, ou ce qui rappelle la mémoire de l'homme après sa mort, ne subsiste pas. Les faits mémorables de l'homme sont ses grands édifices ; c'est pourquoi il dit : Leurs tentes [subsisteront] de génération en génération, autrement dit : elles sont construites comme si elles allaient durer jusqu'à la fin ; mais ils se font illusion, car elles seront détruites : « Où est la maison d'un prince, et où sont les tentes des impies ? » - « Vois-tu tous ces grands édifices ? Il n'en restera pas pierre sur pierre qui ne soit renversée. » Et il dit : Leurs tentes, parce qu'elles ne subsistent pas longtemps en leur possession. ils invoqueront leurs noms dans leurs terres, autrement dit, l'intention de cette édification, c'est qu'ils soient invoqués dans leurs terres : « Venez, bâtissons-nous une cité et une tour dont le sommet touche le ciel ; et rendons notre nom célèbre avant que nous ne nous dispersions en toute la terre. » - « Des enfants et la fondation d'une cité perpétuent le nom » ; voilà pourquoi ils appellent les cités de leur nom, et il dit : leurs (suis), car le nom d'un homme ne s'étend pas au-delà de sa propre terre. Et c'est pourquoi il est insensé pour l'homme de glorifier son nom sur des terres. Ou bien : ils invoqueront leurs noms, c'est-à-dire celui des défunts, sur leurs terres, en apportant de la nourriture à leurs tombeaux.

13 Et l'homme, lorsqu'il était en honneur, n'a pas compris ; il fut comparé aux bêtes sans raison, et il est devenu semblable à elles.

Plus haut le psalmiste a mentionné les maux qui menacent les méchants, quant à la perte des biens extérieurs ; mais ici il expose ce qui les menace à cause de la corruption des biens intérieurs : et à cet égard il fait deux choses.

Il mentionne d'abord le mal de la corruption intérieure.

Puis il montre ce qui résulte de ce mal : 14 Telle est leur voie.

Or il faut savoir que l'homme est composé d'une nature raisonnable et sensitive. Selon la nature raisonnable, l'homme a une ressemblance avec Dieu et les anges : « Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance. » - « Tu l'as abaissé un peu au-dessous des anges, tu l'as couronné de gloire et d'honneur. » Mais selon la nature sensitive il a quelque chose de commun avec les bêtes. Il expose donc d'abord l'honneur de l'homme en tant qu'il a une ressemblance avec les anges ; c'est pourquoi il dit : L'homme, lorsqu'il était en honneur. Selon le Philosophe, l'honneur est quelque chose de plus excellent que la louange : car la louange est ordonnée à une autre chose ; tandis que l'honneur se suffit par lui-même et en lui-même. Il dit : était, c'est-à-dire semblable à Dieu. Et parce qu'il a ces ressemblances, il mentionne d'abord trois choses : il mentionne en premier lieu ce que l'homme ne prend pas en considération, à savoir qu'il est semblable à Dieu. Puis, qu'il se tourne vers l'ignorance et l'abjection bestiale.

En parlant de la première chose il dit : n'a pas compris, à savoir qu'il est fait à l'image de Dieu et qu'il était apte à posséder les réalités célestes : « Ils n'ont point espéré la récompense de la justice, et ils n'ont point cru à l'honneur des âmes saintes. »

En parlant de la deuxième chose il dit : il fut comparé aux bêtes sans raison. Les animaux sans raison agissent sous la passion ; et cela est manifeste, car le chien, dès qu'il se met en colère, aboie ; le cheval, lorsqu'il exprime son désir, hennit ; mais on ne leur impute pas cela, parce qu'ils sont privés de raison. Donc si l'homme, dès qu'il convoite, se met à suivre sa passion, et frappe sous le coup de la colère, il est comparé dans son action aux bêtes sans raison : « Ne devenez point comme un cheval et un mulet, qui n'ont point d'intelligence. »

En parlant de la troisième chose il dit : « Il est devenu semblable à elles » ; car lorsque la nature des bêtes sans raison se tourne vers quelque chose, elle agit ainsi sous la passion, et l'habitude retourne vers la nature. Donc lorsque l'homme a l'habitude de vivre selon la passion, il retourne vers la nature ; aussi le psalmiste dit-il qu'il est devenu semblable à elles, par le poids acquis des oeuvres mauvaises : « Ils sont devenus comme des chevaux emportés par l'amour » ; et c'est pourquoi le Philosophe dit qu'un homme mauvais est pire qu'une bête mauvaise, parce qu'avec la malice il possède l'intelligence pour inventer encore des maux divers.

