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COMMENTAIRE DU PSAUME 50

1 Psaume de David 2 lorsque le prophète Nathan vint le trouver après qu'il fût allé vers Bethsabée.

3 Aie pitié de moi, ô Dieu, selon ta grande miséricorde ; et selon la multitude de tes bontés, efface mon iniquité. 4 Lave-moi complètement de mon iniquité, et purifie-moi de mon péché.

5 Parce que moi je reconnais mon iniquité, et mon péché est toujours devant moi. 6 Contre toi seul j'ai péché, et j'ai fait le mal devant toi, de sorte que tu sois reconnu juste dans tes paroles, et que tu sois victorieux lorsque tu es jugé.

7 Car dans les iniquités j'ai été conçu, et ma mère m'a conçu dans les péchés. 8a Car tu as aimé la vérité.

8b Tu m'as manifesté les choses obscures et cachées de ta sagesse. 9 Tu m'aspergeras avec de l'hysope et je serai purifié ; tu me laveras, et je deviendrai plus blanc que la neige.

10 Tu me feras entendre une parole de joie et d'allégresse, et mes os humiliés exulteront.

11 Détourne ta face de mes péchés, et efface toutes mes iniquités.

12 Crée en moi un coeur pur, ô Dieu, et renouvelle dans mes entrailles un esprit droit. 13 Ne me rejette pas de devant ta face et ne retire pas de moi ton esprit saint. 14 Rends-moi la joie de ton salut, et par ton esprit souverain confirme-moi.

15 J'enseignerai tes voies aux injustes, et les impies se convertiront à toi. 16 Délivre-moi des sangs, ô Dieu, le Dieu de mon salut ; et ma langue célébrera ta justice. 17 Seigneur, tu ouvriras mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange.

19 Parce que si tu avais voulu un sacrifice, je te l'aurais offert ; [mais] tu ne prendras pas plaisir aux holocaustes. 19 Le sacrifice [digne] de Dieu, c'est un esprit brisé ; d'un coeur contrit et humilié, ô Dieu, tu n'auras point de mépris.

20 En ta bienveillance, Seigneur, fais du bien à Sion, afin que les murs de Jérusalem soient bâtis. 21 Alors tu agréeras un sacrifice de justice, des oblations et des holocaustes ; alors on offrira de jeunes taureaux sur ton autel.

1 Psaume de David 2 lorsque le prophète Nathan vint le trouver après qu'il fût allé vers Bethsabée.

Tout au long des dix derniers psaumes, le psalmiste semble avoir traité de ce qui concerne l'état du royaume des cieux, il en a décrit la gloire et nous y a conviés ; mais ici, dans ce psaume, parce que la gloire de ce Royaume est entravée par le péché, il va traiter de son abolition. Et à ce sujet deux choses sont à prendre en considération. D'abord quant à l'ordre des psaumes. Ce psaume est le cinquantième, nombre jubilaire, comme le dit le Lévitique, et à la faveur duquel toutes les fautes étaient remises. Voilà pourquoi ce nombre convient à ce psaume qui traite de la totale rémission des péchés. Et de même, ce psaume occupe la quatrième place dans l'ordre des psaumes pénitentiels, et à bon droit, car le premier a pour objet la contrition du corps : « Je laverai chaque nuit mon lit, etc. » Le deuxième traite de la confession orale : « J'ai dit : "je confesserai contre moi mon injustice au Seigneur, et toi, tu m'as remis l'impiété de mon péché." » Le troisième concerne la satisfaction : « J'ai été affligé et j'ai été humilié à l'excès, je rugissais par suite du gémissement de mon coeur. » Et le quatrième dont nous parlons regarde l'effet de la pénitence. Ce psaume nous montre comment la pénitence restaure l'homme dans l'état de perfection ; aussi parmi tous les autres psaumes est-il celui qui est le plus répété dans l'Église, car ce dernier imploré uniquement la miséricorde, et obtient ainsi le pardon. Cette démarche est facile et peut convenir à n'importe qui. Tandis que les six autres psaumes pénitentiels proposent des choses difficiles, comme par exemple au psaume 6 : « je laverai chaque nuit mon lit ; j'arroserai ma couche de mes larmes. » Ou au psaume 101 : « Je mangeais la cendre comme du pain, et je mêlais mon breuvage avec mes pleurs », ce qui ne peut pas convenir à n'importe qui.

Le titre de ce psaume est : Psaume de David 2 lorsque le prophète Nathan vint le trouver, après qu'il fût allé vers Bethsabée. Cette histoire est clairement racontée dans le deuxième livre des Rois : alors que David était dans la prospérité, il vit une femme qui se lavait, il la désira, commit l'adultère et fit tuer son mari. Cet acte déplut à Dieu qui lui envoya le prophète Nathan, et ce dernier l'amena à prendre son péché en exécration, en prenant l'image de la brebis perdue. Et David de dire : « J'ai péché contre le Seigneur. » Et le péché lui fût pardonné. Et telle est la matière de ce psaume, à savoir la rémission des péchés. À propos du titre de ce psaume, il faut savoir que David parle dans les autres psaumes de choses diverses et différentes, comme par exemple au psaume 21 : « Mon Dieu, mon Dieu », il parle en annonçant la Passion du Christ ; tandis qu'ici il consacre ce psaume à lui-même. Il montre sa faute qui a été rendue manifeste, ainsi que le pardon. Et cela s'est accompli tel que le Seigneur l'a déclaré : « Car tu as agi en secret, mais moi j'accomplirai cette parole en la présence de tout Israël, et en la présence du soleil. » Le motif de cette manifestation est la miséricorde divine, car elle est utile aux justes afin qu'ils ne se prévalent pas de leur justice. Car si David, après tant de victoires, malgré le don du Saint-Esprit, malgré une si grande familiarité avec Dieu et malgré le don de prophétie, a péché, à plus forte raison ne devons-nous pas être sur nos gardes, nous qui sommes fragiles et pécheurs - « Que celui qui se flatte d'être debout prenne garde de tomber. » Elle est également utile aux pécheurs pour qu'ils ne désespèrent pas : « Si tu t'es laissé abattre, ta vigueur, au jour mauvais ne sera que faiblesse », car David recouvra la grâce de la prophétie après avoir commis l'homicide et l'adultère.

Il faut aussi faire remarquer la manière de s'exprimer dans le titre. En disant : lorsqu'[il] vint, il désigne le pardon dont il est question dans ce psaume, car grâce à cette démarche le Seigneur l'écouta et remit son péché ; en revanche lorsqu'il dit : après qu'il fût allé vers Bethsabée, il désigne la faute. Ici deux choses sont soulignées : la première est qu'il nomme la faute en disant : il fût allé, car les paroles du Seigneur sont de chastes paroles. Semblablement l'Écriture n'a nommé que l'adultère alors qu'il avait commis deux péchés : l'adultère et l'homicide. Et cela pour deux raisons : d'abord, afin de nous apprendre à ne pas être prompts à considérer et à divulguer les péchés d'autrui, mais à être très discrets : « Ne tends pas, ô méchant, des embûches à la demeure du juste. » Et cela est signifié dans Matthieu, où le Seigneur énumère les mérites des bons et passe sous silence le démérite des méchants. De même, afin de noter que lorsque quelqu'un commet deux péchés et qu'il en commet un pour en accomplir un autre, l'Écriture passe sous silence le premier pour considérer plus spécialement le second : comme, par exemple, celui qui commet un vol dans le but de s'adonner à la débauche est appelé plutôt fornicateur.

3 Aie pitié de moi, ô Dieu, selon ta grande miséricorde ; et selon la multitude de tes bontés, efface mon iniquité. 4 Lave-moi complètement de mon iniquité, et purifie-moi de mon péché.

Ce psaume comprend deux parties.

I) Dans la première [David] implore la miséricorde ;

II) dans la seconde il promet la correction : 15 J'enseignerai tes voies aux injustes.

I. Dans la première partie il fait deux choses.

A) David demande d'abord le pardon de sa faute ;

B) ensuite il demande la restauration de la sainteté et de la grâce : Parce que moi je reconnais mon iniquité.

A. Il demande donc en premier lieu la miséricorde divine en disant : Aie pitié de moi, ô Dieu. Aussi faut-il savoir que de même qu'il est écrit dans les Proverbes : « Le péché est l'opprobre des peuples », et que n'est pas heureux celui qui abonde en richesses, jouit des plaisirs et se signale par les honneurs, ainsi n'est pas misérable celui qui est pauvre, misérable, débile et infirme, mais bien celui qui est pécheur. Et c'est pourquoi le pécheur dit : Aie pitié de moi, ô Dieu, c'est-à-dire « toi qui as pitié de tous, et qui n'as en dégoût rien de ce que tu as fait ». Et selon l'Apôtre : « J'aurai pitié de qui j'ai pitié, et je ferai miséricorde à qui je ferai miséricorde. » Donc, s'il dépend de ta volonté de prendre en pitié, aie pitié de moi, c'est-à-dire du pécheur. Il ne veut rien prétendre, il ne cherche pas à discuter, mais il prend la voie la plus courte : Aie pitié de moi. De même il n'allègue pas le prétexte de la miséricorde, ni ses services rendus à Dieu, ni les dangers qu'il a encourus pour lui, mais il implore seulement la miséricorde de Dieu, aussi dit-il : selon ta grande miséricorde. - « Ce n'est pas à cause de nos justices que nous déposons devant toi nos supplications, mais à cause de tes grandes miséricordes. » Et il faut noter qu'on peut espérer en la miséricorde divine pour une double raison : la première raison vient de la considération de la nature divine, la seconde vient de cette considération et de la multitude de ses effets.

En premier lieu il montre donc qu'il espère en la miséricorde divine en partant de la considération de la nature divine, car le propre de cette dernière est d'être la bonté même. C'est pourquoi Denys dit que Dieu est l'essence même de la bonté. Et semblablement Boèce, dans son De Trinitate. Aussi cette miséricorde divine n'est-elle rien d'autre que la bonté qu'on implore pour écarter la misère. Donc, lorsque je considère que le propre de la bonté est d'écarter la misère et que Dieu est la bonté même, je recours avec confiance à sa miséricorde.

On dit de cette miséricorde qu'elle est grande en raison de l'incompréhensibilité avec laquelle elle accomplit toutes choses : « De la miséricorde du Seigneur la terre est remplie. » Elle a sa place en tous : en effet les justes ont gardé l'innocence à cause de la miséricorde de Dieu. Augustin disait : « Seigneur, j'impute à ta grâce les maux que je n'ai pas commis. » De même les pécheurs se sont convertis à la justice à cause de la miséricorde de Dieu : « J'ai obtenu miséricorde. » De même ceux qui sont en état de péché éprouvent la miséricorde de Dieu : « C'est grâce aux innombrables miséricordes du Seigneur que nous n'avons pas été consumés. »

Elle est également grande par sa sublimité, car sa compassion dépasse toutes ses oeuvres ; en effet la miséricorde ne désigne pas en Dieu la souffrance de l'âme, mais la bonté pour écarter la misère.

Elle est dite grande pour sa constance : « Dans ma miséricorde éternelle, j'ai eu pitié de toi. »

Elle est dite grande pour sa puissance, car Dieu le Père fit Dieu homme, il fit descendre Dieu du ciel sur la terre et il le fit mourir en étant immortel : « Mais Dieu qui est riche en miséricorde. »

Semblablement, elle est dite grande quant à son effet, car l'homme peut être relevé de toute misère par la miséricorde : « Ta miséricorde est grande envers moi. » - « Tu as remis l'impiété de mon péché. » Et c'est pourquoi je demande avec confiance : Aie pitié de moi, ô Dieu.

De même pour une autre raison : c'est qu'en toutes choses on trouve l'effet de ta miséricorde dès l'origine du monde. Et c'est pourquoi il dit : et selon la multitude de tes bontés, effacé mon iniquité, ce qui revient à dire : aie pitié de moi, parce que bien des fois et en diverses circonstances tu as pris tous les hommes en pitié ; aussi est-il écrit : « Je me souviendrai des miséricordes du Seigneur. » - « Souviens-toi de tes bontés, Seigneur. »

efface mon iniquité. Il expose ici l'effet de celui qui fait miséricorde. Nathan dit à David : « Le Seigneur a déjà transféré ton péché ; tu ne mourras point. » Et ainsi il était sûr de son pardon, mais il voulait que son péché soit totalement extirpé. Car il restait un double effet du péché : l'obligation à la peine et la souillure dans l'âme. Il demande donc en premier lieu que l'obligation à la peine lui soit ôtée, et c'est pourquoi il dit : 4 Lave-moi complètement de mon iniquité. Il faut savoir qu'il est dit dans Jérémie que le péché de Juda fut écrit avec un stylet de feu et avec une pointe de diamant, à la manière du juge écrivant une faute qui reste écrite aussi longtemps qu'il a l'intention de punir, mais s'il renonce à cette intention, alors il ne garde pas ce qui est écrit. Et c'est dans ce sens qu'on dit qu'un péché est écrit avec un stylet à la pointe de diamant, quand il n'est pas effacé. Et tel est ce qu'il dit : efface mon iniquité, c'est-à-dire n'impute pas mon iniquité à châtiment : « C'est moi, c'est moi-même qui efface tes iniquités. » Et encore : « J'ai effacé tes transgressions comme une nuée, et comme une vapeur tes iniquités. » Complètement. Il demande ici que soit effacée l'impureté de sa faute. L'homme qui a l'esprit bien disposé déteste plus l'impureté de sa faute que la rigueur du châtiment, et c'est pourquoi il dit : Lave-moi complètement, ce qui revient à dire : je demande que tu effaces ma peine, mais je demande plus encore que tu purifies ma souillure. Ou bien : Lave-moi complètement, c'est-à-dire au-delà de la faute que moi je reconnais : « Nous ne savons pas ce que dans nos prières il nous faut demander. » - « À celui qui peut faire infiniment plus que tout ce que nous demandons ou concevons. » Deux choses sont nécessaires pour effacer la souillure : l'ablution qui précède et la pureté qui en résulte. Cette ablution s'opère sur les corps au moyen de l'eau ; et ainsi, selon la Glose, ce psaume préfigurait par l'eau la puissance du baptême par laquelle Dieu allait effacer le péché : « Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés de toutes vos souillures, et je vous purifierai de toutes vos idoles. » - « Il y aura une source ouverte à la maison de David pour le péché et l'impureté. » Et bien que le baptême n'ait pas encore été institué, cependant la puissance divine qui lavait était dans ce baptême. D'où ces paroles : Lave-moi complètement de mon iniquité. - « Lave ton coeur de la malice, Jérusalem, afin d'être sauvée. » De même je demande que tu me purifies du péché, car nul n'est purifié si ce n'est par toi : « Qui peut rendre pur celui qui a été conçu d'une semence impure ? » - « De l'impur que peut-on tirer de pur ? » Et il dit deux choses : l'iniquité et le péché. L'iniquité est opposée à la justice, tandis que le péché est opposé à la pureté, et c'est l'adultère. Et ainsi pour David l'iniquité fut en tant qu'il offensa son prochain par l'homicide ; tandis que son péché fut commis par l'adultère dans lequel il se souilla.

5 Parce que moi je reconnais mon iniquité, et mon péché est toujours devant moi. 6 Contre toi seul j'ai péché, et j'ai fait le mal devant toi, de sorte que tu sois reconnu juste dans tes paroles, et que tu sois victorieux lorsque tu es juge.

B. Il avoue ici sa faute.

1) Et il commence par l'avouer.

2) Ensuite, il montre que cette confession a été acceptée par Dieu.