14 Telle est leur voie, [qui] leur est [une occasion] de scandale ; et après cela ils se complairont dans leurs discours.

Ici il montre ce qui résulte de ce mal qu'ils encourent, à savoir qu'ils sont devenus semblables aux bêtes : car on pourrait dire qu'il n'en résulte rien de mal. Mais il n'en est pas ainsi. Au contraire il en résulte un autre effet.

* Et il montre d'abord ce qui résulte pour eux-mêmes.

* Puis pour les autres.

* Pour eux-mêmes il dit : Telle est leur voie, car il en résulte des passions, [qui] leur [sont] [une occasion de] scandale, parce qu'ils sont troublés intérieurement : « Que leur table soit devant eux une occasion de scandale. » De même extérieurement ils sont aussi troublés, parce qu'ils sont punis et déshonorés. Selon le Philosophe, les dépravés sont remplis de regret.

* Pour les autres il en résulte qu'après cela ils se complairont dans leurs discours. Et il explique cela de deux manières.

Selon une première manière comme suit : après avoir scandalisé intérieurement et accompli le mal, ils veulent que les autres les imitent. Et c'est pourquoi ils s'appliquent à plaire aux autres, afin de les entraîner à pécher : « Si les pécheurs t'attirent par leurs caresses, ne te laisse pas gagner par eux. »

Selon une seconde manière il blâme ainsi la simulation, autrement dit : après avoir ainsi troublé et poursuivi le mal, ils se complairont dans leurs discours, c'est-à-dire s'appliqueront à dire des choses saintes et flatteuses : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis, qui au-dehors paraissent beaux, mais au-dedans sont pleins d'ossements de morts et de toute sorte de pourriture. Ainsi vous, au-dehors, vous paraissez justes aux hommes, mais au-dedans vous êtes pleins d'hypocrisie et d'iniquité » Selon la Glose, ceux qui simulent sont pires que ceux qui sont ouvertement mauvais.

Mais cela est-il vrai ? Il semble que non : « Ils ont publié leur péché comme Sodome, et ils ne l'ont point caché. » Selon une Glose de Jérôme, la seconde planche après le naufrage est de pécher en cachette.

Il faut dire qu'une chose est de ne pas publier un péché, et une autre est de simuler l'innocence. Car publier un péché, c'est un mal parce qu'il scandalise les autres ; mais simuler l'innocence afin d'entraîner les autres au péché est un mal plus grand. Et c'est de cela qu'il parle ici. Une autre version lit : « Et in ore suo benedicent Deum (Ils béniront Dieu dans leurs discours) » ; et on explique cela comme suit : bien qu'intérieurement ils soient des bêtes, cependant extérieurement ils béniront Dieu de leurs lèvres : « Ce peuple m'honore de ses lèvres, tandis que son coeur est éloigné de moi. » Ou bien autrement : ils béniront Dieu pour les maux qu'ils ont accomplis. La version iuxta Hebraeos de Jérôme lit : « Post eos justitiae eorum current (Leurs justices courront après eux) », autrement dit, il n'a pas compris, et il est devenu semblable aux bêtes, et pour cette raison ils scandalisent ; et cela a lieu, parce qu'ils ont voulu être des bêtes. C'est pourquoi après [eux], c'est-à-dire à la fin ils seront mangés par les bêtes, c'est-à-dire par les démons, autrement dit : ils courront à la suite des démons en enfer.

15 Comme des brebis ils ont été mis dans l'enfer, la mort les fera paître. Et les justes domineront sur eux dès le matin ; et leur secours vieillira dans l'enfer après leur gloire. 16 Mais Dieu rachètera mon âme de la main de l'enfer, lorsqu'il m'aura pris.