1. Il confesse donc :

a) D'abord sa faute.

b) Ensuite il en souligne la gravité : Contre toi seul j'ai péché.

c) Enfin il en manifeste l'origine par ces paroles : 7 Car dans les iniquités.

a. Il reconnaît donc sa faute en disant : Parce que moi je reconnais mon iniquité. Il y en a qui ne reconnaissent pas leurs péchés pour trois raisons. Parce que la raison est obscurcie par la gravité du péché : « L'impie, lorsqu'il est descendu au fond des péchés, méprise. » - « Mes iniquités m'ont saisi, et je ne puis plus voir. » De même, parce qu'ils ne s'en souviennent pas : « Il ne se souvient plus de ses délices. » Semblablement, à cause des flatteries des hommes : « L'impie applaudit aux désirs de son âme. » Aussi, parce que les autres le louent pour ses péchés, le pécheur ne les reconnaît pas. Mais heureux celui qui reconnaît son péché comme David : « Le coeur connaît le chagrin de son âme et nul étranger ne partagera sa joie. » Il dit ensuite : et mon péché est toujours devant moi. Il y en a d'autres qui, s'ils reconnaissent leur péché, ne le détestent cependant pas ; tandis que David a toujours son péché devant lui comme une chose hostile, nuisible et détestable. Et il dit : toujours, car il en est qui détestent le péché pour un temps : « À peine s'est-il observé qu'il part. » - « Je songerai à toi durant mes années dans l'amertume de mon âme. » Dans le psaume dont il est question, on lit : moi je reconnais mon iniquité. Une autre version lit : coram me (devant moi) ; et ainsi est signifié le fait qu'il reconnaît sa faute et qu'il médite continuellement sur celle-ci. Et ce péché fut exposé devant Dieu par le prophète Nathan sous forme de parabole.

b. 6 Contre toi seul j'ai péché. Plus haut le psalmiste a exposé la reconnaissance de sa propre faute, mais ici il en souligne la gravité. Et à ce propos il fait deux choses.

- Il commence par grossir la faute elle-même.

- Puis il expose ce qui résulte de ce grossissement : de sorte que tu sois reconnu juste.

- Il grossit cette faute par respect à l'égard de Dieu, et cela pour deux raisons, comme le rapporte Jérémie : « Moi je serai le juge et le témoin. » Car il semble mépriser le Dieu juge, celui qui ne craint pas de pécher à cause de son jugement. Et semblablement il méprise le Dieu témoin, celui qui pèche devant ses yeux, et c'est pourquoi il dit : Contre toi seul j'ai péché. Mais n'a-t-il pas péché contre Urie qu'il a tué ? Assurément. Mais il dit Contre toi seul, c'est-à-dire Dieu, car lui-même n'est pas soumis à son serviteur, mais à la sentence divine. Car lorsque le maître, qui est au-dessus de l'esclave, pèche, il ne pèche pas contre son serviteur mais contre Dieu : « C'est le Seigneur qui vous a donné le pouvoir et le Très-Haut la souveraineté, c'est lui qui examinera vos oeuvres et scrutera vos pensées. » Ou bien : Contre toi seul, c'est-à-dire j'ai péché par rapport à toi seul. Et cela peut se référer soit à Dieu, soit au Christ. On dit en effet pécher contre Dieu par rapport au juste. Et donc Contre toi seul j'ai péché, parce que toi seul es sans péché. De même pour le Christ qui fut absolument sans péché. Ainsi Contre toi seul j'ai péché, en méprisant ton jugement. Et je t'ai également méprisé comme témoin, car j'ai fait le mal devant toi, je l'ai fait sous ton regard et en ta présence : « Schéol et abîme sont devant le Seigneur : combien plus le coeur des enfants des hommes. » - « Les yeux du Seigneur sont beaucoup plus lumineux que le soleil. »

- Il expose ensuite la conséquence de l'amplification de sa faute. Et cela peut être interprété de deux manières. Mais je dirai surtout ce qui est le plus vraisemblable. Car la conjonction ut peut être prise parfois au sens causal, parfois au sens de conséquence uniquement, et alors son sens est : j'ai fait le mal [à tes yeux] de sorte que toi tu sois reconnu, car personne n'est justifié en raison de son péché, mais il résulte du péché, c'est-à-dire du fait que l'homme pèche, que la justice divine est rendue plus manifeste ; car il est évident que Dieu l'a puni à cause de ses péchés. Or cette punition consiste en deux choses. Il commence d'abord par menacer. Ensuite il fait subir un châtiment. Et dans l'une et l'autre chose il est juste.

Au sujet de la menace il dit : dans tes paroles, avec lesquelles tu le menaces d'un châtiment : « Toutes les paroles de ma bouche sont justes. »

Ensuite il dit : que tu sois victorieux lorsque tu es jugé, c'est-à-dire que tu sois associé aux autres dans le jugement. Souvent Dieu, afin de manifester sa justice ainsi que la nôtre, veut être jugé par nous-mêmes : « Jugez entre moi et ma vigne. » Et en cela Dieu apparaît encore plus juste : « S'il veut disputer avec Dieu, il ne pourra répondre une chose sur mille. » Et que ce soit l'intention de ce psaume, ce verset de l'Apôtre aux Romains nous le montre : « Dieu est véridique, tout homme est menteur. » Mais, selon la Glose, ces paroles : de sorte que tu sois reconnu juste dans tes paroles, etc. ne dépendent pas de : j'ai fait le mal en ta présence, mais de : Contre toi seul, c'est-à-dire par rapport à toi qui seul es juste, et en tant que toutes tes paroles sont justes. Et donc ce ut est pris au sens causal, ce qui revient à dire : c'est en tant que tu es juste que tu [seras] reconnu juste. Ou bien si on rapporte ces paroles au Christ, en voici le sens : Contre toi seul, c'est-à-dire contre le Christ, j'ai péché, parce que tu es juste, et que tu sois victorieux, sur tous les hommes, lorsque tu es jugé, c'est-à-dire même quand tu es jugé par Pilate. Ou bien autrement : que tu sois reconnu juste, en cela je demande surtout que tu me laves précisément pour que tu sois reconnu juste, c'est-à-dire afin que nos promesses soient parfaitement vraies, à savoir que le Christ naîtrait, lui qui fut promis à David : « Du fruit de tes entrailles je mettrai un fils sur ton trône », et que son péché serait remis : « Le Seigneur aussi a transféré ton péché ; tu ne mourras point. » que tu soit victorieux lorsque tu es jugé par les hommes, parce que tu n'es pas tenu d'accomplir tes promesses, et que tu n'es pas obligé d'ôter mes péchés.

7 Car dans les iniquités j'ai été conçu, et ma mère m'a conçu dans les péchés. 8a Car tu as aimé la vérité.

c. Il expose ici la racine de la faute. La racine de toute faute actuelle est le péché originel, qui fut contracté par la souillure des premiers parents ; cette souillure était dans le père et la mère de David lui-même. Quant à son père il dit : dans les iniquités j'ai été conçu, iniquités non actuelles, car il fut né ou engendré non de l'adultère mais du mariage et de saint Jessé, comme le rapporte le livre de Ruth ; mais il fut conçu dans le péché originel, car tous naissent dans ce péché : « De même que par un seul homme le péché est entré dans le monde, et la mort par le péché, ainsi la mort a passé dans tous les hommes par celui en qui tous ont péché. » Cependant, étant donné que le péché originel est unique, pourquoi dit-il : dans les iniquités ? Il faut répondre que le péché originel est unique dans son essence, comme on l'a dit, mais qu'il est multiple en puissance, car il donne l'occasion de commettre tous les autres péchés : « Le péché qui est dans ma chair a fait son oeuvre. » Et cela diminue la faute, ce qui revient à dire : Quoi d'étonnant si je pèche car j'ai été conçu dans les péchés. Quant à sa mère il déclare : ma mère m'a conçu dans les péchés. Mais les parents de David n'étaient-ils pas purifiés du péché originel par la circoncision ? Il faut dire que le baptême et la circoncision purifient l'âme de la faute originelle, mais que le foyer demeure encore, et que la circoncision s'accomplissait dans la chair, et que l'homme engendre des fils charnels selon la chair ; et c'est pourquoi il était nécessaire que le fils nouveau-né soit circoncis comme est baptisé celui qui est né de parents baptisés. Une autre version lit : « Aluit me mater mea (m'a nourri). » Cela se rapporte aux péchés actuels, car on aperçoit aussi des mouvements désordonnés chez les enfants, comme le dit Augustin dans ses Confessions. Une autre version lit : « Peperit me, etc. (m'a enfanté). » Et elle s'exprime ainsi parce que certains sont sanctifiés dans le sein, mais tous sont conçus dans le péché originel, excepté le Christ ; et c'est pourquoi il dit qu'il n'a pas été sanctifié dans le sein, mais qu'il est né dans le péché originel. 8a Car tu as aimé la vérité. Celui qui veut satisfaire doit aimer ce que Dieu aime. Or Dieu aime la vérité de la foi : « Quiconque est de la vérité écoute ma voix. » Et aussi la justice : « Miséricorde et vérité marchent devant ta face. » Cette justice est requise pour celui qui fait pénitence afin de punir en lui son manque. La confession est aussi nécessaire pour avouer ses péchés.

8b Tu m'as manifesté les choses obscures et cachées de ta sagesse. 9 Tu m'aspergeras avec de l'hysope et je serai purifié ; tu me laveras, et je deviendrai plus blanc que la neige.

2. Le psalmiste demande ici d'être entièrement relevé.

a) Et il expose d'abord son espérance.

b) Ensuite sa demande.

a. Il commence donc :

- Par exposer le bienfait qu'il a reçu [et] grâce auquel son espérance a été ranimée.

- Ensuite, il expose sa confiance : Tu m'aspergeras.

- Il a fait mémoire du bienfait de sa puissance lorsqu'il dit : les choses obscures et cachées, car le roi a reçu le bienfait de la prophétie : « L'esprit du Seigneur s'est exprimé par moi, sa parole est sur ma langue. » Et il expose trois choses : la matière de la prophétie, son mode et sa cause.

Il fait connaître la matière de la prophétie lorsqu'il dit : les choses obscures et cachées. La prophétie traite de ces choses, c'est-à-dire des choses obscures et cachées, qui sont renfermées dans ta sagesse. Il y a en nous une double ignorance par rapport à la connaissance de Dieu. Ou bien nous ignorons quelque chose à cause de notre faiblesse, ou bien à cause de notre limite. Par faiblesse nous ignorons un événement qui doit arriver parce qu'il n'a pas encore de vérité déterminée. Par notre limite nous ignorons les réalités divines qui dépassent notre capacité. Ces deux connaissances furent données à David par l'esprit de prophétie : « En vérité, le Seigneur Dieu né fait rien qu'il n'ait révélé son dessein à ses serviteurs les prophètes. » Tu m'as manifesté les choses obscures, c'est-à-dire celles qui sont sujettes au changement par nature, et celles-ci lui furent révélées, comme le dit le psaume. On appelle cachées les choses qui échappent à l'oeil de notre esprit : « La sagesse a une origine secrète. » Et : « C'est moi qui ai habité dans les lieux les plus élevés, et mon trône est dans une colonne de nuée. » Et ces choses sont le propre de la sagesse de Dieu, ce qui revient à dire : bien que ces choses nous soient cachées, elles sont cependant comprises dans ta sagesse. Et parmi ces choses cachées il rappelle le mystère de l'Incarnation, ce que Tu m'as [aussi] manifesté. La miséricorde divine est également comptée au nombre de celles-ci, car il lui a remis ses péchés. Mais il vaut mieux que le mot occulta (les choses cachées) soit pris au sens universel.

Il expose le mode de la révélation lorsqu'il dit : Tu m'as manifesté. La prophétie comprend deux modes. Le premier révèle la vérité surnaturelle et intelligible sous des similitudes corporelles et imagées ; et ainsi il est écrit : « Je vis le Seigneur assis. » Le deuxième révèle la vérité surnaturelle et intelligible sans l'ombre de l'imagination irréelle ; ou plutôt cette vérité surnaturelle n'est pas encore révélée, mais elle le fut d'une certaine manière à Moïse : « Il vit la forme de Dieu dans l'évidence, non en énigmes. » Telle fut également la révélation qui fut faite à David : « Le Dieu d'Israël m'a parlé. » Et plus loin : « Comme la lumière du matin au lever du soleil, un matin sans nuages. » - 9 Tu m'aspergeras avec de l'hysope. Plus haut le psalmiste a rappelé le bienfait que Dieu lui a donné par la grâce de la prophétie, grâce qui l'élevait dans l'espérance ; mais ici il montré ce qu'il espérait obtenir de Dieu. Et il y eut deux choses. Il espère d'abord l'éloignement des maux qu'il encourt par le péché. Puis il espère la restitution des biens qu'il avait perdus : Tu me feras entendre. Car il faut savoir que l'homme encourt par le péché d'abord l'impureté : « Tu es souillée par ton iniquité. » Ensuite il encourt la honte ; d'où ces paroles des Lamentations : « Leur face est devenue plus noire que des charbons. » Et David espère que ces deux choses s'éloigneront de lui : la souillure et la honte spirituelle. L'impureté est due au fait que l'affection de l'homme s'attache aux choses temporelles, auxquelles il s'assimile ; c'est pourquoi s'il s'attache aux choses temporelles qui sont viles ; comme l'or uni au plomb, il devient vil : « Ils devinrent abominables comme l'objet de leur amour. » La honte en revanche est due au fait qu'il s'attache aux choses terrestres ; la lumière de sa raison s'en trouve obscurcie puisqu'il dévient semblable aux animaux grossiers : « Mais dans sa splendeur, l'homme ne dure pas, il est semblable aux bêtes qui périssent. » Et c'est pourquoi l'âme devient noire ou obscure. Aussi, touchant la pureté, il dit : Tu m'aspergeras avec de l'hysope, et en disant cela il fait allusion au rite de l'Ancien Testament où le troisième jour on aspergeait l'impureté avec de l'eau lustrale, et le septième jour on se lavait ainsi que ses vêtements. Cette purification se faisait avec de l'hysope, c'est pourquoi il dit : Tu m'aspergeras avec de l'hysope. Cette eau était composée de cendres de veaux roux, par laquelle était préfiguré le Christ. Aussi par cette aspersion qu'il demande est signifiée l'aspersion du sang du Christ : « selon la prescience de Dieu le Père, dans la sanctification de l'Esprit, pour obéir et être aspergés du sang de Jésus-Christ ». - « Vous vous êtes approchés de la montagne. » Et plus loin : « D'une aspersion de sang plus éloquente que celle du sang d'Abel. » Cela se faisait avec de l'hysope. L'hysope est une plante qui adhère à la terre et soigne l'enflure, comme on le rapporte dans la Glose ; et elle convient à la foi qui possède l'humilité, car l'intelligence est soumise à Dieu par la foi : « Nous faisons toute pensée captive pour l'amener à obéir au Christ. » Elle est aussi enracinée sur la pierre, c'est-à-dire sur le Christ : « Sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. » - « Cette pierre était le Christ. » Semblablement elle chasse l'orgueil de l'esprit humain qui habite en ceux qui n'obéissent pas à la foi au Christ : « Si quelqu'un enseigne autre chose et ne reste pas attaché aux saines paroles de notre Seigneur Jésus-Christ », « celui-là ne lui appartient pas ». Il dit donc : Seigneur, moi j'ai la ferme espérance que tu m'aspergeras avec l'eau lustrale : « Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés. » tu me laveras. Car après la foi le baptême est nécessaire : « Il y aura une source ouverte à la maison de David et aux habitants de Jérusalem, pour laver le pécheur et la femme qui est dans ses mois. » - « Lavez-vous, purifiez-vous. » Le psalmiste expose l'effet de cette purification en disant : je deviendrai plus blanc que la neige, car la noirceur sera enlevée, et cela parce que l'âme sera plus blanche que la neige : « Quand vos péchés seraient comme l'écarlate, comme neige ils blanchiront. » Et il dit : plus que la neige, car la candeur de l'âme sanctifiée surpasse toute beauté corporelle, comme le dit Matthieu à l'occasion de la transfiguration du Christ dont les vêtements devinrent blancs comme de la neige. Tous les justes appartiennent aux vêtements du Christ : « Ils seront eux tous comme une parure dont tu te revêtiras. » Et en disant : plus blanc que la neige, il signifie qu'il appartient au vêtement du Christ par le baptême : « Vous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ », dit l'Apôtre aux Galates.