Ici le psalmiste expose les maux qui arrivent aux pécheurs après cette vie. Et puisqu'il a déjà mentionné deux maux, à savoir qu'ils sont semblables aux bêtes et qu'ils méprisent la sagesse, le troisième mal est qu'ils mettent leur confiance dans la force.

Pour s'opposer au premier mal il dit : puisque ceux-ci sont comme des bêtes, il est juste qu'ils soient punis comme des bêtes ; d'où ces paroles : Comme des brebis ils ont été mis dans l'enfer. Les brebis ne sont pas pourvues de secours par la nature pour se défendre, et c'est pourquoi elles sont exposées au massacre : « Nous sommes regardés comme des brebis de tuerie. » Donc, puisque les méchants en enfer sont tout à fait exposés aux peines, ils sont comme des brebis : « Rassemble-les comme un troupeau pour la boucherie, et prépare-les pour le jour du carnage. » Semblablement les brebis sont tondues, et une fois tondues elles sont tuées ; ainsi les méchants sont d'abord tondus de leur laine, ils sont privés ou dépouillés de leurs biens extérieurs, et ensuite ils sont tués en enfer.

la mort les fera paître.- « Leur lot sera l'étang de feu et de soufre, c'est-à-dire la seconde mort. » Là elle les fera paître ; et il dit : fera paître, car bien que la mort implique une peine, cependant elle ne l'efface pas totalement ; mais elle se maintient toujours comme une peine. Ou bien, la mort, c'est-à-dire le diable : « Et je vis paraître un cheval de couleur pâle. Celui qui le montait se nommait la Mort, et l'Enfer le suivait. » Elle les fera paître, c'est-à-dire les mènera des pâturages vers d'autres pâturages, c'est-à-dire des peines vers d'autres peines : « Qu'il passe des eaux des neiges à une excessive chaleur, et que jusques aux enfers son péché la conduise. » Une autre version lit : « Mors pastor eorum erit (La mort sera leur pasteur) », autrement dit, en cette vie ils sont comme des brebis destinées à l'enfer, et le diable est leur pasteur.

Et [ils] domineront. Ceci s'oppose à ce qu'il a dit plus haut, à savoir que les sages semblent mourir en même temps que les insensés. Il dit ici que les justes domineront sur eux, c'est-à-dire sur les méchants. Ou bien les sages, qui sont appelés justes, domineront sur eux dès le matin, c'est-à-dire au jour du jugement, lorsqu'ils recevront le pouvoir judiciaire : « Vous foulerez les impies, lorsqu'ils seront comme de la cendre sous la planté de vos pieds, en ce jour où j'agirai, dit le Seigneur des armées. »

et leur secours. Tel est ce qu'il a dit : et se glorifient dans la multitude de leurs richesses, autrement dit, leur secours, qui venait de leurs amis et de leurs richesses, vieillira, c'est-à-dire périra en enfer : « Vers qui fuiriez-vous pour avoir du secours ? » - « Voici que je n'ai pas de secours en moi. » après leur gloire, c'est-à-dire proportionnellement à leur gloire : « Autant elle s'est glorifiée, autant donnez-lui de tourment et de deuil. »

- 16 Mais Dieu rachètera mon âme, autrement dit : les méchants ont ces tourments, mais je serai libéré de ceux-ci. Et par quoi ? Par l'effusion du sang du Christ. Mais Dieu rachètera de la main de l'enfer, c'est-à-dire de la main du diable, sous laquelle les hommes étaient avant la venue du Christ : « Je les rachèterai de la mort. » lorsqu'il m'aura pris, c'est-à-dire lorsqu'il aura pris mon âme : « Ce n'est certes pas à des anges qu'il vient en aide, mais c'est à la postérité d'Abraham. »

17 Ne crains pas lorsqu'un homme sera devenu riche, et que la gloire de sa maison se sera accrue. 18 Parce que, lorsqu'il sera mort, il ne prendra pas tous ces [biens], et sa gloire ne descendra pas avec lui.

B. Plus haut le psalmiste a montré ce qui est à craindre dans le monde pour l'homme ; ici il montre ce qu'il ne doit pas craindre, à savoir la prospérité des impies.

1) Et il exhorte d'abord à ne pas craindre la prospérité des méchants.

2) Ensuite il en donne la raison : Parce que, lorsqu'il sera mort.

1. La prospérité des méchants comprend deux choses : l'abondance des richesses, et la sublimité de la gloire.

a) En parlant de l'abondance des richesses il dit : Ne crains pas lorsqu'un homme sera devenu riche.

b) En parlant de la sublimité de la gloire il dit : et que la gloire de sa maison se sera accrue.

a. Et il dit : l'homme. L'homme est composé d'une double nature : animale et raisonnable. Et parfois il est considéré selon l'une, parfois selon l'autre. Ici il est considéré selon sa nature animale, autrement dit : ne crains pas si l'homme animal devient riche, car ces derniers s'enrichissent souvent : « Pourquoi les impies vivent-ils, sont-ils élevés et affermis dans leurs richesses ? » Et de même : « Les tentes du voleur sont dans l'abondance » ; ainsi lorsque tu verras ces choses, ne crains pas. La cause de la crainte peut être double : l'une est de les voir déchaîner leur fureur sur les hommes ; l'autre est que les bons en soient scandalisés, et qu'ils faiblissent dans leur espérance, selon ce verset d'un psaume : « Mais mes pieds ont presque chancelé, et mes pas ont presque dévié [...] Et j'ai dit : "C'est donc sans cause que j'ai gardé mon coeur pur" », autrement dit, par le fait que Dieu fait tant de bien aux méchants, il semblé qu'il ne se soucié pas de nous, selon ce verset de Malachie : « C'est en vain que l'on sert Dieu ; qu'avons-nous à garder ses préceptes, et à marcher avec tristesse devant le Seigneur des armées ? »

b. En parlant de la sublimité de la gloire il dit : et que la gloire de sa maison se sera accrue.- « N'envie pas la gloire et les richesses du pécheur ; car tu ne sais pas quelle sera sa ruine. » - « J'ai vu l'impie exalté et élevé comme les cèdes du Liban ; et j'ai passé, et voici qu'il n'était plus, et je l'ai cherché et sa place ne s'est plus trouvée. »

2. 18 Parce que, lorsqu'il sera mort. Ici le psalmiste donne la raison pour laquelle ils ne doivent pas craindre si les méchants deviennent riches.

a) D'abord, parce qu'un jour ils seront privés de tous les biens extérieurs.

b) Puis qu'ils manqueront aussi de tous les biens intérieurs : Car son âme, pendant sa vie, sera bénie.

a. C'est pourquoi il dit : ils ne doivent pas craindre, parce que Dieu te réserve de plus grands biens. Et ces biens qui leur sont donnés sont transitoires.

Et il montre d'abord que les richesses sont transitoires en disant : Parce que, lorsqu'il sera mort, à savoir le riche, il ne prendra pas tous ces `biens], c'est-à-dire ne pourra rien avoir de tout ce qu'il possède : « Le riche, lorsqu'il s'endormira, n'emportera rien avec lui. » - « Nous n'avons rien apporté dans ce monde, et sans aucun doute nous n'en pouvons rien emporter. »

Puis il montre la privation de la gloire de l'homme pécheur : et sa gloire ne descendra pas avec lui ; car alors sa gloire cesse en même temps que périt sa chair, et l'ignominie lui est réservée en enfer : « Je changerai leur gloire en ignominie. » - « Autant elle s'est procuré de gloire et de délices, autant donnez-lui de tourment et de deuil. »

19 Car son âme, pendant sa vie, sera bénie : il te confessera lorsque tu lui auras fait du bien. 20 Il ira rejoindre les générations de ses pères, et jusque dans l'éternité, il ne verra pas la lumière. 21 L'homme, lorsqu'il était en honneur, n'a pas compris : il fut comparé aux bêtes sans raison, et il est devenu semblable à elles.

b. Ici le psalmiste expose :

- D'abord la privation des biens intérieurs relatifs au corps.