10 Tu me feras entendre une parole de joie et d'allégresse, et mes os humiliés exulteront.

b. Il expose ici comment il a l'espérance de recouvrer les biens qu'il avait perdus. Et ils sont deux : le don de prophétie et la joie de la conscience.

- Le don de prophétie est comparé à l'oreille, car le prophète ne voit pas l'essence de Dieu au point de voir en elle des révélations, mais certains signes de la vérité révélée sont donnés à l'âme du prophète, et ces signes se communiquent par mode de locution : « Parle, seigneur, car ton serviteur écoute. » Et encore : « Ce que j'ai entendu du Seigneur des armées, Dieu d'Israël, je vous l'ai annoncé. » David avait entendu mais son péché l'en avait empêché, aussi espérait-il qu'il recouvrerait ce qu'il avait perdu, et c'est pourquoi il dit : Tu me feras entendre, etc. Ou bien : « à mon oreille », par laquelle j'ai entendu de Nathan que mon péché avait été effacé et d'où j'éprouvai de la joie. Quant à la joie de la conscience il faut savoir que la joie spirituelle comprend trois degrés.

· Le premier consiste en la complaisance du sentiment.

· Le deuxième dans la dilatation du coeur.

· Le troisième dans l'expansion vers l'extérieur.

· La complaisance est signifiée par la joie lorsqu'il dit : Tu me feras entendre, etc., c'est-à-dire parce que j'entends ce que tu dis, ou bien ce qu'a dit Nathan : « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ; je le dis encore, réjouissez-vous. »

· Lorsque son sentiment se repose dans l'objet aimé, alors son âme se dilate pour recevoir plus de joie ; et cela se manifeste également dans les réalités sensibles : « Notre coeur s'est dilaté », et c'est pourquoi il dit : laetitiam (l'allégresse), qui implique ici la dilatation à la manière de l'allégresse.

· Mais par la suite l'allégresse rejaillit également sur le corps : « Un coeur joyeux rend la santé florissante, une âme triste dessèche les os », et c'est pourquoi dans la vision de la gloire, dans la Patrie après la résurrection, le corps sera glorifié en raison de la joie de l'âme : « Vous verrez et votre coeur se réjouira, et vos os comme l'herbe germeront. » Et c'est ce que le psalmiste dit lui-même : mes os humiliés exulteront ; et cela à la glorification présente, car par la tristesse de la pénitence le coeur de l'homme est broyé ; et c'est pourquoi lorsque les hommes sont joyeux cela signifie que leurs os, qui ont été broyés et brisés, participent à la joie : « La tristesse dans le coeur de l'homme l'humiliera. » Et encore : « Il remplira de splendeurs ton âme et il délivrera tes os. » Ou bien : mes os exulteront, c'est-à-dire les vertus spirituelles qui grandissent par l'allégresse spirituelle, et parce que par cette allégresse le juste est fortifié.

11 Détourne ta face de mes péchés, et efface toutes mes iniquités. 12 Crée en moi un coeur pur, ô Dieu, et renouvelle dans mes entrailles un esprit droit. 13 Ne me rejette pas de devant ta face et ne retire pas de moi ton esprit-saint. 14 Rends-moi la joie de ton salut, et par ton esprit souverain confirme-moi.

- Il demande ici le recouvrement de son innocence. Et parce qu'il considère qu'il y a en lui le mal de la faute et le bien de la grâce :

· Il demande d'abord que le mal ou le péché soit écarté.

· Ensuite il demande que l'effet du péché soit ôté : Crée en moi, ô Dieu, un coeur pur.

· Car le péché n'est pas effacé au point qu'il n'ait pas existé, mais le péché commis qui encourt un châtiment ne lui est pas imputé, selon ce verset d'un psaume : « Bienheureux l'homme à qui le Seigneur n'impute pas le péché. » Il parlé à la manière d'un juge punissant qui évalue la grandeur de la faute et qui ensuite détermine le châtiment ; aussi demande-t-il de ne pas considérer son péché, et c'est pourquoi il dit : Détourne ta face de mes péchés. Puis il demande que le châtiment ne lui soit pas infligé, aussi dit-il : efface toutes mes iniquités, ce qui revient à dire : je sais que j'ai accompli le mal à tes yeux et c'est pourquoi je demande que tu détournes ta face de mes péchés, c'est-à-dire que tu ne considères pas mes péchés pour me punir : « Je ne me souviendrai plus de toutes ses iniquités. » Semblablement j'ai mérité le châtiment de la damnation, mais je demande que tu l'effaces ; car Dieu, bien qu'il soit immuable dans son dessein, modifie cependant sa sentence.

· un coeur pur Plus haut le psalmiste a demandé que le péché soit supprimé ; ici il demande que les effets du péché soient supprimés. Il y en a deux : la souillure de l'âme et le désordre de l'affection.

Le premier effet est dû au fait que l'homme s'adonne aux choses terrestres, c'est pourquoi il demande la pureté du coeur : « Bienheureux les coeurs purs, ils verront Dieu » ; aussi dit-il : Ô Dieu, crée en moi un coeur pur et renouvelle dans mes entrailles un esprit droit. Dieu seul peut restituer cette pureté du coeur : « Qui peut rendre pur celui qui a été conçu d'un sang impur ? N'est-ce pas toi seul ? » c'est-à-dire toi qui es parfaitement pur. Et il dit : Crée. Quelque chose est créé comme être de nature lorsqu'il est produit comme être à partir de rien : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. » De même lorsque quelque chose est produit comme être de la grâce : « Quand j'aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science ; quand j'aurais toute la foi, au point de transporter des montagnes, si je n'ai point la charité, je ne suis rien » dans l'ordre de la grâce. Mais lorsque Dieu, par l'opération de la grâce, opère en celui qui l'a, on dit qu'il le magnifie. Mais quand d'un pécheur il fait un juste, on dit alors qu'il crée à proprement parler : « Nous sommes son ouvrage, créés dans le Christ Jésus en vue des bonnes oeuvres. » Et encore : « Afin que nous soyons comme les prémices des créatures de Dieu », c'est-à-dire de ses créatures spirituelles.

Le second effet dû au péché est le désordre de l'esprit qui consiste en l'aversion de la fin à laquelle nous sommes destinés. Comme en se tournant vers quelque bien passager l'âme devient impure, ainsi se détourne-t-elle de sa fin par l'aversion ; et à ce désordre s'oppose la rectitude par laquelle l'homme est dirigé vers Dieu : « Ceux qui ont le coeur droit t'aiment », et c'est pourquoi il dit : et renouvelle un esprit droit, c'est-à-dire tu m'accorderas de nouveau ce que j'ai perdu par le péché : « Renouvelez-vous dans l'esprit de votre âme. » Et : renouvelle, non extérieurement, mais dans mes entrailles, c'est-à-dire afin que non seulement les lèvres soient droites pour parler mais que le coeur soit droit pour connaître.

- 13 Ne me rejette pas de devant ta face et ne retire pas de moi ton esprit saint. Le psalmiste demande ici la restitution de la grâce.

· Et il demande d'abord la restitution de la grâce proprement dite ;

· Ensuite il demande l'effet de la grâce : Rends.