- Puis la privation des biens intérieurs relatifs à l'âme : Il ira rejoindre.

- Il montre donc :

D'abord qu'après cette vie le bien du corps leur fera défaut.

· Puis que le bien de la vertu cessera, si tant il est vrai qu'ils l'ont eu.

· Il dit donc : Car son âme. De même que l'homme est considéré tantôt selon sa nature animale, tantôt selon sa nature raisonnable, ainsi l'âme est-elle considérée de deux manières : parfois selon la vie raisonnable, comme le dit ce verset du Deutéronome : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force. » Parfois selon la vie animale : « Mon âme, tu as de grands biens en réserve pour beaucoup d'années ; repose-toi, mange, bois, fais bonne chère. » Suivant cela il dit donc : Car son âme, c'est-à-dire sa vie animale, pendant sa vie sera bénie, autrement dit : tout ce qu'il a de richesses et de gloire, c'est tout son bien en cette vie ; et au terme de cette vie cessera sa gloire ; et c'est pourquoi il ne peut bénir sa vie sinon pendant sa vie terrestre.

· De même il arrive que des pécheurs louent Dieu, ou accomplissent des oeuvres qui portent sur une catégorie de biens ; mais si l'adversité menace, leur louange cesse, ou leur bonne oeuvre. Et c'est pourquoi il se tourne vers Dieu en disant : « Ô Dieu », c'est-à-dire tel ce pécheur ou quelqu'un se trouvant dans la prospérité te confessera, c'est-à-dire te louera, lorsque tu lui auras fait du bien, à savoir lorsque tu lui auras donné les biens temporels qu'il aime : « La bénédiction du Seigneur enrichit, et l'affliction n'y sera pas mêlée. »

Selon la version iuxta Hebraeos de Jérôme on lit : « Laudabunt te cum bene tibi fuerit (Ils te loueront lorsque cela ira bien pour toi) », c'est-à-dire les hommes louent et se servent des riches, aussi longtemps qu'ils sont dans l'abondance et qu'ils prospèrent dans les richesses ; mais si leur fortune vient à changer, ils changent, ne louent plus, et deviennent au contraire détracteurs.

- 20 Il ira rejoindre. Ici le psalmiste expose la privation des biens spirituels.

· Et il montre d'abord leur privation.

· Ensuite il expose l'ordre suivant lequel on aboutit à cette privation : 21 L'homme.

· Et il expose :

D'abord la privation due à la faute.

Puis la privation due à la peine.

En parlant de la privation due à la fauté il dit : ira rejoindre, à savoir ce pécheur riche en quelque sorte, et que tous louent, tandis que tout va bien pour lui ; ira rejoindre, dis-je, les générations de ses pères, c'est-à-dire par imitation, tandis que tous les maux que toute sa propre génération a commis, lui-même les accomplit : « Et vous, comblez la mesure de vos pères. » - « Ils sont retournés aux anciennes iniquités de leurs pères, qui n'ont pas voulu écouter mes paroles. » Ou bien : il ira rejoindre, etc., car ses propres pères impies sont en enfer, et celui-ci y ira.

En parlant de la privation due à la peine il dit : et jusque dans l'éternité, il ne verra pas la lumière, car de même qu'ici-bas dans sa propre éternité, c'est-à-dire durant sa vie, il a refusé de suivre la lumière de la raison, ainsi jusque dans l'éternité, il ne verra pas la lumière.- « Il ne croit pas qu'il puisse revenir des ténèbres à la lumière. »

- « Quant à ce serviteur inutile, jetez-le dans les ténèbres extérieures ; là il y aura des pleurs et des grincements de dents. »

· Et suivant quel ordre aboutit-il à cette privation ? Etant donné que lorsqu'il jouissait de la lumière de la raison, comme l'homme établi en honneur, il a refusé d'être dirigé par cette lumière, il fut comparé aux bêtes sans raison ; et c'est pourquoi il agit comme les bêtes sans raison, et doit être voué à la tuerie.


Éditions du Cerf

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