· On dit avoir la grâce de Dieu de deux manières : car on dit avoir la grâce de Dieu et la grâce de l'homme ; et dans ce cas il y a une ressemblance entre elles, à savoir lorsqu'on est agréable à l'un comme à l'autre, c'est-à-dire à Dieu et à l'homme. Et cette grâce est appelée grâce gratum faciens (qui rend agréable) : « Lui qui nous a prédestinés à l'adoption de ses enfants par Jésus-Christ, selon le dessein de sa volonté ; pour la louange de la gloire de sa grâce dont il nous a gratifiés par son bien-aimé Fils. » Et selon cela la grâce est appelée bienveillance de Dieu ; c'est par cette bienveillance que Dieu aime l'homme en vue de la vie éternelle. Mais elles diffèrent entre elles, car la grâce de l'homme ne le rend pas bon, mais par sa bonté il devient agréable à son prochain ; tandis que pour Dieu c'est le contraire : car il résulte de la bienveillance divine que l'homme devient bon. Il y a donc deux choses dans la grâce de Dieu : la bienveillance proprement dite, et son effet dans l'âme. Et David demande l'une et l'autre quand il dit : Ne me rejette pas. Ce qui peut être interprété de deux manières. Celui qui est devant le visage de quelqu'un est vu de lui et il peut également le voir. On dit que David est devant le visage de Dieu selon ces paroles : « Il vit, le Seigneur Dieu d'Israël, devant qui je me tiens. » Et encore : « Dieu en présence duquel nos pères ont marché. » Et cela parce que les coeurs droits sont faits pour vivre de la vie de Dieu : « J'ai demandé au Seigneur une seule chose : c'est d'habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie. » Par le péché on perd l'un et l'autre : car les pécheurs abandonnent Dieu et sont abandonnés de Dieu. Et ils perdent aussi la confiance qu'ils doivent mettre en lui. Il est écrit dans Isaïe : « Vos iniquités ont mis une séparation entre vous et votre Dieu, etc. ». Voilà pour ce qui regarde l'abandon. Et ce qui suit : « Vos péchés vous ont caché sa face, afin qu'il ne vous écoutât point. » Voilà pour ce qui regarde la perte de la confiance. David est donc rejeté de la face de Dieu par le péché. Et c'est pourquoi il demande de ne pas être finalement rejeté selon l'une et l'autre manière. Semblablement il faut savoir qu'il y a deux choses dans l'homme : la faute à cause de laquelle il mérite un châtiment, et la nature par laquelle il se conforme à la grâce. Aussi demande-t-il que Dieu ne considère pas sa fauté mais sa nature ; c'est pourquoi il dit : Ne me rejette pas. De même, le don de la grâce est donné par la charité ; et un tel don est accordé par le Saint-Esprit, aussi dit-il : ne retire pas de moi ton esprit saint, dont j'avais été le temple, mais que j'ai perdu par le péché : « L'esprit saint qui nous enseigne fuit la duplicité. » Donc ne me l'enlève pas, c'est-à-dire finalement, rends-moi. Car la grâce produit deux effets dans l'homme : l'un a trait aux réalités supérieures, parce qu'il donne la joie ; car celui qui a la grâce a la charité, et celui qui a la charité aime Dieu et le possède ; et celui qui a ce qu'il aime se réjouit. Donc là où est la charité, là est la joie : « Le règne de Dieu n'est pas affaire de nourriture et de boisson, mais il est joie dans l'Esprit-Saint. »

· Cette joie, le psalmiste l'avait perdue ; et c'est pourquoi il demande qu'elle lui soit restituée, lorsqu'il dit : Rends-moi la joie, non des choses mondaines, mais de ton salut, c'est-à-dire de ta rédemption. Une autre version lit : « laetitiam Jesu (l'allégresse de Jésus) », c'est-à-dire du Sauveur par qui s'opère la rémission des péchés : « J'exulterai en Dieu mon Jésus. » L'autre effet a trait aux réalités inférieures. Et cet effet est la confirmation dans la grâce qui s'opère par le Saint-Esprit. par ton esprit souverain confirme-moi. Or le Saint-Esprit confirme de deux manières. Selon une première manière il affermit contre les maux : « Le Seigneur me tenant de sa main puissante et m'instruisant. » Selon une seconde manière il confirme dans le bien : « Ceux qui espèrent dans le Seigneur renouvellent leurs forces. » Cette force s'acquiert par le Saint-Esprit : car le corps n'est pas ferme pour se soutenir ni pour agir sans la force spirituelle ; de même l'homme n'est pas fort sans l'Esprit-Saint. Mais celui-là ne donne la force que s'il est l'Esprit souverain. Car la puissance inférieure n'est pas suffisante pour accorder son secours contre la puissance supérieure. Et la puissance du diable est considérable : « Il n'est pas sur terre de puissance qui puisse être comparée à lui. » Contre le diable l'homme a donc besoin d'être aidé par l'Esprit souverain, c'est-à-dire l'Esprit qui est à la tête et qui domine sur toutes choses. Et l'homme a besoin de cet Esprit contre l'esprit de la chair : « Dieu très fort des esprits de toute chair. » De même contre l'esprit du monde : « Nous n'avons point reçu, nous, l'esprit du monde, mais l'Esprit qui vient de Dieu. » Semblablement contre l'esprit du diable : « L'esprit malin, envoyé de Dieu, saisit Saül. » Il faut noter que dans ce passage il y a trois mentions de l'esprit : car il est appelé esprit droit, esprit saint et esprit souverain. Et selon la Glose, certains prennent le mot esprit essentiellement en tant qu'est esprit tout ce qui n'appartient pas au corps. C'est pourquoi le mot esprit désigne le Père et le Fils et l'Esprit-Saint. Mais il vaut mieux le prendre personnellement. Or l'Esprit-Saint accomplit trois choses dans l'homme. D'abord la rectitude de l'intention : « Ton esprit qui est bon me conduira. » De même il nous sanctifie : « selon l'Esprit de sanctification ». Semblablement il nous ennoblit et fait de nous des princes : « Et parce que vous êtes fils de Dieu, Dieu a envoyé dans vos coeurs l'Esprit de son Fils. »

15 J'enseignerai tes voies aux injustes, et les impies se convertiront a toi. 16 Délivre-moi des sangs, ô Dieu, le Dieu de mon salut ; et ma langue célébrera ta justice. 17 Seigneur, tu ouvriras mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange.

II. Plus haut le psalmiste a exposé ses demandes à Dieu ; ici il promet une compensation.

A) Et il promet d'abord ce qu'il fera pour Dieu dans le présent.

B) Ensuite ce qu'il fera pour Dieu dans le futur : 20 En ta bienveillance.

A. Concernant sa promesse présente il fait deux choses.

1) Il promet d'abord à Dieu quelques sacrifices spirituels.

2) Ensuite il justifie son abstention de sacrifices charnels : 18 Parce que si tu avais voulu.

1. Il promet à Dieu un double sacrifice spirituel, à savoir un sacrifice d'enseignement par lequel le prochain sera instruit. Puis il promet un sacrifice de louange par lequel Dieu sera loué : Délivre-moi.

Il dit donc : J'enseignerai tes voies aux injustes. Il faut noter ce qu'il a affirmé plus haut dans un autre psaume : « Mais au pécheur Dieu a dit : "Pourquoi racontes-tu mes justices, et prends-tu mon alliance en ta bouche ?" » En disant cela il montre qu'il ne convient pas à un pécheur de répandre l'enseignement divin. Et c'est pourquoi, aussi longtemps qu'il s'estimé pécheur, il ne promet pas de manifester sa doctrine ; mais après que Dieu lui a restitué son esprit souverain, il lui convient et de posséder une telle doctrine, et de l'enseigner aux autres : « Je vous pourvoirai de pasteurs selon mon coeur, qui vous nourriront avec intelligence et doctrine. » Et au sujet du Christ il est écrit dans les Actes : « Jésus a commencé par faire et [ensuite] enseigner. » Cependant le fruit de cette doctrine est non seulement la spéculation de la vérité en vue de la contemplation bienheureuse, mais aussi la considération de sa fin qui est la conversion des pécheurs ; et c'est pourquoi il dit : et les impies se convertiront à toi. - « Eux reviendront vers toi, et toi, tu n'auras pas à revenir vers eux ! » Et encore : « Toutes les nations se convertiront au Seigneur. » Et selon la Glose, il dit que les impies et les injustes sont les mêmes, bien qu'il comprenne que les injustes sont ceux qui pèchent contre Dieu ; et c'est pourquoi il dit expressément : J'enseignerai aux injustes, ce qui revient à dire : certains, même s'ils vénèrent Dieu, agissent contre le prochain et commettent des actions injustes ; aussi je leur enseignerai tes voies, c'est-à-dire afin qu'ils n'offensent pas le prochain : « Nous avons reçu de Dieu un commandement, que celui qui aime Dieu aime aussi son frère. » Délivre-moi des sangs. Il promet ici un sacrifice de louange. Or ce sacrifice comprend deux empêchements. L'un est la culpabilité qui vient du pécheur, l'autre est la faiblesse intérieure. Il demande donc l'éloignement du premier empêchement, ensuite l'éloignement du second : Seigneur, tu ouvriras mes lèvres. Il demande donc l'éloignement du premier empêchement et promet un sacrifice de louange. L'empêchement à la louange divine, comme on l'a dit, est la culpabilité de la faute : « La louange ne sied pas à la bouche du pécheur. » Or David était coupable d'une faute grave, et c'est pourquoi il demande d'en être délivré ; aussi dit-il : Délivre-moi des sangs. Selon la Glose, ce mot sang n'est pas employé au pluriel, mais le traducteur a voulu l'utiliser pour exprimer la pluralité du péché. Et cela se rapporte à la concupiscence de la chair, qui est la chair et le sang : « Ni la chair ni le sang ne t'ont révélé ceci, mais mon Père qui est dans les cieux », ce qui revient à dire : délivre-moi des péchés commis à cause de la chair et du sang. Ou bien il faut dire que David avait commis un péché d'adultère et d'homicide ; et dans l'un et l'autre cas il est question de sang, car dans l'homicide le sang est répandu : « Le Seigneur aura en abomination l'homme de sang et le fourbe. » Mais l'adultère est causé par le bouillonnement du sang ; et c'est pourquoi il dit : des sangs. - « Le sang s'est mêlé au sang. » Ô Dieu, délivre-moi donc des sangs, car toi seul le peux : « C'est moi qui efface tes iniquités, par égard pour moi. » Et parce que tu es le Dieu de mon salut, c'est-à-dire qui peux me sauver. et ma langue célébrera, c'est-à-dire avec la délectation et la joie intérieure du coeur je raconterai ta justice. Il est écrit dans Isaïe : « Vous ferez retentir vos cantiques comme la nuit de la fête solennelle. » Et encore : « Ils arriveront à Sion en chantant des louanges et une joie éternelle couronnera leur tête. » Et dans un psaume : « Au milieu d'un chant d'exultation et de louange. » Seigneur, tu ouvriras mes lèvres. Or il faut savoir que parfois l'homme se voit entravé dans son enseignement même à cause d'un empêchement intérieur, et que parfois cela arrive par la faute des auditeurs. Le prophète Ézéchiel écrit : « J'attacherai ta langue à ton palais, et tu seras muet ». Et plus bas : « Car c'est une maison qui m'exaspère. » Ou bien à cause de son propre péché : « Toute iniquité fermera sa bouche. » Donc parce que Dieu seul « rend les langues des petits enfants éloquentes », il demande : Seigneur, écarte les obstacles que j'ai encourus par le péché, par mes lèvres. Et toi, tu ouvriras mes lèvres. - « Afin qu'il me soit donné d'ouvrir la bouche pour parler et annoncer avec assurance le mystère de l'Évangile. » Il faut noter que dans l'acte d'ouvrir la bouche est signifiée la profondeur de l'enseignement, et que cette expression se rencontre partout dans les Écritures ; par exemple dans Job : « Après cela Job ouvrit la bouche. » Ou dans Matthieu : « Jésus ouvrant la bouche », c'est-à-dire en vue de manifester la profondeur de l'Écriture. Et alors ma bouche annoncera ta louange, ce qui revient à dire : ce que j'ai dans le coeur, je le confesserai de bouche.

18 Parce que si tu avait voulu un sacrifice, je te l'aurais offert ; [mais] tu ne prendras pas plaisir aux holocaustes. 19 Le sacrifice [digne] de Dieu, c'est un esprit brisé ; d'un coeur contrit et humilié, ô Dieu, tu n'auras point de mépris.

2. Ici il se justifie.

a) Et il montre d'abord que le sacrifice n'est pas agréé par Dieu.

b) Ensuite il montre qu'il l'est : Le sacrifice [digne] de Dieu.

a. Ainsi dit-il : moi je te promets l'enseignement et la louange, car ce sacrifice t'honorera ; mais le sacrifice charnel tu ne l'acceptes pas ; et c'est pourquoi il dit : Si tu avais voulu un sacrifice, c'est-à-dire charnel, je te l'aurais offert, mais tu ne prendras pas plaisir aux holocaustes.

En sens contraire : Dieu ne veut-il pas des sacrifices charnels ? Si Dieu n'approuve pas ces sacrifices, pourquoi a-t-il donc ordonné de les offrir dans l'ancienne Loi ?

Réponse : il n'a pas ordonné de les offrir pour lui, mais parce qu'ils étaient une figure du vrai sacrifice intérieur par lequel le Christ s'est offert, et qu'ils sont des signes du sacrifice intérieur, en tant que l'homme offre son âme à Dieu. Et d'autre part, que ces sacrifices furent établis pour des esprits grossiers qui n'avaient pas la connaissance de Dieu ; aussi convenait-il qu'ils honorent et connaissent Dieu dans les réalités matérielles, afin qu'ils n'immolent pas de sacrifices aux idoles vers lesquelles ils étaient portés. Mais parce que David savait par l'Esprit-Saint que le sacrifice du coeur était agréé par Dieu, il ne lui offrit pas alors de sacrifices matériels. Cependant, parmi tous les sacrifices, les holocaustes plaisaient davantage à Dieu. Mais ces holocaustes n'étaient pas agréés par Dieu en sa faveur, c'est pourquoi il dit : tu ne prendras pas plaisir aux holocaustes, car s'ils avaient été agréés je te les aurais offerts tout simplement. Et si l'on objecte qu'ils étaient une odeur très suave pour le Seigneur, on répondra que c'était en tant que sacrifice figuratif, et en signe d'un sacrifice intérieur, ce qui plaît à Dieu.

b. Aussi ajoute-t-il : Le sacrifice [digne] de Dieu, c'est-à-dire agréé par lui, c'est un esprit brisé. Selon Augustin, « tout sacrifice qui est offert extérieurement est le signe d'un sacrifice intérieur dans lequel on offre son âme à Dieu ». Mais il faut savoir que l'âme de l'homme est entraînée au péché d'abord par une joie vaine : « Le rire, je l'ai regardé comme une erreur ; et à la joie, j'ai dit : Pourquoi me séduiras-tu en vain ? » c'est-à-dire pourquoi me conduiras-tu au péché ? Ensuite, l'âme s'endurcit contre les réalités spirituelles par le péché : « Le coeur dur sera malheureux à la fin. » Et encore : « Par ta dureté et ton coeur impénitent, tu t'amasses un trésor de colère pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses oeuvres. » Enfin, l'âme est entraînée au péché parce qu'elle trouve son contentement dans les choses matérielles et qu'elle ne se soucie pas des réalités spirituelles ; alors elle s'enorgueillit, ce qui est « le commencement de tout péché ». Il faut donc que le pénitent qui offre son coeur en sacrifice à Dieu accomplisse des actes opposés à toutes ces dispositions. Et il doit d'abord accomplir un acte opposé à la joie vaine en assumant la tristesse de la pénitence, et c'est pourquoi le psalmiste ajoute : Le sacrifice [digne] de Dieu, c'est un esprit brisé, c'est-à-dire qu'il s'attriste de tous les péchés à la fois et non d'un seul uniquement : « La tristesse selon Dieu, dit l'Apôtre, produit pour le salut une pénitence stable. » Et il est écrit dans Baruch : « L'âme qui est triste à cause de la grandeur du mal, et qui s'avance courbée, infirme et les yeux défaillants, et l'âme affamée, voilà ce qui te rend gloire et justice, Seigneur. » Contre l'endurcissement il oppose la contrition, aussi dit-il : d'un coeur contrit. Notons ici la différence qu'il y a entre confracta (choses brisées) et contrita (choses broyées) : car sont brisées les choses qui sont divisées en de grands fragments, tandis que sont broyées les choses qui sont divisées en de très petits fragments. Donc, aussi longtemps qu'on garde le coeur endurci, on le garde alors quasi tout entier dans la malice, mais lorsqu'on abandonne totalement le péché en s'adonnant aux réalités spirituelles, on dit alors qu'on est contrit : « Moi, autrefois puissant », c'est-à-dire dans les biens temporels, « j'ai été soudain contrit ». Contre la troisième disposition il oppose l'humilité, aussi dit-il : d'un coeur humilié, ô Dieu, tu n'auras point de mépris, car « Dieu résiste aux orgueilleux, mais il donne sa grâce aux humbles ». Et il faut noter qu'il fait mention du coeur et de l'esprit. De l'esprit qui est en rapport avec l'animosité et donc avec l'irascible : « La colère des puissants est comme une tempête qui vient fondre contre une muraille. » Du coeur qui est en rapport avec le concupiscible ; et ainsi faut-il entendre par là que tout ce qui est dans la puissance appétitive doit être offert en sacrifice à Dieu.

20 En ta bienveillance, Seigneur, fais du bien à Sion, afin que les murs de Jérusalem soient bâtis. 21 Alors tu agréeras un sacrifice de justice, des oblations et des holocaustes ; alors on offrira de jeunes taureaux sur ton autel.

B. Ici il promet ce qu'il doit accomplir dans l'avenir.

1) Il commence par demander ce qui doit être accompli par Dieu.

2) Ensuite il le proclame : Alors tu agréeras.

1. L'oeil de David considérait deux choses : la première était proche, parce qu'elle était visuelle ; l'autre était éloignée, parce qu'elle revêtait un sens figuré.

La première, parce qu'on lit que David construisit les murs de la cité de Jérusalem, mais qu'il ne les avait pas achevés, et que ces murs une fois achevés, le temple devait être construit ; et c'est pourquoi il dit : En ta bienveillance, Seigneur, fais du bien à Sion, afin que les murs de Jérusalem soient bâti. Et les murs une fois bâtis, le temple sera construit. Et alors tu agréeras un sacrifice, etc. Tout cela concernait l'aspect matériel.

Mais si nous nous référons au sens figuré, alors il faut dire qu'il y a deux Jérusalem ; la céleste : « La Jérusalem d'en haut est libre, c'est elle qui est notre mère. » L'autre est l'Église présente à l'image de celle-ci : « Et je vis la Cité sainte, la Jérusalem nouvelle. » Et chacune a ses propres murs. Les murs de la Jérusalem céleste sont les défenses de l'éternité et de l'immortalité que les saints ont obtenues grâce au Christ : « Celui qui a ressuscité le Christ Jésus donnera aussi la vie à vos corps mortels. » Les murs de la Jérusalem présente, c'est-à-dire de l'Église, sont les sacrements de la grâce et les docteurs : « Vous n'êtes pas montés aux brèches, vous n'avez pas construit une enceinte pour la maison d'Israël, pour tenir ferme dans le combat. » David avait prévu la construction de ces murs par l'esprit de prophétie. Donc pour que ces murs soient bâtis, toi, Seigneur, fais du bien, c'est-à-dire montre cette bénignité dont l'Apôtre dit qu'elle s'est répandue : « La bénignité et l'humanité de Dieu notre Sauveur sont apparues. » Et cela non à cause de nos mérites mais en raison de ta bonne volonté : « Que votre jugement vous fasse discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait. » Et encore : « Voici quelle est la volonté de Dieu : c'est votre sanctification. » Et que tu fasses cela afin que les murs de Jérusalem soient bâtis, c'est-à-dire les murs de la Jérusalem militante ou triomphante. Mais qu'adviendra-t-il alors ? Alors tu agréeras un sacrifice de justice. Or il y a trois manières d'interpréter ce sacrifice de justice. Les deux premières se rapportent à l'Église présente.

La première manière consiste à rapporter cela au sacrifice - non à celui où l'on tue du bétail - mais à celui où des hommes sont tués pour le Christ ; et ici il faut noter deux degrés : car le sacrifice du Christ occupé la première place : « Il m'a aimé, et il s'est livré lui-même pour moi. »

2. C'est pourquoi le psalmiste dit : Alors, c'est-à-dire lors de l'édification des murs de Jérusalem, de l'Église, tu agréeras [le] sacrifice de justice par lequel le Christ s'offrit, lui qui est juste : « Qui d'entre vous me convaincra de péché ? » Et sa puissance est telle qu'il satisfait pour l'homme, de telle sorte qu'il le justifie. Les autres saints occupent la seconde place, eux qui se sont offerts en sacrifice à Dieu ; c'est pourquoi il dit : des oblations, c'est-à-dire les confesseurs qui, en confessant le Christ, s'offrirent à la mort, bien qu'ils n'aient pas été mis à mort : « Vous qui des enfants d'Israël avez librement offert vos âmes au péril, bénissez le Seigneur. » et des holocaustes. Ce sont les martyrs : « Il n'est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Et alors tu agréeras, quand ainsi les saints eux-mêmes s'offriront comme de jeunes taureaux sur ton autel, à savoir sur ta confession et sur le Christ, c'est-à-dire s'exposeront comme de jeunes taureaux à cause du Christ et pour offrir en sacrifice leur confession au Christ.

La deuxième manière consiste à rapporter le mot sacrifice de justice aux oeuvres des justes ; et en voici le sens : tu agréeras la justice comme un sacrifice, car les oeuvres de justice et de miséricorde sont comme un sacrifice : « N'oubliez ni la bienfaisance ni la solidarité, car c'est en pareils sacrifices que Dieu se complaît. » Et alors tu accepteras les oblations. Selon Grégoire, le mot holocauste veut dire « brûler totalement », et il désigne les hommes parfaits qui se donnent totalement à Dieu. Les oblations représentent ceux qui offrent quelque chose et qui se réservent quelque chose. alors on offrira de jeunes taureaux sur ton autel. Et alors les prêtres offriront de jeunes taureaux, c'est-à-dire des nouveaux convertis, sur ton autel, c'est-à-dire sur la confession du Christ. Ou bien : alors les hauts dignitaires de l'Église offriront des prédicateurs qui retentiront par la doctrine de la foi, sur ton autel, c'est-à-dire sur la confession de la foi.

La troisième interprétation traite de la Jérusalem céleste, et en voici le sens : alors, c'est-à-dire lorsque les murs de la Jérusalem céleste seront bâtis, tu agréeras un sacrifice de justice. Ici-bas, il s'agit parfois d'un sacrifice de pénitence, mais là-haut il est uniquement question d'un sacrifice de louange : « Quant à ton peuple, tous seront justes, et ils posséderont la terre à jamais. » Et tel est ce sacrifice de louange dont il est dit : « Bienheureux ceux qui habitent dans ta maison, ils te loueront dans les siècles des siècles. » Et alors tu agréeras des oblations, c'est-à-dire les saints les plus humbles (minores), et des holocaustes, c'est-à-dire les plus grands saints. Et ce sera l'offrande des Anges, dont il est dit dans Matthieu : « Amassez le froment dans mon grenier. » Et ces anges offriront les saints sur ton autel, c'est-à-dire dans la gloire céleste : « On lui donna beaucoup d'encens pour qu'il fît une offrande des prières de tous les saints sur l'autel d'or. » Et encore : « Et cela plaira plus à Dieu qu'un jeune taureau poussant cornes et sabots. »


Éditions du Cerf

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